Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.824/2007
Zurück zum Index Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 2007
Retour à l'indice Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 2007


Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
6B_824/2007 /rod

Arrêt du 17 avril 2008
Cour de droit pénal

Composition
MM. les Juges Schneider, Président,
Favre et Mathys.
Greffière: Mme Bendani.

Parties
X.________,
Y.________,
Z.________,
recourants,
tous les trois représentés par Me Charles Poncet, avocat,

contre

A.________,
intimé, représenté par Me Olivier Wehrli, avocat,
Procureur général du canton de Genève, case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimé.

Objet
Concurrence déloyale,

recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre
pénale, du 19 novembre 2007.

Faits:

A.
A.a F.________ exploite, en raison individuelle, l'entreprise A.________,
active à Genève dans le domaine de la radiotechnique et des installations
d'antennes de radio et de télévision. L'une de ses activités consiste à
installer des antennes paraboliques privées pour la réception de programmes de
télévision par satellite.

X.________, Z.________ et Y.________ sont respectivement directeur général,
directeur général adjoint et responsable du service client de B.________, une
société anonyme qui a pour but d'étudier, construire, exploiter, entretenir et
développer en ville de Genève et, le cas échéant, dans d'autres communes du
canton, une antenne collective de télévision et de radio ainsi que le réseau de
distribution qui en dépend, de même que tous les autres moyens de
télécommunications.
A.b Depuis fin 2001, ces deux sociétés sont en litige au sujet d'une
proposition de A.________, sur laquelle B.________ ne souhaite pas entrer en
matière, de distribuer simultanément dans les immeubles des signaux provenant
du câble installé par B.________ et des signaux reçus par satellite au moyen
d'antennes paraboliques privées installées par A.________.

La réception d'émissions cryptées à l'aide d'antennes paraboliques privées
nécessite l'achat de cartes qui s'insèrent dans un décodeur et permettent de
décrypter les chaînes que l'utilisateur capte en dirigeant son antenne
parabolique sur le satellite adéquat; ainsi SRG SSR idée suisse propose par
exemple l'acquisition de sa carte, dénommée Sat Access, qui permet la réception
en clair de ses différents programmes télévisés.

B.
B.a Le 14 juillet 2004, suite à une présentation du projet de raccordement de
F.________, les collaborateurs de B.________ ont adressé un courrier à
A.________, dont les termes étaient notamment les suivants:

"Votre concept pousse le client à aller chercher à l'étranger des cartes
d'abonnement aux chaînes de péage et donc d'agir en toute illégalité vis-à-vis
du droit suisse. Etant garants d'une certaine éthique commerciale, nous ne
pouvons donc pas valider cette démarche.
Le même jour, ils ont fait parvenir une copie de ce courrier à C.________ et à
D.________, les remerciant de bien vouloir faire suivre cette information à
leur confrère et à qui de droit.
B.b Le 9 décembre 2004, les collaborateurs de B.________ ont envoyé à la régie
E.________ SA un courrier dont le contenu était similaire aux documents
précités. Cette lettre s'inscrivait dans le cadre de négociations relatives aux
raccordements à effectuer sur un immeuble et visait à informer la régie du
concept technique de A.________. Ce courrier précisait en outre que les
installations de cette entreprise occasionnaient un surcoût non négligeable, un
plus grand risque de pannes au vu de leur complexité et qu'elles étaient
susceptibles de devenir rapidement obsolètes .

C.
Par jugement du 29 novembre 2006, le Tribunal de police du canton de Genève a
condamné X.________, Z.________ et Y.________, pour concurrence déloyale (art.
23 LCD), à des amendes respectives de 2'000, 2'500, et 1'000 fr., fixant le
délai de radiation du casier judiciaire à deux ans. Il a également ordonné la
publication du jugement aux frais des condamnés.

D.
Par arrêt du 19 novembre 2007, la Chambre pénale de la Cour de justice
genevoise a confirmé le jugement de première instance, sauf en ce qui concerne
la publication dans deux quotidiens, une seule dans la Feuille d'avis
officielle s'avérant suffisante.

E.
X.________, Y.________ et Z.________ dépose un recours en matière pénale au
Tribunal fédéral. Ils contestent que les courriers litigieux constituent une
violation de la LCD. Ils requièrent également l'effet suspensif, qui leur a été
accordé par ordonnance présidentielle du 23 janvier 2008.

F.________ conclut au rejet du recours, de même que le Procureur général
genevois.

Considérant en droit:

1.
1.1 Le recours en matière pénale peut être formé pour violation du droit, tel
qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le
droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Eu égard à l'exigence de motivation
contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al.
1 let. b LTF), il n'examine en principe que les griefs invoqués; il n'est pas
tenu de traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les
questions juridiques qui se posent, lorsque celles-ci ne sont plus discutées
devant lui. De surcroît, il ne peut pas entrer en matière sur la violation d'un
droit constitutionnel ou sur une question relevant du droit cantonal ou
intercantonal si le grief n'a pas été invoqué et motivé de manière précise par
la partie recourante (art. 106 al. 2 LTF); dans ces cas, les exigences de
motivation correspondent à celles qui résultaient de l'art. 90 al. 1 let. b OJ
(ATF 133 III 639 consid. 2).

1.2 Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des
faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en
écarter que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte ou en
violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et pour
autant que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la
cause (art. 97 al. 1 LTF). La notion de « manifestement inexacte » correspond à
celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst (ATF 133 II 249 consid. 1.2.2). En
matière de constatation des faits et d'appréciation des preuves, le Tribunal
fédéral se montre réservé, vu le large pouvoir qu'il reconnaît aux autorités
cantonales dans ce domaine (ATF 120 Ia 31 consid. 4b). La partie recourante
doit ainsi démontrer dans quelle mesure le juge a abusé de son pouvoir
d'appréciation et, plus particulièrement, s'il a omis, sans aucune raison
sérieuse, de prendre en compte un élément de preuve propre à modifier la
décision attaquée, s'il s'est manifestement trompé sur son sens et sa portée ou
encore si, en se fondant sur les éléments recueillis, il en a tiré des
constatations insoutenables (ATF 129 I 8 consid. 2.1).

2.
Invoquant une violation des art. 2, 3 et 23 LCD, les recourants contestent leur
condamnation pour concurrence déloyale.

2.1 Ils nient tout d'abord que leur comportement ait pu modifier les rapports
de concurrence.
2.1.1 Selon l'art. 1 LCD, cette loi vise à garantir, dans l'intérêt de toutes
les parties concernées, une concurrence loyale et qui ne soit pas faussée. La
LCD ne concerne ainsi que le domaine de la concurrence. Cette notion vise une
compétition, une rivalité sur le plan économique entre des personnes qui
offrent leurs prestations. La concurrence suppose donc un marché, qui de plus
doit être licite.

Pour qu'il y ait acte de concurrence déloyale, il ne suffit pas que le
comportement apparaisse déloyal au regard de la liste d'exemples figurant aux
art. 3 à 8 LCD. Il faut encore, comme le montre la définition générale de
l'art. 2 LCD, qu'il influe sur les rapports entre concurrents ou entre
fournisseurs et clients. Autrement dit, il doit influencer le jeu de la
concurrence ou le fonctionnement du marché. Certes, il n'est pas nécessaire que
l'auteur de l'acte soit lui-même un concurrent. Il n'empêche que l'acte doit
être objectivement propre à avantager ou désavantager une entreprise dans sa
lutte pour acquérir de la clientèle, ou à accroître ou diminuer ses parts de
marché. L'acte doit être dirigé contre le jeu normal de la concurrence et
propre à influencer le marché. Il doit être objectivement apte à influencer la
concurrence (ATF 126 III 198 consid. 2 c/aa; 124 III 297 consid. 5d, 124 IV 262
consid. 2b, 120 II 76 consid. 3a).
2.1.2 Dans la mesure où les recourants prétendent que les faits retenus ne sont
ni analysés, ni développés, leurs critiques sont irrecevables. En effet, ils
s'en prennent ainsi à l'appréciation des preuves, sans toutefois alléguer, ni
démontrer d'arbitraire conformément au prescrit de l'art. 106 al. 2 LTF (cf.
supra consid. 1.2).

Selon les faits retenus qui lient l'autorité de céans, plusieurs communes ont,
suite aux courriers des recourants, suspendu leur collaboration avec l'intimé
jusqu'à droit jugé dans la présente cause. Or, cette suspension est
objectivement de nature à désavantager l'entreprise A.________ par rapport à
ses concurrents et à lui faire perdre des parts de marché, étant rappelé pour
le surplus qu'il n'est pas nécessaire que l'intimé subisse un dommage. Il
suffit effectivement, comme en l'occurrence, que les allégations incriminées
soient aptes à influencer la concurrence (cf. arrêt 6S.858/1999 du 16 août 2007
consid. 7b/dd). Dès lors, l'autorité cantonale n'a pas violé le droit fédéral
en admettant que les courriers des recourants avaient eu une influence sur le
fonctionnement du marché au sens de la LCD.

2.2 Les recourants contestent ensuite avoir dénigré l'intimé par leurs
courriers.
2.2.1 Aux termes de l'art. 3 let. a LCD, agit de façon déloyale celui qui
dénigre autrui, ses marchandises, ses oeuvres, ses prestations, ses prix ou ses
affaires par des allégations inexactes, fallacieuses ou inutilement blessantes.

Dénigrer signifie s'efforcer de noircir, de faire mépriser (quelqu'un ou
quelque chose) en disant du mal, en attaquant, en niant les qualités. Un propos
est dénigrant lorsqu'il rend méprisable le concurrent, ses marchandises, etc.
Tout propos négatif ne suffit pas; il doit revêtir un certain caractère de
gravité. Dénigre par exemple un produit mis sur le marché celui qui le dépeint
comme sans valeur, d'un prix surfait, inutilisable, entaché de défauts ou
nuisible (ATF 122 IV 33 consid. 2c).
2.2.2 Dans la large mesure où les recourants invoquent des faits sans
pertinence pour la cause, s'écartent des constatations cantonales, ou s'en
prennent à l'appréciation des preuves, sans toutefois alléguer ni démontrer
d'arbitraire à ce sujet, leurs critiques sont infondées (cf. supra consid.
1.2).

Selon les faits retenus, les recourants ont affirmé que le concept proposé par
l'intimé poussait les clients à aller chercher à l'étranger des cartes
d'abonnements aux chaînes à péage, et donc d'agir en toute illégalité au regard
du droit suisse. Ils ont maintenu leurs propos à plusieurs reprises et invité
leurs destinataires à les diffuser à large échelle. Les recourants ont ainsi
accusé leur concurrent d'instigation à la violation de la loi, ce qui constitue
manifestement un comportement déshonorant et méprisable. Dans ces conditions,
l'autorité cantonale pouvait, sans violation de l'art. 3 let. a LCD, admettre
que la correspondance incriminée dénigrait l'activité de l'intimé.

2.3 Les recourants contestent enfin le caractère inexact, fallacieux ou
inutilement blessant de leurs courriers. Ils expliquent que le système mis en
place par l'intimé est illégal car contraire à la LDA et à l'art. 150bis CP.
2.3.1 Une allégation n'est pas déjà illicite au sens de l'art. 3 let. a LCD du
seul fait qu'elle dénigre les marchandises d'un concurrent. Il faut encore
qu'elle soit inexacte - c'est-à-dire contraire à la réalité -, ou bien
fallacieuse - soit exacte en elle-même, mais susceptible, par la manière dont
elle est présentée ou en raison de l'ensemble des circonstances, d'éveiller
chez le destinataire une impression fausse, - ou encore inutilement blessante -
à savoir qu'elle donne du concurrent, respectivement de ses prestations au sens
large, une image négative, outrancière, que la lutte économique ne saurait
justifier (ATF 124 III 72 consid. 2b/aa).
2.3.2 Le contenu des courriers litigieux peut se révéler partiellement exact
dans la mesure où certains clients de l'intimé risquent de vouloir capter des
émissions cryptées à l'aide de cartes non disponibles en Suisse qu'ils auraient
achetées à l'étranger, où ils se seraient constitué une adresse fictive, ce qui
est susceptible de violer le droit suisse. En revanche, l'allégation incriminée
est inexacte et fallacieuse, dans la mesure où elle laisse croire, de manière
erronée, que l'intimé inciterait directement ses clients à se procurer
illégalement des cartes à l'étranger et que ceux-ci feraient uniquement un
usage litigieux des installations mises à disposition. De plus, les
correspondances des recourants suscitent également la fausse impression que
seul le concept de l'intimé pousserait à violer la loi, alors que ce dernier
n'a pas le monopole de la pose d'antennes permettant le décryptage d'émissions
dont les droits d'auteur pour le territoire suisse n'auraient éventuellement
pas été acquittés par les chaînes émettrices. Dans ces conditions, la Cour de
justice n'a pas violé l'art. 3 let. a LCD en admettant que les recourants
avaient donné une image trompeuse et négative de l'intimé.

3.
En conclusion, le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. Les
recourants, qui succombent, supporteront les frais judiciaires (art. 66 al. 1
LTF) et verseront des dépens à l'intimé (art. 68 al. 1 et LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis solidairement à la charge
des recourants.

3.
Les recourants, débiteurs solidaires, verseront à l'intimé une indemnité de
3'000 fr. à titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton
de Genève, Chambre pénale.
Lausanne, le 17 avril 2008
Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:

Schneider Bendani