Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Sozialrechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 9C 220/2007
Zurück zum Index II. Sozialrechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2007
Retour à l'indice II. Sozialrechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2007


Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
9C_220/2007

Arrêt du 7 avril 2008
IIe Cour de droit social

Composition
MM. les Juges U. Meyer, Président,
Borella et Kernen.
Greffier: M. Piguet.

Parties
Caisse-maladie suisse pour les industries du bois et du bâtiment et branches
annexes (CMBB), Administration, rue du Nord 5, 1920 Martigny,
recourante,

contre

D.________,
intimé, représenté par Me Mauro Poggia, avocat, rue de Beaumont 11, 1206
Genève.

Objet
Assurance-maladie,

recours contre le jugement du Tribunal cantonal des assurances sociales de la
République et Canton de Genève du 8 mars 2007.

Faits:

A.
D.________, né en 1966, travaillait en qualité de poseur de sols pour le compte
de l'entreprise X.________. A ce titre, il bénéficiait d'une assurance
collective d'une indemnité journalière conclue par son employeur auprès de la
Caisse-maladie suisse pour les industries du bois et du bâtiment et branches
annexes (CMBB).
Le 24 novembre 1997, le prénommé a été victime d'un accident professionnel à la
suite duquel il a présenté une incapacité totale de travailler. La caisse
nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA) a pris en charge le cas
et versé des prestations jusqu'au 28 février 1999. Le Tribunal fédéral des
assurances a confirmé en dernière instance la décision de la CNA mettant fin
aux prestations (arrêt U 80/00 du 2 novembre 2000).
Le 5 janvier 2001, l'assuré s'est adressé à la CMBB afin qu'elle examine la
prise en charge de son incapacité de travail à compter du 1er mars 1999. A
l'appui de sa demande, il a produit plusieurs rapports médicaux, dont une
expertise pluridisciplinaire réalisée par l'Hôpital Y.________ pour le compte
de l'assurance-invalidité. Il ressortait notamment de ce document que la
capacité de travail de l'assuré avait toujours été nulle depuis le jour de son
accident (rapport du 21 décembre 2001). Estimant que le dossier n'était pas
encore suffisamment instruit sur le plan médical et que cette lacune avait pour
cause le comportement de l'assuré, qui refusait de se soumettre à l'expertise
qu'elle avait ordonnée, la CMBB lui a dénié le droit à des prestations
d'assurance (décision du 17 avril 2002, confirmée sur opposition le 15 juillet
suivant). Le Tribunal administratif de la République et canton de Genève
(aujourd'hui: Tribunal cantonal des assurances sociales de la République et
canton de Genève) a partiellement admis le recours de l'assuré et renvoyé la
cause à la CMBB pour qu'elle mette en oeuvre la mesure d'instruction souhaitée
par elle et rende une nouvelle décision (jugement du 25 mars 2003).
Considérant que les conditions formelles à la tenue de l'expertise proposée par
la CMBB n'étaient pas réalisées, l'assuré ne s'est pas présenté à la date
prévue devant l'expert désigné. Compte tenu de la mauvaise volonté de
l'intéressé, la CMBB a classé sans suite le dossier (décision du 31 octobre
2003, confirmée sur opposition le 2 février 2004). L'assuré a déféré la cause
devant le Tribunal cantonal des assurances sociales. A la suite d'une audience
qui s'est tenue le 15 juin 2004, les parties ont convenu que la CMBB annulerait
ses décisions et s'engagerait à recommencer la procédure d'expertise dans le
respect du droit d'être entendu. Le Tribunal cantonal des assurances sociales a
entériné cet accord le 22 juin 2004.
Le mandat d'expertise a été confié au docteur G.________ qui a examiné l'assuré
le 21 mars 2005. Dans son rapport du 15 mai 2005, ce médecin a indiqué ne pas
être en mesure de se prononcer sur la capacité de travail présentée par
l'assuré au-delà du 28 février 1999, tout en précisant que les éléments
figurant au dossier laissaient à penser que l'incapacité de travail était
justifiée à cette date; il pouvait en revanche affirmer que l'incapacité de
travail était totale au moment de l'expertise. La CMBB a soumis le contenu de
ce rapport à l'appréciation de son médecin-conseil, le docteur B.________.
Considérant que l'expertise contenait de trop nombreuses contradictions, que
les conclusions n'étaient pas étayées par des faits démontrés et tangibles et
que les diagnostics retenus n'étaient pas corroborés par l'anamnèse et
l'examen, ce médecin a proposé qu'une nouvelle expertise soit réalisée (rapport
du 4 juillet 2005). L'assuré a refusé d'entrer en matière sur cette
proposition. Par décision du 27 septembre 2005, confirmée sur opposition le 18
novembre suivant, la CMBB a constaté que l'instruction du dossier n'avait pas
permis d'établir au degré de la vraisemblance prépondérante un droit aux
prestations et que la mise en oeuvre d'une nouvelle expertise s'avérait
indispensable. Elle a averti son assuré que s'il ne daignait pas se présenter à
la convocation ou collaborer lors de l'examen, elle serait alors contrainte de
statuer en sa défaveur.

B.
D.________ a déféré la décision sur opposition du 18 novembre 2005 auprès du
Tribunal cantonal des assurances sociales, en concluant à la condamnation de la
CMBB au versement à titre d'indemnités journalières de la somme minimale de
105'504 fr. 20 (plus intérêts moyens à 5 % l'an dès le 1er mars 2000). Après
avoir entendu en audience l'expert G.________ et le docteur C.________, médecin
psychiatre traitant depuis le mois de mai 1998, le Tribunal cantonal des
assurances sociales a, par jugement du 8 mars 2007, admis le recours, en ce
sens qu'il a constaté que l'assuré était dans l'incapacité totale de travailler
pour cause de maladie depuis le 1er mars 1999 et renvoyé la cause à la CMBB
pour qu'elle fixe le montant des indemnités dues.

C.
La CMBB interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement
dont elle demande l'annulation.
Le Tribunal fédéral a renoncé à procéder à un échange d'écritures.

Considérant en droit:

1.
En tant que le dispositif renvoie la cause à la recourante pour qu'elle fixe
l'étendue du droit aux prestations, le jugement entrepris doit être qualifié de
décision incidente qui ne peut être attaquée qu'aux conditions de l'art. 93 LTF
(ATF 133 V 477 consid. 4.2 p. 482). Dans le cas particulier, la juridiction
cantonale a constaté que l'assuré présentait depuis le 1er mars 1999 une
incapacité de travail entière pour cause de maladie. Sur ce point, le jugement
attaqué contient une constatation de fait impérative destinée à l'autorité
inférieure qui ne lui laisse plus aucune latitude de jugement pour la suite de
la procédure. En cela, la recourante subit un préjudice irréparable au sens de
l'art. 93 al. 1 let. a LTF, si bien qu'il y a lieu d'entrer en matière sur son
recours (cf. ATF 133 V 477 consid. 5.2 p. 483).

2.
Le recours en matière de droit public peut être formé notamment pour violation
du droit fédéral (art. 95 let. a LTF), que le Tribunal fédéral applique
d'office (art. 106 al. 1 LTF), n'étant limité ni par les arguments du
recourant, ni par la motivation de l'autorité précédente. Le Tribunal fédéral
n'examine en principe que les griefs invoqués, compte tenu de l'exigence de
motivation prévue à l'art. 42 al. 2 LTF, et ne peut aller au-delà des
conclusions des parties (art. 107 al. 1 LTF). Il fonde son raisonnement sur les
faits retenus par la juridiction de première instance (art. 105 al. 1 LTF) sauf
s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit
au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Le recourant qui entend
s'écarter des faits constatés doit expliquer de manière circonstanciée en quoi
les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF sont réalisées sinon un état de fait
divergent ne peut être pris en considération. Aucun fait nouveau ni preuve
nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité
précédente (art. 99 al. 1 LTF).

3.
Le jugement entrepris expose correctement les règles légales et les principes
jurisprudentiels en matière d'assurance facultative d'indemnités journalières
de l'assurance-maladie, de sorte qu'il suffit d'y renvoyer.

4.
4.1 A ce stade de la procédure, le litige porte uniquement sur la question du
degré d'incapacité de travail présenté par l'assuré à compter du 1er mars 1999,
singulièrement sur le point de savoir si le dossier contient suffisamment
d'éléments pour pouvoir trancher cette question. Les constatations de
l'autorité cantonale de recours sur la capacité de travail de l'assuré relèvent
d'une question de fait et ne peuvent être contrôlées que sous un angle
restreint (ATF 132 V 393 consid. 3.2 p. 398).

4.2 Après avoir apprécié la teneur des expertises réalisées par l'Hôpital
Y.________ et par le docteur G.________, le Tribunal cantonal des assurances
sociales a estimé qu'elles convergeaient sur les points essentiels. Elles
retenaient le diagnostic de dépression, sévère pour l'Hôpital Y.________,
moyenne pour le docteur G.________, laquelle entraînait une incapacité de
travail entière. Elles relevaient par ailleurs l'attitude peu collaborante de
l'assuré et n'excluaient pas un phénomène d'amplification des symptômes, tout
en écartant la névrose de rente et le trouble factice (simulation), vu
l'authenticité de la dépression. L'assuré suivait en outre une psychothérapie
et des traitements antidépresseurs depuis le mois de mai 1998. S'agissant plus
particulièrement de la question du début de l'incapacité de travail, les
premiers juges ont indiqué que l'expertise de l'Hôpital Y.________ attestait
une incapacité de travail entière depuis le mois de novembre 1997 jusqu'à la
date de l'expertise (2001), tandis que le docteur G.________ attestait
également une incapacité de travail entière au moment de son examen (2005) et
estimait, sans pouvoir être affirmatif, que l'assuré était déjà totalement
incapable de travailler en 1999. Les premiers juges ont également considéré
qu'une nouvelle expertise psychiatrique ne pouvait que très difficilement jeter
davantage de lumière sur l'état de santé psychique de l'assuré pendant la
période concernée par la demande de prestations, compte tenu du temps écoulé. A
l'instar de l'Office genevois de l'assurance-invalidité, qui par décision du 7
juin 2002 a octroyé à l'assuré une rente entière d'invalidité à compter du 24
novembre 1998, il y avait lieu de retenir, au degré de la vraisemblance
prépondérante, que l'intéressé présentait une incapacité de travail entière
entre 1999 et 2001.

4.3 Pour la recourante, les expertises de l'Hôpital Y.________ et du docteur
G.________ n'étaient comparables en aucun point. Malgré le fait que les
diagnostics retenus étaient plus ou moins semblables, les divergences dans les
opinions des médecins ainsi que les lacunes dans les recherches et explications
symptomatiques faisaient des deux expertises des documents totalement
différents. De plus, le manque de collaboration dont avait fait preuve l'assuré
durant toute la procédure n'avait pas été suffisamment pris en compte. Il était
par conséquent impossible, même au degré de la vraisemblance prépondérante, de
déduire un état de fait de ces documents.

4.4 Dans le cas particulier, les premiers juges se sont fondés sur un faisceau
d'indices qui leur ont permis de conclure, au degré de la vraisemblance
prépondérante, à l'existence d'une incapacité de travail entière à compter du
1er mars 1999. La motivation du recours ne donne nullement à penser que cette
conclusion serait le résultat d'une appréciation des preuves manifestement
inexacte ou incomplète, ou que les faits constatés auraient été établis au
mépris de règles essentielles de procédure. Les premiers juges ont en effet
examiné en détail le contenu des expertises établies par l'Hôpital Y.________
et par le docteur G.________ et estimé qu'elles convergeaient sur les points
essentiels, à savoir le diagnostic et la répercussion de celui-ci sur la
capacité de travail. Les quelques critiques exprimées par la recourante à
l'égard de leur contenu ne suffisent pas à jeter le doute sur le bien-fondé de
leurs conclusions. On relèvera notamment que le défaut de collaboration de
l'assuré lors des consultations et la problématique relative à une éventuelle
situation de simulation ont fait l'objet d'analyses détaillées et
d'explications motivées dans les deux expertises, ainsi que dans le jugement
entrepris. A défaut d'éléments objectivement vérifiables susceptibles de
contredire la teneur commune des expertises sur ces points, il est téméraire de
justifier la mise en oeuvre d'investigations supplémentaires en prétendant que
la situation de l'assuré semble à l'évidence présenter une part de simulation.
La réalisation d'une nouvelle expertise doit reposer sur des motifs pertinents
résultant du caractère incomplet des données médicales recueillies jusqu'alors
(cf. SVR 2007 UV n° 33 p. 111, consid. 4.2, U 571/06). On ne saurait pas non
plus reprocher aux premiers juges d'avoir pris en compte dans leur appréciation
l'expertise effectuée par l'Hôpital Y.________. Certes, le Tribunal
administratif de la République et canton de Genève a, par jugement du 25 mars
2003, renvoyé la cause à la recourante pour instruction complémentaire, après
avoir estimé qu'un point soulevé dans l'expertise de l'Hôpital Y.________ - à
savoir l'existence éventuelle d'un trouble factice - devait encore être
éclairci. Cela étant, ce jugement n'enlevait nullement toute valeur probante
aux autres considérations contenues dans l'expertise. De plus, la confrontation
de l'expertise de l'Hôpital Y.________ avec celle du docteur G.________ -
conformément au principe de la libre appréciation des preuves (ATF 125 V 351
consid. 3a p. 352) - permettait de répondre à la question en suspens et
d'écarter l'hypothèse d'un trouble factice. Si la recourante estimait que
l'expertise réalisée par le docteur G.________ contenait quelques incohérences,
il lui appartenait d'inviter ce médecin à fournir des explications
complémentaires sur les points litigieux. Le souci allégué par la recourante de
ne pas confronter le docteur G.________ à ses propres contradictions ne pouvait
constituer un motif sérieux pour refuser de procéder à cette mesure
d'instruction simple et rapide.

4.5 Compte tenu de l'objet limité de la présente procédure, il n'appartient pas
au Tribunal fédéral de se prononcer sur les conséquences d'un éventuel manque
de collaboration de l'assuré durant l'instruction du dossier. Cette question
pourra, le cas échéant, faire l'objet d'un examen par la recourante dans le
cadre de la fixation de l'étendue du droit aux prestations à laquelle elle
devra procéder (cf. RAMA 2004 n° KV 284 p. 236, K 74/02).

5.
Mal fondé, le recours doit être rejeté. La recourante, qui succombe, supportera
les frais judiciaires afférents à la présente procédure (art. 66 al. 1 1ère
phrase LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal des
assurances sociales de la République et Canton de Genève et à l'Office fédéral
de la santé publique.
Lucerne, le 7 avril 2008
Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Meyer Piguet