Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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II. Sozialrechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 9C 442/2007
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9C_442/2007

Arrêt du 29 février 2008
IIe Cour de droit social

MM. les Juges U. Meyer, Président,
Borella et Kernen.
Greffière: Mme Moser-Szeless.

Y. ________,
recourante, représentée par Me J.-Potter van Loon, avocat, rue de la Scie 4,
1207 Genève,

contre

Office cantonal AI Genève,
rue de Lyon 97, 1203 Genève,
intimé.

Assurance-invalidité,

recours contre le jugement du Tribunal cantonal des assurances sociales de la
République et canton de Genève du 8 mai 2007.

Faits:

A.
Par décisions du 20 décembre 1993 (confirmées lors d'une procédure de
révision en 1998), Y.________ a été mise au bénéfice d'une rente entière de
l'assurance-invalidité à partir du 1er octobre 1991. A l'époque, son médecin
traitant, le docteur D.________ avait fait état notamment d'un status après
fracture non déplacée du coccyx en février 1986, d'un syndrome douloureux
chronique et persistant des quatre étages du rachis, de cervico-brachialgies
droites et lombosciatalgies droites irritatives non déficitaires et de
céphalées de tension (rapport du 20 novembre 1992 et note du 12 mars 1993).

Le 20 novembre 2006, se fondant sur les renseignements médicaux recueillis
dans le cadre d'une procédure de révision ouverte d'office, en particulier le
rapport du Centre d'observation médicale de l'assurance-invalidité (COMAI) du
26 mai 2006, l'Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève a
supprimé le droit de Y.________ à la rente à partir du 1er janvier 2007.

B.
Statuant le 8 mai 2007 sur le recours formé par l'assurée contre cette
décision, le Tribunal cantonal des assurances de la République et canton de
Genève l'a rejeté.

C.
Y.________ interjette un recours en matière de droit public contre le
jugement cantonal, dont elle demande l'annulation. Sous suite de frais et
dépens, elle conclut principalement à la reconnaissance de son droit à une
rente entière d'invalidité; à titre subsidiaire, elle demande le renvoi de la
cause au Tribunal cantonal genevois des assurances sociales pour instruction
complémentaire sous forme d'une expertise médicale et nouvelle décision.

L'office AI conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des
assurances sociales a renoncé à se déterminer à son sujet.

Considérant en droit:

1.
Le recours en matière de droit public (art. 82 ss LTF) peut être formé pour
violation du droit selon l'art. 95 sv. LTF. Le Tribunal fédéral statue sur la
base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF) et peut
rectifier ou compléter d'office les constatations de celle-ci si les faits
ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au
sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), laquelle comprend une éventuelle
constatation incomplète des faits pertinents (arrêt 9C_40/2007 du 31 juillet
2007, consid. 1 et la référence). Il n'y a dès lors pas lieu de procéder à un
libre examen du jugement attaqué sous l'angle des faits (sauf si le recours
est dirigé contre une décision concernant l'octroi ou le refus de prestations
en espèces de l'assurance-accidents et de l'assurance militaire [et non de
l'assurance-invalidité citée de manière erronée par la recourante]; art. 97
al. 2 LTF). De même, n'y a-t-il pas à vérifier l'exercice par la juridiction
cantonale de son pouvoir d'appréciation sous l'angle de l'opportunité (selon
les principes développés dans l'ATF 126 V 75 consid. 6 p. 81 sur l'art. 132
let. a OJ), le Tribunal fédéral se limitant à examiner si l'autorité
précédente a exercé son pouvoir d'appréciation de manière contraire au droit,
soit a commis un excès de pouvoir positif ou négatif ou a abusé de son
pouvoir d'appréciation (cf. ATF 132 V 393 consid. 3.3. p. 399).

2.
2.1 Alors que dans la décision litigieuse, l'intimé a justifié la suppression
de la rente par l'existence d'un motif de révision (au sens de l'art. 17
LPGA), à savoir une sensible amélioration de l'état de santé de la
recourante, la juridiction cantonale a retenu - par substitution de motifs
(cf. ATF 125 V 368 consid. 2 p. 369 et les arrêts cités) - que seule la voie
de la reconsidération entrait en ligne de compte en l'espèce, ce que les
parties ne contestent pas. A cet égard, le jugement entrepris expose
correctement la règle légale (art. 53 al. 2 LPGA) et la jurisprudence sur les
conditions de la reconsidération, si bien qu'il suffit d'y renvoyer.

2.2 Comme l'a rappelé la juridiction cantonale, pour juger s'il est
admissible de reconsidérer une décision, il faut se fonder sur la situation
juridique existant au moment où cette décision a été rendue, compte tenu de
la pratique en vigueur à l'époque (ATF 125 V 383 consid. 3 p. 389 sv., 119 V
475 consid. 1b/cc p. 479). Par le biais de la reconsidération, on corrigera
une application initiale erronée du droit, de même qu'une constatation des
faits erronée résultant de l'appréciation des preuves (ATF 117 V 8 consid. 2c
p. 17, 115 V 308 consid. 4a/cc p. 314). Pour des motifs de sécurité
juridique, l'irrégularité doit être manifeste, de manière à éviter que la
reconsidération devienne un instrument autorisant sans autre limitation un
nouvel examen des conditions à la base des prestations de longue durée. En
particulier, les organes d'application ne sauraient procéder en tout temps à
une nouvelle appréciation de la situation après un examen plus approfondi des
faits. Ainsi, une inexactitude manifeste ne saurait être admise lorsque
l'octroi de la prestation dépend de conditions matérielles dont l'examen
suppose un pouvoir d'appréciation, quant à certains de leurs aspects ou de
leurs éléments, et que la décision initiale paraît admissible compte tenu de
la situation de fait et de droit. S'il subsiste des doutes raisonnables sur
le caractère erroné de la décision initiale, les conditions de la
reconsidération ne sont pas remplies (arrêts U 5/07 du 9 janvier 2008,
consid. 5.2, 9C_575/2007 du 18 octobre 2007, consid. 2.2 et I 907/06 du 7 mai
2007 consid. 2.2).

3.
3.1 Comparant l'appréciation du docteur D.________ du 20 novembre 1992 et
celle des experts du COMAI du 26 mai 2006, la juridiction cantonale a
considéré que le médecin traitant et ses confrères du COMAI avaient fait état
des mêmes constatations, la seule différence dans leur évaluation portant sur
le taux de capacité de travail, nulle pour le premier, et entière pour les
seconds. Au regard des observations des médecins du COMAI, qui n'ont retenu
aucune lésion organique, ni de comorbidité psychiatrique grave associée
influençant la capacité de travail, ni de limitations dans l'exercice de
l'activité d'infirmière-assistante exercée par l'assurée jusqu'à fin avril
1991, les premiers juges ont considéré qu'en l'absence d'atteinte à la santé
objectivable et de limitations fonctionnelles présentées par la recourante,
la décision du 20 décembre 1993 était manifestement erronée. Aussi, la
reconsidération de cette décision apparaissait-elle conforme au droit.

3.2 Il ressort des constatations de la juridiction cantonale qu'elle a
qualifié de manifestement erronées les décisions du 20 décembre 1993 en se
fondant sur l'évaluation des experts du COMAI. Ce faisant, elle n'a pas
examiné la situation (de fait et de droit) telle qu'elle se présentait au
moment où ces décisions ont été rendues, mais porté une appréciation
différente sur la situation en se référant à l'expertise médicale de 2006.
Or, une fois des prestations allouées, un nouvel examen sur la base d'une
appréciation différente ne signifie pas encore que la décision initiale était
manifestement erronée. Comme on l'a rappelé (supra consid. 2.2), pour qu'une
décision soit qualifiée de manifestement erronée, il ne suffit pas que
l'assureur social ou le juge, en réexaminant l'une ou l'autre des conditions
du droit aux prestations d'assurance procède simplement à une appréciation
différente de celle qui avait été effectuée à l'époque et qui était, en soi,
soutenable.

Sur ce point, les constatations de la juridiction cantonale ne permettent pas
de qualifier de manifestement insoutenables les décisions d'allocation de
rente. Il est vrai que dans le rapport sur lequel l'administration s'est
appuyée à l'époque, le docteur D.________ n'a pas fait état d'une atteinte à
la santé objectivable, soit fondée sur un substrat organique. Il a toutefois
mis en évidence un état douloureux (syndrome douloureux chronique et
persistant des quatre étages du rachis, cervico-brachialgies droites et
lombosciatalgies droites irritatives non déficitaires, céphalées de tension),
soit un tableau clinique complexe et difficile à appréhender en raison de ses
aspects subjectifs, qui impliquait des limitations fonctionnelles -
l'appréciation du 5 juillet 2005 citée par les premiers juges n'étant pas
pertinente dans ce contexte - et avait des répercussions sur la capacité de
travail de l'assurée. De l'avis du médecin, Y.________ n'était plus en mesure
d'exercer son activité d'infirmière-assistante, ni de se soumettre à des
mesures de reclassement (rapport du 20 novembre 1992 complété par un courrier
du 12 mars 1993). Compte tenu de ces conclusions, qui apparaissaient
convaincantes à l'époque et n'étaient contredites par aucun autre élément du
dossier, on ne saurait reprocher à l'organe de l'assurance-invalidité d'avoir
usé de manière manifestement erronée de son pouvoir d'appréciation.

En d'autres termes, la juridiction cantonale ne pouvait faire abstraction des
éléments qui ont conduit l'administration à allouer une rente entière à la
recourante comme si elle devait statuer pour la première fois sur le droit de
l'assurée et modifier sa situation juridique à la lumière exclusivement des
données recueillies à l'occasion de la procédure de révision. L'expertise du
COMAI, qui constitue une appréciation médicale différente ultérieure, ne
suffit pas pour faire apparaître comme manifestement erronée la décision
initiale.

3.3 En conséquence de ce qui précède, le recours est bien fondé.

4.
Au regard de l'issue du litige, les frais de justice doivent être supportés
par l'intimé qui succombe (art. 66 al. 1 première phrase LTF en relation avec
l'art. 65 al. 4 let. a LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis. Le jugement du Tribunal cantonal des assurances
sociales de la République et canton de Genève du 8 mai 2007 et la décision de
l'Office cantonal AI Genève du 20 novembre 2006 sont annulés.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 500  fr., sont mis à la charge de l'intimé.

3.
L'intimé versera à la recourante la somme de 2500 fr. à titre de dépens pour
la dernière instance.

4.
Le Tribunal cantonal des assurances sociales de la République et canton de
Genève statuera sur les dépens pour la procédure de première instance, au
regard de l'issue du procès de dernière instance.

5.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal des
assurances sociales de la République et canton de Genève et à l'Office
fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 29 février 2008

Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: La Greffière:

Meyer Moser-Szeless