Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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II. Sozialrechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 9C 232/2007
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9C_232/2007

Arrêt du 5 mars 2008
IIe Cour de droit social

MM. les Juges U. Meyer, Président,
Borella et Kernen.
Greffier: M. Cretton.

S. ________,
recourante,

contre

Futura caisse-maladie et accident, Administration, rue du Nord 5, 1920
Martigny,
intimée.

Assurance-maladie,

recours contre le jugement du Tribunal cantonal des assurances sociales de la
République et Canton de Genève du 8 mars 2007.

Faits:

A.
S. ________ était assurée par la Caisse-maladie Futura (aujourd'hui, Mutuel
Assurances; ci-après: la caisse) pour la couverture obligatoire des soins. Le
28 mai 2002, elle lui a transmis la facture relative à un traitement
administré entre les 22 mai et 12 octobre 2001 par le docteur R.________,
dentiste, et en a requis la prise en charge. Elle estimait que la maladie
psychique dont elle avait souffert était la cause directe des soins donnés
(lettre du 21 juin 2002, confirmée et complétée par un certificat du docteur
I.________, psychiatre traitant, et une lettre des 25 et 30 septembre
suivants).

En communiquant le décompte de prestations du 17 juin 2002, la caisse a
signifié à l'assurée son refus d'assumer les frais du traitement en question.
Se fondant sur les brèves indications fournies par le docteur I.________ aux
docteurs T.________ et de R.________, psychiatre-conseil et dentiste-conseil,
ainsi que sur l'avis de ceux-ci (rapports du 16 octobre 2002), elle a
confirmé son refus par lettre du 2 septembre 2002, puis par décision et
décision sur opposition des 22 octobre et 18 décembre suivants. Elle
considérait que le trouble dépressif diagnostiqué n'avait pas atteint le
degré de gravité suffisant pour empêcher le maintien d'une hygiène dentaire
satisfaisante, ni n'était à l'origine des grincements de dents signalés par
le psychiatre traitant et que les médicaments prescrits n'étaient pas la
cause des dégâts constatés.

B.
L'intéressée s'est opposée à la décision du 18 décembre 2002, la considérant
comme une simple décision, et non comme une décision sur opposition, dans la
mesure où il s'agissait du premier document développant une motivation. Elle
concluait à la prise en charge par la caisse des soins prodigués par le
docteur R.________, reprenait les mêmes arguments qu'auparavant et s'appuyait
notamment sur des certificats établis par ses médecins traitants, les
docteurs R.________ et V.________, allergologue et acupuncteur, confirmant la
gravité de la dépression, pour contredire l'opinion des médecins-conseils.
Par lettre du 23 janvier 2003, la caisse a indiqué à l'assuré qu'il lui était
«loisible d'interjeter un recours auprès de l'autorité compétente» dans le
délai légal mentionné dans la décision sur opposition du 18 décembre 2002.

Le 6 février 2003, S.________ a recouru contre la décision sur opposition du
18 décembre 2002 devant le Tribunal administratif du canton de Genève. La
caisse a conclu à l'irrecevabilité du recours au motif qu'il était tardif.

Le jugement du Tribunal administratif genevois du 3 février 2004, déclarant
irrecevable le recours pour les raisons invoquées par la caisse, a été annulé
par le Tribunal fédéral des assurances (depuis le 1er janvier 2007, Ie et IIe
Cours de droit social du Tribunal fédéral) et renvoyé à l'autorité de
première instance pour jugement sur le fond (arrêt K 36/04 du 29 juin 2004).

C.
Les compétences du tribunal administratif en matière d'assurances sociales
ont été reprises par le Tribunal cantonal genevois des assurances sociales
qui a poursuivi l'instruction du dossier. Lors d'une comparution personnelle
qui a eu lieu le 2 février 2006, et dans les mémoires qu'elles ont été
autorisées à déposer subséquemment, les parties ont campé sur leurs
positions. L'assurée a également déposé le témoignage écrit d'une amie
concernant son état de santé à l'époque des faits et une attestation du
docteur D.________, dentiste, décrivant les relations entre dépression et
dégâts dentaires. Elle a en outre requis l'audition de la doctoresse
V.________, qui a été entendue le 13 juillet 2006.

La juridiction cantonale a rejeté le recours de l'intéressée estimant
essentiellement que les problèmes traités étaient la conséquence directe d'un
manque d'hygiène que l'état de santé psychique de l'époque ne saurait
justifier (jugement du 8 mars 2007).

D.
S.________ a interjeté un recours en matière de droit public à l'encontre de
ce jugement dont elle a requis l'annulation. Elle a conclu, sous suite de
frais et dépens, au renvoi de la cause aux premiers juges pour nouveau
jugement ou à la constatation du droit à la prise en charge de la facture du
docteur R.________. Elle a développé la même argumentation que devant
l'instance précédente et a déposé, entre autres pièces, de nouveaux
certificats des docteurs D.________, V.________ et E.________, département de
psychiatrie de l'Hôpital X.________.

La caisse a conclu au rejet du recours. L'Office fédéral de la santé publique
a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
Le recours en matière de droit public (art. 82 ss LTF) peut être formé pour
violation du droit au sens des art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral
applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF) et n'est donc pas limité par
les arguments du recourant, ni par la motivation de l'autorité précédente; il
peut admettre un recours pour d'autres motifs que ceux qui ont été allégués
et il peut rejeter un recours en adoptant une argumentation différente de
celle de l'autorité précédente (ATF 130 III 136 consid. 1.4 p. 140). Il ne
peut aller au-delà des conclusions des parties (art. 107 al. 1 LTF). Eu égard
à l'exigence de motivation prévue à l'art. 42 al. 2 LTF, il n'examine que les
griefs invoqués, pour autant que les vices ne soient pas évidents. Il n'est
pas tenu de traiter toutes les questions juridiques qui se posent, comme le
ferait une autorité de première instance, lorsque celles-ci ne sont pas ou
plus abordées devant lui. Conformément à l'art. 106 al. 2 LTF et à la
pratique qui prévalait en matière de recours de droit public, le principe
d'allégation vaut plus particulièrement pour la violation des droits
constitutionnels qui doivent être expressément soulevés et exposés de façon
claire et détaillée dans le mémoire de recours (cf. ATF 130 I 26 consid. 2.1
p. 31, 258 consid. 1.3 p. 261 s., 129 I 113 consid. 2.1 p. 120; Message, FF
2001 p. 4142). Le Tribunal fédéral fonde son raisonnement sur les faits
retenus par la juridiction de première instance (art. 105 al. 1 LTF), sauf
s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du
droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Le recourant qui entend
s'en écarter doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions
de l'art. 105 al. 2 LTF sont réalisées sinon un état de fait divergent ne
peut être pris en considération. Aucun fait nouveau, ni preuve nouvelle ne
peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité
précédente (art. 99 al. 1 LTF).

2.
Le litige porte sur le point de savoir si la caisse intimée doit prendre en
charge le traitement dentaire administré par le docteur R.________ du 22 mai
au 12 octobre 2001 au titre de l'assurance obligatoire des soins. A cet
égard, le jugement entrepris expose correctement les dispositions légales et
les principes jurisprudentiels applicables. Il suffit donc d'y renvoyer.

3.
La recourante reproche à la juridiction cantonale d'avoir éludé la question
relative à la gravité du trouble psychique dont elle a souffert.
Formellement, les premiers juges ont effectivement écarté cette question. Or,
il ressort de la jurisprudence citée dans l'acte attaqué - selon laquelle,
une atteinte de la fonction masticatoire résultant d'une hygiène buccale
insuffisante peut donner lieu à prestations lorsqu'une maladie psychique
grave a rendu l'entretien normal de la dentition impossible - que celle-ci
doit impérativement être tranchée pour déterminer si l'atteinte de la
fonction masticatoire doit être mise à la charge de l'assurance obligatoire
des soins. On ne saurait cependant conclure à une violation du droit fédéral
dans la mesure où la juridiction cantonale a expressément retenu que l'état
de santé de l'intéressée ne paraissait pas tel qu'elle ne pouvait plus
prendre soin de ses dents.

4.
Les premiers juges ont donc implicitement tranché par la négative la question
de la gravité de la dépression. L'intéressée soutient toutefois qu'eu égard
aux documents déposés, ils auraient dû constater qu'elle avait apporté la
preuve d'une «dépression gravissime».

4.1 On notera au préalable que le degré de gravité d'une dépression et
l'impossibilité de maintenir une hygiène buccale suffisante sont intimement
liés dès lors que seul un trouble grave peut rendre l'absence d'hygiène
dentaire excusable et entraîner la prise en charge des frais de traitement
afférents par un assureur maladie. La présence d'un lien de causalité entre
ces éléments étant fondamentale, ils peuvent donc faire l'objet d'une analyse
commune. On ajoutera que la recourante ne conteste pas que le manque
d'hygiène était à l'origine de ses problèmes dentaires, ce qui est
unanimement admis par tous les médecins-conseils ou traitants consultés.
Reste donc à examiner si la juridiction cantonale pouvait déduire des pièces
figurant au dossier que l'état de santé de l'intéressée n'était pas tel
qu'elle ne pouvait plus prendre soin de ses dents.

4.2 En l'occurrence, on ne saurait conclure à une appréciation arbitraire des
faits par les premiers juges. En effet, en réponse au questionnaire adressé
par la caisse intimée, le docteur I.________ a fait état d'un trouble
dépressif réactionnel sans en indiquer les causes, la gravité ou la durée. Ce
questionnaire sollicitant l'indication d'un «diagnostic précis», l'assureur
maladie pouvait partir de l'idée que le psychiatre traitant n'aurait pas
manqué d'indiquer si le trouble en question avait revêtu une gravité
particulière. Cette idée lui était du reste confirmée par la relative absence
d'importance du traitement médicamenteux, qualifié de banal par le docteur
T.________, et l'irrégularité de la psychothérapie entreprise, le défaut de
médication ou de consultations pendant plusieurs mois consécutifs renforçant
l'impression d'un état de santé qui permettait le maintien d'une hygiène
buccale suffisante. L'opinion des docteurs D.________ et V.________, contenue
dans les documents déposés en instance cantonale, n'y peuvent rien changer.
L'attestation du premier ne consiste fondamentalement qu'en des
considérations générales sur les liens pouvant exister entre un trouble
dépressif et certains problèmes dentaires et ne comporte pas d'observations,
ni de conclusions particulières sur le cas d'espèce. L'absence de tels
éléments ne permet justement pas de déduire un quelconque élément utile sur
le plan psychiatrique. Le certificat et le témoignage de la seconde
mentionnent certes une dépression grave, des angoisses, l'inefficacité des
traitements prescrits ou l'existence d'effets secondaires, mais ne sauraient
emporter la conviction dans la mesure où la description du trouble reste très
superficielle, on ignore tout de son contexte et le suivi ne semble pas avoir
été intensif et régulier, excepté peut-être durant l'année 2000. Enfin, le
témoignage de l'amie de la recourante n'apporte rien de plus.

4.3 On notera également que le diagnostic de trouble dépressif, initialement
vague et sans indication de gravité particulière, a gagné en précision
péremptoire quant à son intensité et son incidence sur l'hygiène dentaire,
sans pour autant gagner en précision sur les éléments objectifs,
anamnestiques ou analytiques sur lesquels repose la valeur probante des
rapports médicaux (sur ce sujet, cf. ATF 125 V 351 consid. 3a p. 352), au fur
et à mesure que la conscience de l'incidence de la gravité de la dépression
sur la prise en charge du traitement dentaire par un assureur maladie s'est
précisée. Il en va ainsi des attestations déposées en instance fédérale. Dans
ces circonstances, le Tribunal fédéral estime qu'il faut s'en tenir aux
premières déclarations (ATF 121 V 45 consid. 2a p. 47 et les références; VSI
2000 p. 201 consid. 2d; voir également le commentaire de Kieser/Pribnow, paru
in PJA 2000 p. 1195). On remarquera enfin que les médecins les plus
susceptibles de fournir les précisions nécessaires, à savoir le dentiste et
le psychiatre traitant qui ont eu un contact direct avec l'intéressée durant
la dépression et le traitement dentaire, ne l'ont pas fait.

5.
La recourante allègue aussi une violation du principe d'égalité de traitement
(sur cette notion, cf. ATF 131 V 107 consid. 3.4.2 p. 114, 129 I 113 consid.
5.1 p. 125 et la jurisprudence citée) dès lors que la prise en charge des
problèmes dentaires causés par la boulimie, l'anorexie, la schizophrénie ou
d'autres troubles psychotiques graves est admise et que la dépression grave a
des effets tout aussi dévastateurs. Selon elle, aucun élément ne justifie
donc un traitement différencié de ces maladies.

Une telle violation ne saurait être reprochée à la juridiction cantonale
puisque celle-ci est arrivée à la conclusion, de manière à lier le Tribunal
fédéral (cf. consid. 4.2), que l'état de santé de l'intéressée n'était pas
tel que cette dernière ne pouvait plus prendre soin de ses dents et ne
justifiait donc pas la prise en charge des frais de traitement. La conclusion
des premiers juges porte ainsi sur le degré de gravité du trouble psychique
diagnostiqué et non sur sa nature, de sorte qu'il ne saurait être question
d'un traitement différencié de situations identiques.

6.
La recourante allègue enfin une violation de son droit d'être entendue dans
la mesure où elle estime que la juridiction cantonale a largement éludé la
question concernant la diminution des défenses immunitaires en cas de
dépression et les implications que cela entraîne sur le caractère évitable de
certaines affections dentaires. Elle soutient que les premiers juges se sont
contentés de citer une jurisprudence selon laquelle les caries et les
parodontites, notamment, peuvent être évitées par une bonne hygiène buccale
et dentaire.

Le droit d'être entendu comporte l'obligation pour le juge de motiver sa
décision, afin que ses destinataires et toutes les personnes intéressées
puissent la comprendre et l'attaquer utilement en connaissance de cause s'il
y a lieu, et qu'une instance de recours soit en mesure, si elle est saisie,
d'exercer pleinement son contrôle (cf. notamment ATF 124 V 180 consid. 1a p.
181). Le principe de la libre appréciation des preuves (ATF 125 V 351 consid.
3a p. 352) ne dispense pas le juge de l'obligation d'établir et de présenter
avec précision les faits déterminants pour la solution du litige, si
nécessaire en démêlant avec soin le résultat de l'administration des preuves
(ATF 123 II 49 consid. 6 p. 54 sv.). Le juge n'est cependant pas tenu
d'exposer et de discuter tous les faits ressortant de l'instruction; il peut
au contraire se limiter à retranscrire ceux qui, sans arbitraire,
apparaissent pertinents pour la solution du litige (ATF 121 I 54 consid. 2c
p. 57 et les arrêts cités).

En l'occurrence, le fait de ne traiter que superficiellement la question de
la diminution des défenses immunitaires en cas de dépression et du caractère
évitable de certaines lésions ou affections dentaires liées à cette situation
n'est pas insoutenable selon la jurisprudence citée dans la mesure où la
juridiction cantonale a abouti à la conclusion que le trouble dépressif
n'avait pas atteint une intensité propre à empêcher une hygiène buccale
suffisante pour éviter des dégâts tels que ceux constatés. Cette conclusion
implique automatiquement le rejet de l'argumentation amenée par les docteur
D.________, déjà en instance cantonale, et E.________, en instance fédérale.
On ajoutera qu'une nouvelle fois, cette argumentation est développée a
posteriori, sans connaissance directe du cas et, par conséquent, d'une
manière générale. Le recours est donc en tous points mal fondé.

7.
La procédure est onéreuse (art. 62 LTF). L'intéressée, qui succombe, doit en
supporter les frais (art. 66 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours en matière de droit public est rejeté.

2.
Les frais de justice, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de
l'intéressée.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal genevois
des assurances sociales et à l'Office fédéral de la santé publique.

Lucerne, le 5 mars 2008

Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Le Greffier:

Meyer Cretton