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Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.674/2007
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6B_674/2007 /rod

Arrêt du 27 février 2008
Cour de droit pénal

MM. les Juges Schneider, Président,
Wiprächtiger et Favre.
Greffière: Mme Angéloz.

X. ________,
recourant, représenté par Me Daniel Kinzer,
avocat,

contre

Procureur général du canton de Genève,
case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimé.

Ordonnance de classement (lésions corporelles simples),

recours contre l'ordonnance de la Chambre d'accusation du canton de Genève du
26 septembre 2007.

Faits:

A.
Le 6 septembre 2005, le Service de protection de la jeunesse du canton de
Genève a dénoncé au Procureur général des attouchements prétendument commis
sur l'enfant A.________, née en 1963, par l'ex-ami de sa mère, X.________.

B.
Le 14 septembre 2005, B.________ a déposé plainte pénale contre X.________.
Elle exposait qu'ils s'étaient rencontrés le 12 septembre 2005 dans un pub,
afin de parler de leur enfant commun, C.________, âgé de 14 mois. La
discussion avait dégénéré. X.________ s'était fâché et lui avait craché au
visage en la traitant de "pute", sur quoi elle lui avait renversé un verre de
bière sur la tête, puis avait cassé le verre. Il l'avait alors violemment
frappée à la tête et elle était tombée au sol.

Entendu le même jour par la police, X.________ a confirmé avoir eu une
discussion virulente avec son ex-amie. Cette dernière s'était énervée, lui
avait jeté un cendrier au visage et lui avait brisé un verre sur la tête. Il
l'avait giflée à deux reprises.

C.
Le 16 septembre 2005, X.________ a été inculpé d'actes d'ordre sexuel avec
des enfants et de lésions corporelles simples

Lors de son audition par le juge d'instruction, le 6 octobre 2005,
X.________, assisté de son conseil, a expliqué que son ex-amie lui avait
demandé de l'argent pour payer la baby-sitter de leur fils C.________. Il
avait refusé, rétorquant que l'argent était en réalité destiné à jouer au
casino. Elle lui avait alors dit qu'elle avait un ami tunisien, qui allait
reconnaître C.________ comme son enfant. Il lui avait répondu qu'il y avait
une loi et qu'il reprendrait son fils. Son ex-amie s'était alors levée et lui
avait cassé un verre de bière sur la tête. Il avait saigné, mais n'avait pas
porté plainte, car il s'agissait de la mère de son fils. Lorsque celle-ci lui
avait brisé le verre sur la tête, il avait eu très peur.

De son côté, la plaignante a confirmé avoir demandé de l'argent à son ex-ami
pour payer la nourrice. Il lui avait dit avoir entrepris des démarches pour
reconnaître C.________. Elle lui avait rétorqué qu'il était prématuré d'en
parler, au vu des révélations de A.________. Elle lui avait ensuite déclaré
qu'elle avait un ami tunisien, qui avait une bonne situation et était
éventuellement disposé à reconnaître C.________. X.________ lui avait craché
au visage, la traitant de "pute". Elle s'était levée et lui avait renversé la
bière sur la tête, puis avait cassé le verre. Elle avait envisagé de le
blesser avec le tesson, mais s'était en définitive blessée elle-même à un
doigt de la main droite. Elle avait en outre lancé un cendrier. X.________
l'avait violemment giflée, si bien qu'elle avait presque perdu connaissance.

D.
Par ordonnance du 10 mai 2006, le Procureur général a renvoyé X.________
devant le Tribunal de police, du chef d'infraction à l'art. 187 CP
exclusivement, classant ainsi implicitement la procédure en ce qui concerne
les lésions corporelles simples.

Statuant le 21 décembre 2006 sur appel de X.________, la Chambre pénale de la
Cour de justice genevoise l'a libéré des fins de la poursuite pénale,
considérant que les éléments constitutifs de l'art. 187 CP n'étaient pas
réalisés.

E.
Le 11 juillet 2007, X.________ a recouru à la Chambre d'accusation genevoise
contre la décision du Procureur général du 10 mai 2006, en tant que cette
dernière classait implicitement la procédure quant à la prévention de lésions
corporelles simples. Il concluait à l'annulation du classement et au prononcé
d'un non-lieu.

Par ordonnance du 26 septembre 2007, la Chambre d'accusation a rejeté le
recours et confirmé le classement. Préalablement, elle a observé que, selon
la pratique cantonale, une décision de classement implicite non notifiée ne
faisait pas courir le délai de recours à son encontre; en l'occurrence, ce
dernier était donc recevable, nonobstant le fait qu'il avait été déposé le 11
juillet 2007 seulement. Sur le fond, elle a considéré que la prévention de
lésions corporelles simples ou, du moins, de voies de fait était suffisamment
établie, de sorte que le prononcé d'un non-lieu était exclu.

F.
X.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral, pour
arbitraire dans l'établissement des faits et violation de l'art. 33 al. 1
aCP. Il conclut à l'annulation de la décision attaquée, en sollicitant
l'assistance judiciaire. Des déterminations n'ont pas été requises.

Considérant en droit:

1.
Le recours ordinaire au Tribunal fédéral peut notamment être formé pour
violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF), y compris les droits
constitutionnels. Sous peine d'irrecevabilité, il doit être motivé
conformément à l'art. 42 al. 2 LTF, respectivement à l'art. 106 al. 2 LTF
pour les griefs mentionnés à cette disposition, dont les exigences
correspondent à celles qui résultaient de l'art. 90 al. 1 let. b OJ pour le
recours de droit public (ATF 133 IV 286 consid. 1.4 p. 287).

2.
Le recourant soutient que le refus de le mettre au bénéfice d'un non-lieu,
plutôt que d'un classement, repose sur un état de fait établi arbitrairement.
Plus précisément, c'est de manière insoutenable que l'autorité cantonale
aurait tenu pour constant qu'il avait adopté un comportement brutal envers
son ex-amie en crachant au visage de cette dernière et en l'insultant.

2.1 De jurisprudence constante, il ne suffit pas, pour qu'il y ait
arbitraire, que la décision attaquée apparaisse discutable ou même
critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non
seulement dans sa motivation mais dans son résultat (ATF 131 I 57 consid. 2
p. 61; 129 I 8 consid. 2.1 p. 9, 173 consid. 3.1 p. 178; 128 I 177 consid.
2.1 p. 182, 273 consid. 2.1 p. 275).

2.2 La décision attaquée retient l'existence d'une prévention suffisante de
lésions corporelles ou, du moins, de voies de fait, donc d'une atteinte à
l'intégrité physique, et non à l'honneur, de la plaignante. Dès lors, même en
admettant que le fait contesté, à savoir que le recourant aurait craché au
visage de la plaignante et l'aurait injuriée, ne serait pas établi, la
décision attaquée ne serait pas pour autant arbitraire dans son résultat.

Pour le surplus, le recourant ne nie pas avoir, par deux fois, violemment
giflé la plaignante, au point de la faire tomber, mais admet au contraire
expressément, dans le cadre de son grief de violation de l'art. 33 al. 1 aCP,
avoir agi de la sorte. Il ne démontre au demeurant pas, ni même ne prétend,
que, sur la base du fait ainsi retenu, l'autorité cantonale aurait violé
arbitrairement le droit cantonal de procédure en admettant qu'il existait une
prévention suffisante de l'infraction en cause et que le prononcé d'un
non-lieu était donc exclu.
Le grief doit ainsi être rejeté.

3.
Le recourant reproche à l'autorité cantonale d'avoir méconnu, en violation de
l'art. 33 al. 1 aCP, qu'il a agi en état de légitime défense lorsqu'il a
giflé la plaignante. A l'appui, il fait valoir que cette dernière lui avait
lancé un cendrier à la tête et avait cassé un verre de bière afin d'en faire
un objet tranchant dans l'intention de le blesser.

3.1 Les faits remontent au mois de septembre 2005 et sont donc antérieurs à
l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2007, des nouvelles dispositions de la
partie générale du code pénal. Comme l'autorité cantonale, qui a statué après
cette date, disposait d'un libre pouvoir d'examen en fait et en droit, se
pose la question de la lex mitior (art. 2 al. 2 CP).

La règle de l'art. 33 al. 1 aCP a été reprise à l'art. 15 CP et celle de
l'art. 33 al. 2 aCP à l'art. 16 CP (cf. Message du 21 septembre 1998 relatif
à la modification des dispositions générales du code pénal; FF 1999, 1785 ss,
1811). S'agissant de la légitime défense, respectivement de la défense
excusable, il n'y a donc pas de réelle différence entre l'ancien et le
nouveau droit. Ce dernier n'est ainsi pas plus favorable au recourant, de
sorte que, conformément à l'art. 2 al. 2 CP, l'ancien droit demeure
applicable.

3.2 La légitime défense suppose une attaque, c'est-à-dire un comportement
visant à porter atteinte à un bien juridiquement protégé, ou la menace d'une
attaque, soit le risque que l'atteinte se réalise. Il doit s'agir d'une
attaque actuelle ou à tout le moins imminente, ce qui implique que l'atteinte
soit effective ou qu'elle menace de se produire incessamment (cf. ATF 106 IV
12 consid. 2a p. 14; 104 IV 232 consid. c p. 236/237). Cette condition n'est
pas réalisée lorsque l'attaque a cessé ou qu'il n'y a pas encore lieu de s'y
attendre (ATF 93 IV 83). Une attaque n'est cependant pas achevée aussi
longtemps que le risque d'une nouvelle atteinte ou d'une aggravation de
celle-ci par l'assaillant reste imminent (ATF 102 IV 1 consid. 2b p. 4/5). Il
faut toutefois que des signes concrets annonçant un danger incitent à la
défense. Tel est notamment le cas lorsque l'agresseur adopte un comportement
menaçant, se prépare au combat ou effectue des gestes qui donnent à le penser
(ATF 93 IV 83/84). Par ailleurs, l'acte de celui qui est attaqué ou menacé de
l'être doit tendre à la défense. Un comportement visant à se venger ou à
punir ne relève pas de la légitime défense. Il en va de même du comportement
qui tend à prévenir une attaque certes possible mais encore incertaine,
c'est-à-dire à neutraliser l'adversaire (ATF 93 IV 83).

3.3 La décision attaquée retient que la plaignante a jeté un cendrier au
visage du recourant, sans toutefois l'atteindre, et qu'elle a envisagé de le
blesser avec le verre de bière qu'elle avait cassé, mais ne l'a cependant pas
fait. Le recourant a alors violemment giflé la plaignante à deux reprises.

Au vu des faits ainsi retenus, il n'est nullement établi que le recourant
aurait giflé la plaignante pour se défendre d'une attaque actuelle ou
imminente. Lorsqu'il l'a fait, il n'était plus attaqué, ni menacé de l'être,
et rien dans les constatations de fait cantonales ne permet de retenir
l'existence de signes concrets d'une nouvelle atteinte de la part de la
plaignante. Dans ces conditions, le recourant ne saurait soutenir qu'il a agi
en état de légitime défense. Le grief est dès lors infondé.

4.
Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté. Comme il était
d'emblée voué à l'échec, l'assistance judiciaire ne peut être accordée (cf.
art. 64 al. 1 LTF). Le recourant, qui succombe, devra donc supporter les
frais (art. 66 al. 1 LTF), dont le montant sera toutefois arrêté en tenant
compte de sa situation financière.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
La requête d'assistance judiciaire est rejetée.

3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1600 fr., sont mis à la charge du recourant.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre d'accusation du
canton de Genève.

Lausanne, le 27 février 2008

Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: La Greffière:

Schneider Angéloz