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Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.750/2007
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Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
6B_750/2007 /rod

Arrêt du 14 avril 2008
Cour de droit pénal

Composition
MM. les Juges Schneider, Président,
Wiprächtiger et Favre.
Greffière : Mme Angéloz.

Parties
X.________,
recourant,

contre

Ministère public du canton de Vaud,
rue de l'Université 24, 1005 Lausanne,
intimé.

Objet
Rémunération de l'avocat d'office,

recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de
cassation pénale, du 22 octobre 2007.

Faits:

A.
Par jugement du 17 janvier 2007, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement
de Lausanne a condamné Y.________, pour viol, à une peine privative de liberté
de deux ans, sous déduction de la détention préventive. Aux deux tiers de sa
peine, la libération conditionnelle lui a été refusée. Sur recours, le Juge
d'application des peines a confirmé cette décision par jugement du 13 juillet
2007, au motif que l'intéressé ne reconnaissait pas l'infraction pour laquelle
il avait été condamné, ce qui impliquait un pronostic défavorable.

B.
Y.________ a recouru contre ce jugement auprès de la Cour de cassation pénale
du Tribunal cantonal vaudois.

Le 3 août 2007, le Président de cette juridiction a nommé Me X.________,
avocat, comme défenseur d'office, en lui impartissant un délai de 10 jours, non
prolongeable, pour motiver le recours. Le 16 août 2007, l'avocat a déposé un
mémoire de 8 pages. Il a en outre produit la «liste des opérations», impliquant
7h30 de travail, y compris le trajet de Lausanne à Sugiez/Bellechasse et
retour. La stagiaire de l'avocat a par ailleurs assisté à l'audience.

Par arrêt du 22 octobre 2007, la Cour de cassation a admis le recours et
ordonné la libération conditionnelle avec effet au jour de l'exécution de
l'injonction de quitter la Suisse, prononcée le 27 février 2006 par l'Office
fédéral des migrations. Pour cette procédure, la Cour de cassation a alloué à
l'avocat d'office une indemnité de 774 fr.70.

C.
Me X.________ forme un recours en matière pénale, en concluant à l'annulation
du chiffre III de l'arrêt attaqué. Il invoque une violation de son droit d'être
entendu, en raison d'une motivation insuffisante. Il se plaint en outre
d'arbitraire, au motif que la somme octroyée est manifestement trop basse au
regard des activités accomplies et nécessaires à la conduite du mandat,
équivalant à 7h30 de travail. Il fait valoir qu'amputée de la TVA (59 fr.) et
des frais de déplacement sur 180 km (estimés à 108 fr.), l'indemnité nette
ascende à un peu plus de 600 fr., correspondant à environ 3h30 de travail au
tarif recommandé par la jurisprudence.

Le Ministère public a renoncé à se déterminer. L'autorité cantonale se réfère à
son arrêt, sans formuler d'observations.

Considérant en droit:

1.
1.1 L'arrêt attaqué peut faire l'objet d'un recours en matière pénale (art. 78
al. 1 et 80 al. 1 LTF), que le recourant est habilité à former en sa qualité
d'avocat d'office de l'accusé (art. 81 al. 1 LTF).

1.2 Le recours peut notamment être formé pour violation du droit fédéral (art.
95 let. a LTF), y compris les droits constitutionnels. Il ne peut critiquer les
constatations de fait qu'au motif que les faits ont été établis de façon
manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire, ou en violation du droit au
sens de l'art. 95 LTF, et pour autant que la correction du vice soit
susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).

1.3 Le recours doit être motivé conformément à l'art. 42 al. 2 LTF, qui exige
que le recourant indique en quoi la décision attaquée viole le droit. Les
griefs mentionnés à l'art. 106 al. 2 LTF, en particulier celui pris d'une
violation des droits fondamentaux, sont toutefois soumis à des exigences de
motivation accrues, qui correspondent à celles qui résultaient de l'art. 90 al.
1 let. b OJ pour le recours de droit public (ATF 133 IV 286 consid. 1.4 p.
287).
1.4
Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF) et n'est
donc limité ni par les arguments du recourant ni par la motivation de
l'autorité précédente. Toutefois, vu l'exigence de motivation du recours, il
n'examine en principe que les griefs invoqués et n'est dès lors pas tenu de
traiter des questions qui ne sont plus discutées devant lui. Il ne peut aller
au-delà des conclusions des parties (art. 107 al. 1 LTF).

2.
2.1 La fixation de l'indemnité allouée à l'avocat d'office pour son activité
devant les juridictions cantonales relève en principe du droit cantonal (cf.
ATF 132 I 201 consid. 7.2 et 7.3 p. 205 et 206; 110 V 360 consid. 1b p. 362).
L'avocat d'office a cependant droit au remboursement intégral de ses débours
ainsi qu'à une indemnité s'apparentant aux honoraires perçus par le mandataire
plaidant aux frais de son client. Pour fixer cette indemnité, l'autorité doit
tenir compte de la nature et de l'importance de la cause, des difficultés
particulières que celle-ci peut présenter en fait et en droit, du temps que
l'avocat lui a consacré, de la qualité de son travail, du nombre des
conférences, audiences et instances auxquelles il a pris part, du résultat
obtenu et de la responsabilité qu'il a assumée. A condition d'être équitable,
il est admis que la rémunération de l'avocat d'office puisse être inférieure à
celle du mandataire choisi. En principe, elle devrait couvrir les frais
généraux de l'avocat, dont on estime qu'ils correspondent d'ordinaire à au
moins 40% du revenu professionnel brut, voire à la moitié de celui-ci (ATF 122
I 1 consid. 3a et 3c p. 2 et 3 et les références citées; voir aussi ATF 122 I
322 consid. 3b p. 325).

L'autorité compétente dispose d'un large pouvoir d'appréciation dans
l'application des normes cantonales relatives à l'indemnisation de l'avocat
d'office. Le Tribunal fédéral n'intervient que si cette autorité a abusé du
pouvoir d'appréciation qui lui est accordé ou si elle l'a excédé; il en est
ainsi lorsque la décision repose sur une appréciation insoutenable des
circonstances, qu'elle est inconciliable avec les règles du droit et de
l'équité, qu'elle omet de tenir compte de tous les éléments de fait propres à
fonder la décision, ou encore lorsqu'elle prend au contraire en considération
des circonstances qui ne sont pas pertinentes (ATF 125 V 408 consid. 3a; 122 I
1 consid. 3a p. 2 et les arrêts cités). Enfin, il ne suffit pas que l'autorité
ait apprécié de manière erronée un poste de l'état des frais ou qu'elle se soit
fondée sur un argument déraisonnable; encore faut-il que le montant global
alloué à titre d'indemnité se révèle arbitraire (ATF 109 Ia 107 consid. 3d p.
112), au sens de la jurisprudence constamment rappelée (ATF 133 I 149 consid.
3.1 p. 153 et les arrêts cités), à laquelle il convient de se référer.

Malgré diverses critiques doctrinales, le Tribunal fédéral a récemment confirmé
qu'il est admissible que le tarif horaire de l'avocat d'office soit
généralement inférieur à celui utilisé pour fixer la rémunération de l'avocat
mandaté par son client. Font exception à cette règle les cantons de Zoug et
d'Obwald, dans lesquels la rémunération de l'avocat commis d'office et du
mandataire de choix est en principe équivalente, parce que soumise à un tarif
identique. Cependant, même dans ces cas, les honoraires payés par l'Etat au
défenseur désigné peuvent, suivant la pratique, être moins élevés que ceux
versés à son avocat par un client privé (ATF 132 I 201 consid. 7.3.3 p. 208).

2.2 En règle générale, la rémunération de l'avocat d'office, qui, il y a
quelques années, pouvait encore être limitée à 40 % ou à 50 % du revenu
professionnel brut d'un avocat payé par son client (ATF 122 I 1 consid. 3a p. 3
et les arrêts cités), varie aujourd'hui de 60 % à 85 % de la rémunération
ordinaire privée, cette dernière proportion étant appliquée dans les cantons de
Lucerne et de Nidwald (ATF 132 I 201 consid. 7.3.1 p. 207 et les références).
Pour les cantons qui pratiquent la limitation du dédommagement versé à l'avocat
désigné d'office par le biais d'un tarif horaire réduit, le taux de 150 fr. est
notamment en usage dans les cantons de Glaris, Appenzell Rhodes extérieures et
Fribourg (ATF 132 I 201 consid. 7.3.2 p. 207 s.).

2.3 Dans le présent cas, la rémunération horaire de l'avocat s'élèverait à 96
fr. sans la TVA, respectivement à 103 fr. en incluant cette dernière, ce qui ne
saurait équivaloir au 60 % de la rémunération ordinaire qu'un avocat de choix
tirerait de l'exercice de sa profession. En effet, dans cette hypothèse, il
faudrait retenir un montant de 172 fr., dont le 60 %, proposé par la
jurisprudence comme étant la limite inférieure de la rémunération de l'avocat
d'office, serait de 103 fr., TVA incluse. Un tel montant de 172 fr., pour la
rémunération horaire d'un avocat breveté dans le canton de Vaud, s'avère
arbitraire, parce que manifestement trop bas. En octroyant, en l'espèce, une
rémunération à l'avocat d'office de 96 fr. sans la TVA ou de 103 fr. avec le
paiement de cet impôt, la cour cantonale dépasse à peine les deux tiers des
tarifs horaires réduits prévus à cet effet dans un certain nombre de cantons,
dont le canton voisin de Fribourg. Cette comparaison permet également de mettre
en évidence le caractère arbitraire de la rémunération payée pour le défenseur
d'office; si la cour cantonale estimait que le mandataire désigné exagérait sa
note de frais, il lui appartenait de l'indiquer de façon précise en rectifiant
le nombre d'heures de travail admis. Or, malgré la simplicité de la cause
plaidée, le mandataire devait étudier le dossier, rédiger le recours et
conférer avec son client; sur ce dernier point, le Tribunal fédéral ne peut pas
juger de l'opportunité d'un déplacement au pénitencier, que la juridiction
cantonale n'a toutefois pas critiqué. Enfin, il sied de rappeler que la cour
cantonale a admis le recours qui lui était soumis, même si la condition posée
dans le dispositif de son arrêt, d'exécuter l'injonction de quitter la Suisse,
a pu jouer un rôle.

2.4 En résumé, la cour cantonale a fixé de manière arbitrairement basse la
rémunération de l'avocat d'office. Le chiffre III du dispositif de l'arrêt
attaqué doit par conséquent être annulé et la cause renvoyée à la cour
cantonale pour nouvelle décision sur les frais de justice, qui comprennent
l'indemnité allouée au défenseur d'office.

3.
Vu l'issue du litige, il ne sera pas perçu de frais. Le canton de Vaud sera
condamné à payer une indemnité de dépens de 2000 fr. au recourant.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis.

2.
Le chiffre III du dispositif de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du
Tribunal cantonal vaudois du 22 octobre 2007 est annulé et la cause renvoyée à
cette juridiction pour fixation des frais de justice, incluant l'indemnité
allouée au défenseur d'office, dans le sens des considérants du présent arrêt.

3.
Il n'est pas perçu de frais.

4.
Le canton de Vaud versera une indemnité de dépens de 2000 fr. au recourant.

5.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton
de Vaud, Cour de cassation pénale.
Lausanne, le 14 avril 2008
Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:
Schneider Angéloz