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Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.672/2007
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Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
6B_672/2007 /rod

Arrêt du 15 avril 2008
Cour de droit pénal

Composition
MM. les Juges Schneider, Président,
Wiprächtiger et Favre.
Greffier: M. Oulevey.

Parties
X.________ SA en liquidation concordataire,
recourante, représentée par Me Jérôme Fer, avocat,

contre

Y.________,
Z.________,
tous deux représentés par Me Alexandre Zen-Ruffinen, avocat,
Ministère public du canton de Neuchâtel, case postale 2672, 2001 Neuchâtel 1,
intimés.

Objet
Concurrence déloyale,

recours contre l'arrêt de la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal du
canton de Neuchâtel du 26 septembre 2007.

Faits:

A.
Le 5 octobre 2004, X.________ SA - depuis lors en liquidation concordataire - a
déposé plainte pénale contre son ancien directeur et un ancien employé,
Y.________ et Z.________, pour concurrence déloyale (art. 23 LCD), gestion
déloyale (art. 158 CP), menaces (art. 180 CP) et contrainte (art. 181 CP).

Par ordonnance du 23 juin 2006, Y.________ et Z.________ ont été renvoyés en
jugement devant le Tribunal de police du district de La Chaux-de-Fonds pour
infractions aux art. 3, 4, 5 et 6 LCD.

B.
Statuant le 30 janvier 2007, le Tribunal de police du district de La
Chaux-de-Fonds a acquitté Y.________ et Z.________, aux motifs que les
infractions à la loi fédérale contre la concurrence déloyale se poursuivent
exclusivement sur plainte et que la plainte était en l'espèce tardive.

Par arrêt du 26 septembre 2007, la Cour de cassation pénale du Tribunal
cantonal neuchâtelois a rejeté un pourvoi formé par la plaignante contre ce
jugement.

C.
X.________ SA en liquidation concordataire recourt au Tribunal fédéral en
demandant l'annulation de l'arrêt du 26 septembre 2007, pour violation du droit
d'être entendu, déni de justice, constatation inexacte de certains faits, au
sens des art. 95 let. a et 97 al. 1 LTF, et violation de l'art. 31 CP.

Elle joint des pièces nouvelles à son mémoire.

Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures.

Considérant en droit:

1.
Le plaignant a qualité pour recourir au Tribunal fédéral lorsque la
contestation a pour objet son droit de porter plainte (art. 81 al. 1 ch. 6
LTF). Interjeté dans le délai de trente jours prévu par la loi (art. 100 al. 1
LTF) par une plaignante contestant la tardiveté de sa plainte, et dirigé contre
un jugement final (art. 90 LTF) rendu en matière pénale (art. 78 al. 1 LTF) par
une autorité de dernière instance cantonale (art. 80 al. 1 LTF), le présent
recours est en principe recevable.

2.
Le sens de l'art. 99 al. 1 LTF est celui qu'expriment ses textes allemand et
italien : les faits et moyens de preuve nouveaux ne sont recevables que si
c'est la décision de l'autorité précédente qui justifie, pour la première fois,
de les invoquer (arrêt 6B_52/2007 du 17 mai 2007, consid. 2). Il s'ensuit que
le Tribunal fédéral ne peut tenir compte, notamment, ni de faits ou moyens de
preuves survenus ou découverts après l'arrêt attaqué (ATF 133 IV 342 consid.
2.1), ni de faits ou moyens de preuves survenus ou découverts avant l'arrêt
attaqué mais dont l'autorité précédente a refusé de tenir compte pour des
raisons de procédure valables ou incontestées (arrêt 6B_52/2007 précité,
consid. 2).

Le Tribunal fédéral ne revoit les questions de droit cantonal que sous l'angle
restreint de l'arbitraire (sur cette notion: ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9),
dans le cadre d'un moyen pris de la violation d'un droit constitutionnel (art.
95 et 96 LTF, a contrario), soulevé expressément et motivé avec la précision
requise à l'art. 106 al. 2 LTF. S'il n'est pas saisi d'un tel moyen, ou s'il le
rejette, il est lié par les réponses que la décision attaquée donne aux
questions de droit cantonal. Il en résulte que si un recourant entend produire
un moyen de preuve que l'autorité précédente a refusé de verser au dossier pour
des raisons de procédure cantonale, le Tribunal fédéral ne pourra tenir compte
de cette preuve que s'il admet, d'abord, un grief d'ordre constitutionnel
expressément soulevé et motivé contre ce refus de l'autorité précédente.

Dans le cas présent, la recourante annexe à son mémoire, en invoquant l'art. 99
LTF, des pièces qu'elle a produites devant la cour cantonale, mais que celle-ci
a refusé de verser au dossier pour un motif de procédure cantonale. La
recourante allègue que ce refus viole son droit d'être entendue et qu'il
constitue un déni de justice . Mais elle se contente de cette simple
allégation, sans l'étayer par des explications satisfaisant aux exigences de
motivation de l'art. 106 al. 2 LTF, notamment par une critique de la
jurisprudence citée par la cour cantonale. Les pièces annexées au mémoire sont
dès lors irrecevables. Il n'en sera tenu aucun compte.

3.
3.1 En procédure pénale neuchâteloise, lorsque l'ordonnance de renvoi par
laquelle le ministère public saisit un tribunal de police n'indique pas les
faits reprochés au prévenu, celui-ci est renvoyé en jugement pour les faits
mentionnés dans la mise en prévention signifiée par le juge d'instruction
(Alain Bauer/Pierre Cornu, Code de procédure pénale neuchâtelois annoté,
Neuchâtel 2003, n. 2 ad art. 178 CPP/NE).

En l'espèce, les intimés Y.________ et Z.________ ont été renvoyés devant le
tribunal de police par une ordonnance du 23 juin 2006 qui demandait
l'application des art. 3, 4, 5, 6 et 23 LCD, mais qui ne comportait pas
l'indication des faits reprochés aux prévenus. Vu les significations à eux
faites par le juge d'instruction les 27 et 30 septembre 2005, les intimés ont
donc été renvoyés en jugement pour fondation d'une société concurrente au
mépris d'une clause de non concurrence stipulée dans leurs contrats de travail
respectifs, pour débauchage de personnel et pour appropriation de données
techniques et commerciales (cf. dossier cantonal de première instance, p. 227
s. et 249 s.). Ils n'ont été mis en accusation pour aucun autre chef de
prévention.

3.2 L'art. 23 LCD sanctionne pénalement les actes de concurrence déloyale visés
par les art. 3, 4, 4a, 5 et 6 LCD. Les actes qui ne tombent que sous le coup de
la clause générale inscrite à l'art. 2 LCD ne constituent pas des infractions
pénales.

En certaines circonstances, le débauchage de salariés peut contrevenir aux
règles de la bonne foi et constituer un acte de concurrence déloyale prohibé
par l'art. 2 LCD (Lucas David/Reto Jacobs, Schweizerisches Wettbewerbsrecht,
4ème éd., Berne 2005, n. 118 p. 38 s.). Mais il ne tombe ni sous le coup de
l'art. 4 let. a LCD - qui, comme l'indique déjà son texte, vise exclusivement
les rapports avec des clients (Carl Baudenbacher, Lauterkeitsrecht, Bâle 2001,
n. 27 ad art. 4 LCD, p. 693) - ni sous le coup de l'art. 4 let. c LCD (Mario
Pedrazzini/Federico Pedrazzini, Unlauterer Wettbewerb, 2ème éd., Berne 2002, n.
8.10 p. 171), ni sous le coup d'aucune autre disposition spéciale sanctionnée
par l'art. 23 LCD. Il en va de même de l'appropriation et de l'exploitation de
secrets de fabrication ou d'affaires dont l'auteur a eu connaissance de manière
licite, au cours de rapports de travail (arrêt 6P.137/2006 du 23 novembre 2006,
consid. 6.3 et les références). Enfin, la validité d'une prohibition de
concurrence stipulée par l'employeur dans un contrat de travail, ainsi que les
effets juridiques, pour le travailleur, de la violation d'une telle clause,
sont régis par les art. 340 ss CO. Selon une jurisprudence ancienne,
l'application de ces dispositions est exclusive (ATF 44 II 89 consid. 1 p. 91).
Certains auteurs remettent aujourd'hui en cause cette exclusivité, mais ils le
font en soutenant que la violation d'une clause de non concurrence stipulée
dans un contrat de travail tombe également sous le coup de l'art. 2 LCD, et non
de l'une ou l'autre des dispositions spéciales sanctionnées par l'art. 23 LCD
(cf. Baudenbacher, op. cit., n. 319 ad art. 2 LCD p. 227; Jürg Müller,
Einleitung und Generalklausel, in Schweizerisches Immaterialgüter- und
Wettbewerbsrecht V/1, 2ème éd., p. 78).

Il s'ensuit que les faits pour lesquels les intimés Y.________ et Z.________
ont été renvoyés en jugement ne sont constitutifs d'aucune infraction pénale.
Ainsi, quels qu'en soient les motifs, l'acquittement prononcé par le premier
juge, d'une part, et le rejet du pourvoi cantonal en cassation que la
recourante a formé contre cet acquittement, d'autre part, ne violent pas le
droit fédéral. Le recours doit dès lors être rejeté dans la mesure où il est
recevable.

4.
La recourante, qui succombe, doit supporter les frais de justice (art. 65 et 66
al. 1 LTF), arrêtés à 2'000 francs.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Les frais judiciaires, fixés à 2'000 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de cassation pénale du
Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel.
Lausanne, le 15 avril 2008
Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Schneider Oulevey