Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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II. Sozialrechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 9C 348/2007
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9C_348/2007

Arrêt du 10 décembre 2007
IIe Cour de droit social

MM. les Juges U. Meyer, Président,
Borella et Kernen.
Greffière: Mme Moser-Szeless.

A. ________,
recourant, représenté par son père B.________, lui-même représenté par Me
Jean-Marie Agier, avocat, place du Grand-St-Jean 1, 1003 Lausanne,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue
Général-Guisan 8, 1800 Vevey,
intimé.

Assurance-invalidité,

recours contre le jugement du Tribunal des assurances du canton de Vaud du
26 février 2007.

Faits:

A.
A. ________ est né en 1994. Il est ressortissant français, né portugais et
adopté par des parents de nationalité française. Depuis le mois d'août 1997,
il vit à Z.________ avec ses parents qui sont domiciliés en Suisse depuis de
nombreuses années. Son père exerce une activité lucrative auprès de
X.________, tandis que sa mère a cessé de travailler en 1997.

A. ________ est atteint de troubles du langage et du comportement et présente
une microcéphalie. Ses parents ont demandé pour lui la prise en charge de
mesures de formation scolaire spéciale. Après avoir dans un premier temps
refusé ces mesures (décision du 19 juin 2002, annulée sur recours successifs
par arrêt du Tribunal fédéral des assurances [I 582/04 du 2 février 2006]),
l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud (ci-après: l'office
AI) les a accordées par décision du 28 juin 2006. Saisi également d'une
demande de mesures médicales en raison d'une infirmité congénitale, il l'a
rejetée le 17 octobre 2006. Il a considéré en substance que l'enfant avait
déjà été traité pour l'atteinte en cause avant son arrivée en Suisse, de
sorte qu'il ne comptait pas une année de résidence en Suisse avant le moment
où les mesures requises étaient devenues nécessaires pour la première fois.

B.
Statuant le 26 février 2007 sur le recours formé par A.________ contre cette
décision, le Tribunal des assurances du canton de Vaud l'a rejeté.

C.
A.________ interjette un recours en matière de droit public contre ce
jugement dont il demande la réforme en ce sens que lui soit reconnu le droit
aux mesures médicales nécessaires au traitement de l'infirmité congénitale.

Se référant à l'arrêt I 816/06 du 19 avril 2007 (ATF 133 V 320), l'office AI
renonce à se déterminer en renvoyant à une éventuelle prise de position de
son autorité de surveillance. L'Office fédéral des assurances sociales n'a
pas présenté de déterminations.

Considérant en droit:

1.
La loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est entrée
en vigueur le 1er janvier 2007 (RO 2006 1205, 1242). L'acte attaqué ayant été
rendu après cette date, le recours est régi par le nouveau droit (art. 132
al. 1 LTF).

2.
Le litige porte sur le droit du recourant aux mesures médicales nécessaires
au traitement de l'infirmité congénitale qu'il présente (ch. 201 de l'Annexe
à l'Ordonnance concernant les infirmités congénitales [OIC]; RS 831.232.21).
Il est constant que le recourant, de nationalité française, ne remplit pas
les conditions de résidence fixées par les art. 6 al. 2 et 9 al. 3 LAI aux
ressortissants étrangers pour l'ouverture du droit à de telles prestations.
Selon ces dispositions, les ressortissants étrangers âgés de moins de 20 ans
révolus et qui ont leur domicile ou résidence habituelle en Suisse ont droit
aux mesures de réadaptation - dont font partie les mesures médicales (art. 8
al. 3 let. a LAI) -, notamment, s'ils sont nés invalides en Suisse ou, lors
de la survenance de l'invalidité, résident en Suisse sans interruption depuis
une année au moins ou depuis leur naissance (art. 9 al. 3 let. b première
phrase LAI; sur la notion de survenance de l'invalidité pour les mesures
médicales voir ATF 133 V 303 consid. 7.2 p. 307). N'est pas non plus réunie
en l'espèce la condition de résidence posée par l'art. 12 de la convention
franco-suisse de sécurité sociale du 3 juillet 1975 (résidence en Suisse de
manière ininterrompue pendant une année au moins avant le moment où
l'invalidité est survenue).

3.
Le recourant invoque le principe de l'égalité de traitement en matière de
sécurité sociale consacré à l'art. 3 du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil
du 14 juin 1971 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux
travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur
famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté (règlement n°
1408/71; RS 0.831.109.268.1). Il fait également valoir une violation du
principe de l'égalité de traitement en matière d'avantages fiscaux et sociaux
prévu par l'art. 9 al. 2 de l'annexe I à l'Accord entre la Confédération
suisse, d'une part, et la Communauté européenne, d'autre part, sur la libre
circulation des personnes (ALCP; RS 0.142.112.681).

La juridiction cantonale a retenu que ces dispositions n'étaient pas
applicables, dès lors que le recourant, en tant que membre de la famille d'un
travailleur, n'entrait pas dans le champ d'application personnel du règlement
n° 1408/71 en ce qui concerne les mesures médicales requises, qui
relèveraient d'un droit propre et non d'un droit dérivé tiré d'un travailleur
soumis au règlement.

4.
4.1 Le recourant est le fils de ressortissants français domiciliés en Suisse
et dont l'un des parents au moins y exerce une activité lucrative. La
décision litigieuse a été rendue postérieurement à l'entrée en vigueur de
l'ALCP, le 1er juin 2002, et concerne une prétention postérieure à cette
date. Le litige doit ainsi être examiné, ratione temporis, à la lumière de
l'ALCP et du règlement n° 1408/71 auquel il renvoie (cf. art. 1er al. 1 de
l'annexe II à l'ALCP en relation avec les art. 8 et 15 ALCP).

4.2 Du point de vue personnel, le règlement n° 1408/71 s'applique notamment
aux travailleurs salariés ou non salariés qui sont ou ont été soumis à la
législation d'un ou de plusieurs Etats membres et qui sont des ressortissants
de l'un des Etats membres, ainsi qu'aux membres de leur famille et à leurs
survivants (art. 2 par. 1 du règlement). Le champ d'application matériel du
règlement n° 1408/71 comprend, selon son art. 4 par. 1, toutes les
législations relatives aux branches de sécurité sociale qui concernent, entre
autres prestations, les prestations de maladie ou de maternité (let. a) et
les prestations d'invalidité, y compris celles qui sont destinées à maintenir
ou à améliorer la capacité de gain (let. b). Aux termes de l'art. 3 par. 1 du
règlement, les personnes qui résident sur le territoire de l'un des Etats
membres et auxquelles les dispositions du présent règlement sont applicables
sont soumises aux obligations et sont admises au bénéfice de la législation
de tout Etat membre dans les mêmes conditions que les ressortissants de
celui-ci, sous réserve des dispositions contenues dans le présent règlement.

Dans la mesure où la prestation en cause entre dans le champ d'application du
règlement n° 1408/71 et le recourant, en tant que membre de la famille d'un
travailleur ressortissant de l'Union européenne, dans son champ d'application
personnel, il a droit aux mesures requises aux mêmes conditions qu'un
ressortissant suisse, même s'il ne remplit pas les exigences posées par le
droit suisse aux ressortissants étrangers (ATF 132 V 184 consid. 5 p. 190,
131 V 390 consid. 5.2 p. 397 et 7.2. p. 401 et les références).

4.3
4.3.1 En ce qui concerne tout d'abord le champ d'application personnel du
règlement n° 1408/71, délimité par son art. 2, le Tribunal fédéral a
récemment examiné la jurisprudence de la Cour de justice des communautés
européennes (CJCE) sur la distinction faite entre droits propres et droits
dérivés, dans l'arrêt I 816/06 du 19 avril 2007 publié aux ATF 133 V 320 (sur
la prise en compte de la jurisprudence de la CJCE, cf. art. 16 al. 2 ALCP).

Cette distinction entre les droits propres (dont l'intéressé bénéficierait en
dehors de tout lien de parenté avec le travailleur) et les droits dérivés
(acquis par l'intéressé en sa qualité de membre de la famille ou de survivant
d'un travailleur) a eu pour effet, dans un premier temps, d'exclure les
membres de la famille d'un travailleur du principe de l'égalité de traitement
de l'art. 3 par. 1 du règlement n° 1408/71: les membres de la famille et les
survivants ne pouvaient prétendre qu'aux droits dérivés, mais pas aux droits
propres (arrêt de la CJCE du 23 novembre 1976, Kermaschek, 40/76, Rec. 1976
p. 1669; ATF 132 V 184 consid. 5.2.2 p. 192). Par la suite, la CJCE avait
toutefois limité la portée de la jurisprudence Kermaschek aux prestations
qui, de par leur nature spécifique, sont exclusivement dues aux travailleurs,
par exemple des prestations de chômage (arrêt de la CJCE du 30 avril 1996,
Cabanis-Issarte, C-308/93, Rec. 1996 p. I-2097) et jugé que la distinction
entre droits propres et droits dérivés n'était pas applicable dans le domaine
des prestations familiales, qui servent à l'entretien de la famille, telles
les avances sur pension alimentaire (p. ex. arrêt du 15 mars 2001,
Offermanns, C-85/99, Rec. 2001 p. I-2261, points 34 et 38ss; voir aussi les
autres arrêts de la CJCE cités au consid. 5.3.4 de l'ATF 133 V 320).

Le Tribunal fédéral, se référant également à la doctrine suisse et européenne
(voir les auteurs cités au consid. 5.3 et 5.4 de l'ATF 133 V 320), en a
déduit que la distinction entre droits propres et droits dérivés n'était pas
pertinente en rapport avec des prestations liées à une infirmité congénitale.
Aussi, nonobstant cette distinction, le membre de la famille d'un travailleur
migrant en Suisse, ressortissant d'un Etat partie à l'ALCP, entrait-il dans
le champ d'application personnel du règlement en ce qui concerne les mesures
médicales nécessaires au traitement d'une infirmité congénitale (ATF 133 V
320 consid. 5.5 p. 327).

4.3.2 D'autre part, sous l'angle du champ d'application matériel du règlement
n° 1408/71, le Tribunal fédéral a, dans le même ATF 133 V 320, examiné la
qualification des mesures médicales nécessaires au traitement d'une infirmité
congénitale. Du point de vue du droit suisse, de telles prestations étaient
certes avant tout couvertes par l'assurance-invalidité. Savoir si une
prestation tombait dans le champ d'application de l'art. 4 par. 1 du
règlement n° 1408/71 ne dépendait toutefois pas de la qualification donnée
par le droit interne, mais se déterminait sur la base des dispositions
communautaires qui définissaient les éléments constitutifs desdites
prestations (ATF 132 V 46 consid. 3.2.3 p. 49, 184 consid. 5.1.1 p. 190 et
l'arrêt de la CJCE cité). Dès lors que les dispositions sur l'invalidité du
chapitre 2 du Titre III du règlement n° 1408/71 ne visaient que les
prestations en cas d'invalidité servies en espèces, les prestations médicales
en nature (y compris les frais liés aux soins) qui étaient dispensées en cas
de maladie ou de maternité devaient être qualifiées de prestations au sens de
l'art. 4 par. 1 let. a du règlement, indépendamment de la nature des règles
légales prévoyant de telles prestations. Une infirmité congénitale
constituait une forme particulière de maladie (art. 3 al. 2 LPGA), de sorte
que les mesures médicales nécessaires à son traitement étaient des
prestations de maladie au sens de l'art. 4 par. 1 let. a du règlement n°
1408/71 (ATF 133 V 320 consid. 5.6 p. 328 et les références aux arrêts de la
CJCE et à la doctrine).

4.4 Conformément aux principes dégagés dans l'ATF 133 V 320, le règlement n°
1408/71 s'applique au recourant tant du point de vue personnel, comme membre
de la famille d'un travailleur français exerçant une activité salariée en
Suisse, que du point de vue matériel, la prestation sollicitée étant visée
par l'art. 4 par. 1 let. a du règlement. Par conséquent, le recourant peut se
prévaloir du principe de non-discrimination prévu par l'art. 3 par. 1 du
règlement n° 1408/71, de sorte qu'il n'est pas admissible de le soumettre à
un traitement différencié en raison de sa nationalité. Dès lors qu'un
ressortissant suisse dans la même situation que le recourant n'aurait pas à
remplir les conditions d'assurance des art. 6 al. 2 et 9 al. 2 LAI et aurait
droit aux mesures médicales nécessaires au traitement de l'infirmité
congénitale, le recourant doit être traité de la même manière et se voir
appliquer le même régime que le ressortissant suisse, quand bien même les
conditions applicables aux étrangers ne sont pas réunies.
Il convient donc de reconnaître le droit du recourant aux prestations
requises quant à son principe et de renvoyer la cause à l'intimé pour qu'il
statue à nouveau sur les mesures demandées et vérifie si toutes les autres
conditions y donnant droit - non examinées ici - sont réalisées. Compte tenu
de cette solution, la question de savoir si les prestations litigieuses
pourraient également être accordées en application de l'art. 9 al. 2 de
l'annexe I à l'ALCP relatif aux avantages sociaux (sur cette notion, voir la
jurisprudence de la CJCE citée au consid. 6 de l'ATF 132 V 184) peut rester
ouverte.

5.
Vu l'issue du litige, les frais de justice doivent être supportés par
l'intimé qui succombe (art. 66 al. 1 première phrase LTF en relation avec
l'art. 65 al. 4 let. a LTF). Représenté par la Fédération suisse pour
l'intégration des handicapés, le recourant qui obtient gain de cause a droit
à des dépens (art. 68 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis. Le jugement du Tribunal des assurances du canton de
Vaud du 26 février 2007 et la décision de l'Office de l'assurance-invalidité
pour le canton de Vaud du 17 octobre 2006 sont annulés.

2.
La cause est renvoyée à l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de
Vaud pour nouvelle décision au sens des motifs.

3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de l'intimé.

4.
L'intimé versera au recourant la somme de 2'500 fr. à titre de dépens pour la
dernière instance.

5.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 10 décembre 2007

Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: La Greffière:

Meyer Moser-Szeless