Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Sozialrechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 8C.303/2007
Zurück zum Index I. Sozialrechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2007
Retour à l'indice I. Sozialrechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2007


Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
8C_303/2007

Arrêt du 11 avril 2008
Ire Cour de droit social

Composition
Mme et MM. les Juges Ursprung, Président,
Widmer et Geiser, Juge suppléant.
Greffière: Mme Berset.

Parties
La Caisse Vaudoise, rue du Nord 5, 1920 Martigny,
recourante,

contre

B.________,
intimée, représentée par Me François Roux, avocat,
rue de la Paix 4, 1003 Lausanne.

Objet
Assurance-accidents,

recours contre le jugement du Tribunal des assurances du canton de Vaud du 4
janvier 2007.

Faits:

A.
B.________ a travaillé au service de X.________ en qualité d'employée
d'administration. A ce titre, elle était assurée contre le risque d'accident
auprès de La Caisse Vaudoise (Groupe Mutuel).

Le 5 août 2003, alors qu'elle séjournait à I.________, B.________ a chuté lors
d'une promenade en ville en raison d'une dénivellation du trottoir. Elle a été
examinée le 20 août 2003 par le docteur A.________, spécialiste en chirurgie
orthopédique, lequel a diagnostiqué une entorse à la cheville gauche et une
contusion du genou droit (rapport médical initial LAA du 29 octobre 2003).
Suspectant une lésion méniscale, le docteur A.________ a procédé à une
intervention chirurgicale le 11 novembre 2003. Celle-ci a révélé une
fissuration oblique de la corne postérieure du ménisque interne, une chondrite
stade II à III de la pointe et de la face externe de la rotule ainsi qu'une
chondrite stade I à II de la trochlée que le praticien a traitées par
arthroscopie, méniscectomie interne partielle et chondrectomie de la rotule du
genou droit. Le cas a été pris en charge par l'assureur-accidents.

Le 29 décembre 2003, à T.________, B.________ a glissé sur le sol gelé et
ressenti une douleur allant croissant au genou gauche. Le 6 janvier 2004, la
prénommée a consulté le docteur S.________, lequel a diagnostiqué de probables
lésions méniscales du genou gauche. Au cours d'une intervention chirurgicale
pratiquée le 3 février 2004, le docteur A.________ a diagnostiqué une petite
déchirure de la corne postérieure du ménisque interne du genou gauche, une
chondrite stade III de la trochlée et du condyle externe, une chondrite stade
II du bord externe de la rotule et un ménisque externe partiellement discoïde.
Ces atteintes ont été traitées par arthroscopie, méniscectomie interne
partielle et chondrectomie de la rotule et de la trochlée du genou gauche ainsi
que par section de l'aileron externe.

Après avoir pris l'avis de son médecin-conseil, le docteur D.________ (rapport
du 29 juillet 2004), La Caisse Vaudoise a refusé, postérieurement au 31 janvier
2004, toutes prestations en relation avec l'événement du 29 décembre 2003
(décision du 11 août 2004).

Par lettre du 13 septembre 2004, l'assurée a formé opposition contre cette
décision et annoncé une rechute ou une péjoration des lésions subies au cours
des deux événements accidentels précités. L'assureur-accidents a mandaté aux
fins d'expertise le docteur L.________, spécialiste en chirurgie orthopédique.
Dans un rapport du 18 février 2005, ce médecin a constaté qu'au moment de
l'examen d'expertise, B.________ ne se plaignait plus que d'une instabilité de
la cheville gauche nécessitant le port d'une chevillère. Selon les conclusions
de ce médecin, les événements des 5 août et 29 décembre 2003, dans lesquels
l'intéressée avait successivement subi des lésions méniscales internes à chaque
genou, n'avaient fait que mettre en évidence un état dégénératif sous-jacent.
Un lien de causalité était seulement possible entre l'événement du 29 décembre
2003 et l'état du genou gauche de l'assurée. Par ailleurs, aucun lien de ce
genre ne devait être retenu entre cet événement et celui du 5 août précédent.
Le statu quo sine, en ce qui concerne le genou gauche, avait été atteint à
mi-mars 2004. En outre, comme B.________ avait pu, après l'événement du 5 août
2003, continuer sa visite de la ville de I.________ avant de rentrer en Suisse,
l'expert a estimé vraisemblable que l'instabilité de la cheville gauche de la
prénommée était imputable à un état d'hyperlaxité ligamentaire généralisé. Il a
proposé un examen par IRM de ladite cheville gauche.

Dans un rapport complémentaire du 22 avril 2005, sur le vu des résultats d'une
IRM de la cheville gauche du 16 février 2005 ainsi que des radiographies
(castaings) des deux chevilles de l'assurée prises le jour même, l'expert
L.________ a conclu que le lien de causalité entre les phénomènes d'instabilité
de la cheville gauche en question et l'événement traumatique du 5 août 2003
était seulement possible. Ce spécialiste a également souligné que l'assurée
avait bénéficié à deux reprises d'une chirurgie stabilisatrice de la cheville
droite.

Par lettre du 2 juin 2005, La Caisse Vaudoise a admis la prise en charge des
troubles au genou gauche jusqu'au 15 mars 2004 (au lieu du 31 janvier 2004).
L'assurée a accepté ce mode de règlement pour ce qui est de l'événement du 29
décembre 2003.

Par décision du 24 juin 2005, confirmée sur opposition le 24 mai 2006, la
Caisse Vaudoise a en revanche nié toute responsabilité à raison des troubles de
la cheville droite (recte: gauche) annoncés à la fin de l'été 2004, au motif
que ces lésions n'étaient pas en relation de causalité avec l'accident du mois
d'août 2003.

B.
Par jugement du 4 janvier 2007, le Tribunal des assurances du canton de Vaud a
admis le recours formé par B.________ contre cette décision. Alors que seule
cette question demeurait litigieuse devant eux, les juges cantonaux ont admis
la responsabilité de l'assureur-accidents pour les troubles que l'assurée
subissait à la cheville gauche et renvoyé la cause à La Caisse Vaudoise pour
qu'elle fixe les prestations à servir à l'intéressée conformément aux
considérants.

C.
La Caisse Vaudoise interjette recours en matière de droit public contre ce
jugement dont elle demande, sous suite de frais et dépens, principalement la
réforme en ce sens que tout lien de causalité entre les troubles de la cheville
gauche de B.________ dès le mois d'août 2004 et les accidents annoncés soit
nié; subsidiairement, elle conclut à l'annulation du jugement entrepris et au
renvoi de la cause à la cour cantonale pour qu'elle complète l'instruction et
statue à nouveau.

B.________ propose le rejet du recours. L'Office fédéral de la santé publique a
renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
Le recours en matière de droit public (art. 82 ss LTF) peut être formé pour
violation du droit selon l'art. 95 sv. LTF. Le Tribunal fédéral statue sur la
base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF) et peut
rectifier ou compléter d'office les constatations de celle-ci si les faits ont
été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de
l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF).

Au regard de la réglementation sur le pouvoir d'examen prévue par la LTF, il
convient d'apprécier, sur la base des griefs soulevés dans le recours formé
devant le Tribunal fédéral, si le jugement entrepris viole (notamment) le droit
fédéral dans l'application des règles pertinentes du droit matériel et de
preuve (art. 95 let. a LTF), y compris une éventuelle constatation des faits
contraire au droit (art. 97 al. 1, art. 105 al. 2 LTF). En revanche, sous
l'empire de la LTF, il n'y a en principe pas lieu de procéder à un libre examen
du jugement attaqué sous l'angle des faits, sauf si le recours est dirigé
contre une décision concernant l'octroi ou le refus de prestations en espèces
de l'assurance-accidents et de l'assurance militaire (art. 97 al. 2 LTF). De
même, n'y a-t-il pas à vérifier l'exercice par la juridiction cantonale de son
pouvoir d'appréciation sous l'angle de l'opportunité (selon les principes
développés dans l'ATF 126 V 75 consid. 6 p. 81 en relation avec la version en
vigueur du 1er juillet au 31 décembre 2006 de l'art. 132 de la loi fédérale
d'organisation judiciaire [OJ], abrogée depuis).

2.
Le dispositif du jugement entrepris a pour objet l'annulation de la décision
sur opposition de la recourante du 24 mai 2006 et le renvoi du dossier à
celle-ci pour nouvelle décision « conformément aux considérants ». En tant
qu'il renvoie le dossier à l'administration pour une nouvelle décision, le
jugement entrepris doit être qualifié de décision incidente qui peut être
attaquée aux conditions de l'art. 93 LTF.

Les considérants (consid. 4, 5 et 6) auxquels renvoie le dispositif du jugement
entrepris portent sur le principe de la responsabilité de la recourante pour
les troubles à la cheville gauche que l'intimée a signalés à la recourante à la
fin de l'été 2004. Il s'agit donc d'un arrêt de renvoi qui ne laisse aucune
latitude de jugement à l'administration sur ce point, de sorte que la
recourante est tenue de rendre une décision qui, selon elle, est contraire au
droit fédéral. En cela, elle subit un préjudice irréparable au sens de l'art.
93 al. 1 let. a LTF, si bien qu'il y a lieu d'entrer en matière sur son recours
(cf. ATF 133 V 477 consid. 5.2 p. 483 sv et les arrêts cités).

3.
A l'appui de son recours, La Caisse Vaudoise a produit un échange de
correspondance avec l'expert L.________ du 22 mai 2007, soit deux lettres
postérieures au jugement entrepris. Au regard de l'art. 99 al. 1 LTF, selon
lequel aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de
résulter de la décision de l'autorité précédente, ces deux pièces ne peuvent
pas être prises en considération (ATF 133 III 393 consid. 3 p. 395; arrêt
9C_568/2007 du 14 mars 2008 consid. 2.2.1).

4.
Les premiers juges ont exposé correctement, singulièrement au consid. 3 auquel
il suffit de renvoyer, les notions jurisprudentielles de causalité naturelle et
adéquate ainsi que les principes régissant l'appréciation des preuves dans le
domaine médical.

On ajoutera que la responsabilité de l'assureur-accidents s'étend, en principe,
à toutes les conséquences dommageables qui se trouvent dans un rapport de
causalité naturelle et adéquate avec l'événement assuré. Les prestations
d'assurance sont donc également allouées en cas de rechutes et de séquelles
tardives (art. 11 OLAA). Selon la jurisprudence, les rechutes et les séquelles
tardives ont ceci en commun qu'elles sont attribuables à une atteinte à la
santé qui, en apparence seulement, mais non dans les faits, était considérée
comme guérie. Il y a rechute lorsque c'est la même maladie qui se manifeste à
nouveau. On parle de séquelles tardives lorsqu'une atteinte apparemment guérie
produit, au cours d'un laps de temps prolongé, des modifications organiques ou
psychiques qui conduisent souvent à un état pathologique différent (ATF 123 V
137 consid. 3a p. 138 et les références). Par ailleurs, en cas de rechutes ou
de séquelles tardives, il incombe à l'assuré d'établir, au degré de
vraisemblance prépondérante, l'existence d'un rapport de causalité naturelle
entre la nouvelle atteinte et l'accident (cf. arrêt du 17 mai 2002 [U 293/01;
consid. 1] résumé dans REAS 2002 p. 307). A cet égard, la jurisprudence
considère que plus le temps écoulé entre l'accident et la manifestation de
l'affection est long, et plus les exigences quant à la preuve, au degré de la
vraisemblance prépondérante, du rapport de causalité naturelle doivent être
sévères (RAMA 1997 no U 275 p. 191 consid. 1c; consid 1 de l'arrêt du 17 mai
2002 précité).

5.
5.1 D'après une jurisprudence constante, l'assureur-accidents est tenu, au
stade de la procédure administrative, de confier une expertise à un médecin
indépendant, si une telle mesure se révèle nécessaire. Lorsque de telles
expertises sont établies par des spécialistes reconnus, sur la base
d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine
connaissance du dossier, et que les experts aboutissent à des résultats
convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice
concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 125 V 351 consid. 3b/bb p.
353; arrêt U 29/07 du 16 janvier 2008 consid. 5.3).

5.2 En l'occurrence, la cour cantonale a considéré, en se fondant sur « la
première déclaration d'accident » (recte: le rapport médical initial LAA), que
l'intimée avait subi « une entorse compartimentale externe mise en évidence par
la présence d'un important hématome local », que « cet hématome n'a pu survenir
qu'en présence d'une lésion tissulaire liée à un accident et non à une maladie
» et que « cette entorse avait eu pour conséquence un affaiblissement du
faisceau antérieur (péronéo-astragalien) du ligament latéral externe, qui a
abouti à un sentiment d'instabilité » (jugement attaqué, consid. 5, p.8, en
haut). Elle a estimé que ne pouvait se voir reconnaître valeur probante la
conclusion de l'expert L.________, selon laquelle B.________ présente un état
d'hyperlaxité ligamentaire généralisé, probablement à l'origine de
l'instabilité de sa cheville gauche. Sans les spécifier, les premiers juges
ont, d'une part, relevé que l'expert n'avait pas mentionné les « signes stricts
» que présente à l'examen tout patient atteint d'hyperlaxité; d'autre part, ils
ont estimé que le docteur L.________ avait négligé plusieurs éléments
anamnestiques, à savoir l'importance du traumatisme initial, la survenue
subséquente d'entorses quotidiennes en l'absence du port d'une attelle,
l'importance du bâillement tibio-astragalien sur le cliché tenu en varus, la
disparition quasi-totale à l'IRM du faisceau antérieur du ligament
péronéo-astragalien et des signes de tendinite des péroniers latéraux
compatibles avec la notion de lésions par fissuration.

Les juges cantonaux ont retenu que l'avis du docteur C.________, médecin
traitant, (cité dans le recours de B.________, mais dont le dossier ne contient
pas trace) devait céder le pas à celui du docteur L.________. Pour les motifs
ci-après, ces considérations ne peuvent pas être suivies.
Dans son rapport du 18 février 2005, l'expert L.________ a décrit dans une
section « anamnèse traumatique et évolution » l'événement du 5 août 2003 en
relevant que les douleurs ressenties par l'intimée suite à l'entorse de sa
cheville gauche ne l'ont pas empêchée de continuer sa visite de la ville où
elle séjournait et de rentrer chez elle. La relation par l'expert de ces
circonstances n'a pas été remise en cause par B.________ dans la procédure
cantonale. Contrairement à ce qu'a retenu la cour cantonale, le docteur
L.________ a pris en compte, dans la section « plaintes actuelles de la
patiente », la survenue quotidienne d'entorses en varus en l'absence du port
d'une contention et, dans son commentaire d'une radiographie de la cheville
gauche en varus forcé l'ouverture de l'articulation tibio-astragalienne de 16°.
Par ailleurs, de la conclusion suivante du radiologue E.________ (auteur de
l'IRM de la cheville gauche de l'assurée): « aspect très fin du ligament
péronéo-astragalien, qui est probablement en grande partie rompu » (rapport du
17 février 2005), l'expert L.________ a déduit: « l'examen IRM montre une
lésion partielle du faisceau antérieur [dudit ligament] infirmant ainsi une
grosse lésion ligamentaire » (complément d'expertise du 22 avril 2005). Une
telle déduction n'apparaît pas insoutenable et on ne voit pas ce qui autorisait
les premiers juges à lui substituer leur propre appréciation. Quant aux raisons
pour lesquelles l'expert L.________ a retenu un état d'hyperlaxité ligamentaire
chez l'intimée, elles sont exposées de façon convaincante dans le rapport du 27
septembre 2006 (récurvatum des genoux, hyperextension du coude, extension
dorsale de l'articulation métacarpo-phalangienne de l'index augmentée, échec de
la plastie ligamentaire à la cheville droite).

5.3 Au regard de ces constatations médicales - auxquelles il y a lieu
d'accorder entière valeur probante (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a p. 352) - on
doit nier l'existence d'un lien de causalité naturelle entre les troubles de la
cheville gauche de l'intimée annoncés à la fin de l'été 2004 et les accidents
assurés. Ces troubles ne peuvent plus, de manière crédible, être attribués à
une atteinte à la santé apparaissant, avec un degré prépondérant de
vraisemblance, comme la conséquence des accidents assurés (cf. ATF 129 V 177
consid. 3.1 p. 181). Les premiers juges se sont dès lors écartés à tort de
l'expertise du docteur L.________ (et de ses compléments).

6.
En conclusion, le recours se révèle fondé et doit être admis, ce qui conduit à
l'annulation du jugement attaqué.

7.
Les frais de la procédure, qui n'est pas gratuite (art. 65 al. 4 let. a LTF),
seront supportés par l'intimée qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). Par ailleurs,
La Caisse Vaudoise, qui a agi dans le cadre de ses attributions de droit
public, n'a pas droit aux dépens qu'elle prétend (art. 68 al. 3 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis et le jugement du Tribunal des assurances du canton de
Vaud du 4 janvier 2007 est annulé.

2.
Les frais judiciaires, d'un montant de 500 fr., sont mis à la charge de
l'intimée.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral de la santé publique.
Lucerne, le 11 avril 2008
Au nom de la Ire Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: p. la Greffière:

Ursprung Wagner