Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.789/2007
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6B_789/2007 /rod

Arrêt du 11 mars 2008
Cour de droit pénal

MM. les Juges Schneider, Président,
Favre et Mathys.
Greffière: Mme Bendani.

Ministère public du canton de Neuchâtel,
2001 Neuchâtel 1,
recourant,

contre

X.________,
intimé, représenté par Me Renaud Gfeller, avocat,

Internement,

recours contre l'arrêt de la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal du
canton de Neuchâtel du 16 novembre 2007.

Faits:

A.
De décembre 2004 à septembre 2006, X.________ a commis, à onze reprises, des
actes d'ordre sexuels avec des enfants, en concours trois fois avec des
contraintes sexuelles et huit fois sur des personnes incapables de
discernement ou de résistance. Une certaine gradation a été constatée dans
ses actes, qui d'attouchements sont devenus des caresses et des intrusions
avec la langue ainsi que l'exhibition de son sexe, X.________ demandant à ses
victimes de le toucher, de le lécher et allant même jusqu'à éjaculer dans la
bouche de l'une d'elles.

B.
Par jugement du 28 juin 2007, le Tribunal correctionnel du district de La
Chaux-de-Fonds a condamné X.________, pour actes d'ordre sexuel avec des
enfants, contraintes sexuelles, actes d'ordre sexuel commis sur des personnes
incapables de discernement ou de résistance, pornographie et contraventions à
la LStup, à une peine privative de liberté de 4 ans et demi, sous déduction
de la détention préventive. Il a également ordonné une mesure d'internement
au sens de l'art. 64 CP ainsi qu'un traitement psychothérapeutique
ambulatoire en milieu carcéral.

C.
Par arrêt du 16 novembre 2007, la Cour de cassation pénale du Tribunal
cantonal neuchâtelois a supprimé la mesure d'internement prononcée à
l'encontre du condamné et confirmé le jugement attaqué pour le surplus. En
bref, elle a admis que le principe de la lex mitior s'appliquait aux mesures,
que l'ancien droit était plus favorable au recourant et que les conditions
d'application de l'art. 43 ch. 1 al. 2 aCP n'étaient pas réalisées dans le
cas particulier.

D.
Le Ministère public du canton de Neuchâtel dépose un recours en matière
pénale au Tribunal fédéral. Il reproche à la Cour cantonale d'avoir ignoré le
ch. 2 al. 1 des dispositions finales de la modification du 13 décembre 2002
et d'avoir mal appliqué l'art. 43 ch. 1 al. 2 aCP. Il conclut principalement
à la confirmation du jugement de première instance et subsidiairement au
renvoi de la cause à l'autorité inférieure.

Considérant en droit:

1.
1.1 Rendue en matière pénale (art. 78 al. 1 LTF) par une autorité cantonale
de dernière instance (art. 80 al. 1 LTF), la décision attaquée, qui met fin à
la procédure (art. 90 LTF), peut faire l'objet d'un recours en matière pénale
(art. 78 ss LTF). Le Ministère public du canton de Neuchâtel a qualité pour
recourir (art. 81 al. let. b ch. 3 LTF).

1.2 Le recours peut notamment être formé pour violation du droit fédéral
(art. 95 let. a LTF), qui englobe les droits constitutionnels. Le Tribunal
fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art.
105 al. 1 LTF), à moins que le recourant ne démontre que ces faits ont été
établis de façon manifestement inexacte, à savoir arbitraire au sens de
l'art. 9 Cst., ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 97 al.
1 LTF).

2.
Le recourant reproche à la Cour de cassation d'avoir appliqué l'art. 43 ch. 1
al. 2 aCP à la place de l'art. 64 CP, et estime que l'internement se justifie
aussi bien sur la base du nouveau que de l'ancien droit.

2.1 Selon le ch. 2 al. 1 des dispositions finales de la modification du 13
décembre 2002, les dispositions du nouveau droit relatives aux mesures (art.
56 à 65) et à leur exécution (art. 90) s'appliquent aussi aux auteurs d'actes
commis ou jugés avant leur entrée en vigueur. Même si cette disposition
constitue une norme spéciale par rapport à l'art. 2 CP, l'interdiction de la
rétroactivité vaut également en matière d'internement. Ainsi, l'application
rétroactive de l'art. 64 CP n'est possible que s'il est plus favorable à
l'auteur, sous peine de violer le principe de la non-rétroactivité formulé
aux art. 7 al. 1 CEDH et 15 al. 1 du Pacte international relatif aux droits
civils et politiques. Par conséquent, le juge doit examiner dans chaque cas
si le nouveau droit conduit effectivement à un résultat plus favorable au
condamné. Par ailleurs, l'ancien et le nouveau droit ne peuvent être combinés
(cf. arrêt 6B_347/2007 du 29 novembre 2007 destiné à la publication).

2.2
2.2.1 L'internement fondé sous l'ancien droit est destiné aux délinquants
d'habitude (art. 42 aCP) ou mentalement anormaux (art. 43 ch. 1 al. 2 aCP).
D'un point de vue médical, la notion d'anomalie mentale englobe tous les
états psychiques s'écartant de la norme médicale, tels que les faiblesses
d'esprit, les psychopathies, les développements mentaux incomplets, les
névroses et les maladies mentales chroniques. Il s'agit par conséquent d'une
notion extrêmement large, qui ne peut être reprise comme telle pour la
définition de l'anomalie au sens de l'art. 43 aCP. Dès lors, seules certaines
formes relativement lourdes d'anomalie mentale au sens médical peuvent être
qualifiées d'anomalie mentale au sens juridique. L'art. 43 aCP suppose une
maladie mentale relativement importante, laquelle doit par ailleurs avoir été
causale de l'acte (cf. arrêt 6S.228/2000 du 10 juin 2000 consid. 3c; arrêt
6S.768/1999 du 29 janvier 2000 consid. 1a).

Dans l'arrêt 6S.768/1999, le Tribunal fédéral a examiné le cas d'un
délinquant qui avait essentiellement commis des infractions contre
l'intégrité sexuelle, notamment des viols; celui-ci ne souffrait pas d'une
maladie mentale, de faiblesse d'esprit ou d'un autre trouble grave de la
conscience, mais présentait un trouble de la personnalité de type dyssocial
assimilé à un développement mental incomplet; il s'agissait d'un homme
d'intelligence normale, chez lequel on ne relevait pas d'indices d'une
maladie psychotique ou dépressive ni de déviance sexuelle primaire; il
souffrait d'une carence émotionnelle et avait une grande difficulté à se
confronter à ses actes, qu'il minimisait; sa diminution de responsabilité
avait été considérée comme relativement légère et il présentait un risque de
récidive. Le Tribunal fédéral a jugé qu'au vu des troubles que présentait
l'intéressé, on ne pouvait parler d'une anomalie au sens de l'art. 43 aCP qui
ait été causale des actes commis, de sorte que l'autorité cantonale n'avait
pas violé le droit fédéral en n'ordonnant pas l'internement au sens de cette
disposition.

2.2.2 L'internement fondé sur le nouveau droit suppose notamment que l'une
des conditions alternatives posées à l'art. 64 al. 1 CP soit réalisée, à
savoir qu'en raison des caractéristiques de la personnalité de l'auteur, des
circonstances dans lesquelles il a commis l'infraction et de son vécu, il est
sérieusement à craindre qu'il ne commette d'autres infractions du même genre
(let. a) ou qu'en raison d'un grave trouble mental chronique ou récurrent en
relation avec l'infraction, il est sérieusement à craindre que l'auteur ne
commette d'autres infractions du même genre et que la mesure prévue à l'art.
59 CP, soit une mesure thérapeutique institutionnelle, apparaisse vouée à
l'échec (let. b).

La let. b de cette disposition codifie l'exigence d'un grave trouble mental
issue de la jurisprudence citée au considérant précédent (cf. arrêt
6B_457/2007 du 12 novembre 2007 consid. 5.1). En revanche, la formulation de
la let. a indique qu'un trouble mental ne constitue plus forcément une
condition préalable au prononcé de l'internement. En effet, diverses études
relatives au rapport entre maladie mentale et dangerosité concluent que les
malades mentaux ne présentent pas un degré de dangerosité sensiblement plus
élevé que les personnes psychiquement saines. Le trouble mental perd dès lors
toute valeur en tant qu'indice d'une dangerosité particulière. Cela est
notamment vrai si l'on considère que des auteurs d'agressions sexuelles,
telles que la contrainte sexuelle, le viol ou le meurtre par pulsions
sexuelles, peuvent être considérés comme "sains d'esprit", c'est-à-dire ne
présenter aucun trouble défini par la psychiatrie. Dans ces conditions, il
est justifié d'ordonner aussi l'internement d'un auteur mentalement sain en
raison d'une infraction unique (cf. FF 1998 p. 116 s.; cf. M. Heer, Basler
Kommentar, Strafrecht I, 2ème éd., ad art. 64 CP n° 37 ss.).
2.2.3 Selon l'expertise psychiatrique, le recourant n'est pas atteint d'une
maladie mentale, d'une faiblesse d'esprit ou d'une grave altération de la
conscience. Il présente toutefois une personnalité immature, évitante, sans
traits dyssociaux marqués mais avec une certaine faiblesse de caractère
n'allant pas jusqu'à motiver un diagnostic de personnalité manquant de tenue.
Un diagnostic de troubles mixtes de la personnalité rend compte d'une telle
constellation. Le développement mental du recourant peut être considéré comme
légèrement incomplet, l'expert soulignant encore le rôle joué par des
facteurs contextuels dans les délits commis. L'intéressé présente également
un trouble de la préférence sexuelle dans le sens d'une tendance pédophile
qui est restée longtemps latente et qui s'est manifestée dans le cadre d'une
situation de déséquilibre personnel.

Ces anomalies sont insuffisantes pour constituer un grave trouble mental au
sens de la jurisprudence exposée au consid. 2.2.1. En effet, l'expert n'a pas
parlé de pédophilie, mais uniquement d'une tendance; de plus, il a lui-même
expressément admis, dans le cadre de ses conclusions, qu'on pouvait
difficilement retenir que le recourant souffrait, d'un point de vue médical,
d'un grave trouble mental. Dans ces conditions, l'ancien droit, qui -
contrairement à l'art. 64 CP - ne prévoit l'internement que pour les
délinquants d'habitude ou anormaux est plus favorable à l'intéressé, puisque
celui-ci n'entre dans aucune de ces deux catégories. Dès lors, la Cour
cantonale n'a pas violé le droit fédéral en renonçant à prononcer un
internement au sens de l'art. 43 ch. 1 al. 2 aCP.

2.3 Selon l'expertise, le recourant présente un risque de récidive, lié à
certains aspects de sa personnalité, qui pourrait surtout se concrétiser dans
des situations de déséquilibre et de conflit comme celles qu'il a connues
durant la période où il a commis les infractions qui lui sont reprochées.
Selon le spécialiste, un traitement institutionnel ne semble pas indiqué. Il
préconise cependant un soutien psychothérapeutique durant la période de
détention et surtout un suivi psychothérapeutique et social après sa
libération. Il relève que c'est d'ailleurs peu après avoir interrompu la
prise en charge dont il bénéficiait auprès du service de probation que le
recourant, privé de soutien, a commencé à commettre des délits. Il explique
qu'un accompagnement thérapeutique permettrait à l'expertisé de développer
des stratégies plus efficaces d'affirmation de soi et d'une façon plus
générale des compétences d'acceptation de l'anxiété et de l'inconfort qui
faciliteraient la mise en place de stratégies plus constructives et
diminueraient la tendance à l'évitement et à la fuite. Il ajoute qu'une
thérapie dans ce sens a d'ailleurs été commencée par le Dr Y.________.

Ainsi, aux dires d'expert, la mesure susceptible de diminuer le risque de
récidive présenté par le recourant consiste en un soutien thérapeutique
pendant la période de détention et surtout en un suivi psychothérapeutique et
social après la libération de l'intéressé. En l'occurrence, aucun élément ne
permet de douter que le recourant ne se soumettra pas un à tel traitement,
celui-ci ayant d'ailleurs été commencé en milieu carcéral. Dès lors, pour ce
motif également, la Cour de cassation n'a pas violé le droit fédéral en
renonçant à un internement au sens de l'art. 43 ch. 1 al. 2 aCP, celui-ci
n'étant qu'une mesure subsidiaire et ne devant être ordonné qu'à titre
d'ultima ratio, soit lorsque la dangerosité existante ne peut être écartée
autrement (ATF 127 IV 1 consid. 2a p. 4 s.).

3.
En conclusion, le recours doit être rejeté. Il n'est pas perçu de frais, ni
alloué d'indemnité à l'intimé, qui n'est pas intervenu à la procédure
(cf. art. 66 al. 4 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de cassation pénale
du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel.

Lausanne, le 11 mars 2008

Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: La Greffière:

Schneider Bendani