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II. Sozialrechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 9C 115/2007
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9C_115/2007

Arrêt du 22 janvier 2008
IIe Cour de droit social

MM. les Juges U. Meyer, Président,
Lustenberger, Borella, Kernen et Boinay, Juge suppléant.
Greffier: M. Cretton.

Office cantonal AI Genève, 97, rue de Lyon,
1203 Genève,
recourant,

contre

A.________,
intimé, représenté par Forum Santé, Permanence de défense des patients et des
assurés, boulevard Helvétique 27, 1207 Genève.

Assurance-invalidité,

recours contre le jugement du Tribunal cantonal des assurances sociales de la
République et canton de Genève du 23 janvier 2007.

Faits:

A.
A. ________, né en 1960, travaillait dans une champignonnière. Victime d'une
chute le 16 juillet 1992, il a souffert d'une entorse cervico-dorso-lombaire
qui ne justifiait cependant pas la symptomatologie douloureuse subséquente.
Il a requis des mesures d'ordre professionnel sous forme d'orientation
professionnelle ou de reclassement dans une nouvelle profession auprès de
l'Office cantonal genevois de l'assurance-invalidité (ci-après: l'office AI)
le 29 juillet 1993. Au terme de l'instruction du dossier, qui a permis de
recueillir l'avis de nombreux médecins et d'évaluer concrètement la capacité
de travail de l'assuré, l'administration a fait état de son intention de
rejeter la demande de prestations de ce dernier (projet de décision du 8 mars
1996).

Deux mois plus tard, l'intéressé a repris un travail de magasinier puis de
chauffeur-livreur pour le même employeur. Victime d'une nouvelle chute le 25
septembre 1997, il a alors souffert d'une entorse de la cheville droite et
d'une fracture du cinquième os métatarsien du même côté.

Informée de cet événement, l'administration s'est procuré le dossier de
l'assureur-accidents et a procédé à ses propres investigations. Etant donné
l'évolution défavorable du cas et les avis médicaux contradictoires récoltés,
elle a notamment mandaté l'un de ses Centres d'observation médicale (COMAI)
pour la réalisation d'une expertise pluridisciplinaire. Entre autres
diagnostics, sans influence sur la capacité de travail pour certains, les
experts ont retenu «un syndrome douloureux somatoforme persistant sous forme
de douleurs diffuses au niveau de l'appareil locomoteur (en particulier en ce
qui concerne le pied droit, la zone cervicale, la zone des omoplates et la
zone lombaire)» et «un épisode dépressif d'intensité sévère» laissant
subsister une capacité résiduelle de travail de 30 %, la dernière activité
exercée étant considérée comme adaptée pour autant que certaines limitations
soient respectées (pas de travaux lourds ni de ports répétitifs de charges
supérieures à 5 ou 10 kg ou de stations debout prolongées au-delà d'une heure
sans possibilité de se détendre; rapport du 30 novembre 2001).

L'office AI a informé A.________ de son intention de lui octroyer une rente
entière, fondée sur un degré d'invalidité de 100 %, à partir du 26 septembre
1998 (projet de décision du 26 septembre 2002). Suspectant un phénomène
d'amplification ou de majoration des symptômes, le docteur B.________,
médecin-conseil de l'office AI, suivant l'avis de plusieurs confrères, a
cependant suggéré la réalisation d'une enquête sociale à l'insu de l'assuré
(note du 21 février 2003). Une filature mise en place par
l'assureur-accidents à la fin des années 2001/2002 avait déjà confirmé le
phénomène mentionné.

Sur la base de l'examen du dossier par son Service médical régional (SMR;
avis de la doctoresse V.________ du 5 décembre 2003), l'administration a
finalement rejeté la demande de l'intéressé aux motifs que la chute de 1992
n'avait laissé subsister aucune atteinte invalidante à la santé, ce qui avait
du reste été corroboré par la reprise du travail en tant que magasinier puis
chauffeur-livreur, et qu'il en allait de même sur la plan somatique en ce qui
concerne l'accident de 1997, les avis psychiatriques divergents ne révélant
par ailleurs pas d'atteintes suffisamment graves pour justifier une
incapacité de travail (décision du 27 mai 2004 confirmée sur opposition le 28
avril 2006).

B.
A.________ a déféré la décision sur opposition au Tribunal cantonal genevois
des assurances sociales concluant à l'octroi d'une rente entière
d'invalidité.

La juridiction cantonale a admis le recours de l'assuré et a annulé les
décisions administratives par jugement du 23 janvier 2007. Elle considérait
que l'intéressé devait être protégé dans la confiance qu'il avait placée dans
le projet de décision du 26 septembre 2002 l'informant de son droit à une
rente entière à partir du 26 septembre 1998 et de ce fait être mis au
bénéfice de la rente promise. Elle prétendait également que l'office AI
pouvait revenir sur le projet mentionné uniquement si les conditions d'une
révision du droit étaient remplies, ce qui n'était pas le cas en l'espèce
étant donné qu'aucun changement dans la capacité de travail et dans l'état de
santé de A.________ entre septembre 2002 et mai 2004 n'avait été constaté.
Elle affirmait enfin que l'administration ne pouvait pas supprimer la rente
par la voie de la reconsidération dès lors que ledit projet n'était pas
manifestement erroné.

C.
L'office AI a interjeté un recours en matière de droit public à l'encontre de
ce jugement. Il en a requis l'annulation et a conclu à la confirmation de la
décision litigieuse estimant en substance que les conditions permettant à
l'assuré de se prévaloir de la protection de la bonne foi n'étaient pas
remplies et qu'il n'était pas nécessaire que les conditions d'une révision ou
d'une reconsidération soient réunies pour revenir sur un projet de décision.

L'intéressé a conclu au rejet du recours. L'Office fédéral des assurances
sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
Le recours en matière de droit public (art. 82 ss LTF) peut notamment être
formé pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF), que l'autorité de
céans applique d'office (art.106 al. 1 LTF), n'étant limitée ni par les
arguments du recourant ni par la motivation de l'autorité précédente (cf. ATF
130 III 136 consid. 1.4 p. 140). Le Tribunal fédéral n'examine en principe
que les griefs invoqués compte tenu de l'exigence de motivation prévue à
l'art. 42 al. 2 LTF et ne peut aller au-delà des conclusions des parties
(art. 107 al. 1 LTF). Il fonde son raisonnement sur les faits retenus par la
juridiction de première instance (art. 105 al. 1 LTF) sauf s'ils ont été
établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de
l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Le recourant qui entend s'écarter des
faits constatés doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les
conditions de l'art. 105 al. 2 LTF sont réalisées faute de quoi un état de
fait divergent ne peut être pris en considération. Aucun fait nouveau ni
preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de
l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF).

2.
Le litige porte sur le droit de l'intimé à une rente d'invalidité,
singulièrement sur la possibilité pour celui-ci de se prévaloir du principe
de protection de la bonne foi et sur l'applicabilité au cas d'espèce des
dispositions relatives à la révision ou à la reconsidération du droit à la
rente.

3.
Lorsque l'on examine le droit à une rente d'invalidité pour une période
précédant l'entrée en vigueur de la LPGA, il y a lieu d'appliquer le principe
général de droit transitoire, selon lequel - même en cas de changement des
bases légales - les règles applicables sont celles en vigueur au moment où
les faits juridiquement déterminants se sont produits. Ainsi, un tel droit
doit être examiné à l'aune des dispositions de la LAI en vigueur jusqu'au 31
décembre 2002, pour la période courant jusqu'à cette date, puis à celle de la
nouvelle réglementation pour la période postérieure (ATF 130 V 445 et les
références; voir aussi ATF 130 V 329).

En l'espèce, ce changement législatif n'a pas eu d'incidence dans la mesure
où le principe de protection de la bonne foi et les conditions de la révision
ou de la reconsidération ainsi que celles de l'octroi des rentes n'ont pas
subi de modifications (ATF 130 V 343).

4.
4.1 Les premiers juges ont d'abord admis que l'intimé remplissait les
conditions nécessaires lui permettant de se prévaloir du principe de
protection de la bonne foi.

L'office recourant conteste pour sa part que l'intéressé ait pris des
dispositions irréversibles suite au projet de décision du 26 septembre 2002
et qu'un préjudice en ait résulté.

4.2 Ancré à l'art. 9 Cst. et valant pour l'ensemble de l'activité étatique,
le principe de la bonne foi exige que l'administration et les administrés se
comportent réciproquement de manière loyale. L'administration doit en
particulier s'abstenir de tout comportement propre à tromper l'administré et
ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d'une incorrection ou
insuffisance de sa part. A certaines conditions, le citoyen peut ainsi exiger
de l'autorité qu'elle se conforme aux promesses ou assurances qu'elle lui a
faites et ne trompe pas la confiance qu'il a légitimement placée dans
celles-ci. De la même façon, le droit à la protection de la bonne foi peut
aussi être invoqué en présence d'un simple comportement de l'administration
susceptible d'éveiller chez l'administré une attente ou une espérance
légitime. Entre autres conditions, l'autorité doit être intervenue à l'égard
du citoyen dans une situation concrète et celui-ci doit avoir pris, en se
fondant sur les promesses ou le comportement de l'administration, des
dispositions qu'il ne saurait modifier sans subir de préjudice (cf. ATF 129
II 361 consid. 7.1 p. 381 et les références).

4.3 En l'espèce, comme le relève à juste titre l'office recourant, il n'est
pas établi qu'après avoir reçu le projet de décision du 26 septembre 2002,
l'intimé ait pris des dispositions contraires à ses intérêts et sur
lesquelles il ne pouvait plus revenir. Celui-ci n'a d'ailleurs jamais
prétendu que tel était le cas.

L'intimé ne peut donc se prévaloir du principe de la bonne foi pour obliger
l'administration à lui consentir le versement de la rente prévue dans le
projet de décision en question.

5.
5.1 La juridiction cantonale a encore considéré que le projet de décision
était un acte sur lequel l'autorité administrative ne pouvait revenir que si
les conditions d'une révision ou d'une reconsidération étaient données.

L'office recourant conteste cette argumentation.

5.2 Dans l'arrêt I 524/03 du 16 décembre 2003, le Tribunal de céans a précisé
que la condition nécessaire pour pouvoir procéder à une révision au sens de
l'ancien art. 41 LAI (identique à l'art. 17 LPGA), à une reconsidération ou à
une révision procédurale (voir également art. 53 al. 1 et 2 LPGA), est que
l'administration ait au préalable rendu une décision (cf. Kieser, ATSG
Kommentar, Zurich, 2003, nos 2 ss ad. art. 53 LPGA). En d'autres termes, il
faut que l'administration ait pris, dans un premier temps, une mesure dans un
cas d'espèce, fondée sur le droit public et ayant pour objet de créer, de
modifier ou d'annuler des droits ou des obligations, de constater
l'existence, l'inexistence ou l'étendue de droits ou d'obligations, de
rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier,
annuler ou constater des droits ou obligations (voir aussi Knapp, Précis de
droit administratif, 4e éd., Bâle et Francfort-sur-le-Main, 1991, nos 936
ss).

Or, le projet de décision, prévu à l'art. 73bis RAI dans sa teneur en vigueur
jusqu'au 31 décembre 2002 et à l'art. 57a LAI en vigueur depuis le 1er
juillet 2006, ne peut être confondu avec l'acte administratif défini à l'art.
5 PA. Par la notification d'un projet de décision, l'administration informe
l'assuré de la suite qu'elle entend donner à sa requête, généralement sur le
fond, et lui permet de se prononcer sur les éléments retenus (garantie du
droit d'être entendu dans le cadre de la procédure préalable; art. 73bis al.
1 RAI repris à l'art. 42 LPGA; Kieser, Das Verwaltungsverfahren in der
Sozialversicherung, Zurich, 1999, nos 170 et 171; Kieser, ATSG Kommentar,
Zurich, 2003, nos 7 et 8 ad art. 42 LPGA et les références). Aussi, dans ce
cadre, les principes régissant la révision et la reconsidération d'une
décision administrative ne sont pas applicables.

5.3 Au regard de ce qui précède, il y a lieu d'admettre que l'office
recourant pouvait revenir sur le projet de décision du 26 septembre 2002 sans
que les conditions d'une révision ou d'une reconsidération soient données.
Dans cette mesure, l'argumentation des premiers juges ne peut être retenue.

6.
Le projet de décision du 26 septembre 2002 était fondé sur le rapport du
COMAI du 30 novembre 2001 qui évaluait la capacité de travail de l'intimé à
30 %. Lorsqu'elle a admis la bonne foi de ce dernier, la juridiction
cantonale n'a pas discuté le bien-fondé du projet de décision. Lorsqu'elle a
nié que les conditions d'une révision étaient données, elle s'est par
ailleurs bornée à constater que l'état de santé de l'intimé n'avait pas
changé entre le projet de décision du 26 septembre 2002 et la décision du 27
mai 2004, sans discuter la question de savoir si cet état de santé, en 2002,
justifiait l'octroi d'une rente. Au stade de l'examen des conditions de la
reconsidération, elle a enfin retenu que le projet de décision n'était pas
manifestement inexact en se fondant uniquement sur le rapport du COMAI.
Compte tenu de leur argumentation juridique, les premiers juges n'ont à aucun
stade de la procédure établi les faits avec un plein pouvoir d'examen. Cette
limitation doit entraîner l'annulation de leur jugement et le renvoi de la
cause pour qu'ils statuent à nouveau en tenant compte de tous les éléments du
dossier. En effet, la Cour de céans ne peut statuer directement car cela
impliquerait qu'elle établisse les faits déterminants et, pour ce faire,
qu'elle exerce un plein pouvoir d'examen qui ne lui est pas reconnu par la
loi dans les procédures relatives à l'assurance-invalidité (art. 105 al. 3
LTF a contrario).

7.
La procédure est onéreuse (art. 62 LTF). L'intimé qui succombe doit en
supporter les frais (art. 66 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis et le jugement du Tribunal cantonal genevois des
assurances sociales du 23 janvier 2007 est annulé, la cause lui étant
renvoyée pour nouveau jugement au sens des considérants.

2.
Les frais de la procédure arrêtés à 500 fr. sont mis à la charge de l'intimé.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal genevois
des assurances sociales et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 22 janvier 2008

Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Le Greffier:

Meyer Cretton