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Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.610/2007
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6B_610/2007 /rod

Arrêt du 22 février 2008
Cour de droit pénal

MM. les Juges Wiprächtiger, Juge présidant,
Ferrari et Favre.
Greffière: Mme Angéloz.

W. ________,
recourante, représentée par Me Stephen Gintzburger, avocat,

contre

B.________,
les hoirs de C.________, représentés par Me André
Clerc, avocat,
intimés,

Ministère public du canton de Vaud,
rue de l'Université 24, 1005 Lausanne,
intimé.

Calomnie qualifiée; dépens,

recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de
cassation pénale,
du 21 juin 2007.

Faits:

A.
Par jugement du 24 novembre 2006, le Tribunal correctionnel de
l'arrondissement de Lausanne a notamment condamné W.________, pour calomnie
qualifiée, à la peine, partiellement complémentaire à une autre prononcée le
14 décembre 2004, de 7 mois d'emprisonnement avec sursis pendant 5 ans,
condamnant par ailleurs plusieurs coaccusés pour des faits similaires. Sur le
plan civil, il a astreint W.________ à payer, solidairement avec six de ses
coaccusés, une somme de 10'000 fr. à B.________ à titre de réparation morale.
Il l'a également astreinte à payer, solidairement avec trois de ses
coaccusés, une somme de 3000 fr. à titre de participation aux frais
d'honoraires de C.________, respectivement des hoirs de ce dernier.

Statuant sur le recours de W.________, la Cour de cassation pénale du
Tribunal cantonal vaudois, par arrêt du 21 juin 2007, l'a partiellement admis
et a réformé le jugement qui lui était déféré en ce sens qu'elle a réduit à 3
ans la durée du sursis assortissant la peine prononcée en première instance.

B.
Cet arrêt retient, en résumé, ce qui suit.

B.a L'association Appel au peuple s'est donnée pour mission d'assainir le
système judiciaire. Elle a notamment pour objectifs de dénoncer l'arbitraire
et d'obtenir une justice transparente. Elle présume, de manière quasi
irréfragable, que les magistrats et autres acteurs de la justice sont
corrompus. Pour atteindre ses buts, elle recourt notamment à la production
massive de tracts et à leur distribution, à des visites effectuées au
domicile de magistrats ou d'avocats, à des manifestations publiques en tout
genre et à un large usage d'internet.

Une fois connue du public, l'association a attiré diverses personnes
mécontentes de la justice, dont W.________, qui en est devenue membre. Chacun
exposait ses démêlés avec la justice et les erreurs dont il pensait avoir été
victime. X.________, président de l'association, s'appropriait ces cas et les
dénonçait publiquement comme des abus, sans procéder à des vérifications
quant à la réalité des dysfonctionnements judiciaires allégués.

B.b Dans une affaire concernant un problème complexe de dissolution et de
liquidation de la société simple formée par W.________ et son concubin,
S.________, dont elle s'est séparée, l'avocat B.________ a représenté ce
dernier, comme conseil d'office.

Le 20 janvier 1994, W.________ a requis du Président du Tribunal de la
Gruyère l'autorisation de vendre une ferme dont elle et son concubin étaient
propriétaires. Lors de l'audience du 29 mars 1994, les parties ont convenu de
vendre la ferme à un tiers, pour 600'000 fr. Par la suite, W.________ a
toutefois refusé d'exécuter cette transaction et ne s'est pas présentée à la
convocation du notaire chargé d'instrumenter la vente. Celui-ci a établi un
acte de vente, mentionnant, en lieu et place de W.________, une tierce
personne la représentant sans pouvoirs. S.________ et l'acheteur ont signé
l'acte de vente le 17 août 1994 et Me B.________ l'a transmis au président du
Tribunal de la Gruyère, qui a déclaré la convention exécutoire par ordonnance
du 16 septembre 1994.

W. ________ a considéré que cette vente était secrète, illicite et illégale.
Depuis lors, elle a multiplié les actions de toutes sortes, au point que
l'avocat B.________ l'a dénoncée en vue de faire ouvrir une procédure
d'interdiction civile contre elle. Au vu de l'écho donné à l'affaire par
Appel au peuple, le Tribunal cantonal fribourgeois a décidé d'examiner
l'ensemble des dossiers concernant W.________. Le 11 septembre 2002, il a
adressé un rapport de 11 pages à la Commission de justice du Grand Conseil.
Il y relevait que l'attitude de W.________ était à l'origine de la procédure
d'interdiction initiée à son encontre et que le montant des honoraires
demandés par Me B.________ était justifié, compte tenu des nombreuses
requêtes, irrecevables ou infondées, déposées par W.________ et de la valeur
litigieuse, de plus d'un million de francs, qu'elle avait attribué au litige.
Il constatait également que les procédures avaient été liquidées dans un
délai raisonnable, nonobstant l'utilisation systématique des voies de
recours. Le rapport en question a fait l'objet d'un communiqué de presse du
27 septembre 2002, dont une copie a été adressée à W.________.

B.c W.________ a participé à diverses incursions dirigées contre le juge
d'instruction J.________, l'a accusé de faire dysfonctionner l'appareil
judiciaire et a mis en ligne des textes attentatoires à son honneur. Elle a
également mis sur internet des textes attentatoires à l'honneur de
B.________, qu'elle a traité d'avocat escroc, de diffamateur, de calomniateur
et de faussaire. Elle a encore participé activement à une entreprise de
dénigrement et de calomnie systématique, visant notamment feu C.________.
Elle a par ailleurs écrit et distribué des tracts diffamatoires.

Les atteintes à l'honneur reprochées à l'accusée ont été portées après qu'une
enquête ait été réalisée, que le rapport du 11 septembre 2002 ait été établi
par le Tribunal cantonal fribourgeois et transmis au Grand Conseil, puis
communiqué à la presse, avec copie à l'accusée.

A l'audience, W.________ a reconnu la fausseté de ses allégations et présenté
des excuses aux personnes offensées ainsi qu'à leur famille. A la requête de
B.________, notamment, elle a fermé le site internet dont elle était le
webmaster.

C.
W.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral. Elle
conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué, subsidiairement à la réforme du
jugement de première instance en ce sens qu'elle soit condamnée, pour
diffamation, à une peine privative de liberté de 4 mois au plus avec sursis
pendant 3 ans et qu'elle soit dispensée de toute participation aux frais
d'honoraires de C.________, respectivement des hoirs de ce dernier. Elle
sollicite l'assistance judiciaire, en demandant que son défenseur lui soit
désigné comme avocat d'office.

Des déterminations n'ont pas été requises.

Considérant en droit:

1.
Seul l'arrêt de dernière instance cantonale peut faire l'objet du recours
(cf. art. 80 al. 1 LTF). Les critiques de la recourante dirigées contre le
jugement de première instance et ses conclusions tendant à la réforme de ce
jugement sont par conséquent irrecevables.

2.
Le recours peut notamment être formé pour violation du droit fédéral (art. 95
let. a LTF), y compris les droits constitutionnels. En soi, la violation du
droit cantonal de procédure ne constitue en revanche pas un motif de recours
(cf. art. 95 LTF). L'application de ce droit peut toutefois être contestée
sous l'angle de sa conformité au droit constitutionnel, notamment à l'art. 9
Cst., qui consacre l'interdiction de l'arbitraire.

Le recours ne peut critiquer les constatations de fait qu'au motif que les
faits ont été établis de façon manifestement inexacte, c'est-à-dire
arbitraire, ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF, et pour autant
que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause
(art. 97 al. 1 LTF). Sous peine d'irrecevabilité, il doit être motivé
conformément à l'art. 42 al. 2 LTF, qui exige que le recourant indique en
quoi la décision attaquée viole le droit. Les griefs mentionnées à l'art. 106
al. 2 LTF, en particulier celui pris d'une violation des droits fondamentaux,
sont toutefois soumis à des exigences de motivation accrues, qui
correspondent à celles qui résultaient de l'art. 90 al. 1 let. b OJ pour le
recours de droit public (ATF 133 IV 286 consid. 1.4 p. 287).

3.
Dans son mémoire, la recourante formule diverses critiques, sans opérer de
distinction claire entre celles-ci. De sa motivation, il semble toutefois
résulter qu'elle entend soulever trois griefs, pris, respectivement, de
l'arbitraire dans l'établissement des faits, d'une violation de l'art. 174 CP
et d'une violation arbitraire de l'art. 163 du code de procédure pénale
vaudois (CPP/VD), qui seront examinés successivement.

4.
La recourante reproche à l'autorité cantonale d'avoir omis de tenir compte,
dans l'état de fait de sa décision, d'un avis de droit du Professeur
T.________, selon lequel la vente immobilière conclue le 17 août 1994 était
nulle, ainsi que d'un autre avis de droit - dont elle n'indique ni l'auteur
ni la date -, qui démontrerait que la décision de première instance octroyant
à l'avocat B.________ des dépens dans l'affaire immobilière est entachée
d'une erreur manifeste. A raison de cette omission, l'autorité cantonale
aurait méconnu arbitrairement la pertinence des faits attestés par ces avis
de droit, plus précisément que ceux-ci sont propres à diminuer la culpabilité
de la recourante et, partant, à entraîner une réduction de la peine.

4.1 Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît
discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement
insoutenable, et cela non seulement dans sa motivation mais dans son résultat
(ATF 132 III 209 consid. 2.1 p. 211). Sous peine d'irrecevabilité,
l'arbitraire allégué doit par ailleurs être démontré conformément aux
exigences de l'art. 106 al. 2 LTF, dès lors que le grief revient à se
plaindre d'une violation de l'art. 9 Cst.

4.2 Même si elle n'en a pas fait mention dans l'état de fait de son arrêt,
l'autorité cantonale n'a pas ignoré les avis de droit invoqués par la
recourante, puisque, statuant sur le grief de cette dernière, qui se
plaignait de ce que les premiers juges n'avaient pas tenu compte de ces avis,
elle en a discuté la portée.

4.3 L'arrêt attaqué nie la pertinence des faits dont se prévaut la
recourante, au motif que, même avérés, ils n'autorisaient pas cette dernière
à détruire la réputation de B.________ en l'accusant d'avoir adopté un
comportement pénalement répréhensible, d'autant moins que l'enquête menée par
le Tribunal cantonal fribourgeois ne laissait subsister aucun doute quant à
la fausseté de cette accusation.

Il n'y a rien à reprendre à ce raisonnement. La réalité, le cas échéant, des
faits invoqués, soit l'irrégularité de la vente immobilière et l'octroi de
dépens excessifs à B.________, ne justifiait pas que la recourante accuse ce
dernier d'être un escroc, un diffamateur, un calomniateur et un faussaire, et
moins encore qu'elle le fasse en sachant que les accusations ainsi portées
étaient fausses. Supposés établis, les faits invoqués ne disculperaient donc
en rien la recourante, ni ne pourraient diminuer sa faute, de sorte qu'ils ne
sont pas propres à influencer le jugement dans le sens d'une réduction de la
peine. Cela pouvait en tout cas être admis sans arbitraire. Le grief est par
conséquent infondé.

5.
La recourante conteste s'être rendue coupable de calomnie qualifiée. Elle nie
avoir eu connaissance de la fausseté des allégations qu'elle a propagées.
Elle fait en outre valoir qu'elle a articulé ces allégations dans une demande
de révision déposée devant le Tribunal cantonal fribourgeois, donc dans le
cadre d'une procédure judiciaire, ce qui, selon elle, démontrerait qu'elle
était sincère.

Il est reproché à la recourante, non pas d'avoir allégué faussement et en le
sachant que la vente immobilière était irrégulière, mais d'avoir accusé
B.________ d'avoir commis des infractions, alors qu'elle savait qu'il n'en
était rien. Or, elle n'établit nullement que la constatation cantonale, qui
relève du fait (ATF 123 IV 155 consid. 1a p. 156; 122 IV 156 consid. 2b p.
160 et les arrêts cités), selon laquelle elle savait que B.________ ne
s'était pas rendu coupable des infractions dont elle l'accusait serait
arbitraire. C'est par ailleurs en vain que la recourante tente de faire
admettre qu'elle aurait agi dans le cadre d'une procédure de révision.
L'arrêt attaqué retient qu'elle a propagé les allégations litigieuses en les
mettant en ligne ainsi que par le biais de courriers et de la distribution de
tracts, sans même qu'elle n'allègue d'arbitraire sur ce point.

Pour le surplus, il n'est à juste titre pas contesté que les conditions de
l'infraction réprimée par l'art. 174 ch. 2 CP sont réalisées. Accuser une
personne d'avoir commis un crime ou un délit intentionnel est constitutif
d'une atteinte à l'honneur au sens des art. 173 ss CP (ATF 118 IV 248 consid.
2b p. 250/251), l'allégation de faits rendant la personne visée méprisable
étant au demeurant suffisante (ATF 132 IV 112 consid. 2.1 p. 115; 128 IV 53
consid. 1a p. 57/58; 119 IV 44 consid. 2a p. 47; 117 IV 27 consid. 2c p.
28/29; 116 IV 205 consid. 2 p. 206/207). Il est au reste établi en fait que
la recourante, qui ne démontre en tout cas pas d'arbitraire sur ces points,
connaissait la fausseté des allégations qui lui sont reprochées et qu'elle a
agi dans le but de ruiner la réputation des personnes visées.

Sur le vu de ce qui précède, le grief, qui repose très largement, si ce n'est
exclusivement, sur l'allégation de faits non établis, doit être rejeté,
autant qu'il soit recevable au regard des exigences de l'art. 106 al. 2 LTF.

6.
La recourante soutient que sa condamnation à participer au paiement des
dépens alloués à C.________, respectivement à ses hoirs, procède d'une
application arbitraire de l'art. 163 al. 1 CPP/VD.

6.1 A teneur de cette disposition, "les dépens comprennent les honoraires
d'avocat, la perte de gain et les débours divers qu'une partie a assumés pour
participer au procès pénal ou à l'action civile jointe au procès pénal, et
dont elle peut réclamer le remboursement à une autre partie, sauf au
Ministère public".

6.2 La recourante fait valoir que, s'agissant de C.________, elle a
uniquement été condamnée à raison de la distribution d'un tract, qui était
toutefois signé par X.________ et adressé à un autre plaignant, J.________,
et dont la distribution n'était au demeurant pas couverte par une plainte
pénale de C.________ dirigée contre elle.

6.3 L'arrêt attaqué ne nie pas les faits ainsi allégués. Il se réfère
toutefois à la jurisprudence cantonale relative à l'art. 163 CPP/VD, selon
laquelle les dépens peuvent être mis à la charge de l'accusé libéré,
lorsqu'il a donné lieu à l'ouverture de l'action pénale par un comportement
répréhensible, lorsqu'il a été condamné aux frais de la cause ou lorsque la
partie civile a un intérêt moral à intervenir dans le procès pénal. Relevant
que la recourante a participé activement à une entreprise de dénigrement et
de calomnie systématique visant notamment C.________, il estime que ce
dernier avait un intérêt moral évident à intervenir au procès. Il en conclut
qu'il se justifiait de condamner la recourante à payer, solidairement avec
ceux de ses coaccusés ayant participé à la campagne orchestrée contre
C.________, des dépens à ce dernier, respectivement à ses hoirs.

6.4 La recourante n'indique pas en quoi cette pratique serait arbitraire, au
sens défini ci-dessus (cf. supra, consid. 4.1), et ne le démontre en tout cas
pas conformément aux exigences de motivation de l'art. 106 al. 2 LTF. Il
n'est dès lors pas établi à satisfaction de droit que la condamnation de la
recourante au paiement des dépens litigieux procéderait d'une application
arbitraire de l'art. 163 CPP/VD. Le grief est par conséquent irrecevable.

7.
Le recours doit ainsi être rejeté dans la mesure où il est recevable. Comme
ses conclusions étaient vouées à l'échec, l'assistance judiciaire ne peut
être accordée (art. 64 al. 1 LTF). La recourante devra donc supporter les
frais (art. 66 al. 1 LTF), dont le montant sera toutefois arrêté en tenant
compte de sa situation financière.

Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens aux intimés, qui n'ont pas été amenés
à se déterminer sur le recours.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
La requête d'assistance judiciaire est rejetée.

3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton
de Vaud, Cour de cassation pénale.

Lausanne, le 22 février 2008

Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse

Le Juge présidant: La Greffière:

Wiprächtiger Angéloz