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Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.40/2007
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6B_40/2007 /rod

Arrêt du 9 juillet 2007
Cour de droit pénal

MM. les Juges Schneider, Président,
Ferrari et Favre.
Greffier: M. Oulevey.

X. ________,
recourant, représenté par Me Olivier Cramer, avocat,

contre

Procureur général du canton de Genève,
case postale 3565, 1211 Genève 3.

Fixation de la peine,

recours en matière pénale contre l'arrêt de la Cour de cassation du canton de
Genève du 2 février 2007.

Faits :

A.
X. ________ a été agent général d'une compagnie d'assurances de 1951 à 1992.
Après sa retraite, devenu agent général honoraire, il a continué d'exercer un
mandat de courtier pour l'assureur. En cette qualité, il a longtemps disposé
d'un emplacement de travail dans les locaux de la compagnie.

Entre 1995 et 2005, X.________ a profité de son statut et des relations de
confiance nouées avec certains anciens clients pour s'approprier les avoirs
de diverses assurances venues à échéance, ainsi que des primes de prévoyance
professionnelle versées dans le cadre d'une police collective conclue avec la
Caisse de prévoyance des interprètes de conférences (CIPC). Il faisait virer
ces montants sur un compte bancaire dont il avait la seule disposition. Il a
ainsi détourné quelque 2'500'000 fr. au préjudice de la CPIC et d'autres
organisations internationales associées, et quelque 1'400'000 fr. au
préjudice de personnes assurées auprès de sa compagnie et à qui il avait
promis de faire fructifier leurs dépôts. À la fin de plusieurs exercices
annuels, il a établi de faux documents à l'appui de l'état du compte de
gestion de l'une de ses victimes.

Sur un préjudice total de l'ordre de 3'900'000 fr., il a remboursé, avec
l'aide financière de sa soeur, un total de 51'600 fr., réparti entre cinq
créanciers choisis par lui. Il déclare avoir dépensé le solde pour payer des
charges professionnelles, désintéresser des créanciers plus anciens, aider
ses enfants et faire des dépenses personnelles.

B.
Par arrêt du 1er septembre 2006, la Cour correctionnelle du canton de Genève,
siégeant sans le concours du jury, a reconnu X.________ coupable d'abus de
confiance aggravés (art. 140 ch. 1 et 2; 172 CP) et de faux dans les titres
(art. 251 ch. 1 CP). Elle l'a condamné à trois ans d'emprisonnement.

Contre cette condamnation, X.________ a formé un pourvoi que la Cour de
cassation du canton de Genève a rejeté par arrêt du 2 février 2007.

C.
X. ________ recourt au Tribunal fédéral contre ce dernier arrêt, dont il
demande principalement l'annulation avec renvoi de la cause à la cour
cantonale, subsidiairement la réforme. Il se plaint de violation des art. 63
et 64 CP, dans leur teneur antérieure au 1er janvier 2007.

Préalablement, il sollicite d'être mis au bénéfice de l'assistance
judiciaire.

Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Interjeté par l'accusé qui a succombé dans ses conclusions (art. 81 al. 1
let. b LTF) et dirigé contre un jugement final (art. 90 LTF) rendu en matière
pénale (art. 78 al. 1 LTF) par une autorité cantonale de dernière instance
(art. 80 al. 1 LTF), le présent recours est en principe recevable, puisqu'il
a été déposé dans le délai (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes (art. 42
LTF) prévus par la loi.

2.
Le recours n'est ouvert au Tribunal fédéral que pour les violations du droit
prévues aux art. 95 et 96 LTF.

2.1 Conformément à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, le mémoire de recours doit, sous
peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), exposer succinctement en
quoi l'acte attaqué viole le droit, au sens des art. 95 et 96 LTF. Le
Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs soulevés par le
recourant; il n'est pas tenu de traiter, comme le ferait une autorité de
première instance, toutes les questions juridiques qui se posent, lorsque
celles-ci ne sont plus discutées devant lui.

En l'espèce, le recourant critique uniquement la fixation de la peine. La
cour de céans ne réexaminera donc que cette question.

2.2 Dans le cadre du litige ainsi défini et sous réserve de la violation des
droits constitutionnels et des questions relevant du droit cantonal ou
intercantonal, qu'il ne peut examiner que si le grief a été invoqué et motivé
de manière précise par la partie recourante (art. 106 al. 2 LTF), le Tribunal
fédéral examine d'office l'application du droit (art. 106 al. 1 LTF). Il
n'est limité ni par les arguments soulevés dans le mémoire de recours ni par
le raisonnement de l'autorité précédente; il peut admettre le recours pour
d'autres motifs que ceux avancés par le recourant ou, au contraire, le
rejeter en adoptant une argumentation différente de celle retenue par
l'autorité précédente (cf. ATF 130 III 136 consid. 1.4 p. 140). À cet effet,
il conduit son raisonnement juridique sur la base des faits retenus par
l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si
ceux-ci ont été établis en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF ou de
façon manifestement inexacte (art. 105 al. 2 LTF), c'est-à-dire arbitraire
(cf. Message du Conseil fédéral concernant la révision totale de
l'organisation judiciaire fédérale, du 28 février 2001, FF 2001 4135). Le
recourant qui entend s'écarter des faits constatés par l'autorité précédente
doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions d'une
exception prévue par l'art. 105 al. 2 LTF seraient remplies, faute de quoi il
n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait qui diverge de celui
contenu dans la décision attaquée (cf. ATF 130 III 136 consid. 1.4 p. 140).
Aucun moyen de fait ou de preuve nouveau ne peut être présenté à moins que ce
ne soit la décision de l'autorité précédente qui justifie pour la première
fois de le soulever (cf. art. 99 al. 1 LTF).

3.
3.1 L'entrée en vigueur, le 1er janvier 2007, de la loi fédérale du
13 décembre 2002 modifiant la partie générale du code pénal (RO 2006 3459 ss)
a eu pour effet de remplacer les peines de réclusion ou d'emprisonnement
encourues par le recourant au moment des faits, par des peines pécuniaires et
des peines privatives de liberté, au sens des art. 34 et 40 CP, à fixer
conformément aux art. 47 ss CP. Considérant, selon toutes vraisemblances, que
sa mission consistait exclusivement à contrôler l'application du droit en
vigueur au moment où les premiers juges ont statué, la cour cantonale de
cassation, qui a rendu son arrêt après le 1er janvier 2007, s'est référée aux
anciennes dispositions sans examiner si les nouvelles étaient plus favorables
au recourant. On peut se demander si un tel procédé est conforme à l'art. 2
al. 2 CP. Mais, en toute hypothèse, la cour cantonale n'a pas violé le droit
fédéral en se référant à l'ancien droit en l'espèce, dès lors que le nouveau
droit n'est de toute façon pas plus favorable au recourant.

3.2 En effet, pour comparer la sévérité de l'ancien et du nouveau droit, le
juge doit procéder à un examen concret, en tenant compte de l'état de fait
complet au regard de l'ancien et du nouveau droit et n'appliquer le nouveau
droit que si celui-ci conduit effectivement à un résultat plus favorable au
condamné. Dans chaque espèce, il doit appliquer soit exclusivement le droit
ancien soit exclusivement le nouveau (ATF 114 IV 1 consid. 2a p. 4).

Dans le cas présent, le recourant, qui a commis deux infractions en concours,
est passible, selon les deux droits, de la peine maximale prévue pour
l'infraction la plus grave, augmentée de moitié mais sous réserve du maximum
légal du genre de la peine (art. 68 ch. 1 al. 1 aCP; 49 al. 1 nCP).
L'infraction la plus grave qu'il a commise - l'abus de confiance aggravé -
pouvant être punie de dix ans de réclusion en application de l'ancien droit
et de dix ans de privation de liberté en application du nouveau (art. 138 ch.
2 aCP et 138 ch. 2 nCP), la peine d'ensemble qu'il encourt pour toutes ses
infractions est de quinze ans de réclusion en application de l'ancien droit
et de quinze ans de privation de liberté en application du nouveau. La peine
privative de liberté du nouveau droit résulte simplement de la volonté du
législateur de supprimer la distinction, caduque dans les faits, entre la
réclusion et l'emprisonnement (cf. Message du Conseil fédéral concernant la
modification du code pénal suisse, du 21 septembre 1998, FF 1998 1787 ss,
spéc. p. 1833). Elle a le même effet sur le condamné que les anciennes peines
de réclusion ou d'emprisonnement (Laurent Moreillon, De l'ancien au nouveau
droit des sanctions: quelle lex mitior ?, in: André Kuhn/Laurent
Moreillon/Baptiste Viredaz/Aline Willy-Jayet, in Droit des sanctions, Berne
2004, p. 300 ss, spéc. p. 313; Christian Schwarzenegger/Markus Hug/Daniel
Jositsch, Strafrecht II, Strafen und Massnahmen, 8ème éd., Zurich 2007, p.
316.) Du reste, l'exécution des peines de réclusion et d'emprisonnement de
l'ancien droit est désormais régie par les mêmes dispositions légales que
celle des peines privatives de liberté prononcées en application du nouveau
droit (cf. art. VI ch. 1 al. 3 de la novelle du 13 décembre 2002; RO 2006
3459, spéc. p. 3533). Dès lors, pour les infractions qu'il a commises, le
recourant n'encourrait pas une peine d'ensemble plus favorable en application
du nouveau droit qu'en application de l'ancien.

Par ailleurs, les facteurs d'aggravation ou d'atténuation dont il y a lieu de
tenir compte dans son cas ne diffèrent pas d'un droit à l'autre. En
particulier, la prise en compte de l'effet de la peine sur l'avenir du
condamné, telle que prévue par l'art. 47 al. 1 in fine nCP, ne permettrait de
toute façon pas de réduire d'une année une peine de trois ans de privation de
liberté afin d'octroyer le sursis au condamné. Ce nouveau critère joue un
rôle dans des cas tout autres que celui d'un retraité qui ne rencontrera pas
de problème de resocialisation après l'exécution de sa peine (cf. exemples
d'application du critère donnés par Matthias Härri, Folgenberücksichtigungen
bei der Strafzumessung, RPS 1998 p. 212 ss, spéc. p. 212-216). Aussi, la
cause du recourant reste-t-elle de toute manière soumise à l'ancien droit.

4.
Le recourant reproche d'abord à la cour cantonale d'avoir refusé de le mettre
au bénéfice de la circonstance atténuante que constitue le repentir sincère
(art. 64 al. 7 aCP). Il soutient qu'il a fait tout ce qu'il pouvait pour
réparer le dommage qu'il a causé aux victimes, en allant jusqu'à entamer son
propre minimum vital et à solliciter l'aide de sa soeur. Il remplirait ainsi
toutes les conditions d'application de l'art. 64 al. 7 aCP.

Aux termes de cette disposition légale, le juge pourra atténuer la peine
lorsque le coupable aura manifesté par des actes un repentir sincère,
notamment lorsqu'il aura réparé le dommage autant qu'on pouvait l'attendre de
lui. La réalisation de cette circonstance atténuante suppose que l'auteur
adopte un comportement particulier, méritoire, désintéressé et durable, qui
constitue la preuve concrète d'un repentir sincère. L'auteur doit agir de son
propre mouvement, dans un esprit de repentir (ATF 107 IV 98 consid. 1 et les
références citées). Ainsi, cette circonstance atténuante ne peut être retenue
que si, sur le plan subjectif, l'auteur n'a pas agi sous la pression du
procès à venir et pour des raisons tactiques mais mû par un repentir sincère,
avec la volonté de réparer le tort causé. Déterminer la volonté de l'auteur
relève de l'établissement des faits (ATF 126 IV 209 consid. 2d p. 215; 125 IV
49 consid. 2d p. 56 et les arrêts cités), de sorte que les constatations de
l'autorité cantonale à ce propos lient en principe le Tribunal fédéral (art.
105 al. 1 LTF).

En l'espèce, la cour cantonale a retenu que les remboursements opérés par le
recourant répondaient essentiellement à des considérations tactiques (arrêt
attaqué, p. 7 in fine). En l'absence d'un grief d'arbitraire soulevé et
motivé avec la clarté requise (cf. supra consid. 2.2), cette constatation de
fait lie le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF). En droit, elle exclut que
le recourant soit mis au bénéfice de la circonstance atténuante du repentir
sincère, puisque celle-ci suppose que l'auteur ait agi de son propre
mouvement. Le moyen pris d'une violation de l'art. 64 CP se révèle dès lors
mal fondé.

5.
Le recourant fait ensuite grief à la cour cantonale de n'avoir pas
suffisamment tenu compte de son état de santé pour fixer la peine et de lui
avoir infligé une peine excessivement sévère.

5.1 Pour fixer la peine, le juge du fond dispose d'un large pouvoir
d'appréciation. Même s'il examine librement s'il y a eu violation du droit
fédéral, le Tribunal fédéral ne peut dès lors admettre un recours sur la
quotité de la peine que si le juge du fond l'a fixée en dehors du cadre
légal, s'il s'est fondé sur des critères étrangers à l'art. 63 aCP, s'il a
omis de prendre en considération des éléments d'appréciation prévus par cette
disposition ou, enfin, si la peine prononcée apparaît exagérément sévère ou
clémente au point que l'on doive parler d'un abus du pouvoir d'appréciation
(ATF 129 IV 6 consid. 6.1 p. 20 s. et les références citées). Les éléments
pertinents pour la fixation de la peine ont été rappelés dans ce dernier
arrêt auquel on peut donc se référer.

5.2 En soi, le grand âge n'influe pas sur la culpabilité du condamné, mais
éventuellement sur sa sensibilité à la peine. Selon la jurisprudence et la
doctrine, le juge ne doit tenir compte de la vulnérabilité à la peine, comme
circonstance atténuante, que si elle rend la sanction considérablement plus
dure que pour la moyenne des autres condamnés, par exemple en présence de
maladies graves, de psychoses claustrophobiques ou de surdimutité (cf. arrêt
non publié 6S.703/1995, du 26 mars 1996; Hans Wiprächtiger, Commentaire
bâlois, n. 95 ad art. 63 CP; Günter Stratenwerth, Schweizerisches Strafrecht,
Allgemeiner Teil II, Berne 1989, § 7, n. 53 ss).

Dans le cas présent, pour évaluer la culpabilité du recourant, les premiers
juges avaient tenu compte de la gravité objective des actes commis, de leur
durée, et du fait qu'ils n'ont cessé que pour des raisons indépendantes de la
volonté de leur auteur. Ils avaient aussi pris en considération la forte
intensité de la volonté délictuelle et l'absence de scrupules du recourant.
En effet, celui-ci a agi pendant dix ans, en pleine connaissance de la
situation financière de toutes ses victimes, qu'il a privées de la jouissance
d'avoirs - produits, parfois, de toute une vie de travail - dont ils auraient
impérieusement besoin pendant leurs vieux jours. Ces éléments sont tous
pertinents, de sorte que la cour de cassation cantonale n'a pas méconnu le
droit fédéral en retenant que les premiers juges avaient correctement évalué
la culpabilité du recourant. Ensuite, examinant la situation personnelle du
recourant, les premiers juges avaient retenu que le recourant, astreint à une
surveillance périodique de son rythme cardiaque, ne souffrait cependant
d'aucune maladie particulière ou d'affection qui ne pourrait pas être soignée
correctement en détention. Néanmoins, ils avaient suivi les réquisitions
modérées du Parquet et limité la peine à trois ans d'emprisonnement pour
tenir compte de ce facteur (cf. arrêt attaqué, p. 10). Les premiers juges
avaient donc pris en compte les problèmes de santé du recourant pour fixer sa
peine, de sorte que l'argumentation de celui-ci tombe à faux quand il fait
grief aux autorités cantonales de n'avoir pas tenu compte de son état de
santé.

Par ailleurs, au regard de l'ensemble des faits de la cause, le résultat
auquel sont parvenus les premiers juges ne prête pas à la critique. Pendant
des années, le recourant a trompé la confiance que de nombreuses personnes
avaient mise en lui, n'hésitant pas à les priver d'avoirs dont elles auraient
besoin pour vivre décemment après leur retraite. Malgré les problèmes de
santé du recourant, dont il a été tenu compte, la peine de trois ans
d'emprisonnement prononcée contre lui se révèle dès lors amplement justifiée.

Il s'ensuit que le moyen pris d'une violation de l'art. 63 aCP est mal fondé
et, partant, que le recours doit être rejeté.

6.
Comme ses conclusions étaient d'emblée vouées à l'échec, le recourant doit
être débouté de sa demande d'assistance judiciaire (art. 64 al. 1 et 2 LTF a
contrario) et supporter les frais de justice (art. 65 et 66 al. 1 LTF),
réduits à 800 fr. compte tenu de sa situation financière actuelle.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
La demande d'assistance judiciaire du recourant est rejetée.

3.
Un émolument judiciaire de 800 fr. est mis à la charge du recourant.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, ainsi
qu'au Procureur général et à la Cour de cassation du canton de Genève.

Lausanne, le 9 juillet 2007

Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: