Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Sozialrechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 8C.87/2007
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8C_87/2007

Arrêt du 1er février 2008
Ie Cour de droit social

MM. et Mme les Juges Ursprung, Président,
Widmer et Frésard.
Greffier: M. Beauverd.

A. ________,
recourant, représenté par Me Michael Anders, avocat, 11, rue du
Conseil-Général, 1205 Genève,

contre

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Fluhmattstrasse 1,
6004 Lucerne,
intimée.

Assurance-accidents,

recours contre le jugement du Tribunal cantonal des assurances sociales de la
République et Canton de Genève du 6 février 2007.

Faits:

A.
A. ________, né en 1958, a travaillé en qualité de professeur de dessin au
service de X.________. A ce titre, il était assuré contre le risque
d'accident auprès de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas
d'accidents (CNA).

Le 10 avril 2003, il a subi un traumatisme acoustique lors de l'explosion
d'un pétard près de son oreille gauche. Consulté les 9 juillet et 2 septembre
2003, le docteur L.________, spécialiste en oto-rhino-laryngologie et
chirurgie cervico-faciale, a fait état d'acouphènes des deux côtés, mais
prédominant à gauche, ainsi que d'une hypersensibilité au bruit. Selon ce
médecin, un hiatus auditif persistait à gauche, alors que les seuils avaient
été récupérés à droite (rapport du 8 septembre 2003). La CNA a pris en charge
le cas.

L'assuré a reçu un traitement homéopathique prodigué par le docteur
G.________. Ce médecin a fait état d'une incapacité de travail entière à
partir du 25 novembre 2003.

Par décision du 11 juin 2004, la CNA a refusé d'allouer ses prestations pour
cette incapacité de travail, motif pris qu'elle n'était pas en relation de
causalité « pour le moins probable » avec l'accident.

L'assuré ayant fait opposition à cette décision, la CNA a recueilli un
rapport du docteur K.________, médecin-conseil de l'assurance-maladie de
l'intéressé, la Concordia. Selon ce médecin, l'incapacité de travail était
due à l'hyperacousie douloureuse dont l'origine relevait davantage d'une
affection de nature psychique réactionnelle au choc provoqué par l'explosion
que d'une atteinte oto-rhino-laryngologique (rapport du 23 septembre 2004).
De son côté, l'assuré a produit un rapport du docteur O.________,
médecin-adjoint à la Clinique d'oto-rhino-laryngologie et de chirurgie
cervico-maxillo-faciale de l'Hôpital Y.________ (du 7 décembre 2004).

Se fondant sur un avis du docteur L.________, spécialiste en
oto-rhino-laryngologie et médecin de sa division de médecine du travail
(rapport du 20 août 2004), la CNA a rejeté l'opposition par décision du 18
mars 2005. Elle a considéré, en résumé, que l'assuré ne souffrait plus de
séquelles de l'accident sur le plan organique. En effet, les différents
examens médicaux effectués n'avaient pas révélé de déficits sur le plan
oto-rhino-laryngologique. En revanche, la CNA était d'avis que
l'hypersensibilité acoustique, qui était la seule cause alléguée de
l'incapacité de travail à partir du 25 novembre 2003, résultait de troubles
de nature psychique sans lien de causalité adéquate avec l'accident.

B.
Saisi d'un recours contre cette décision sur opposition, le Tribunal cantonal
des assurances sociales du canton de Genève a ordonné la comparution
personnelle des parties le 25 octobre 2005, requis les avis des docteurs
L.________ (rapport du 6 décembre 2005) et O.________ (rapport du 9 janvier
2006), et confié une expertise au docteur S.________, spécialiste en
psychiatrie et psychothérapie (rapport du 8 novembre 2006).

La juridiction cantonale a rejeté le recours par jugement du 6 février 2007.

C.
A.________ interjette un recours en matière de droit public contre ce
jugement, dont il requiert l'annulation, en concluant, sous suite de frais et
dépens, à l'octroi « de toutes les prestations... de la LAA » pour l'accident
du 10 avril 2003.

La CNA conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral de la santé
publique a renoncé à présenter des déterminations.

Considérant en droit:

1.
1.1 Dans son recours en matière de droit public, l'assuré conclut à l'octroi
« de toutes les prestations » au titre de l'assurance-accidents obligatoire,
en particulier une indemnité pour atteinte à l'intégrité.

Dans la procédure juridictionnelle administrative, ne peuvent être examinés
et jugés, en principe, que les rapports juridiques à propos desquels
l'autorité administrative compétente s'est prononcée préalablement d'une
manière qui la lie, sous la forme d'une décision. Dans cette mesure, la
décision détermine l'objet de la contestation qui peut être déféré en justice
par voie de recours (ATF 119 Ib 33 consid. 1b p. 36, 118 V 311 consid. 3b p.
313 et les références citées).
Cela étant, dans la mesure où la décision sur opposition litigieuse porte
uniquement sur le refus de la CNA d'allouer ses prestations en espèces
(indemnité journalière ou éventuellement rente d'invalidité) pour
l'incapacité de travail survenue à partir du 25 novembre 2003, seul ce point
peut être examiné dans la présente procédure et les conclusions du recourant
sont irrecevables en tant qu'elles excèdent l'objet de la contestation défini
par la décision sur opposition.

1.2  Dans la procédure de recours concernant l'octroi ou le refus de
prestations en espèces de l'assurance-accidents, le Tribunal fédéral n'est
pas lié par l'état de fait constaté par la juridiction inférieure (art. 97
al. 2 LTF).

2.
2.1 A l'appui de son refus de prestations, l'intimée a considéré que
l'hypersensibilité acoustique, qui est la seule cause alléguée de
l'incapacité de travail, n'est pas due à des séquelles organiques du
traumatisme acoustique, du moment que les divers examens médicaux effectués
n'avaient pas révélé de déficits sur le plan oto-rhino-laryngologique. Selon
la CNA, l'hypersensibilité acoustique a donc pour origine un trouble de
nature psychique dont le lien de causalité adéquate avec l'accident doit en
l'occurrence être nié.

La juridiction cantonale est d'avis, quant à elle, qu'il existe un lien de
causalité naturelle entre l'hypersensibilité au bruit et l'accident, motif
pris, d'une part, que la preuve d'un tel lien ressort de l'appréciation du
docteur O.________ ainsi que, de façon plus nuancée, de celle du docteur
L.________ et, d'autre part, que ce trouble ne peut être attribué à une
affection psychique, dont l'existence a été niée par le docteur S.________
dans son rapport d'expertise judiciaire du 8 novembre 2006. Cependant, tout
en mettant en doute l'existence d'un lien de causalité adéquate entre
l'accident et l'hypersensibilité acoustique, les premiers juges considèrent
qu'au demeurant, celle-ci ne peut entraîner une incapacité de travail que
dans une profession fortement exposée au bruit, comme celui d'un
marteau-piqueur sur un chantier ou de machines-outils dans une usine, ce qui
n'est pas le cas de l'activité d'enseignant dans une classe d'adolescents.
Selon la juridiction cantonale, il appartient au demeurant à l'assuré, en
vertu de son obligation de diminuer le dommage, de reprendre son activité, au
besoin, en se munissant de protections spéciales contre le bruit, comme l'a
conseillé le docteur L.________.

De son côté, le recourant conteste l'opinion des premiers juges, selon
laquelle le métier d'enseignant n'est pas une profession fortement exposée au
bruit. Se référant à divers documents extraits d'Internet et produisant des
brochures éditées par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), il fait
valoir que les établissements d'enseignement sont des milieux suffisamment
bruyants pour provoquer des troubles auditifs chez les enseignants, quel que
soit l'âge des élèves. Par ailleurs, il reproche à la juridiction cantonale
d'avoir omis d'instruire et de motiver de manière approfondie le point de
savoir en quoi consisteraient exactement les protections contre le bruit
compatibles avec l'activité de professeur de dessin.

2.2 Selon l'art. 6 al. 1 LAA, les prestations d'assurance sont allouées en
cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie
professionnelle. L'obligation éventuelle de l'intimée d'allouer ses
prestations pour l'incapacité de travail suppose l'existence d'un lien de
causalité naturelle et adéquate entre l'accident et cette incapacité de
travail.

En l'espèce, il est constant que l'incapacité de travail découle d'une
hypersensibilité acoustique et non pas d'un déficit auditif ni d'acouphènes.
En effet, l'assuré a indiqué au docteur L.________ qu'il était sensible aux
bruits de forte intensité comme ceux d'un café plein de monde, de la sirène
d'une ambulance ou d'un freinage en urgence. En outre, il est sensible aux
bruits domestiques comme ceux de son ordinateur, de son ventilateur, ainsi
qu'aux sifflements produits par le gaz jaillissant du brûleur de sa
cuisinière. Selon les docteurs O.________ (rapport du 9 janvier 2006) et
L.________ (rapport du 6 décembre 2005), l'hypersensibilité au bruit est un
trouble ni objectivable ni quantifiable.

Contrairement au point de vue de la juridiction cantonale, l'existence d'un
lien de causalité naturelle entre ce trouble et le traumatisme acoustique
apparaît douteuse. Certes, le docteur O.________ affirme qu'il existe un
rapport direct avec cet événement, mais il ne motive d'aucune manière sa
prise de position. Quant au docteur L.________, il évoque la possibilité
d'une destruction partielle des cellules cillées externes pouvant résulter du
traumatisme acoustique, tout en formulant immédiatement des réserves étant
donné qu'il ne dispose d'aucun élément comparatif ressortant de mesures
effectuées avant ce traumatisme. Selon ce médecin, il est dès lors difficile
de parler de séquelles de l'accident. Il constate simplement qu'un
traumatisme a eu lieu et que des plaintes ont été exprimées après cet
événement. C'est pourquoi cette seule constatation ne permet pas d'admettre
l'existence d'un lien de causalité naturelle, dès lors que cela reviendrait à
se référer à l'adage post hoc ergo propter hoc, raisonnement qui n'est pas
admissible selon la jurisprudence (ATF 119 V 335 consid. 2b/bb p. 341 s.).

Par ailleurs, il n'apparaît pas que l'hypersensibilité au bruit soit due
exclusivement ou de manière prépondérante à certains travaux (art. 9 al. 2
LAA; annexe 1 ch. 2 OLAA), ou qu'elle ait été causée exclusivement ou de
manière nettement prépondérante par l'exercice de l'activité professionnelle
(art. 9 al. 2 LAA). Aussi, l'incapacité de travail ne doit-elle pas être
prise en charge par l'assurance-accidents au titre des maladies
professionnelles, ce qu'au demeurant, le recourant ne soutient pas.

2.3 Quoi qu'il en soit, même en admettant l'existence d'un lien de causalité
naturelle (et adéquate) entre l'hypersensibilité aux bruits et l'accident, on
ne saurait considérer que ce trouble entraîne une incapacité de travail dans
l'activité de professeur de dessin exercée par le recourant. D'après le
docteur L.________, une hypersensibilité au bruit peut entraîner une
incapacité dans des professions fortement exposées au bruit comme les métiers
de l'industrie et du bâtiment où, d'ailleurs, le port de protections est
requis. En revanche, le médecin prénommé ne considère pas que le bruit des
élèves est assourdissant au point d'empêcher l'intéressé de donner son
enseignement; le cas échéant, il serait en mesure d'exercer sa profession en
utilisant des protections spéciales destinées aux musiciens et engendrant une
baisse uniforme du volume sonore.
Ce point de vue est convaincant et les objections soulevées à l'encontre par
le recourant ne justifient pas de s'en écarter. En particulier, il fait
valoir que le travail en milieu scolaire s'effectue dans un environnement
bruyant. Il se fonde pour cela sur différents documents extraits d'Internet.
L'un de ces documents (émanant de l'Institut danois pour l'environnement)
révèle que chez les enseignants de sexe masculin, le risque d'acouphènes est
84 % plus élevé que chez les hommes occupant d'autres emplois. Selon un autre
document, également d'origine danoise, il existe une formation de contrôleur
de bruit sur le lieu de travail destinée en particulier aux enseignants et
éducateurs des crèches et garderies, où le bruit des jeux et les cris des
enfants font partie d'une journée normale de travail. Un troisième document
indique que le bruit auquel sont exposés les instituteurs et le personnel des
garderies est parfois comparable à celui d'un avion de ligne au moment du
décollage.

Ces informations sont toutefois trop générales pour mettre en cause le point
de vue du docteur L.________, selon lequel l'hypersensibilité acoustique dont
est atteint l'assuré ne l'empêche pas, en l'occurrence, d'exercer son
activité de professeur de dessin dans des classes de cycle d'orientation. Il
en va de même des brochures de l'OMS produites par le recourant en instance
fédérale, à supposer que ce nouveau moyen de preuve soit admissible dans une
procédure où le Tribunal fédéral n'est pas lié par l'état de fait constaté
par la juridiction inférieure (art. 97 al. 2 et 99 al. 1 LTF; cf. Seiler /Von
Werdt/Güngerich, Bundesgerichtsgesetz, n. 4 ad art. 99; Ulrich Meyer,
Bundesgerichtsgesetz [Basler Kommentar], Niggli/Uebersax/Wiprächtiger éd., n.
52 ad art. 99). Certes, il est possible qu'à certains moments (entrée et
sortie des élèves), le niveau sonore soit élevé. L'intéressé peut toutefois
pallier aisément cet inconvénient en se munissant des protections spéciales
préconisées par le docteur L.________, à savoir celles qu'utilisent les
musiciens afin d'obtenir une baisse uniforme du volume sonore tout en
permettant d'entendre leur entourage.

Cela étant, l'intimée était fondée, par sa décision sur opposition du 18 mars
2005, à refuser d'allouer ses prestations en espèces pour l'incapacité de
travail survenue à partir du 25 novembre 2003. Le jugement attaqué, qui
confirme cette décision, n'est dès lors pas critiquable et le recours se
révèle mal fondé.

3.
Le recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1
LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal des
assurances sociales de la République et Canton de Genève et à l'Office
fédéral de la santé publique.

Lucerne, le 1er février 2008

Au nom de la Ire Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Le Greffier:

Ursprung Beauverd