Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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I. Sozialrechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 8C.704/2007
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Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
8C_704/2007

Arrêt du 9 avril 2008
Ie Cour de droit social

Composition
MM. les Juges Ursprung, Président,
Lustenberger et Frésard.
Greffière: Mme von Zwehl.

Parties
L.________,
recourant, représenté par Me Véronique Fontana, avocate, rue Etraz 12, 1003
Lausanne,

contre

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Fluhmattstrasse 1, 6004
Lucerne,
intimée.

Objet
Assurance-accidents,

recours contre le jugement du Tribunal des assurances du canton de Vaud du 1er
octobre 2007.

Faits:

A.
L.________, né en 1942, était mécanicien chez F.________ SA. A ce titre, il
était assuré contre le risque d'accidents auprès de la Caisse nationale suisse
d'assurance en cas d'accidents (CNA).

Le 12 novembre 2001, à la suite d'une chute, le prénommé a subi une fracture
transverse de la rotule gauche. Il a repris son travail le 2 avril 2002. La CNA
a pris en charge l'accident initial ainsi qu'une rechute annoncée le 3 février
2003. A partir de novembre 2003, L.________ a été affecté à un autre poste au
sein de l'entreprise. Le 11 mai 2004, il s'est à nouveau adressé à la CNA en
indiquant que sa rémission n'était pas complète. Il a été entendu par un
inspecteur de la CNA le 19 mai suivant et le 17 mars 2005. Sur la base du
rapport d'examen final établi le 14 avril 2005 par le docteur H.________,
médecin d'arrondissement de la CNA, l'assureur-accidents a alloué à l'assuré,
pour les séquelles de l'accident du 12 novembre 2001, une rente d'invalidité,
fondée sur un degré d'incapacité de gain de 19%, et une indemnité pour atteinte
à l'intégrité d'un taux de 5% (décision du 29 septembre 2005, confirmée sur
opposition le 17 novembre 2005).

Entre-temps, le 23 septembre 2004, l'employeur a signalé à la CNA un nouvel
accident, survenu le 13 mai précédent et impliquant le genou droit de
L.________. Le docteur B.________, que l'assuré a consulté la première fois en
date du 14 septembre 2004, a posé le diagnostic de troubles dégénératifs du
ménisque interne droit probable; il a prescrit une incapacité de travail
partielle dès le 22 décembre 2004 (rapports des 24 novembre 2004 et 28 février
2005). Selon un rapport IRM du 1er novembre 2005, le genou droit de l'assuré
présentait une chondropathie de grade IV des deux compartiments, une lésion de
la corne postérieure du ménisque interne pouvant correspondre à une déchirure
horizontale, une lésion mucoïde de grade II dans la corne antérieure du
ménisque externe, ainsi qu'une chondropathie rotulienne de grade IV. Le 5
décembre 2005, L.________ a subi un lâchage du genou gauche, puis du droit, en
descendant les escaliers (déclaration d'accident LAA du 19 décembre 2005). Il a
été opéré du genou droit le 14 décembre 2005 par le docteur M.________, qui a
diagnostiqué une lésion complexe du ménisque interne droit. Le 7 mars 2006, la
CNA a rendu une décision par laquelle elle informait l'assuré qu'elle ne lui
allouerait pas de prestations pour l'atteinte au genou droit, considérant qu'il
n'existait pas de lien de causalité probable entre cette atteinte et l'accident
du 13 mai 2004, voire celui du 5 décembre 2005. L'assuré a formé opposition à
cette décision en s'appuyant sur l'avis du docteur M.________, pour lequel la
lésion était d'origine traumatique. Après avoir soumis cet avis à son médecin
d'arrondissement, la CNA a rejeté l'opposition dans une nouvelle décision du 19
avril 2006.

B.
L'assuré a recouru contre cette dernière décision devant le Tribunal des
assurances du canton de Vaud. Dans sa réponse, la CNA a produit une
appréciation médicale du docteur U.________, spécialiste en chirurgie
orthopédique et médecin de sa division de médecine des assurances.

Par jugement du 1er octobre 2007, le tribunal cantonal a rejeté le recours.

C.
L.________ interjette un recours en matière de droit public dans lequel il
conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation du jugement cantonal et
au renvoi de la cause au tribunal cantonal pour instruction complémentaire sous
la forme d'une expertise médicale neutre et nouveau jugement.

La CNA et l'Office fédéral de la santé publique ont tous deux renoncé à se
déterminer.

Considérant en droit:

1.
La procédure porte sur l'octroi ou le refus de prestations en espèces de
l'assurance-accidents, de sorte que le Tribunal fédéral n'est pas lié par
l'état de fait constaté par la juridiction précédente (art. 97 al. 2 et art.
105 al. 3 LTF).

2.
Les premiers juges ont correctement exposé les dispositions légales sur la
notion d'accident (art. 6 LAA et art. 4 LPGA), ainsi que les principes
jurisprudentiels relatifs à l'exigence d'un lien de causalité naturelle et
adéquate entre l'événement accidentel et l'atteinte à la santé pour fonder le
droit aux prestations par l'assureur-accidents. On ajoutera que les déchirures
du ménisque font partie de la liste exhaustive des lésions corporelles
assimilées à un accident de l'art. 9 al. 2 OLAA (cf. let. c) qui sont mis à la
charge de l'assurance-accidents, même si elles ne sont pas causées par un
facteur extérieur de caractère extraordinaire, pour autant qu'elles ne soient
pas manifestement imputables à une maladie ou à des phénomènes dégénératifs
(ATF 129 V 466, 123 V 43 consid. 2b p. 44, 116 V 145 consid. 2c p. 147, 114 V
298 consid. 3c p. 301). On rappellera, enfin, que dans le domaine des
assurances sociales, le juge fonde sa décision, sauf dispositions contraires de
la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable,
apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un
degré de vraisemblance prépondérante (ATF 126 V 353 consid. 5b p. 360, 125 V
193 consid. 2 p. 195 et les références; cf. ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3
p. 324 s.).

3.
Le recourant reproche aux premiers juges de ne pas avoir pris en considération
tous les éléments figurant au dossier. Le déroulement des faits depuis le 13
mai 2004 montrait que ses troubles au genou droit avaient leur origine dans
l'accident survenu à cette date : il avait subi une chute impliquant ce genou;
des douleurs étaient apparues immédiatement après; il pensait d'abord pouvoir
se soigner seul, mais au fil du temps les douleurs étaient devenues telles
qu'il avait finalement pris la décision de se rendre au département
orthopédique de l'Hôpital X.________ où il avait été reçu par le docteur
B.________; le traitement prescrit par ce dernier n'avait rien donné, si bien
qu'il s'était adressé à un autre médecin, le docteur M.________, qui était le
premier à avoir posé le diagnostic correct d'une déchirure du ménisque interne.
Auparavant, il n'avait ressenti que quelques épisodes de fatigue à son genou
droit en raison de ses problèmes au genou gauche, mais pas de douleurs
comparables. Sur la question de la causalité, il n'y avait pas de motif de
privilégier la prise de position des médecins de la CNA par rapport à celle du
chirurgien qui avait constaté et opéré la lésion. A tout le moins, était-il
nécessaire de procéder à une expertise neutre.

4.
4.1 En l'occurrence, on se trouve en présence de deux avis médicaux opposés
exprimés par les docteurs H.________ et surtout U.________ (de la CNA), d'une
part, et par le docteur M.________, d'autre part. Les deux premiers nommés
estiment que la lésion au genou droit de l'assuré est la conséquence d'un
processus dégénératif. Ils avancent trois arguments principaux. Le genou lésé
présentait des manifestations arthrosiques évidentes (gonarthrose). La forme de
la lésion (rupture longitudinale) et l'état du cartilage ["grosses und tiefes
Knörpelulkus bis auf den Knochen reichend"] révélé par l'arthroscopie parlaient
en faveur d'une déchirure dégénérative. Enfin, l'existence de l'événement
accidentel prétendument à l'origine de l'atteinte n'était pas établie, ce qui
excluait aussi l'éventualité d'une lésion assimilée à un accident. En effet, si
l'assuré avait effectivement subi un accident le 13 mai 2004, il était pour le
moins étonnant qu'il n'en avait pas touché mot à l'inspecteur de la CNA avec
lequel il avait pourtant eu un entretien quelques jours plus tard (le 19 mai
2004) pour faire le point de sa situation. En admettant qu'une contusion au
genou droit eût bel et bien eu lieu à cette date, celle-ci n'avait pu qu'être
banale car l'assuré avait été en mesure de continuer à travailler et n'avait
consulté un médecin que plusieurs mois plus tard. De son côté, le docteur
M.________ conclut à une séquelle accidentelle. Il déclare ne pas avoir observé
de "lésions arthrosiques" au genou droit de l'assuré. En particulier, le
diagnostic d'une gonarthrose n'était, selon lui, pas justifié et le compte
rendu de l'IRM ne correspondait "strictement pas" aux observations qu'il avait
faites au cours de l'arthroscopie. Par ailleurs, L.________ avait décrit un
mécanisme accidentel adéquat sous la forme d'une distorsion et d'une contusion
du genou droit le 13 mai 2004, ainsi que l'apparition de symptômes
immédiatement après qui avaient perduré (voir les lettres de ce chirurgien des
7 avril et 13 juin 2006).

4.2 L'événement accidentel du 13 mai 2004 a certes été annoncé tardivement à
l'intimée. Il n'en demeure pas moins que l'employeur a rempli une déclaration
d'accident-bagatelle s'y rapportant et que le recourant n'a pas varié dans ses
déclarations sur sa survenance (devant le docteur B.________ et tout au long de
la présente procédure). En outre, dans sa lettre du 7 avril 2006 à l'intention
du docteur H.________, le docteur M.________ a signalé le fait que l'assuré
avait consulté son médecin de famille pour des douleurs au genou droit au mois
de juin 2004 déjà et qu'il s'en était également plaint au physiothérapeute qui
traitait son genou gauche. Le recourant lui-même offre de prouver ses
allégations par le témoignage de deux employés ayant assisté à l'accident; il
produit même une liste de personnes susceptibles de confirmer la persistance de
ses douleurs au genou droit depuis lors. Devant ces éléments concordants, au
demeurant aisément vérifiables, l'intimée aurait dû étendre son instruction du
cas aux circonstances dans lesquelles l'accident se serait produit,
conformément à son devoir d'instruire les faits d'office (art. 43 LPGA). Ne
l'ayant pas fait, elle n'était pas fondée à retenir que l'assuré n'avait pas
établi la réalité de l'événement accidentel du 13 mai 2004, ce qui affaiblit
singulièrement l'appréciation médicale du docteur U.________ sur l'absence
d'une lésion assimilée à un accident. Quant aux constatations contradictoires
que les médecins de la CNA et le docteur M.________ tirent des documents
radiographiques et du rapport IRM au dossier ainsi que de l'arthroscopie
(l'intervention a été filmée), il paraît difficile de les départager sans faire
appel à un tiers expert, d'autant que les comptes rendus du docteur B.________
sont trop sommairement motivés pour qu'ils puissent apporter un éclairage
décisif à cet égard. Il existe en définitive trop d'éléments incertains pour
trancher le litige.

Il convient en conséquence de renvoyer la cause à l'intimée afin qu'elle
procède à un complément d'instruction sur la survenance de l'événement
accidentel allégué. Dans l'hypothèse où la CNA parviendrait à la conclusion que
cet événement est établi au degré de la vraisemblance prépondérante, il lui
appartiendra ensuite de soumettre le dossier à un expert médical pour qu'il
examine la question du lien de causalité de l'atteinte en cause. Après quoi,
elle rendra une nouvelle décision sur le droit aux prestations du recourant.
Dans cette mesure, le recours se révèle bien fondé.

5.
Vu le sort du litige, les frais de justice seront mis à la charge de l'intimée,
qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). Par ailleurs, le recourant a droit à des
dépens (art. 68 al. 2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis en ce sens que le jugement du 1er octobre 2007 du Tribunal
des assurances du canton du Vaud ainsi que la décision sur opposition du 19
avril 2006 de la CNA sont annulés, la cause étant renvoyée à l'intimée pour
qu'elle procède conformément aux considérants.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de la CNA.

3.
La CNA versera au recourant un montant de 2'500 fr. (y compris la taxe à la
valeur ajoutée) à titre de dépens pour la procédure fédérale.

4.
La cause est renvoyée au Tribunal des assurances du canton du Vaud pour
nouvelle décision sur les dépens de la procédure antérieure.

5.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral de la santé publique.
Lucerne, le 9 avril 2008
Au nom de la Ire Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:

Ursprung von Zwehl