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Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.41/2007
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{T 0/2}
6B_41/2007 /svc

Arrêt du 19 avril 2007
Cour de droit pénal

MM. les Juges Schneider, Président,
Favre et Mathys.
Greffière: Mme Bendani.

A. ________,
recourante,

contre

Procureur général du canton de Genève,
case postale 3565, 1211 Genève 3.

Ordonnance de classement (agression),

recours en matière pénale [LTF] contre l'ordonnance
de la Chambre d'accusation du canton de Genève
du 31 janvier 2007.

Faits :

A.
Le 27 décembre 2002, A.________ a déposé une plainte pénale. Elle a exposé,
en bref, que, le 21 décembre 2002 vers 5h., elle s'était rendue dans
l'établissement l'Exotico, où elle avait rencontré B.________, qui s'était
approché d'elle, l'avait insultée et lui avait asséné plusieurs coups de
poing et des gifles au visage. Une des amies du mis en cause lui avait aussi
tiré les cheveux. Sur ce, B.________ avait demandé au responsable de
l'établissement, C.________, de l'aider à faire sortir A.________ du bar afin
de la tabasser. Ce dernier l'avait prise par l'épaule et jetée à l'extérieur
du bar, où le premier nommé lui avait porté un fort coup de pied au niveau de
son pied droit.
A la suite de ce dernier coup, A.________ souffrait beaucoup et ne pouvait
plus marcher. Des clients l'avaient ramenée chez elle, avant qu'elle ne se
rende à l'hôpital.

A.a Selon le constat médical établi le 23 décembre 2002, A.________
présentait une fracture bimalléolaire à la jambe droite ainsi que plusieurs
hématomes au niveau de la cuisse, de la fesse gauche, des épaules, du genou
droit et du cou. Ce certificat indiquait également que les lésions étaient
d'origine traumatique et pouvaient avoir été causées par les sévices qu'elle
disait avoir subis. Il n'était fait mention d'aucune trace de coup ou
d'hématome au visage. Ultérieurement, soit dès juillet 2004, A.________ a
consulté un médecin, qui a diagnostiqué un état de stress post-traumatique.

A.b Interrogé par la police, B.________ a contesté avoir frappé, voire même
touché la plaignante. C.________ a affirmé que personne n'avait touché
A.________ et qu'il n'avait jamais entendu B.________ parler de la tabasser.

B.
Le 12 février 2003, A.________ a déposé une nouvelle plainte pénale. A cette
occasion, elle a dénoncé D.________ et E.________, qui l'importunaient depuis
longtemps, le second s'étant notamment livré sur elle à divers attouchements.
Elle a également précisé que, le 23 décembre 2002, à l'Exotico, tous deux
l'avaient insultée et que E.________ l'avait giflée, puis lui avait asséné
des coups de pied au niveau de la cheville, des jambes et du ventre, en même
temps que B.________.
Les deux mis en cause ont contesté cette version des faits.

C.
Le 24 novembre 2006, le Procureur général a classé la procédure née des
plaintes déposées par A.________, en raison de la prévention insuffisante,
relevant notamment les contradictions importantes émaillant les dépositions
de la plaignante et l'absence de témoin direct des faits dénoncés.
Par ordonnance du 31 janvier 2007, la Chambre d'accusation du Tribunal
cantonal genevois a rejeté le recours de A.________. Elle a admis que
celle-ci avait effectivement subi des lésions corporelles, mais a constaté
que les faits, qui révélaient déjà de nombreuses incertitudes, demeuraient
flous et qu'aucune mesure d'instruction supplémentaire ne pourrait en
améliorer la précision.

D.
A.________ dépose un recours en matière pénale au Tribunal fédéral. Elle
conclut à l'annulation de l'ordonnance cantonale et requiert, principalement,
le renvoi en audience de jugement des mis en cause, pour agression.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Comme la décision attaquée a été rendue après l'entrée en vigueur, le 1er
janvier 2007 (RO 2006, 1242), de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral
(LTF; RS 173.110), le recours est régi par le nouveau droit (art. 132 al. 1
LTF).

1.1 Rendue en matière pénale (art. 78 al. 1 LTF) par une autorité cantonale
de dernière instance (art. 80 al. 1 LTF), la décision de classement, qui met
fin à la procédure (art. 90 LTF), peut faire l'objet d'un recours en matière
pénale (art. 78 ss LTF).

1.2 Selon l'art. 81 al. 1 LTF, la victime a qualité pour former un recours en
matière pénale si elle a pris part à la procédure devant l'autorité
précédente (let. a), et a un intérêt juridique à l'annulation ou à la
modification de la décision attaquée, soit en particulier si celle-ci peut
avoir des effets sur le jugement de ses prétentions civiles (let. b), ce qui
est le cas en l'espèce.

1.3 Le recours peut notamment être formé pour violation du droit fédéral
(art. 95 let. a LTF), qui englobe les droits constitutionnels. Le Tribunal
fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art.
105 al. 1 LTF), à moins que le recourant ne démontre que ces faits ont été
établis de façon manifestement inexacte, à savoir arbitraire au sens de
l'art. 9 Cst. (FF 2001 p. 4135), ou en violation du droit au sens de l'art.
95 LTF (art. 97 al. 1 LTF). Le Tribunal fédéral ne sanctionne une violation
de droits fondamentaux que si ce moyen est invoqué et motivé par le recourant
(art. 106 al. 2 LTF); les exigences de motivation de l'acte de recours
correspondent à celles de l'art. 90 al. 1 let. b OJ (FF 2001 p. 4142).

2.
La recourante se plaint d'une violation du droit d'être entendu découlant de
l'art. 29 al. 2 Cst., au motif que le classement litigieux a été prononcé
sans qu'il ait été donné suite à sa requête de procéder à un complément
d'instruction consistant notamment dans l'audition de plusieurs témoins.

2.1 Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. comporte
notamment le droit d'obtenir l'administration de preuves de nature à influer
sur le sort de la décision à rendre (ATF 127 I 54 consid. 2b p. 56; 127 III
576 consid. 2c p. 578). Il a pour corollaire que l'autorité doit en principe
donner suite aux offres de preuve présentées en temps utile et dans les
formes prescrites. Il n'y a toutefois pas violation du droit à
l'administration de preuves lorsque la mesure probatoire refusée est inapte à
établir le fait à prouver, lorsque ce fait est sans pertinence (ATF 131 I 153
consid. 3, p. 157) ou lorsque, sur la base d'une appréciation non arbitraire
des preuves dont elle dispose déjà, l'autorité parvient à la conclusion que
les faits pertinents sont établis et que le résultat, même favorable au
requérant, de la mesure probatoire sollicitée ne pourrait pas modifier sa
conviction (ATF 125 I 127 consid. 6c/cc p. 134 s.; 124 I 274 consid. 5b p.
285).

2.2 La Chambre d'accusation a relevé, en bref, que le dossier comprenait
autant de versions que de personnes entendues, qu'aucun témoin n'avait vu la
recourante être frappée notamment au niveau de la cheville, qu'il n'y avait
aucun témoignage suffisamment crédible, toutes les dépositions provenant de
personnes gravitant dans le même milieu et ayant des relations plus ou moins
intimes entre elles, et que les déclarations de la recourante étaient
elles-mêmes peu convaincantes. Compte tenu de ces éléments, elle a jugé que
les faits demeuraient flous et qu'aucune mesure d'instruction supplémentaire
ne pouvait en améliorer la précision, d'une part, en raison du temps écoulé
depuis lors et, d'autre part, du caractère exhaustif des auditions
effectuées. Ainsi, bien qu'elle ne le précise pas expressément, c'est sur la
base d'une appréciation anticipée des preuves qui lui étaient déjà fournies
que l'autorité cantonale a estimé vain de procéder au complément
d'instruction demandé.
En l'espèce, la recourante prétend simplement que les mesures d'instruction
qu'elle a requises permettraient de lever les doutes des autorités.
Cependant, elle ne précise pas, conformément aux exigences posées par l'art.
106 al. 2 LTF, qui s'inspirent de celles de l'art. 90 al. 1 let. b OJ (cf.
supra consid. 1.3), en quoi ces moyens supplémentaires pourraient constituer
des éléments pertinents et résoudre utilement les incertitudes et
contradictions relevées par la Chambre d'accusation. Son grief,
insuffisamment motivé, est dès lors irrecevable.

3.
Invoquant une application arbitraire du droit cantonal, la recourante
reproche aux autorités genevoises d'avoir fondé le classement sur l'art. 116
al. 1 CPP/GE, alors que cette disposition ne s'applique qu'au stade de
l'intervention du Procureur général avant l'ouverture d'une instruction.

3.1 La notion d'arbitraire a été rappelée dans divers arrêts récents (cf. ATF
131 I 57 consid. 2 p. 61; 129 I 8 consid. 2.1 p. 9, 173 consid. 3.1 p. 178),
auxquels on peut donc se référer. En bref, il ne suffit pas, pour qu'il y ait
arbitraire, que la décision attaquée apparaisse discutable ou même
critiquable. Il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non
seulement dans sa motivation, mais dans son résultat.
Aux termes de l'art. 116 al. 1 CPP/GE, lorsqu'il estime que les faits ne sont
pas constitutifs d'une infraction ou que les circonstances ne justifient pas
l'exercice de l'action publique, le procureur général peut classer l'affaire
sous réserve de faits nouveaux. Le classement fondé sur cette disposition
intervient avant l'ouverture d'une instruction pénale, laquelle ressortit au
juge d'instruction (art. 118 ss CPP/GE) qui, hormis les cas de flagrant
délit, ne peut y procéder que s'il en a été requis par le procureur général
(art. 117 CPP/GE). Il a donc pour effet d'empêcher la mise en oeuvre de
l'action pénale dans l'intérêt de la personne mise en cause, dans les cas où,
sur la base des premières investigations menées, il apparaît que les faits
sont insuffisamment vraisemblables, qu'ils ne sont pas constitutifs d'une
infraction ou que l'action publique ne se justifie pas pour des motifs
d'opportunité (Pierre Dinichert/Bernard Bertossa/Louis Gaillard, Procédure
pénale genevoise, in SJ 1986 p. 464 ss, notamment p. 469 ss).
Selon l'art. 198 al. 1 CPP/GE, si le procureur général estime que les
circonstances ne justifient pas l'exercice de l'action publique, il peut,
par décision sommairement motivée, classer la procédure, sauf circonstances
nouvelles. Le classement prononcé sur la base de cette disposition intervient
après que le juge d'instruction ait, au terme de l'instruction préparatoire,
transmis le dossier au procureur général (art. 185 al. 1 et 197 CPP/GE).
Ces dispositions cantonales sont de surcroît conformes à l'art. 52 CP, qui
vise à uniformiser, au plan fédéral, l'application limitée du principe de
l'opportunité de la poursuite, reconnu par de nombreuses législations
cantonales de procédure (cf. Hansjakob, Schmitt, Solberger, Kommentierte
Textausgabe zum revidierten Strafgesetzbuch, 2ème éd., Lucerne 2006, p. 48
s.).
3.2 En l'occurrence, les autorités cantonales ont classé la procédure, après
instruction, au motif qu'il n'était pas possible de retenir une prévention
suffisante à l'encontre des mis en cause. Comme le droit de procédure,
mentionné ci-dessus, autorise le classement, pour défaut de prévention, tant
avant qu'après l'ouverture d'une instruction pénale, l'application de l'art.
116 CPP/GE n'est pas arbitraire dans son résultat, la décision se révélant de
toute manière conforme à l'art. 198 CPP/GE..

4.
La recourante invoque une violation de l'art. 9 Cst. et du principe de la
présomption d'innocence. Elle soutient qu'il est évident, au regard des
contradictions contenues dans les témoignages des mis en cause, des
certificats médicaux produits et du déroulement chronologique des événements,
que la prévention est suffisante pour renvoyer les trois intéressés en
jugement ou prononcer une ordonnance de condamnation à leur encontre. Elle
justifie les divergences contenues dans ses auditions par l'écoulement du
temps et le stress post-traumatique subi.

4.1 Dans toute son argumentation, la recourante se contente de présenter sa
propre appréciation des preuves et d'affirmer que celles-ci ne laissent
subsister aucun doute quant au déroulement des événements du 21 décembre
2002. Toutefois, elle ne démontre pas, conformément aux exigences légales
(cf. supra consid. 1.3), que les constatations des juges cantonaux seraient
arbitraires, à savoir manifestement insoutenables, en contradiction flagrante
avec le dossier ou entachées d'une inadvertance manifeste. Purement
appellatoire, sa critique est dès lors irrecevable.

4.2 La recourante invoque également une violation de la présomption
d'innocence, sans toutefois motiver ce grief de manière distincte et conforme
aux prescriptions légales (cf. supra consid. 1.3), de sorte qu'il est
irrecevable.

5.
La recourante invoque une violation de l'art. 134 CP, au motif qu'elle a bel
et bien été victime d'une agression le 21 décembre 2002, ses blessures étant
d'ailleurs attestées par un certificat médical.
La Chambre d'accusation ne conteste pas que la recourante a subi, avant le 23
décembre 2002, des lésions corporelles simples. Elle n'examine cependant pas
s'il y a eu une agression, parce qu'elle considère que les circonstances dans
lesquelles ces blessures ont été provoquées ne sont pas claires et ne
permettent pas de retenir une prévention suffisante à l'encontre des mis en
cause. C'est donc en vain que la recourante invoque une violation de l'art.
134 CP.

6.
En conclusion, le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
Comme ses conclusions étaient vouées à l'échec, l'assistance judiciaire ne
peut être accordée (art. 64 al. 1 LTF). La recourante, qui succombe,
supportera les frais (art. 65 al. 2 et 66 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
La requête d'assistance judiciaire est rejetée.

3.
Un émolument judiciaire de 800 francs est mis à la charge de la recourante.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie à la recourante, au Procureur
général et à la Chambre d'accusation du canton de Genève.

Lausanne, le 19 avril 2007

Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: