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Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
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Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.518/2007
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6B_518/2007 /rod

Arrêt du 15 novembre 2007
Cour de droit pénal

MM. les Juges Schneider, Président,
Ferrari et Favre.
Greffière: Mme Bendani.

X. ________,
recourant, représenté par Me Jean-Michel Conti, avocat,

contre

Y.________,
intimée, représentée par Me Martine Lang, avocate,
Procureur général du canton du Jura,
case postale 196, 2900 Porrentruy 2.

Lésions corporelles graves par négligence,

recours en matière pénale contre l'arrêt de la Cour pénale du Tribunal
cantonal du canton du Jura du 11 juillet 2007.

Faits :

A.
Par jugement du 28 mars 2007, le Tribunal de première instance du canton du
Jura a condamné X.________, pour lésions corporelles graves par négligence, à
une peine pécuniaire de 40 jours-amende à 80 fr./j., avec sursis pendant 2
ans et à une amende de 1'600 fr., la peine privative de liberté de
substitution en cas de non-paiement fautif de cette amende étant fixée à 20
jours.

B.
Par arrêt du 11 juillet 2007, la Cour pénale du Tribunal cantonal jurassien,
en confirmation essentielle du jugement de première instance, a condamné
X.________, pour lésions corporelles graves par négligence, à une peine
pécuniaire de 40 jours-amende à 80 fr./j., avec sursis pendant 2 ans, et à
une amende de 1'600 fr., la peine privative de liberté de substitution en cas
de non paiement fautif de cette amende étant fixée à 16 jours.

Cette condamnation repose, en bref, sur les éléments suivants.

B.a Le 25 février 2004, peu avant 11 h., A.________, conducteur d'un camion
de l'entreprise B.________ SA, a approché l'avant de son véhicule du centre
de collecte de verre (Eco-point), situé sur le parc St-Germain, à Porrentruy.
Il a saisi, au moyen du bras articulé se trouvant sur le pont du camion, le
container de verre et l'a vidé dans la benne de son engin. Alors qu'il
s'apprêtait à remettre en place le container, il a aperçu Y.________ qui
s'était glissée entre l'avant du camion et le muret délimitant le lieu de la
collecte et a tenté de l'avertir. Elle n'a pas compris les mises en garde et,
après avoir fait un écart à droite, est tombée dans la fosse profonde de 2
mètres 50. Elle s'est fracturée une vertèbre lombaire.

B.b Le centre de collecte Eco-point de Porrentruy est situé au fond d'un
parking, soit dans un lieu particulièrement fréquenté. Il est clairement
délimité sur trois côtés (arrière et latéraux) par un muret constitué de
planches en bois. Il comporte quatre containers pour le tri des déchets, dont
celui pour le verre qui est cause. Il s'agit d'un container enterré. Il est
composé d'une cuve en béton fixée dans le sol et d'un container métallique
d'une contenance de 3m3 et d'un poids à vide de 700 kilos s'introduisant dans
la cuve bétonnée. Il est surmonté d'une bouche solidaire d'un mètre de haut
environ permettant de déposer les bouteilles usagées par les ouvertures
adéquates. Pour extraire le container et le sortir de terre, il faut avoir
recours à une grue. Pendant que celui-ci est sorti du sol, aucune protection
n'est mise sur la fosse ou aux alentours et aucun panneau d'avertissement
n'est placé aux abords.

B.c X.________ préside l'entreprise B.________ SA, active dans la location de
biens et de services, principalement dans le domaine de la surveillance, la
récupération, l'achat et la vente de tous matériaux recyclables. Il assume la
direction générale et exerce des responsabilités dans tous les domaines de
cette société. Celle-ci a été chargée, par contrat du 18 juillet 1997, de
procéder à l'évacuation des déchets entreposés dans les Eco-points de la
Municipalité de Porrentruy.

C.
X.________ dépose un recours en matière pénale. Invoquant une violation de
l'art. 125 CP, il conclut principalement à son acquittement et accessoirement
à l'annulation de l'arrêt cantonal.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le 1er janvier 2007 sont entrées en vigueur les nouvelles dispositions de la
partie générale du code pénal. Celles-ci ne sont en principe applicables
qu'aux faits commis après son entrée en vigueur (art. 2 al. 1 CP). La loi
réserve toutefois la possibilité d'appliquer le nouveau droit à des crimes et
délits commis avant cette date si l'auteur n'est mis en jugement qu'après et
que le nouveau droit lui est plus favorable que la loi en vigueur au moment
où a été commise l'infraction (art. 2 al. 2 CP).

1.1 Lorsqu'une autorité cantonale de recours est appelée à rendre un arrêt
qui se substitue à la décision de première instance, l'accusé est aussi mis
en jugement devant elle, au sens de l'art. 2 al. 2 CP. Elle est dès lors
tenue d'appliquer le nouveau droit si celui-ci est plus favorable à l'accusé,
même dans les cas où les nouvelles dispositions légales sont entrées en
vigueur après le jugement de première instance (cf. ATF 117 IV 369 consid. 15
p. 386).

En l'occurrence, la Cour pénale a statué en appel. Elle devait par conséquent
appliquer le nouveau droit s'il était plus favorable au recourant.

1.2 Pour déterminer quel est le droit le plus favorable, il y a lieu
d'examiner l'ancien et le nouveau droit dans leur ensemble et de comparer les
résultats auxquels ils conduisent dans le cas concret (ATF 114 IV 81 consid.
3b p. 82). Le nouveau droit ne doit être appliqué que s'il conduit
effectivement à un résultat plus favorable au condamné. Par ailleurs,
l'ancien et le nouveau droit ne peuvent être combinés. Ainsi, on ne saurait,
à raison d'un seul et même état de fait, appliquer l'ancien droit pour
déterminer quelle infraction a été commise et le nouveau droit pour décider
si et comment l'auteur doit être puni. Si l'un et l'autre droit conduisent au
même résultat, c'est l'ancien droit qui est applicable (cf. arrêt 6B_14/2007
du 17 avril 2007 consid. 4.2).

En l'espèce, il n'est pas contesté que seules entrent en ligne de compte, en
cas de condamnation du recourant en application du nouveau droit, une peine
pécuniaire de quarante jours-amende, avec sursis, et une amende. Or, cette
sanction est plus favorable à l'intéressé que l'emprisonnement, avec ou sans
sursis, l'amende, nécessairement ferme de l'ancien droit (cf. art. 125 et 50
al. 2 CP dans leur teneur jusqu'au 31 décembre 2006; arrêt attaqué p. 32;
arrêt 6B_175/2007 du 24 août 2007 consid. 3). C'est donc à juste titre que la
Cour cantonale a appliqué les nouvelles dispositions pénales.

2.
Le recourant a été condamné pour lésions corporelles graves par négligence en
application de l'art. 125 al. 2 CP. Cette disposition prévoit que celui qui,
par négligence, aura fait subir à une personne une atteinte à l'intégrité
corporelle ou à la santé sera, sur plainte, puni d'une peine privative de
liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire (al. 1). Si la lésion
est grave le délinquant sera poursuivi d'office (al. 2).

2.1 Le recourant conteste la gravité des lésions corporelles subies par la
victime.

2.1.1 Sont graves au sens de l'art. 125 al. 2 CP, les lésions corporelles qui
satisfont aux exigences de l'art. 122 CP (ATF 93 IV 12). Cette disposition
réprime celui qui, intentionnellement, aura blessé une personne de façon à
mettre sa vie en danger (al. 1), aura mutilé le corps d'une personne, un de
ses membres ou un de ses organes importants ou causé à une personne une
incapacité de travail, une infirmité ou une maladie mentale permanentes, aura
défiguré une personne de façon grave et permanente (al. 2), aura fait subir à
une personne toute autre atteinte grave à l'intégrité corporelle ou à la
santé physique ou mentale (al. 3).

L'art. 122 CP énumère ainsi diverses hypothèses dans lesquelles les lésions
corporelles graves doivent être retenues (al. 1 et 2), avant d'énoncer une
clause générale (al. 3). Celle-ci a pour but d'englober les cas de lésions du
corps humain ou de maladies, qui ne sont pas cités par l'art. 122 CP, mais
qui entraînent néanmoins des conséquences graves sous la forme de plusieurs
mois d'hospitalisation, de longues et graves souffrances ou de nombreux mois
d'incapacité de travail (ATF 124 IV 53 consid. 2 p. 56 s.). Il faut procéder
à une appréciation globale et plusieurs atteintes, dont chacune d'elles est
insuffisante en soi, peuvent contribuer à former un tout représentant une
lésion grave (cf. A. Roth, in Basler Kommentar, Strafgesetzbuch II, ad art.
122 n° 19 p. 129 s.; B. Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. I, ad
art. 122 n° 12 p. 131).

Comme la notion de lésions corporelles graves est une notion juridique
indéterminée, la jurisprudence reconnaît, dans les cas limites, une certaine
marge d'appréciation au juge du fait. Dans ces circonstances, le Tribunal
fédéral s'impose une certaine réserve dans la critique de l'interprétation
faite par l'autorité cantonale, dont il ne s'écarte que si cela s'avère
nécessaire (cf. ATF 115 IV 17 consid. 2b p. 20).

2.1.2 Selon les constatations cantonales qui lient l'autorité de céans (cf.
art. 99 al. 1 et 95 al. 1 LTF), la victime a été hospitalisée durant seize
jours. Certes, sa vie n'a pas été concrètement mise en danger. Elle a
cependant subi des contusions diverses et une fracture de la vertèbre L1
instable qui a nécessité une intervention neuro-orthopédique avec mise en
place d'une arthrodèse lombaire par un implant et une greffe postéro-latérale
bilatérale. Elle a dû ensuite observer, pendant trois mois, une
immobilisation stricte sous corset avant l'ablation progressive de celui-ci.
Elle a été soumise à un traitement médicamenteux et a dû entreprendre une
rééducation du dos qui a mis en évidence la persistance d'un syndrome
rachidien lombaire susceptible d'être atténué, à défaut d'être totalement
résorbé, par des mesures de rééducation. Dans son rapport du 5 avril 2005, le
Dr C.________, spécialiste en maladies rhumatismales, a constaté la
persistance d'un état douloureux et une perte de mobilité rachidienne due à
la mise en place de l'implant vertébral. A son avis, la victime subissait un
dommage permanent et devait être réopérée, dans un délai d'une année, pour
l'ablation du matériel d'ostéosynthèse. Précisant que sa patiente était
invalide pour des motifs étrangers à l'accident, il a estimé que l'incapacité
de travail motivée par l'accident était de 100 % du 25 février 2004 au 11
février 2005. Dans son rapport du 6 juillet 2007, ce médecin a confirmé ses
précédentes constatations. Il a précisé qu'une nouvelle intervention n'était
plus d'actualité mais pouvait s'avérer nécessaire à tout moment selon
l'évolution de la patiente. Il a attesté d'une incapacité totale de
travailler d'une année, précisant que la situation de rentière AI à 100 % de
la victime était totalement étrangère aux conséquences de l'accident du 25
février 2004. Cette dernière a confirmé qu'en raison des blessures subies,
elle était encore limitée dans sa mobilité dans la vie de tous les jours,
qu'elle avait dû poursuivre des séances de physiothérapie et prendre
quotidiennement des médicaments, car elle ressentait toujours des douleurs.

Au regard de l'ensemble de ces éléments et plus particulièrement de
l'hospitalisation suivie d'une immobilisation stricte de trois mois, de
l'incapacité totale de travail d'une année, des douleurs persistantes, des
traitements physiothérapeutiques et médicamenteux poursuivis encore plus de
trois ans après les faits, la Cour pénale n'a pas violé le droit fédéral en
qualifiant de graves les lésions subies par la victime.

2.2 Le recourant nie avoir contrevenu à son devoir de diligence.

2.2.1 L'art. 12 al. 3 CP définit la négligence comme une imprévoyance
coupable dont fait preuve celui qui, ne se rendant pas compte des
conséquences de son acte ou n'en tenant pas compte, agit sans user des
précautions commandées par les circonstances et sa situation personnelle.
Pour qu'il y ait négligence, il faut donc, en premier lieu, que l'auteur ait
violé les règles de prudence que les circonstances lui imposaient pour ne pas
excéder les limites du risque admissible et que, d'autre part, il n'ait pas
prêté l'attention ou fait les efforts que l'on pouvait attendre de lui pour
se conformer à son devoir (cf. ATF 122 IV 17 consid. 2b p. 19 s.).
2.2.1.1 Un comportement viole le devoir de prudence lorsque l'auteur, au
moment des faits, aurait pu, compte tenu de ses connaissances et de ses
capacités, se rendre compte de la mise en danger d'autrui et qu'il a
simultanément dépassé les limites du risque admissible. Pour déterminer plus
précisément quels étaient les devoirs imposés par la prudence, on peut se
référer à des normes édictées par l'ordre juridique pour assurer la sécurité
et éviter des accidents. A défaut de dispositions légales ou réglementaires,
on peut se référer à des règles analogues émanant d'associations privées ou
semi-publiques lorsqu'elles sont généralement reconnues. La violation des
devoirs de la prudence peut aussi être déduite des principes généraux, si
aucune règle spéciale de sécurité n'a été violée (ATF 129 IV 119 consid. 2.1
p. 121; 127 IV 62 consid. 2d p. 65; 126 IV 13 consid. 7a/bb p. 17; 122 IV 17
consid. 2b/aa p. 20).

La violation d'un devoir de prudence est fautive, lorsque l'on peut reprocher
à l'auteur, compte tenu de ses circonstances personnelles, de n'avoir pas
déployé l'attention et les efforts qu'on pouvait attendre de lui pour se
conformer à son devoir de prudence, autrement dit d'avoir fait preuve d'un
manque d'effort blâmable (ATF 129 IV 119 consid. 2.1 p. 121; 122 IV 17
consid. 2b p. 19; 121 IV 207 consid. 2a p. 211).

2.2.1.2 Les lésions corporelles par négligence constituent une infraction de
résultat, qui suppose en général une action, mais qui, conformément à l'art.
11 al. 1 CP, peut aussi être réalisée par le fait d'un comportement passif
contraire à une obligation d'agir. Selon l'art. 11 al. 2 CP, reste passif en
violation d'une obligation d'agir celui qui n'empêche pas la mise en danger
ou la lésion d'un bien juridique protégé par la loi pénale bien qu'il y soit
tenu à raison de sa situation juridique, notamment en vertu: de la loi (let.
a), d'un contrat (let. b), d'une communauté de risques librement consentie
(let. c), de la création d'un risque (let. d). L'art. 11 al. 3 CP précise que
celui qui reste passif en violation d'une obligation d'agir n'est punissable
à raison de l'infraction considérée que si, compte tenu des circonstances, il
encourt le même reproche que s'il avait commis cette infraction par un
comportement actif.

L'al. 1 de cette disposition codifie la jurisprudence selon laquelle les
infractions par négligence peuvent aussi être réalisées par omission, dans la
mesure où l'auteur avait un devoir juridique d'agir découlant d'une position
de garant. L'al. 2 énonce une liste non exhaustive des différentes sources de
la position de garant. L'al. 3 pose la condition de l'équivalence. Ainsi, une
infraction de commission par omission est réalisée lorsque la survenance du
résultat que l'auteur s'est abstenu d'empêcher constitue une infraction, que
ce dernier aurait effectivement pu éviter le résultat par son action et qu'en
raison de sa situation juridique particulière, il y était à ce point obligé
que son omission apparaît comparable au fait de provoquer le résultat par un
comportement actif (cf. ATF 117 IV 131 consid. 2a p. 132 s.; 113 IV 68
consid. 5a p. 72).

Pour déterminer si un délit d'omission improprement dit est réalisé, il y a
tout d'abord lieu d'examiner si la personne à laquelle l'infraction est
imputée se trouvait dans une situation de garant (cf. infra consid 2.2.3). Ce
n'est que si tel est le cas que l'on peut établir l'étendue du devoir de
diligence qui découle de cette position de garant et quels actes concrets
l'intéressé était tenu d'accomplir en raison de ce devoir de diligence (cf.
infra consid. 2.2.4). Lorsque l'auteur a omis de faire un acte qu'il était
juridiquement tenu d'accomplir, il faut encore se demander si cette omission
peut lui être imputée à faute (cf. infra consid. 2.2.5).
2.2.2 L'arrêt attaqué fait grief au recourant de ne pas avoir prévu la mise
en place d'un dispositif de sécurité adéquat, tel qu'un garde-corps
escamotable ou une signalisation par des panneaux apparents, autour de la
fosse en béton de 2 mètres 50 de profondeur et 1 mètre 30 de large. C'est
ainsi clairement une omission qui lui est reprochée.

2.2.3 Selon la décision entreprise, la société B.________ SA, dirigée par le
recourant, a conclu, le 18 juillet 1997, un contrat d'entreprise avec la
Municipalité de Porrentruy portant sur le ramassage des déchets ménagers
stockés dans les Eco-points. Selon les documents de soumission, l'entreprise
est responsable de toute l'organisation de la levée et de la vidange des
containers et est indépendante dans son activité; elle doit engager le
personnel nécessaire qui doit être instruit pour que le ramassage s'effectue
à la satisfaction générale; dans les limites de la loi, elle répond de tous
les dommages corporels ou matériels résultant de l'activité du transport des
déchets subis notamment par des tiers. Font également partie intégrante de ce
contrat les prescriptions de la CNA et de l'ASTAG.

Selon la loi, l'entrepreneur a un devoir général de diligence (art. 364 al. 1
CO qui renvoit aux art. 321a et 321e CO). Il doit accomplir ses obligations
consciencieusement et éviter toute négligence pouvant mettre en péril la
bonne exécution de ses obligations ou le but du contrat. Il doit prendre les
mesures adéquates pour protéger le maître contre les dangers qui peuvent être
liés à l'exécution de l'ouvrage, en particulier là où des travaux dangereux
ou nécessitant le recours à des moyens dangereux sont exécutés (P. Gauch, Le
contrat d'entreprise, adaptation française par B. Carron, n° 817 p. 241 s. et
n° 838 p. 247). Il a le devoir de choisir les meilleures solutions et
d'examiner de manière critique les instructions que peut lui donner le
maître. Il est également tenu de signaler au maître toutes les circonstances
qui pourraient compromettre l'exécution de l'ouvrage convenu (P. Tercier, Les
contrats spéciaux, 3ème éd., n° 4047 p. 592).
Au regard du contrat d'entreprise signé avec la Municipalité et de la loi, le
recourant assumait une position de garant.

2.2.4 Une fosse en béton d'une profondeur de 2 mètres 50, qui est laissée
ouverte sur le domaine public durant la journée et n'est pas d'emblée visible
par toute personne usant normalement des lieux, requiert, conformément aux
règles de prudence élémentaires, la mise en place d'un dispositif de sécurité
adéquat. Celui-ci peut consister en une protection solide entourant
l'ouverture de la fosse ou en une signalisation par des panneaux apparents.
En effet, à propos des obstacles momentanés n'entravant le flux du trafic que
temporairement et irrégulièrement, la publication intitulée "sécurité au
travail" de la SUVA, valable pour toutes les entreprises assujetties à la
LAA, mentionne qu'on peut prévenir le danger de ces obstacles, entre autres,
par une signalisation particulièrement apparente. La publication SUVA
"ouverture dans les planchers, parois et places de chargement et
déchargement", mentionne, au titre de règles fondamentales, que les points de
chute doivent être protégés par des entourages fixes de un mètre de hauteur
au moins ou par des dispositifs équivalents. Elle prévoit également que les
places de chargement et de déchargement doivent être aménagées de manière que
les marchandises puissent être chargées et déchargées en toute sécurité et
qu'elles ne représentent aucun danger de chute pour le personnel et pour la
charge.

Les juges cantonaux ont établi en fait que le recourant avait été
expressément rendu attentif par son employé, A.________, conducteur du
camion, aux risques existants et à l'imprudence de certaines personnes qui
venaient à proximité du camion pendant les vidanges. Ils ont également relevé
que l'intéressé, qui connaissait les mesures à prendre pour éviter le risque
de chute, n'avait donné aucune directive à ses employés sur les mesures de
sécurité à prendre, ni surveillé le respect de ces mesures, ni averti la
Municipalité de l'existence du risque lors de l'exploitation de l'ouvrage. Le
recourant a ainsi omis l'accomplissement d'actes qu'il était juridiquement
tenu d'accomplir en vertu du contrat d'entreprise le liant à la Municipalité.
Il a donc violé, par omission, les devoirs de prudence qui lui incombaient.

2.2.5 L'arrêt attaqué constate qu'en raison de sa situation personnelle, en
particulier de sa formation professionnelle et de sa pratique du métier de
recycleur de déchets depuis une trentaine d'années, le risque de chute dans
la fosse laissée ouverte pendant la vidange des Eco-points ne pouvait avoir
échappé au recourant. De plus, son employé l'avait rendu attentif au
problème. Enfin, il a lui-même déclaré connaître les mesures à prendre pour
éviter le risque en question. Les omissions relevées lui sont par conséquent
imputables à faute.

2.3 Le recourant estime que le lien de causalité entre un éventuel manquement
et l'accident a été rompu par le comportement extraordinaire de la victime.

2.3.1 En cas d'omission, la question de la causalité ne se présente pas de la
même manière qu'en cas de commission (ATF 117 IV 130 consid. 2a p. 133);
l'omission d'un acte est en relation de causalité naturelle avec le résultat
de l'infraction présumée si l'accomplissement de l'acte eût empêché la
survenance de ce résultat avec une vraisemblance confinant à la certitude ou,
du moins, avec une haute vraisemblance (ATF 116 IV 306 consid. 2a p. 310);
elle est en relation de causalité adéquate avec le résultat si
l'accomplissement de l'acte omis aurait, selon le cours ordinaire des choses
et l'expérience de la vie, évité la survenance de ce résultat (ATF 117 IV 130
consid. 2a p. 133).

La causalité adéquate peut être exclue, l'enchaînement des faits perdant sa
portée juridique, si une autre cause concomitante, par exemple une force
naturelle, le comportement de la victime ou d'un tiers, constitue une
circonstance tout à fait exceptionnelle ou apparaît si extraordinaire, que
l'on ne pouvait pas s'y attendre. L'imprévisibilité d'un acte concurrent ne
suffit pas en soi à interrompre le rapport de causalité adéquate. Il faut
encore que cet acte ait une importance telle qu'il s'impose comme la cause la
plus probable et la plus immédiate de l'événement considéré, reléguant à
l'arrière-plan tous les autres facteurs qui ont contribué à l'amener et
notamment le comportement de l'auteur (ATF 121 IV 10 consid. 3, 207 consid.
2a p. 213, 120 IV 300 consid. 3e p. 312 et les arrêts cités).

2.3.2 Si le recourant avait avisé ses employés des mesures de sécurité à
prendre lors des vidanges des Eco-points ou averti la Municipalité des
risques existants, il est hautement vraisemblable qu'une signalisation
adéquate aurait été posée ou des mesures de protection prévues, de sorte que
l'accident ne se serait pas produit. Par ailleurs, selon le cours ordinaire
des choses et l'expérience de la vie, une simple signalisation par des
panneaux indiquant un danger de chute aurait éveillé l'attention de la
victime sur le risque encouru et évité la survenance de l'accident. Il existe
donc un rapport de causalité naturelle et adéquate entre les omissions et le
résultat qui s'est produit.

Le fait que la victime ait vu le camion et se soit glissée dans un passage de
60 à 65 cm, pour passer entre l'avant du véhicule et la barrière entourant la
déchetterie, ne constitue pas un comportement si imprévisible ou
extraordinaire que l'on ne pouvait s'y attendre. En effet, en amenant ses
déchets au centre de tri, l'intimée accomplissait un acte ordinaire qui
n'exige pas une attention particulière. De plus, la configuration des lieux,
en raison de la présence des piliers en béton du pont suspendu et d'un muret
en bois bordant les containers, empêche les usagers empruntant le même
cheminement que la victime de voir d'emblée la fosse en question. Enfin, la
présence et le bruit de la grue et du camion détournent l'attention des
usagers et constituent par conséquent un facteur supplémentaire de risque de
chute. Ce danger est d'autant plus élevé qu'il ne tombe pas sous le sens de
tout un chacun que la vidange de ces containers impose de les sortir de leur
cuve et de laisser ouverte une fosse de 2 mètres 50, sans protection aucune.

2.4 Sur le vu de ce qui précède, les conditions de l'art. 125 CP sont
réalisées. La condamnation du recourant pour lésions corporelles graves par
négligence ne viole donc pas le droit fédéral.

3.
Le recours doit ainsi être rejeté et le recourant, qui succombe, supportera
les frais (art. 66 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 2000 francs est mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties, au
Procureur général du canton du Jura et à la Cour pénale du Tribunal cantonal
du canton du Jura.

Lausanne, le 15 novembre 2007

Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse

Le président:    La greffière: