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Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.598/2007
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6B_598/2007 /rod

Arrêt du 22 février 2008
Cour de droit pénal

MM. les Juges Wiprächtiger, Juge présidant,
Ferrari et Favre.
Greffière: Mme Angéloz.

Y. ________,
recourant,

contre

A.________,
B.________,
les hoirs de C.________, représentés par Me André
Clerc, avocat,
intimés,

Ministère public du canton de Vaud,
rue de l'Université 24, 1005 Lausanne,
intimé.

Diffamation, calomnie qualifiée, tentative de contrainte, insoumission à une
décision de l'autorité,

recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de
cassation pénale,
du 21 juin 2007.

Faits:

A.
Par jugement du 24 novembre 2006, le Tribunal correctionnel de
l'arrondissement de Lausanne a notamment condamné Y.________, pour
diffamation, calomnie qualifiée, tentative de contrainte et insoumission à
une décision de l'autorité, à 18 mois d'emprisonnement, déclarant cette peine
partiellement complémentaire à une condamnation prononcée le 24 octobre 2003.
Il a révoqué un sursis, assortissant une peine de 15 jours d'emprisonnement,
accordé le 27 janvier 2004. Il a par ailleurs condamné plusieurs coaccusés,
pour des infractions similaires.

Statuant sur le recours formé par Y.________ contre ce jugement, la Cour de
cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois l'a rejeté par arrêt du 21 juin
2007.

B.
Cet arrêt retient, en substance, ce qui suit.

B.a L'association Appel au peuple s'est donnée pour mission d'assainir le
système judiciaire. Elle a notamment pour objectifs de dénoncer l'arbitraire
et d'obtenir une justice transparente. Elle présume, de manière quasi
irréfragable, que les magistrats et autres acteurs de la justice sont
corrompus. Pour atteindre ses buts, elle recourt notamment à la production
massive de tracts et à leur distribution, à des visites effectuées au
domicile de magistrats ou d'avocats, à des manifestations publiques en tout
genre et à un large usage d'internet.

Une fois connue du public, l'association a attiré diverses personnes
mécontentes de la justice, qui sont venues grossir ses rangs. Chacun exposait
ses démêlés avec la justice et les erreurs dont il pensait avoir été victime.
X.________, président de l'association, s'appropriait ces cas et les
dénonçait publiquement comme des abus, sans procéder à des vérifications
quant à la réalité des dysfonctionnements judiciaires allégués. Y.________,
membre du comité de l'association, agissait de façon similaire, tout en étant
plus attentif aux dossiers qui lui étaient remis; il a par ailleurs créé son
propre site internet pour dénoncer la corruption judiciaire.

B.b Les faits retenus à la charge de Y.________ sont, en résumé, les
suivants.

L'accusé a soutenu que l'avocat A.________, parfois désigné sous le surnom de
"Maître Magouille", avait trempé dans une affaire de faux, d'usage de faux,
de complicité et de manquement au devoir de fonction. Il a traité le syndic
E.________ de faussaire et l'avocat B.________ d'escroc, de dangereux
criminel et de rapace, l'accusant en outre de corruption et mettant en doute
qu'il puisse avoir une conscience. Il a accusé l'avocat C.________
d'escroquerie et le juge d'instruction J.________ de faire dysfonctionner
l'appareil judiciaire fribourgeois en oeuvrant activement pour forger des
vérités procédurales.

Le 10 septembre 2002, B.________ a invité l'accusé à retirer de son site
internet des pages portant atteinte à son honneur. L'accusé a répondu qu'il
n'entendait pas le faire dans l'immédiat, mais qu'il était ouvert à une
négociation. Il a fait valoir des prétentions et a évoqué la transmission, au
cas où les pourparlers échoueraient, de tous les dossiers de corruption à
Transparency International.

Le 4 décembre 2002, sommé par le juge d'instruction du canton de Vaud, sous
la commination de l'art. 292 CP, de retirer de son site internet les pages
attentatoires à l'honneur de B.________, l'accusé a refusé d'obtempérer.

B.c Durant toute l'enquête et la phase préliminaire aux débats, Y.________,
comme X.________, a été assisté par l'avocat L.________, qui les avait déjà
défendus par le passé dans le cadre de diverses procédures judiciaires. Le 6
octobre 2006, l'avocat a déposé une requête tendant à ce qu'il soit relevé de
sa mission de défenseur d'office de X.________, laquelle a été rejetée par le
président du tribunal. De son côté, Y.________ a demandé qu'un autre
défenseur lui soit désigné, déclarant que Me N.________ serait prêt à le
défendre, ce que ce dernier, interpellé par le président du tribunal, a
contesté. Y.________ a ensuite attendu la veille du procès pour adresser au
président du tribunal une copie d'un courrier rédigé à l'intention de Me
L.________, dans lequel il déclarait ne plus vouloir avoir affaire avec cet
avocat.

A l'ouverture des débats, le 30 octobre 2006 au matin, Me L.________ a requis
la levée de son mandat de défenseur d'office des deux accusés, qui ont tous
deux formulé une même requête, mais ont quitté la salle d'audience avant
qu'une décision soit prise à ce sujet. Le président a obtenu leur retour et
les a alors avertis que, s'ils récidivaient dans leur comportement, ils
seraient expulsés pour toute la durée du procès.

Lors de la reprise des débats, à 14 heures 30, le président du tribunal a
exposé à Y.________ la solution qu'il avait trouvée, à savoir la reprise du
mandat de Me L.________ par l'avocat M.________, défenseur d'office d'un
autre coaccusé dont la cause a été disjointe. Y.________ a refusé cette
proposition et a quitté la salle. Il a été averti que son départ serait
définitif.

Par jugement incident, le tribunal a désigné Me M.________ comme défenseur
d'office de Y.________. Ce dernier n'a pas réintégré le procès, mais a en
revanche adressé plusieurs fax au tribunal, dans lesquels il l'accusait de
violer ses droits élémentaires à une défense équitable.

C.
Agissant personnellement, Y.________ forme, par deux mémoires séparés mais
dont le contenu est identique, un "recours de droit public" et un "recours en
nullité" au Tribunal fédéral. A titre préalable, il demande la récusation du
Tribunal fédéral. Sur le fond, il conclut à ce que le procès et le jugement
qui en est issu soient déclarés nuls ainsi qu'à sa relaxation immédiate,
subsidiairement à "la poursuite de magistrats et autres contrevenants dans ma
condamnation".

Le Ministère public a demandé que l'effet suspensif soit retiré au recours.
L'autorité cantonale s'en est remise à justice quant à cette requête. Le
recourant a conclu à son rejet.

Par ordonnance du 31 octobre 2007, le Président de la Cour de droit pénal a
écarté la requête de retrait de l'effet suspensif.

Des déterminations n'ont pas été requises sur le fond.

Considérant en droit:

1.
Préalablement, le recourant demande la récusation du Tribunal fédéral.

1.1 Il fait valoir que ce dernier, même s'il l'a par la suite retirée, avait
déposé plainte pénale contre X.________, dont il serait considéré comme le
lieutenant, du fait que celui-ci s'était introduit illicitement dans
l'enceinte du Tribunal fédéral. Les juges fédéraux seraient ainsi "juge et
partie" dans la présente procédure, de sorte qu'ils n'auraient pas
l'impartialité voulue pour statuer sur son recours. De plus, à d'autres
occasions, il avait mis en cause le juge pénal fédéral O.________ et le juge
fédéral P.________. En quelque sorte par solidarité, le Tribunal fédéral
n'aurait donc, également pour ce motif, pas l'impartialité nécessaire.

1.2 Une juridiction dont la récusation est demandée peut écarter elle-même la
requête lorsque celle-ci est abusive ou manifestement mal fondée (ATF 129 III
445 consid. 4.2.2 p. 464; 122 II 471 consid. 2b p. 476; 114 Ia 278; 105 Ib
301 consid. 1b p. 303; cf. également arrêts 6B_405 2007 consid. 2.1,
1B_262/2007 consid. 1 et 1B_106/2007 consid. 3).

1.3 De sa motivation, il résulte que la demande de récusation vise l'ensemble
des juges du Tribunal fédéral, et non un ou plusieurs juges déterminés. En
particulier, la demande n'évoque les noms de deux magistrats que pour en
déduire que "la corporation des juges fédéraux voudra soutenir ses rangs
contre toute objectivité". Or, la loi ne prévoit pas la possibilité de
récuser en bloc le Tribunal fédéral ou l'une de ses cours (ATF 105 Ib 301
consid. 1 p. 302 ss).

Au demeurant, la plainte pénale du Tribunal fédéral a été formée
exclusivement contre le coaccusé X.________, pour des faits dans lesquels le
recourant n'a pas été impliqué. Dans la mesure où ce dernier se prévaut de
cette plainte, sa demande de récusation est donc manifestement mal fondée.
Pour le surplus, le recourant ne saurait tirer argument du seul fait qu'il a,
en d'autres circonstances, mis en cause deux magistrats. Si l'on voulait
admettre le contraire, il suffirait à un justiciable de s'en prendre à un
magistrat, voire simplement de le critiquer, pour obtenir la récusation d'un
tribunal, en prétendant que ce dernier, par solidarité, ne pourra pas être
objectif. Cela vaut d'autant plus en l'espèce que le recourant a pour
habitude de récuser systématiquement et sans discernement ses juges. Sur ce
point, la demande est abusive.

Au vu de ce qui précède, la demande de récusation doit être rejetée.

2.
L'arrêt attaqué a été rendu le 21 juin 2007, soit après l'entrée en vigueur,
le 1er janvier 2007, de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110), qui est donc applicable à la présente procédure de recours (cf.
art. 132 al. 1 LTF). Il en découle notamment que le recours de droit public
et le pourvoi en nullité, dont la teneur est identique, formés par le
recourant doivent être traités comme un recours en matière pénale au sens des
art. 78 ss LTF.

3.
Le recours peut notamment être formé pour violation du droit fédéral (art. 95
let. a LTF), y compris les droits constitutionnels. Il ne peut critiquer les
constatations de fait qu'au motif que les faits ont été établis de façon
manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire, ou en violation du droit au
sens de l'art. 95 LTF, et pour autant que la correction du vice soit
susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). Sous peine
d'irrecevabilité, il doit être motivé conformément à l'art. 42 al. 2 LTF, qui
exige que le recourant indique en quoi la décision attaquée viole le droit.
Les griefs mentionnés à l'art. 106 al. 2 LTF, en particulier celui pris d'une
violation des droits fondamentaux, sont toutefois soumis à des exigences de
motivation accrues, qui correspondent à celles qui résultaient de l'art. 90
al. 1 let. b OJ pour le recours de droit public (ATF 133 IV 286 consid. 1.4
p. 287).

4.
Le recourant n'invoque aucune disposition légale précise et l'argumentation
de son recours se réduit pratiquement à présenter sa propre version des
faits, en critiquant les juges cantonaux et le second défenseur d'office qui
lui a été désigné en instance cantonale. De sa motivation, il semble
toutefois résulter qu'il entend soulever deux griefs, pris, respectivement,
d'une violation de son droit à une défense efficace et d'une violation de son
droit à un tribunal impartial, qui seront examinés successivement.

5.
En substance, la cour cantonale a considéré que le recourant abusait de son
droit en invoquant une violation de son droit à une défense efficace.

5.1 Dans la mesure où le recourant entreprend de contester les faits sur
lesquels repose ce raisonnement, sans aucunement démontrer, conformément aux
exigences de motivation de l'art. 106 al. 2 LTF, en quoi ces faits auraient
été établis arbitrairement, c'est-à-dire de manière manifestement
insoutenable (cf. ATF 131 I 57 consid. 2 p. 61; 129 I 8 consid. 2.1 p. 9, 173
consid. 3.1 p. 178; 128 I 177 consid. 2.1 p. 182, 273 consid. 2.1 p. 275), sa
critique est irrecevable. Le grief doit dès lors être examiné sur la base des
faits retenus.

5.2 L'arrêt attaqué constate que, durant l'enquête et la phase préliminaire
aux débats, le recourant a bénéficié de l'assistance d'un défenseur d'office
en la personne de Me L.________, dont il ne s'est pas plaint. Le 30 août
2006, il a toutefois demandé qu'un autre avocat lui soit désigné. Il faisait
valoir que Me N.________ avait sa confiance et était d'accord de le défendre,
ce que cet avocat, interpellé par le président du tribunal, a cependant nié.
Le recourant en a été informé, mais n'a pas réagi. Me L.________ a dès lors
été confirmé dans sa mission de défenseur d'office du recourant.

Quelque trois semaines avant les débats, Me L.________ a demandé lui-même à
être relevé de son mandat, invoquant des divergences d'opinions
insurmontables et une confiance totalement rompue. Il a renouvelé sa requête
à l'ouverture des débats, lors de laquelle le recourant a lui aussi réitéré
sa demande tendant à la désignation d'un autre défenseur. Sur quoi, le
recourant, sans attendre la décision du tribunal, a quitté la salle
d'audience. Ayant finalement accepté de la réintégrer, il s'est vu proposer
d'être assisté par Me M.________ et a obtenu un temps de réflexion pour
consulter à ce sujet "l'avocat d'Appel au peuple". De retour, il a refusé la
désignation de Me M.________, tout comme celle de l'avocat consulté, dont il
n'a pas révélé l'identité, puis a quitté la salle d'audience, en comparant la
cour à un théâtre de guignols. Le tribunal a alors décidé de désigner
Me M.________ en qualité d'avocat d'office du recourant, qui n'est plus
réapparu, sans justifier son comportement autrement que par une accusation,
formulée dans des fax adressés au tribunal, de prétendue violation de ses
droits élémentaires de défense.

L'arrêt attaqué constate par ailleurs que le recourant a participé, avec
d'autres coaccusés membres d'Appel au peuple, à des réunions, au cours
desquels l'objectif avait été fixé de "faire sauter le procès".

5.3 Au vu des faits ainsi retenus, l'autorité cantonale était fondée à
admettre que le recourant abusait de son droit en se plaignant de n'avoir pas
bénéficié d'une défense efficace. Après avoir rendu impossible la tâche de Me
L.________ et allégué faussement que Me N.________ était prêt à le défendre,
le recourant n'a eu de cesse de faire en sorte qu'un autre défenseur ne
puisse lui être désigné, quittant la salle d'audience, refusant sans motif
sérieux d'être assisté par l'avocat qui lui était proposé et s'absentant
définitivement du procès lorsqu'il s'est rendu compte que ses manoeuvres
risquaient d'échouer. Il ne saurait objecter que Me M.________, faute d'avoir
bénéficié de temps suffisant pour "étudier un dossier aussi complexe",
n'était pas à même de le défendre efficacement. Défenseur d'office d'un
coaccusé dont le cause a par la suite été disjointe, cet avocat avait
manifestement connaissance du dossier. Au demeurant, selon les constatations
de fait cantonales, dont l'arbitraire n'est en rien démontré, Me M.________ a
disposé du temps nécessaire pour compléter son information sur les points
concernant spécifiquement le recourant et a fait preuve, tout au long des
débats, de diligence dans la défense des intérêts de ce dernier.

Sur le vu de ce qui précède, le grief doit être rejeté, autant qu'il soit
recevable au regard des exigences de motivation de l'art. 106 al. 2 LTF.

6.
En instance cantonale, le recourant n'a pas soulevé de grief pris d'une
partialité des premiers juges. Du moins, rien de tel ne ressort de l'arrêt
attaqué, sans qu'il ne tente d'établir le contraire. Il n'est dès lors pas
recevable à se plaindre d'une prétendue partialité de ces magistrats à son
égard. Il est également irrecevable à dénoncer une prétendue partialité de
magistrats de l'instruction; un tel grief devait être soulevé à temps, devant
l'autorité cantonale compétente pour en connaître. Enfin, le recourant ne
saurait à l'évidence se plaindre d'un manque d'indépendance et d'impartialité
de Me M.________, ni, plus généralement, de ce que ce dernier ait accepté de
le défendre.

Le grief ne pourrait ainsi être recevable que dans la mesure où il est dirigé
contre les juges qui composaient la cour de cassation cantonale. Il ne l'est
toutefois pas, faute de motivation suffisante au vu des exigences de l'art.
106 al. 2 LTF. L'argumentation du recourant se réduit en effet à alléguer des
faits non établis ou à en interpréter d'autres à sa manière, à formuler des
accusations que rien ne vient étayer et, pour le surplus, à la simple
affirmation répétée d'une partialité des juges cantonaux à son égard. Il n'y
a dès lors pas lieu d'entrer en matière.

7.
Le recours doit ainsi être rejeté dans la mesure où il est recevable.

Le recourant, qui succombe, devra supporter les frais (art. 66 al. 1 LTF),
dont le montant sera arrêté en tenant compte de sa situation financière.

Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens aux intimés, qui n'ont pas été amenés
à se déterminer sur le recours.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
La demande de récusation est rejetée.

2.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge du recourant.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton
de Vaud, Cour de cassation pénale.

Lausanne, le 22 février 2008

Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse

Le Juge présidant: La Greffière:

Wiprächtiger Angéloz