Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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II. Sozialrechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 9C 612/2007
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Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
9C_612/2007

Arrêt du 14 juillet 2008
IIe Cour de droit social

Composition
MM. les Juges U. Meyer, Président,
Borella et Kernen.
Greffière: Mme Fretz.

Parties
Office cantonal AI du Valais, avenue de la Gare 15, 1951 Sion,
recourant,

contre

M.________,
intimé, représenté par Me Jacques Philippoz, avocat, place de la Commune 3,
1912 Leytron.

Objet
Assurance-invalidité,

recours contre le jugement du Tribunal cantonal des assurances du canton du
Valais du 25 juillet 2007.

Faits:

A.
M.________, né le 5 octobre 1945, a exploité depuis 1970 une menuiserie à titre
indépendant. A partir de 1990, il a en outre repris le domaine agricole
familial, soit une surface de 8000 m2 d'arbres fruitiers (pommiers et
poiriers). Par la suite, il a agrandi son exploitation agricole en louant
28'000 m2 supplémentaires, délaissant petit à petit l'activité de menuiserie,
laquelle est devenue accessoire.

Souffrant de lombo-sciatalgies depuis l'automne 2003, M.________ a déposé une
demande de rente d'invalidité auprès de l'Office cantonal AI du Valais
(ci-après: l'OAI) le 2 mai 2005.

Dans un rapport du 11 août 2004, le docteur O.________, spécialiste FMH en
neurochirurgie, a fait état d'une petite hernie L5-S1 médiane-paramédiane
droite, sans syndrome radiculaire irritatif ni déficitaire. Il a ajouté que
l'assuré, en incapacité de travail totale depuis le 9 juin 2004, pouvait
reprendre son activité professionnelle.

Mandaté par l'assureur perte de gain de M.________, le docteur E.________,
spécialiste FMH en chirurgie orthopédique, a posé le diagnostic de
lombo-sciatalgie droite sur hernie discale L5-S1. Il a indiqué que l'assuré
avait abandonné son activité de menuisier-charpentier à la fin de l'année 2003
en raison de sa pathologie lombaire. Dans la profession d'agriculteur, la
taille des arbres demeurait possible mais avec un rendement réduit de moitié;
les traitements antiparasitaires et l'entretien des parcelles au moyen d'un
véhicule était possible à raison de 4 heures par jour. Il n'existait aucune
limitation dans l'administration, la surveillance et le transport des ouvriers.
En revanche, l'incapacité de travail était totale dans la récolte des fruits
qui exigeait des attitudes posturales prolongées et le port de caisses. Dans
une activité adaptée, alternant les positions assise et debout, sans port de
charges de plus de 10 kilos et sans travaux lourds, l'assuré disposait d'une
capacité de travail entière (cf. expertise du 2 juin 2005).

Dans un rapport du 7 septembre 2005, le docteur B.________, spécialiste FMH en
médecine interne et médecin traitant de l'assuré, a fait état d'une incapacité
totale de travail du 9 juin au 31 août 2004, puis de 50% en tant qu'agriculteur
à partir du 1er septembre 2004. Il a confirmé ses conclusions dans un nouveau
rapport du 7 novembre 2006.
Le 9 janvier 2007, le Service médical régional de l'assurance-invalidité (SMR)
a confirmé que l'assuré disposait d'une capacité de travail de 50% dans son
activité habituelle d'agriculteur et de 100% dans une activité adaptée, dès le
1er septembre 2004.

Par décision du 23 février 2007, l'OAI a nié à M.________ le droit à une rente
d'invalidité au motif que le degré d'invalidité présenté (21%) était
insuffisant pour ouvrir droit à une rente.

B.
Par jugement du 25 juillet 2007, le Tribunal cantonal des assurances du Valais
a admis le recours interjeté par M.________ contre la décision de l'OAI du 23
février 2007 et lui a accordé une demi-rente d'invalidité dès le 1er juin 2005.

C.
L'OAI interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement dont
il demande l'annulation en concluant à la confirmation de sa décision du 23
février 2007.

M.________ conclut au rejet du recours tandis que l'Office fédéral des
assurances sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
1.1 Le recours en matière de droit public (art. 82 s. LTF) peut être formé pour
violation du droit selon l'art. 95 s. LTF. Le Tribunal fédéral statue sur la
base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF) et peut
rectifier ou compléter d'office les constatations de celle-ci si les faits ont
été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de
l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Au regard de la réglementation sur le
pouvoir d'examen prévue par la LTF, il convient d'examiner sur la base des
griefs soulevés dans le recours formé devant le Tribunal fédéral si le jugement
entrepris viole (notamment) le droit fédéral dans l'application des règles
pertinentes du droit matériel et de preuve (art. 95 let. a LTF), y compris une
éventuelle constatation des faits contraire au droit (art. 97 al. 1, art. 105
al. 2 LTF).

Par ailleurs, aucun fait ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de
résulter de la décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF). Le 5
décembre 2007, l'intimé a produit un rapport médical du 30 novembre 2007. Il
s'agit d'une preuve nouvelle au sens de l'art. 99 al. 1 LTF qui n'est pas
recevable: établie postérieurement au jugement entrepris, elle ne peut par
définition "résulter" du jugement entrepris (Meyer, in: M. A. Niggli/P.
Uebersax/H. Wiprächtiger [édit.], Bundesgerichtsgesetz, Bâle 2008, ad art. 99
LTF, n. 43 p. 979).

1.2 En ce qui concerne l'évaluation de l'invalidité, les principes relatifs au
pouvoir d'examen développés dans l'ATF 132 V 393 consid. 3 p. 397 ss en
relation avec l'art. 132 OJ dans sa version en vigueur du 1er juillet au 31
décembre 2006 continuent à s'appliquer pour distinguer les constatations de
fait de l'autorité précédente (qui lient en principe le Tribunal fédéral) de
l'application qu'elle fait du droit (question qui peut être examinée librement
en instance fédérale). Conformément à ces principes, les constatations de
l'autorité cantonale de recours sur l'atteinte à la santé, la capacité de
travail de l'assuré et l'exigibilité - dans la mesure où elle dépend d'une
évaluation de la personne concrète, de son état de santé et de ses capacités
fonctionnelles - relèvent d'une question de fait et ne peuvent être contrôlées
que sous un angle restreint (ATF 132 V 393 consid. 3.2 p. 398). Dans la mesure
cependant où il en va de l'évaluation de l'exigibilité d'une activité
professionnelle au regard de l'expérience générale de la vie, il s'agit d'une
question de droit qui peut être examinée librement en instance fédérale.

2.
2.1 Est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une
partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré
dans son domaine d'activité, si cette diminution résulte d'une atteinte à sa
santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements
et les mesures de réadaptation exigibles (art. 7 LPGA). Pour évaluer le taux
d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas
invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité
qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les
mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et 28
al. 2 LAI).

2.2 Le litige porte sur le droit de l'intimé à une rente de
l'assurance-invalidité. Il n'est pas contesté, en l'espèce, que la capacité de
travail de l'assuré est limitée à 50% dans son activité habituelle
d'agriculteur en raison de problèmes lombaires mais qu'elle est en revanche
entière dans une activité adaptée. Est cependant litigieuse la question de
savoir si l'on peut encore raisonnablement exiger de l'assuré - au vu de son
obligation de diminuer le dommage et des possibilités de gain sur un marché du
travail équilibré - qu'il mette en valeur sa capacité de travail résiduelle
afin de réaliser un revenu excluant le droit à une rente.

3.
Les premiers juges ont considéré qu'on ne saurait raisonnablement exiger de
l'intimé qu'il abandonnât son activité indépendante et reprît une activité
salariée. En effet, à l'époque où la décision litigieuse avait été rendue (en
février 2007), l'intimé était âgé de 62 ans. Or, il était irréaliste de penser
qu'un employeur fût disposé à engager, trois ans avant sa retraite, une
personne ayant diverses limitations fonctionnelles, peu d'expérience
professionnelle et n'ayant pas l'habitude de travailler sous les instructions
d'un tiers. En outre, le fait d'exiger de l'assuré qu'il abandonnât son
activité indépendante apparaissait d'autant moins exigible que la liquidation
du domaine agricole ne se ferait pas du jour au lendemain.

4.
L'office recourant soutient pour sa part qu'il est insoutenable de conclure que
l'assuré ne fût plus en mesure de reprendre une activité adaptée à son état de
santé six ans avant l'âge de la retraite, d'autant moins que sur le plan
médical, l'assuré disposait d'une capacité de travail entière dans toute
activité adaptée. Il ajoute que pour examiner l'exigibilité de la reprise d'une
activité adaptée, il y a lieu de se placer au moment de la naissance du droit à
la rente et non au moment de la décision litigieuse comme l'ont fait à tort les
premiers juges.

5.
5.1 Lorsqu'il s'agit d'examiner dans quelle mesure un assuré peut encore
exploiter économiquement sa capacité de gain résiduelle sur le marché du
travail entrant en considération pour lui (art. 16 LPGA), on ne saurait
subordonner la concrétisation des possibilités de travail et des perspectives
de gain à des exigences excessives; l'examen des faits doit être mené de
manière à garantir dans un cas particulier que le degré d'invalidité est établi
avec certitude. Il s'ensuit que pour évaluer l'invalidité, il n'y a pas lieu
d'examiner la question de savoir si un invalide peut être placé eu égard aux
conditions concrètes du marché du travail, mais uniquement de se demander s'il
pourrait encore exploiter économiquement sa capacité résiduelle de travail
lorsque les places de travail disponibles correspondent à l'offre de la main
d'oeuvre (VSI 1998 p. 293 consid. 3b et les références). S'il est vrai que des
facteurs tels que l'âge, le manque de formation ou les difficultés
linguistiques jouent un rôle non négligeable pour déterminer dans un cas
concret les activités que l'on peut encore raisonnablement exiger d'un assuré,
ils ne constituent pas des circonstances supplémentaires qui, à part le
caractère raisonnablement exigible d'une activité, sont susceptibles
d'influencer l'étendue de l'invalidité, même s'ils rendent parfois difficile,
voire impossible la recherche d'une place et, partant, l'utilisation de la
capacité de travail résiduelle (VSI 1999 p. 246 consid. 1 et les références).
Toutefois, lorsqu'il s'agit d'évaluer l'invalidité d'un assuré qui se trouve
proche de l'âge donnant droit à la rente de vieillesse, il faut procéder à une
analyse globale de la situation et se demander si, de manière réaliste, cet
assuré est (ou était) en mesure de retrouver un emploi sur un marché équilibré
du travail. Indépendamment de l'examen de la condition de l'obligation de
réduire le dommage (cf. ATF 123 V 233 consid. 3c et les références), cela
revient à déterminer, dans le cas concret qui est soumis à l'administration ou
au juge, si un employeur potentiel consentirait objectivement à engager
l'assuré, compte tenu notamment des activités qui restent exigibles de sa part
en raison d'affections physiques ou psychiques, de l'adaptation éventuelle de
son poste de travail à son handicap, de son expérience professionnelle et de sa
situation sociale, de ses capacités d'adaptation à un nouvel emploi, du salaire
et des contributions patronales à la prévoyance professionnelle obligatoire,
ainsi que de la durée prévisible des rapports de travail (cf. arrêts I 819/04
du 27 mai 2005, consid. 2.2; I 462/02 du 26 mai 2003, consid. 2.3; I 617/02 du
10 mars 2003, consid. 3.1; I 401/01 du 4 avril 2002, consid. 4c).

5.2 En l'espèce, au moment de la naissance du droit à la rente - auquel il y a
lieu de se placer pour déterminer l'exigibilité d'un changement d'activité
comme le relève à juste titre l'office recourant (cf. arrêts S. du 14 juin 2005
consid. 2.3, I 761/04 et K. du 17 août 2004 consid. 3.3.1, I 643/03) - l'intimé
était âgé de près de 60 ans, soit un seuil à partir duquel on peut parler d'âge
avancé (cf. l'arrêt D. du 12 juin 1997, U 218/96). Comme le relève la
juridiction cantonale, l'intimé n'a aucune expérience professionnelle dans un
autre domaine économique que ceux dans lesquels il a travaillé pendant plus de
quarante ans, à savoir en tant que menuisier puis agriculteur. En particulier,
il a toujours travaillé en qualité d'indépendant, de sorte que la reprise d'une
activité salariée nécessiterait un important effort d'adaptation de sa part.
Compte tenu du contexte personnel et professionnel, il paraît difficile
d'exiger que l'intimé abandonne son activité indépendante pour se lancer dans
une recherche hasardeuse d'un emploi adapté à ses limitations fonctionnelles,
d'autant plus que de tels postes sont très prisés par de plus jeunes assurés
ayant également des limitations fonctionnelles. On peine en effet à imaginer
qu'un employeur eût consenti à engager l'intimé, eu égard à l'âge de celui-ci
et au temps nécessaire qu'il lui aurait fallu pour s'adapter à un emploi
d'emblée limité dans le temps. Aussi, en retenant qu'il n'était pas exigible,
dans le cas d'espèce, que l'assuré abandonnât son activité indépendante avec
tout ce que cela eût impliqué pour reprendre une activité salariée, la
juridiction cantonale n'a pas procédé à une appréciation insoutenable des
circonstances. Son argumentation échappe par conséquent au grief de violation
du droit fédéral.

6.
En ce qui concerne le calcul proprement dit du taux d'invalidité de l'intimé,
la comparaison des revenus selon la méthode extraordinaire à laquelle a procédé
la juridiction cantonale n'est pas contestée ni contestable. Aussi, le jugement
entrepris est conforme au droit fédéral de ce point de vue également et le
recours se révèle mal fondé.

7.
Compte tenu de l'issue du litige, les frais de justice doivent être supportés
par le recourant qui succombe (art. 66 al. 1 première phrase LTF en relation
avec l'art. 65 al. 4 let. a LTF). L'intimé a droit à une indemnité de dépens
pour l'instance fédérale, à charge du recourant (art. 68 al. 1 et 2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de l'office
recourant.

3.
L'office recourant versera à l'intimé la somme de 500 fr. (y compris la taxe
sur la valeur ajoutée) à titre de dépens pour l'instance fédérale.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal des
assurances du canton du Valais et à l'Office fédéral des assurances sociales.
Lucerne, le 14 juillet 2008
Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:

Meyer Fretz