Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.605/2007
Zurück zum Index Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 2007
Retour à l'indice Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 2007


6B_605/2007 /rod

Arrêt du 8 janvier 2008
Cour de droit pénal

MM. les Juges Schneider, Président,
Ferrari et Favre.
Greffière: Mme Angéloz.

X. ________,
recourant,

contre

Procureur général du canton de Berne,
Case postale, 3001 Berne,
intimé.

Indemnisation du prévenu acquitté ou mis au bénéfice d'un non-lieu,

recours contre la décision de la Chambre d'accusation de la Cour suprême du
canton de Berne du 17 août 2007.

Faits:

A.
Par décision conjointe du Juge d'instruction cantonal 6 et du Procureur
cantonal 1 du canton de Berne des 28 septembre et 10 octobre 2006, l'action
publique dirigée contre X.________ sous la prévention d'une prétendue
escroquerie au détriment de Winterthur Assurances a été clôturée par un
non-lieu; de même, l'autorité de poursuite n'est pas entrée en matière sur
une dénonciation pour tentative d'escroquerie au procès, les faits remontant
respectivement au 13 novembre 2000 et au 22 octobre 2002. Les frais de
l'instruction ont toutefois été mis à la charge du prévenu, auquel il n'a pas
été alloué d'indemnité.

B.
Statuant le 17 août 2007 sur recours de X.________, la Chambre d'accusation
de la Cour suprême du canton de Berne l'a rejeté, confirmant le prononcé sur
les frais et le refus de toute indemnité.

C.
X.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral. Il conclut
à la réforme de la décision attaquée en ce sens que l'intégralité des frais
de procédure soient mis à la charge du canton de Berne et ce dernier astreint
à l'indemniser, "à dire de justice", pour ses frais d'avocat et pour "tous
les ennuis ainsi que le tort moral subis"; subsidiairement, il demande
l'annulation de la décision attaquée et le renvoi de la cause à l'autorité
cantonale pour qu'elle statue dans le sens de ses conclusions de réforme.

Des déterminations n'ont pas été requises.

Considérant en droit:

1.
La décision attaquée porte sur la mise à la charge d'un prévenu ayant
bénéficié d'un non-lieu, respectivement d'un classement, des frais de
procédure et sur le refus de l'indemniser. Elle a été rendue en application
du droit cantonal de procédure pénale, plus précisément des art. 390 al. 1
ch. 2 et 401 al. 1 ch. 2 du code de procédure pénale bernois (CPP/BE), dans
une cause relevant au fond du droit pénal. Elle peut donc faire l'objet d'un
recours en matière pénale au sens des art. 78 ss LTF (cf. Message du 28
février 2001 relatif à la révision totale de l'organisation judiciaire
fédérale; FF 2001, 4000 ss, 4111), que le recourant, qui remplit les
conditions de l'art. 81 al. 1 LTF, est habilité à former.

2.
Le recours peut notamment être formé pour violation du droit fédéral (art. 95
let. a LTF), y compris les droits constitutionnels, ainsi que pour violation
des droits constitutionnels cantonaux (art. 95 let. c LTF). Sous peine
d'irrecevabilité, il doit être motivé conformément à l'art. 42 al. 2 LTF,
respectivement à l'art. 106 al. 2 LTF pour les griefs mentionnés à cette
disposition, dont les exigences correspondent à celles qui résultaient de
l'art. 90 al. 1 let. b OJ pour le recours de droit public (ATF 133 IV 286
consid. 1.4 p. 287).

La violation du droit cantonal de procédure ne constitue pas en soi un motif
de recours (cf. art. 95 LTF). L'application de ce droit peut toutefois être
contestée sous l'angle de sa conformité au droit constitutionnel, notamment à
l'art. 9 Cst., qui consacre l'interdiction de l'arbitraire. Subséquemment, la
motivation d'un tel grief doit répondre aux exigences de l'art. 106 al. 2
LTF. Si le recourant entend se plaindre d'une application arbitraire du droit
cantonal, il doit donc démontrer que la décision attaquée est non seulement
discutable ou critiquable, mais manifestement insoutenable, et cela tant dans
sa motivation que dans son résultat (ATF 132 III 209 consid. 2.1 p. 211 et
les arrêts cités).

La violation du droit constitutionnel cantonal constitue en revanche un motif
de recours (cf. art. 95 let. c LTF). Dès lors qu'elle entre dans la catégorie
des griefs mentionnés à l'art. 106 al. 2 LTF, elle est toutefois aussi
soumise aux exigences de motivation de cette disposition.

3.
A titre préliminaire, le recourant fait valoir que l'autorité cantonale, en
acceptant une détermination du Procureur général du 12 mars 2007, alors
qu'elle était rédigée en langue allemande, a violé le principe de la
territorialité des langues, tel que garanti par l'art. 6 de la Constitution
bernoise (Cst./BE). Il n'en titre toutefois aucune conclusion pour le cas
particulier. Il ne prétend même pas et, à plus forte raison, ne démontre pas
que le vice dénoncé lui aurait été préjudiciable dans le cas concret. Il n'y
a donc pas lieu d'entrer en matière.

4.
Le recourant soutient que sa condamnation aux frais de l'instruction et le
refus de l'indemniser procèdent d'une violation du droit cantonal de
procédure.

4.1 La cour cantonale s'est référée à juste titre à la jurisprudence du
Tribunal fédéral relative au sort des frais en cas d'acquittement, de
non-lieu ou de classement d'une procédure.

Selon cette jurisprudence, ni le droit constitutionnel fédéral, ni le droit
conventionnel n'exigent de l'Etat qu'il indemnise les particuliers victimes
d'une incarcération en soi licite, mais qui se révèle par la suite
injustifiée (cf. ATF 119 Ia 221 consid. 6 p. 230; 113 Ia 177 consid. 2d p.
182; 108 Ia 13 consid. 3 p. 17; 105 Ia 127 consid. 2b p. 128; SJ 1998 p. 333
consid. 4a p. 338; SJ 1995 p. 285 consid. 3b p. 288). Il en va a fortiori de
même s'agissant des autres préjudices subis en relation avec la procédure
pénale close par un non-lieu ou un acquittement et, en particulier, des frais
de défense. Il est en revanche loisible aux cantons d'instituer une telle
garantie, dont le Tribunal fédéral examine alors la portée sous l'angle de
l'arbitraire lorsque, comme en l'espèce, elle est contenue dans une norme de
rang inférieur à la Constitution (cf. Zbl 99/1998 p. 34 consid. 2).

4.2 L'art. 389 CPP/BE prévoit que le canton supporte les frais de procédure,
notamment lorsque l'action publique n'est pas ouverte, lorsqu'il n'est pas
donné d'autre suite à la procédure ou qu'elle se termine par un non-lieu.
L'art. 390 al. 1 ch. 2 CPP/BE permet toutefois de mettre, en tout ou en
partie, les frais de procédure à la charge de la personne inculpée, si elle a
provoqué la procédure d'une manière répréhensible au regard du droit ou si
elle en a entravé le déroulement.

Dans les cas visés à l'art. 389 CPP/BE, l'autorité judiciaire compétente
statue aussi d'office sur le versement d'une indemnité à la personne inculpée
(art. 399 al. 1 CPP/BE). L'ampleur de l'indemnité est déterminée par l'art.
400 CPP/BE; elle inclut en règle générale le remboursement des frais,
l'indemnisation du préjudice résultant de la participation nécessaire à la
procédure pénale, et, dans les cas d'une atteinte particulièrement grave aux
intérêts personnels, la réparation du tort moral. L'art. 401 al. 1 ch. 2
CPP/BE institue une restriction semblable à celle de l'art. 390 al. 1 ch. 2
CPP/BE; l'indemnité est refusée ou réduite lorsque la personne inculpée a
provoqué la procédure de manière répréhensible au regard du droit ou qu'elle
en a entravé le déroulement, notamment si des frais de procédure ont été mis
en totalité, ou en partie, à sa charge.

4.3 Vu l'identité des conditions auxquelles, selon les dispositions de droit
cantonal précitées, des frais de procédure peuvent être mis à la charge du
prévenu libéré et une indemnité lui être en tout ou en partie refusée, la
question de savoir si, en l'espèce, ces dispositions ont été appliquées
arbitrairement peut être contrôlée en un seul examen.

Par ailleurs, comme l'a admis l'autorité cantonale au considérant 2 de sa
décision, il n'y a pas lieu d'opérer, quant aux questions litigieuses, de
distinction entre la procédure close par un non-lieu et celle ayant abouti à
un classement, dès lors que les deux prononcés mettent les frais
d'instruction à la charge du recourant, respectivement refusent à ce dernier
une indemnité, pour les mêmes motifs.

4.4 L'attitude passive du prévenu libéré des fins de la poursuite pénale ou
de simples mensonges, qui ont seulement pour effet d'obliger l'autorité à
recueillir des preuves quant aux faits contestés, ne suffisent pas à
justifier sa condamnation aux frais de l'instruction ou le refus de lui
allouer toute indemnité, contrairement à des mensonges qualifiés, ayant
contraint l'autorité de poursuite à procéder à des contrôles supplémentaires
de nature à prolonger la procédure (ATF 116 Ia 162 consid. 2d/aa p. 172; 112
Ib 446 consid.4b/bb p. 456 et les arrêts cités; cf. aussi ATF 124 IV 1
consid. 2a p. 2, 117 IV 404 consid. 1a/bb p. 406 et l'arrêt du 3 septembre
1993 cité par Antoine Thélin, L'indemnisation du prévenu acquitté en droit
vaudois, in JT 1995 p. 103/104).

Si un comportement contraire à la seule éthique ne suffit pas, la
jurisprudence a étendu la notion de comportement fautif à la violation de
toute norme de comportement, écrite ou non, résultant de l'ordre juridique
suisse dans son ensemble (ATF 119 Ia 332 consid. 1b p. 334; 116 Ia 162
consid. 2c p. 168). En particulier, le droit civil non écrit interdit de
créer un état de fait propre à causer un dommage à autrui, sans prendre les
mesures nécessaires pour éviter sa survenance; celui qui contrevient à cette
règle peut être tenu, selon l'art. 41 CO, de réparer le dommage résultant de
son inobservation (ATF 126 III 113 consid. 2a/aa p. 115). Or, les frais
directs et indirects d'une procédure pénale, y compris l'indemnité qui doit
éventuellement être payée au prévenu libéré de la poursuite pénale,
constituent un dommage pour la collectivité publique. De même, le droit de
procédure pénal interdit implicitement de créer sans nécessité l'apparence
qu'une infraction a été ou pourrait être commise, car un tel comportement est
susceptible de provoquer l'intervention des autorités répressives et
l'ouverture d'une procédure pénale et, partant, de causer à la collectivité
le dommage que constituent les frais liés à une instruction pénale ouverte
inutilement. Il y a comportement fautif, dans ce cas, lorsque le prévenu
aurait dû se rendre compte, sur le vu des circonstances et de sa situation
personnelle, que son attitude risquait de provoquer l'ouverture d'une enquête
pénale (cf. arrêt non publié du 31 mai 1994 cité par Antoine Thélin, op.
cit., p. 103/104).

4.5 L'autorité cantonale a notamment justifié l'imputation des frais et le
refus d'une indemnité au motif que le recourant a effectué des démarches en
vue de se faire surindemniser par la Winterthur Assurances, demandant un
dédommagement pour une incapacité de travail de 100 % pendant 42 jours, alors
qu'il avait continué d'exercer son activité lucrative pendant une partie
importante de la période pour laquelle les prestations étaient réclamées. En
articulant ainsi des prétentions civiles auxquelles il n'avait pas droit, il
avait violé une norme de comportement résultant de l'ordre juridique,
adoptant une attitude de nature à provoquer l'ouverture d'une procédure
pénale à son encontre.

L'autorité cantonale a également relevé que l'attitude du recourant au cours
de la procédure, en particulier son refus de documenter le dommage allégué,
avait entraîné des mesures d'instruction complémentaires, rendant notamment
une perquisition nécessaire.

L'autorité cantonale a par ailleurs exposé les raisons pour lesquelles, même
dans une assurance de somme, il existe un rapport entre l'incapacité de
travail -totale ou partielle- et le versement de l'indemnité journalière
convenue. En effet, cette dernière est certes indépendante du dommage
effectivement subi, tout en étant fonction du taux d'incapacité de travail
retenu, puisque la prestation de l'assureur est subordonnée à la survenance
de l'événement assuré, qui ne s'apprécie pas uniquement à la lecture du
certificat d'incapacité de travail délivré, en l'occurrence, surévaluée.

Il a encore été observé que le recourant, en déclarant une incapacité totale
de travailler pendant deux mois alors qu'il avait exercé son activité à temps
partiel pendant cette période, avait violé l'art. 40 LCA, qui oblige l'assuré
à ne pas dissimuler ou déclarer inexactement des faits dans le but d'induire
l'assureur en erreur.
L'autorité cantonale a ainsi mis en évidence la violation de diverses règles
de comportement prescrites par le droit civil. Elle pouvait en déduire, sans
violer arbitrairement les art. 390 al. 1 ch. 2 et 401 al. 1 ch. 2 CPP/BE,
qu'il se justifiait de mettre les frais d'instruction à la charge du
recourant et de lui refuser une indemnité, indépendamment des nuances qui
pourraient être introduites dans l'examen de l'ATF 104 II 44 consid. 4b à 4e
p. 48 à 54, confirmé ultérieurement (ATF 119 II 361 consid. 4 p. 364 et 365).
Il faut de plus préciser que, même dans les assurances de somme, les
prestations peuvent êtres réduites ou refusées en cas de violation d'une
incombance, au même titre que dans l'hypothèse d'un sinistre causé par la
faute grave de l'assuré ou d'une personne dont le preneur d'assurance est
responsable (ATF 128 III 34 consid. 3b p. 37 et les références).

5.
Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure où il
est recevable. Le recourant, qui succombe, supportera les frais (art. 66 al.
1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2000 fr., sont mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre d'accusation de
la Cour suprême du canton de Berne.

Lausanne, le 8 janvier 2008

Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Le Greffière:

Schneider Angéloz