Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.798/2007
Zurück zum Index Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 2007
Retour à l'indice Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 2007


Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
6B_798/2007 /rod

Arrêt du 28 avril 2008
Cour de droit pénal

Composition
MM. les Juges Schneider, Président,
Favre et Zünd.
Greffière: Mme Angéloz.

Parties
X.________,
Y.________,
recourants,
tous deux représentés par Me Alain Vuithier, avocat,

contre

Ministère public du canton de Vaud,
rue de l'Université 24, 1005 Lausanne,
intimé.

Objet
Ordonnance de non-lieu (lésions corporelles graves par négligence),

recours contre l'ordonnance du Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du
canton de Vaud du 19 juillet 2007.

Faits:

A.
Le 26 août 2005, X.________, agissant au nom de son fils mineur Y.________, né
le 13 septembre 1988, a déposé plainte pénale pour lésions corporelles graves
par négligence, consécutivement à un accident survenu le 29 mai 2005 à 17
heures 40 à la piscine de Renens.

Par décision du 23 mai 2007, le Juge d'instruction de l'arrondissement de La
Côte, agissant en qualité de Juge d'instruction ad hoc pour l'arrondissement de
Lausanne, a clos par un non-lieu la procédure ouverte suite à cette plainte.

Sur recours de la plaignante et de son fils, devenu majeur en cours d'enquête,
le Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal vaudois a confirmé cette décision
par ordonnance du 19 juillet 2007.

B.
Cette ordonnance retient, en résumé, ce qui suit.
B.a La piscine de Renens comporte notamment un toboggan aquatique présentant
une longueur de 9 mètres, une largeur de 4 mètres et un dénivelé de 4,20
mètres. Celui-ci aboutit dans un bassin, où la profondeur de l'eau varie de 80
cm à la sortie de l'escalier à 120 cm sur le côté opposé et atteint 90 cm à la
verticale du débouché du toboggan. Ce dernier est muni de deux barres, l'une
placée au départ et l'autre en cours de descente. Suite à un accident survenu
en 1995, la barre destinée à empêcher les usagers de se lever a été rabaissée.
Après un autre accident, survenu en 2003, la partie plane du toboggan a été
allongée, de façon que la course des usagers soit stabilisée et que leur
arrivée dans l'eau soit moins brutale. Postérieurement aux faits de la présente
cause, un boudin supplémentaire a été ajouté, bien que son installation ne soit
pas exigée dans les recommandations du Bureau suisse de prévention des
accidents (ci-après: BPA). Près du toboggan, se trouve un panneau, sur lequel
est affiché le règlement relatif à son utilisation.
B.b Le 29 mai 2005, Y.________, accompagné de son amie et de Z.________, a fait
usage du toboggan. Parvenu au bas de ce dernier, il a freiné sa course, s'est
levé et a plongé dans le bassin. Sa tête a heurté le fond de la piscine,
ensuite de quoi il a subi une fracture de la colonne vertébrale,
potentiellement mortelle, qui a provoqué une tétraplégie complète.
B.c Suite à l'accident, trois personnes ont été mises en cause, à savoir:
A.________, Président de la Société coopérative de la piscine de Renens,
B.________, chef d'exploitation de la piscine, et C.________, gardienne
auxiliaire le jour des faits, à laquelle il incombait de s'assurer que les
usagers du toboggan l'utilisent conformément au règlement affiché sur le
panneau et de surveiller le bassin.
B.d Le non-lieu a principalement été justifié par l'absence d'un rapport de
causalité entre une éventuelle violation des devoirs de prudence incombant aux
personnes mises en cause et les blessures subies par la victime,
subsidiairement en considérant que le comportement de cette dernière avait été
tel qu'il serait de toute manière interruptif du lien de causalité.

C.
X.________ et Y.________ forment un recours en matière pénale au Tribunal
fédéral, pour violation de l'art. 125 CP. Ils concluent à la réforme de la
décision du magistrat instructeur du 23 mai 2007 en ce sens que les mis en
cause soient renvoyés en jugement pour lésions corporelles graves par
négligence, subsidiairement à l'annulation de cette décision. Ils sollicitent
par ailleurs l'assistance judiciaire. Des déterminations n'ont pas été
requises.

Considérant en droit:

1.
Y.________ revêt manifestement la qualité de victime au sens de l'art. 2 al. 1
LAVI et X.________, en tant que mère, celle de personne assimilée à la victime
au sens de l'art. 2 al. 2 LAVI. Tous deux ont à l'évidence participé à la
procédure devant l'autorité précédente. Certes, ils n'indiquent pas quelles
conclusions civiles ils entendraient faire valoir dans le procédure pénale.
Compte tenu, notamment, de la nature de l'infraction dénoncée, on peut
toutefois discerner d'emblée et sans ambiguïté quelles prétentions civiles ils
pourraient élever contre les personnes mises en cause et en quoi la décision
attaquée est susceptible de les influencer (ATF 127 IV 185 consid. 1a p. 187 et
les arrêts cités). Ils ont donc qualité pour recourir (art. 81 al. 1 let. a et
let. b ch. 5 LTF).

2.
Le recours peut notamment être formé pour violation du droit fédéral (art. 95
let. a LTF), y compris les droits constitutionnels. Il ne peut critiquer les
constatations de fait qu'au motif que les faits ont été établis de façon
manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire, ou en violation du droit au
sens de l'art. 95 LTF, et pour autant que la correction du vice soit
susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). Il doit être
motivé conformément à l'art. 42 al. 2 LTF, qui exige que le recourant indique
en quoi la décision attaquée viole le droit. Les griefs mentionnés à l'art. 106
al. 2 LTF, en particulier celui pris d'une violation des droits fondamentaux,
sont toutefois soumis à des exigences de motivation accrues, qui correspondent
à celles qui résultaient de l'art. 90 al. 1 let. b OJ pour le recours de droit
public (ATF 133 IV 286 consid. 1.4 p. 287).

3.
Les recourants invoquent une violation de l'art. 125 CP, dont ils soutiennent
que les conditions sont réalisées.

3.1 L'art. 125 CP réprime le comportement de celui qui, par négligence, aura
fait subir à une personne une atteinte à l'intégrité corporelle ou à la santé.

La négligence suppose, d'une part, que l'auteur ait violé un devoir de prudence
que les circonstances lui imposaient pour ne pas excéder les limites du risque
admissible et, d'autre part, qu'il n'ait pas prêté l'attention ou fait les
efforts que l'on pouvait attendre de lui pour se conformer à ce devoir (ATF 133
IV 158 consid. 5.1 p. 161/162; 129 IV 119 consid. 2.1 p. 121).

Pour déterminer les devoirs imposés par la prudence, on peut se référer à des
normes édictées par l'ordre juridique pour assurer la sécurité et éviter des
accidents. A défaut de dispositions légales ou réglementaires, on peut se
référer à des règles analogues qui émanent d'associations privées ou
semi-publiques lorsqu'elles sont généralement reconnues. La violation des
devoirs de la prudence peut aussi être déduite des principes généraux, si
aucune règle spéciale de sécurité n'a été violée (ATF 133 IV 158 consid. 5.1 p.
162; 129 IV 119 consid. 2.1 p. 121).

Il y a violation d'un devoir de prudence lorsque l'auteur, au moment des faits,
aurait pu, compte tenu de ses connaissances et de ses capacités, se rendre
compte de la mise en danger d'autrui (ATF 133 IV 158 consid. 5.1 p. 162; 129 IV
119 consid. 2.1 p. 121). Cette violation, le cas échéant, doit être imputable à
faute; il faut que l'on puisse reprocher à l'auteur, compte tenu de ses
circonstances personnelles, d'avoir fait preuve d'un manque d'effort blâmable
(ATF 133 IV 158 consid. 5.1 p. 163; 129 IV 119 consid. 2.1 p. 121).

La violation fautive d'un devoir de prudence doit avoir été la cause naturelle
et adéquate des lésions subies par la victime (ATF 133 IV 158 consid. 6 p. 167;
129 IV 119 consid. 2.4 p. 123). Un comportement est la cause naturelle d'un
résultat s'il en constitue l'une des conditions sine qua non, c'est-à-dire si,
sans lui, le résultat ne s'était pas produit; il s'agit là d'une question de
fait (ATF 133 IV 158 consid. 6.1 p. 167; 125 IV 195 consid. 2b p. 197). Il en
est la cause adéquate lorsque, d'après le cours ordinaire des choses et
l'expérience de la vie, il est propre à entraîner un résultat du genre de celui
qui s'est produit (ATF 133 IV 158 consid. 6.1 p. 168; 131 IV 145 consid. 5.1 p.
147). La causalité adéquate peut cependant être exclue si une autre cause
concomitante, par exemple une force naturelle, le comportement de la victime ou
d'un tiers, constitue une circonstance tout à fait exceptionnelle ou apparaît
si extraordinaire que l'on ne pouvait s'y attendre. L'imprévisibilité d'un acte
concurrent ne suffit pas en soi à interrompre le rapport de causalité adéquate.
Il faut encore que cet acte ait une importance telle qu'il s'impose comme la
cause la plus probable et la plus immédiate de l'événement considéré, reléguant
à l'arrière-plan tous les autres facteurs qui ont contribué à l'amener et
notamment le comportement de l'auteur (ATF 133 IV 158 consid. 6.1 p. 168; 131
IV 145 consid. 5.2 p. 148).

L'infraction réprimée par l'art. 125 CP est une infraction de résultat, qui
suppose en général une action. Elle peut cependant aussi être réalisée par
omission, lorsque l'auteur avait une position de garant, c'est-à-dire
l'obligation juridique d'agir pour prévenir le résultat dommageable, laquelle
peut résulter de la loi, d'un contrat ou des principes généraux, et lorsqu'il
n'a pas empêché ce résultat de se produire, alors qu'il le pouvait (ATF 133 IV
158 consid. 5.1 p. 162).

3.2 Il est acquis que les personnes mises en cause, soit A.________ et
B.________, en leur qualité de responsables de la sécurité de la piscine, et
C.________, en tant que gardienne de service au moment des faits, revêtent une
position de garant.

3.3 S'agissant des responsables de la piscine, les recourants leur reprochent
essentiellement d'avoir omis de remédier à la profondeur insuffisante du
bassin, faisant valoir que celle-ci n'était que de 90 cm au moment des faits,
alors qu'elle devait être de 100 cm au moins.

La décision attaquée admet que, si elle était conforme aux recommandations de
sécurité du BPA dans leur version de 1990, qui prescrivaient une profondeur de
90 cm au moins et de 100 cm au plus, la profondeur du bassin, au moment des
faits, ne satisfaisait plus aux recommandations de sécurité du BPA dans leur
version de 2004, qui exigent désormais une profondeur minimale de 100 cm. Il
retient toutefois que cette différence de 10 cm n'a pas joué de rôle causal en
l'espèce, dès lors que, si elle avait plongé dans 100 cm d'eau au lieu de 90
cm, la victime, d'une stature de 180 cm, se serait de toute manière grièvement
blessée.

La décision attaquée constate ainsi l'absence d'un lien de causalité naturelle
- et non adéquate, comme elle la qualifie - entre l'omission invoquée et la
survenance de l'accident tel qu'il s'est produit, du fait que l'accomplissement
de l'acte omis n'aurait de toute manière pas empêché l'accident et les graves
lésions qu'il a entraînées. Or, les recourants ne prétendent pas que cette
constatation, qui relève du fait (cf. supra, consid. 3.1), serait arbitraire
et, à plus forte raison, ne le démontrent. Il n'est dès lors pas établi que
l'existence d'un lien de causalité naturelle aurait été niée arbitrairement.
Subséquemment, c'est en vain que les recourants allèguent que le rapport de
causalité entre l'omission invoquée et l'accident, respectivement les lésions
qui en ont résulté, devait être considéré comme adéquat et que le fait de
plonger ne constituait pas un comportement si exceptionnel qu'il ait été
interruptif du lien de causalité.

Pour le surplus, les recourants ne soutiennent plus sérieusement, en instance
fédérale, que les responsables de la piscine auraient failli d'une autre
manière à leur devoir de prudence, notamment qu'ils auraient omis de prendre
des mesures après les deux accidents survenus, respectivement, en 1995 et en
2003. Au demeurant avec raison, puisque des améliorations ont chaque fois été
apportées (cf. supra, let. B.a). Ils ne sauraient au reste arguer d'une
insuffisance de la signalisation quant aux règles à respecter pour
l'utilisation du toboggan. La décision attaquée constate, sans arbitraire qui
soit démontré ni même allégué, que la profondeur du bassin, l'interdiction de
se lever en cours de descente et l'interdiction de plonger sont dûment
signalées.

Il résulte de ce qui précède que, s'agissant des responsables de la piscine,
l'une des conditions d'application de l'art. 125 CP, à savoir l'existence d'un
lien de causalité naturelle entre l'omission qui leur est reprochée et le
résultat qui s'est produit, n'est pas réalisée. La décision attaquée ne viole
donc pas le droit fédéral dans la mesure où elle prononce un non-lieu en leur
faveur du chef de cette infraction.

3.4 En ce qui concerne la gardienne auxiliaire de la piscine, les recourants
font valoir qu'elle ne surveillait pas suffisamment le toboggan au moment des
faits.

La décision attaquée réfute ce grief en observant que la gardienne devait
surveiller non seulement le toboggan mais le bassin, qu'elle devait procéder
par "balayage visuel" et que cette opération nécessitait quelque 10 secondes,
de sorte qu'on ne peut lui reprocher de n'avoir pas eu les yeux rivés sur le
bas du toboggan. Subsidiairement, elle constate que, même si elle avait fixé
constamment le toboggan, la gardienne n'aurait pu empêcher le plongeon soudain
de la victime dans le bassin.

Les recourants ne contestent pas que la tâche de la gardienne ne se limitait
pas à la surveillance du toboggan et qu'elle ne pouvait donc se borner à fixer
ce dernier en quasi permanence. Au demeurant, ils ne démontrent pas, ni même ne
prétendent, qu'il était arbitraire de retenir que, même en admettant que la
gardienne aurait dû surveiller exclusivement le toboggan, l'omission de le
faire n'aurait de toute manière pas empêché l'accident. Plus est, ils se
bornent à affirmer qu'elle "n'a pas pris toutes les dispositions qui
s'imposaient pour assurer une surveillance accrue du toboggan incriminé", sans
même indiquer lesquelles elle aurait dû prendre. Là encore, il n'est donc pas
établi que l'existence d'un lien de causalité naturelle entre l'omission
invoquée et la survenance de l'accident tel qu'il s'est produit aurait été niée
arbitrairement. Or, de cette constatation, il pouvait être déduit, sans
violation du droit fédéral, que l'infraction en cause ne pouvait être retenue à
la charge de la gardienne, qui devait par conséquent être libérée de cette
prévention.

4.
Au terme de leur mémoire, les recourants allèguent avoir sollicité des mesures
d'instruction, notamment une inspection locale, mais que le magistrat
instructeur n'y a pas donné suite, alors qu'elles auraient permis de faire la
lumière sur certaines zones d'ombre quant à l'amélioration de la sécurité
depuis les accidents antérieurs et sur celles actuellement mises en place. Ils
ne se sont toutefois aucunement plaints du refus de telles mesures dans leur
recours cantonal; du moins, rien de tel ne ressort de l'arrêt attaqué, sans que
les recourants n'établissent ni même ne prétendent le contraire. Au demeurant,
hormis la mention d'une inspection locale, les recourants n'indiquent pas
quelles autres mesures ils auraient requises, ni quels faits précis et
pertinents elles permettraient d'élucider. Le grief est par conséquent
irrecevable.

5.
Le recours doit ainsi être rejeté dans la mesure où il est recevable. Comme ses
conclusions étaient vouées à l'échec, l'assistance judiciaire ne peut être
accordée (art. 64 al. 1 LTF). Les recourants devront donc supporter les frais,
qui seront mis conjointement à leur charge (art. 66 al. 1 et 5 LTF). Le montant
de ceux-ci sera toutefois arrêté en tenant compte de leur situation financière.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
La requête d'assistance judiciaire est rejetée.

3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis conjointement à la charge
des recourants.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal d'accusation du
Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Lausanne, le 28 avril 2008
Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:
Schneider Angéloz