Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Sozialrechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 8C.658/2007
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
8C_658/2007

Arrêt du 26 septembre 2008
Ire Cour de droit social

Composition
MM. et Mme les Juges Ursprung, Président,

Frésard et Buerki Moreni, Juge suppléante.
Greffière: Mme von Zwehl.

Parties
Mobilière Suisse, Bundesgasse 35, 3001 Berne,
recourante, représentée par Me Philippe A. Grumbach, avocat, cours des Bastions
14, 1205 Genève,

contre

R.________,
intimé, représenté par Me Michael Anders, avocat, rue du Conseil-Général 11,
1205 Genève.

Objet
Assurance-accidents,

recours contre le jugement du Tribunal cantonal des assurances sociales de la
République et canton de Genève du 25 septembre 2007.

Faits:

A.
R.________ possède une formation dans le domaine sportif. Il a également
commencé une formation pour obtenir un diplôme de masseur. A partir du mois
d'avril 2004, il a donné des cours comme instructeur et moniteur dans le centre
de fitness de X.________ SA, à raison de 4 heures par semaine rémunérées 60 fr.
de l'heure, et fait des remplacements au bar ainsi qu'à la réception payés 20
fr. de l'heure. Il avait également sous-loué une cabine de massage dans les
locaux du fitness où il effectuait des massages à titre promotionnel aux
clients du fitness dans la perspective de devenir masseur indépendant sous le
nom de Y.________.

Le 2 août 2004, R.________ a subi un accident. A la suite d'une altercation, il
a été blessé par un automobiliste qui a heurté sa moto sur une aire de repos de
l'autoroute entre Lausanne et Genève.

Après un échange de correspondance infructueux avec la direction du fitness, le
prénommé s'est adressé à la Mobilière Suisse, Société d'assurances (ci-après :
la Mobilière), assureur-accidents selon la LAA de X.________ SA. Par décision
du 16 mars 2006, celle-ci a refusé d'allouer des prestations, considérant que
R.________ n'était pas obligatoirement assuré au sens de cette loi, vu son
statut d'indépendant. Saisie d'une opposition, elle l'a écartée dans une
nouvelle décision du 22 août 2006.

B.
L'intéressé a recouru devant le Tribunal cantonal genevois des assurances
sociales.

Le tribunal cantonal a entendu en audience S.________, directeur et
administrateur de X.________ SA, C.________, secrétaire de direction, et
R.________. Par jugement du 25 septembre 2007, il a admis le recours, annulé la
décision litigieuse, constaté que R.________ était couvert pour les suites de
l'accident du 2 août 2004, et renvoyé le dossier à la Mobilière pour qu'elle
calcule les prestations dues.

C.
La Mobilière interjette un recours en matière de droit public dans lequel elle
conclut, sous suite dépens, à l'annulation du jugement cantonal et à la
confirmation de sa décision sur opposition du 22 août 2006; subsidiairement, au
renvoi de la cause pour "ouvrir une procédure probatoire relative au taux de
travail de R.________". Elle assortit son recours d'une demande d'effet
suspensif.

R.________ conclut, sous suite de frais et dépens, au rejet du recours; il
sollicite, en outre, le bénéfice de l'assistance judiciaire. L'Office fédéral
de la santé publique a renoncé à se déterminer.

D.
Par ordonnance du 4 mars 2008, le juge instructeur a accordé l'effet suspensif
au recours.

Considérant en droit:

1.
Le litige porte sur la qualité de l'intimé comme travailleur obligatoirement
assuré contre les accidents au sens de la LAA et, partant, sur son droit aux
prestations légales prévues par la loi à la suite de l'accident survenu le 2
août 2004. Le Tribunal fédéral n'est donc pas lié par les faits établis par
l'autorité précédente (art. 97 al. 2 et 105 al. 3 LTF).

2.
Les premiers juges ont correctement exposé la teneur des dispositions légales
et réglementaires applicables au cas (art. 1a al. 1 LAA, art. 1 OLAA, art. 10
LPGA et art. 5 LAVS), de même que les principes posés par la jurisprudence au
sujet de la délimitation entre activité indépendante et salariée (voir ATF 123
V 161 consid. 1 p. 162, 122 V 169 consid. 3a p. 171, 281 consid. 2a p. 283, 119
V 161 consid. 2 et les références). Il suffit d'y renvoyer.

D'une manière générale, est réputé salarié celui qui dépend d'un employeur
quant à l'organisation du travail et du point de vue de l'économie de
l'entreprise, et ne supporte pas le risque économique couru par l'entrepreneur;
est indépendant celui qui exerce son activité selon sa propre organisation
librement choisie - reconnaissable de l'extérieur - et à ses propres risques et
profits.

Les principaux éléments qui permettent de déterminer le lien de dépendance
quant à l'organisation du travail et du point de vue de l'économie de
l'entreprise sont le droit de l'employeur de donner des instructions, le
rapport de subordination du travailleur à l'égard de celui-ci, l'obligation de
ce dernier d'exécuter personnellement la tâche qui lui est confiée (RCC 1989 p.
111 consid. 5a, 1986 p. 651 consid. 4c, 1982 p. 178 consid. 2b). Un autre
élément est le fait qu'il s'agit d'une collaboration régulière, autrement dit
que l'employé est régulièrement tenu de fournir ses prestations au même
employeur (ATF 110 V 72 consid. 4b p. 78 s.). En outre, la possibilité pour le
travailleur d'organiser son horaire de travail ne signifie pas nécessairement
qu'il s'agit d'une activité indépendante (ATF 122 V 169 consid. 6a/cc p. 176).

Le risque économique encouru par l'entrepreneur peut être défini comme étant
celui que court la personne qui doit compter, en raison d'évaluations ou de
comportements professionnels inadéquats, avec des pertes de la substance
économique de l'entreprise. Constituent notamment des indices révélant
l'existence d'un risque économique d'entrepreneur le fait que l'assuré opère
des investissements importants, subit les pertes, supporte le risque
d'encaissement et de ducroire, supporte les frais généraux, agit en son propre
nom et pour son propre compte, se procure lui-même les mandats, occupe du
personnel et utilise ses propres locaux commerciaux (Greber/Duc/Scartazzini,
Commentaire des art. 1 à 16 de la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et
survivants [LAVS], Bâle 1997, note 111 ad art. 5 LAVS; voir également Ueli
Kieser, Bundesgesetz über die Alters- und Hinterlassenenversicherung, in
Schweizerisches Bundesverwaltungsgesetz [SBVR], Soziale Sicherheit, 2ème éd.,
Bâle 2007, note 96 p. 1234 sv.).

3.
Pour la recourante, c'est à tort que les premiers juges ont retenu la qualité
de salarié de R.________ pour les heures qu'il a effectuées comme instructeur
et remplaçant au bar et à la réception du fitness. Le prénommé était entré en
contact avec le directeur, S.________, dans le seul but de trouver un local
pour y exercer l'activité de masseur indépendant. Comme il rencontrait des
difficultés pour payer le loyer mensuel de 500 fr., il lui avait été proposé de
faire quelques remplacements dont la rétribution venait compenser le prix de la
location; les montants horaires qui le dépassaient étaient facturés par
R.________ à X.________ SA sous le nom de sa raison individuelle Y.________. La
volonté des deux parties était claire, à savoir que cette activité serait
exercée à titre d'indépendant sur la base de mandats précis et ponctuels
convenus de semaine en semaine. D'ailleurs, aucun contrat de travail oral ou
écrit n'avait été conclu entre les intéressés, et R.________ n'avait pas été
ajouté à la liste des employés pour lesquels la société de fitness avait conclu
une assurance-maladie collective, ni annoncé à la Mobilière.

4.
En l'occurrence, la juridiction cantonale a décrit de manière convaincante les
raisons qui l'ont conduite à admettre que l'activité de l'intimé consistant à
donner des cours et à faire des remplacements à la réception et au bar du
fitness constituait en réalité une activité dépendante au service de X.________
SA. On rappellera que les rapports de droit civil (contrat de travail ou de
mandat) ne sont pas décisifs pour savoir si l'on a affaire, dans un cas donné,
à une activité indépendante ou salariée, mais bien plutôt les circonstances
économiques. Aussi, le contexte entourant la proposition de S.________ à
R.________ d'effectuer des remplacements ne revêt-il pas l'importance que la
recourante voudrait lui conférer. Il en va de même de l'inexistence d'un
contrat de travail écrit ou de l'absence de communication des données
personnelles de l'intimé aux assureurs sociaux. Dans le cas particulier,
R.________ fournissait le même travail que les autres employés salariés du
fitness qu'il remplaçait et cette activité ne présente aucun élément
caractéristique d'une libre entreprise. Comme l'ont à juste titre relevé les
premiers juges, le prénommé n'assumait aucun risque économique. Il n'avait pas
d'investissement personnel à réaliser car tout lui était mis à disposition
(local, engins, bar et réception). Il n'avait pas non plus à supporter de
risque financier puisqu'il était payé en fonction des heures effectuées
indépendamment de la clientèle du fitness. On ne saurait ensuite retenir une
absence de subordination dans les rapports entre l'intimé et le directeur du
fitness du simple fait que les plages horaires étaient discutés d'un commun
accord. R.________ était en effet tributaire de S.________ quant aux besoins en
remplacement du fitness. En revanche, que dans le local qu'il sous-louait,
l'intimé avait également exercé pour son propre compte la profession de masseur
n'est pas discutable, ni d'ailleurs discuté. Sur la question du caractère
salarié de l'activité de remplaçant, donc, le jugement entrepris n'est pas
critiquable.

5.
5.1 Selon l'art. 7 al. 2 LAA, les accidents qui se produisent sur le trajet que
l'assuré doit emprunter pour se rendre au travail ou pour en revenir sont aussi
réputés accidents professionnels pour les travailleurs occupés à temps partiel
dont la durée de travail n'atteint pas un mini-mum qui sera fixé par le Conseil
fédéral. D'après l'art. 8 al. 2 LAA, les travailleurs occupés à temps partiel
au sens de l'art. 7 2ème alinéa ne sont pas assurés contre les accidents non
professionnels. En vertu de l'art. 13 al. 1 OLAA, les travailleurs à temps
partiel occupés chez un employeur au moins huit heures par semaine sont
également assurés contre les accidents non professionnels.

5.2 A cet égard, la juridiction cantonale a considéré que même si le taux
d'activité de R.________ avait été, par hypothèse, inférieur à 8h par semaine,
ce dernier était néanmoins assuré pour l'accident dont il avait été victime le
2 août 2004. Selon elle, en effet, du moment que cet accident s'était produit
un lundi vers 20h - soit à une date où, d'après la quittance y relative,
l'intéressé avait donné trois cours d'aérobic ("vraisemblablement de 16h00 à
19h15") -, "il n'était pas possible de retenir, sans autre élément, que
l'accident n'est pas survenu alors que le recourant rentrait de son travail"
(jugement entrepris, consid. 8). De son côté, la recourante fait valoir que
l'autorité cantonale n'a procédé à aucune constatation de fait pour connaître
le nombre d'heures travaillées par R.________ au service de X.________ SA ou en
quelles circonstances celui-ci se trouvait sur une aire de repos de l'autoroute
quand l'accident s'est produit, si bien qu'une instruction est indispensable.
On doit lui donner raison: le dossier ne contient aucune information suffisante
sur ces points, alors qu'ils peuvent être déterminants pour admettre que
l'intimé était assuré selon la LAA contre les accidents non professionnels. En
effet, si l'intimé a travaillé au moins 8 heures hebdomadaires pour X.________
SA, il est obligatoirement assuré en vertu de l'art. 13 al. 1 OLAA en liaison
avec l'art. 7 al. 2 LAA. Dans le cas contraire, il est assuré si l'accident
s'est produit alors qu'il rentrait du travail, cet événement accidentel étant
alors assimilé à un accident professionnel (cf. art. 7 al. 2 LAA). Il y a par
conséquent lieu de renvoyer la cause aux premiers juges afin qu'ils
éclaircissent l'état de fait à cet égard et rendent un nouveau jugement. Le
recours est admis dans cette mesure.

6.
Sur la question principale de la qualification de l'activité de R.________, la
Mobilière succombe, de sorte qu'il se justifie de répartir les frais
judiciaires par moitié entre les parties (art. 66 al. 1 LTF) et de mettre à la
charge de l'assureur-accidents des dépens réduits (art. 68 al. 1 et 2 LTF).
L'intimé a demandé à bénéficier de l'assistance judiciaire gratuite en instance
fédérale. Les conditions auxquelles l'art. 64 al. 1 et 2 LTF en subordonne
l'octroi sont remplies tant ce qui con-cerne les frais de la procédure fédérale
que la désignation d'un avocat d'office. L'attention de l'intimé est cependant
attirée sur le fait qu'il devra rembourser la caisse du Tribunal s'il devient
en mesure de le faire ultérieurement (64 al. 4 LTF). Quant à la recourante, en
sa qualité d'institution chargée de tâches de droit public, elle ne peut
prétendre de dépens (art. 68 al. 3 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis en ce sens que le jugement du 25 septembre 2007 du
Tribunal cantonal genevois des assurances sociales est annulé, la cause lui
étant renvoyée pour instruction complémentaire au sens des considérants et
nouveau jugement.

2.
L'assistance judiciaire est accordée à l'intimé.

3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis pour 250 fr. à charge de la
recourante et pour 250 fr. à charge de l'intimé. Le montant dû par l'intimé est
supporté provisoirement par la caisse du Tribunal.

4.
Les honoraires de Me Michael Anders, fixés à 1'500 fr. (y compris la taxe à la
valeur ajoutée) pour la procédure fédérale, sont supportés pour 750 fr. par la
recourante à titre d'indemnité de dépens réduite et pour 750 fr. par la caisse
du Tribunal.

5.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal des
assurances sociales de la République et canton de Genève et à l'Office fédéral
de la santé publique.

Lucerne, le 26 septembre 2008

Au nom de la Ire Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: p. la Greffière:

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