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Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
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Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.291/2007
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6B_291/2007 /rod

Arrêt du 25 janvier 2008
Cour de droit pénal

MM. les Juges Schneider, Président,
Favre et Mathys.
Greffier: M. Oulevey.

X. ________,
recourant, représenté par Me Serge Milani, avocat,

contre

Procureur général du canton de Genève,
case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimé.

Fixation de la peine,

recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre
pénale, du 21 mai 2007.

Faits:

A.
De novembre 2005 à mars 2006, X.________ est allé quatre fois à Zurich
prendre livraison, pour le compte de tiers, de pucks d'héroïne, qu'il a
ensuite transportés à Genève pour les remettre à ses mandants. Au total, son
trafic a porté sur l'équivalent de 660 g d'héroïne pure.

Par jugement du 7 décembre 2006, le Tribunal de police du canton de Genève
l'a condamné, pour infraction grave à la loi fédérale sur les stupéfiants, à
deux ans et demi d'emprisonnement, sous déduction de la détention préventive.

B.
Sur appel du condamné, la Chambre pénale de la Cour de justice du canton de
Genève a, par arrêt du 21 mai 2007, confirmé la déclaration de culpabilité.
Mais, appliquant les nouvelles dispositions générales du code pénal, entrées
en vigueur le 1er janvier 2007, elle a réduit la peine à deux ans et demi de
privation de liberté dont quinze mois avec sursis, sous déduction de la
détention préventive.

C.
X.________ recourt au Tribunal fédéral contre ce dernier arrêt, dont il
demande l'annulation, pour, d'une part, violation de la présomption
d'innocence ou de l'art. 48 let. d CP, et pour, d'autre part, violation de
l'art. 47 CP.

Il assortit son recours d'une requête d'effet suspensif et d'une demande
d'assistance judiciaire.

Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures.

Considérant en droit:

1.
Interjeté dans le délai de trente jours prévu par la loi (art. 100 al. 1 LTF)
par un accusé qui a succombé dans ses conclusions (art. 81 al. 1 let. b LTF)
et dirigé contre un jugement final (art. 90 LTF) rendu en matière pénale
(art. 78 al. 1 LTF) par une autorité de dernière instance cantonale
(art. 80 al. 1 LTF), le présent recours est en principe recevable.

2.
Le recours n'est ouvert au Tribunal fédéral que pour les violations du droit
prévues aux art. 95 et 96 LTF.

2.1 Conformément à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, le mémoire de recours doit, sous
peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), exposer succinctement en
quoi l'acte attaqué viole le droit, au sens des art. 95 et 96 LTF. Aussi le
Tribunal fédéral n'examine-t-il en règle générale que les griefs soulevés par
le recourant; il n'est pas tenu de traiter, comme le ferait une autorité de
première instance, toutes les questions juridiques qui se posent, si
celles-ci ne sont plus discutées devant lui.

En l'espèce, le recourant critique la constatation d'une partie des faits
retenus à sa charge, ainsi que le quantum de la peine. Le sursis partiel et,
en particulier, la fixation de la partie ferme de la peine, ne sont en soi
pas litigieux.

2.2 Dans le cadre du litige ainsi défini et sous réserve de la violation des
droits constitutionnels et des questions relevant du droit cantonal ou
intercantonal, qu'il ne peut examiner que si le grief a été invoqué et motivé
avec précision par la partie recourante (art. 106 al. 2 LTF), le Tribunal
fédéral examine d'office l'application du droit (art. 106 al. 1 LTF). Il
n'est limité ni par les arguments soulevés dans le mémoire de recours ni par
le raisonnement de l'autorité précédente; il peut admettre le recours pour
d'autres motifs que ceux avancés par le recourant ou, au contraire, le
rejeter par substitution de motifs (cf. ATF 130 III 136 consid. 1.4 p. 140).

Il conduit son raisonnement sur la base des faits retenus par l'autorité
précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si ceux-ci ont
été établis en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF ou de façon
manifestement inexacte (art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF), c'est-à-dire
arbitraire (cf. Message du Conseil fédéral concernant la révision totale de
l'organisation judiciaire fédérale, du 28 février 2001, FF 2001 4135). Le
recourant qui entend s'écarter des faits constatés par l'autorité précédente
doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions d'une
exception prévue par l'art. 105 al. 2 LTF seraient remplies; à défaut de ces
précisions, il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait qui
diverge de celui de la décision attaquée (cf. ATF 130 III 136 consid. 1.4
p. 140).

3.
Dans son premier moyen, qui se présente sous la forme d'une alternative dont
on ne saisit pas vraiment la logique, le recourant soutient que la cour
cantonale a violé, soit la présomption d'innocence en ce qu'elle a retenu sur
la base de ses aveux qu'il était allé chercher quatre fois de la drogue à
Zurich alors que la police n'avait pu établir la présence de son raccordement
téléphonique dans cette ville que deux fois d'octobre 2005 à mars 2006, soit
l'art. 48 let. d CP en ce qu'elle a refusé de le mettre au bénéfice de la
circonstance atténuante du repentir sincère alors que ses aveux, décisifs
pour l'établissement d'une bonne partie des faits, constituaient la preuve
concrète d'un tel repentir.

3.1 La présomption d'innocence, garantie par les art. 32 al. 1 Cst. et 6 par.
2 CEDH, et son corollaire, le principe in dubio pro reo, concernent tant le
fardeau que l'appréciation de la preuve (ATF 120 Ia 31 consid. 2c p. 36 et
les références citées).

En tant qu'ils régissent le fardeau de la preuve, ces principes signifient
que le juge ne peut retenir un fait défavorable à l'accusé que s'il est
convaincu de la matérialité de ce fait, de sorte que le doute profite à
l'accusé (ATF 120 Ia 31 consid. 2c p. 37). Ils sont violés si le juge
condamne un accusé au motif que son innocence n'est pas établie, s'il ressort
des motifs de l'arrêt attaqué que le juge a tenu la culpabilité de  l'accusé
pour établie uniquement parce que l'accusé n'a pas apporté les preuves qui
auraient permis de lever les doutes quant à son innocence ou à sa
culpabilité, ou encore si le juge condamne un accusé pour le seul motif que
la culpabilité de celui-ci est plus vraisemblable que son innocence (cf. ATF
127 I 38 consid. 2a p. 4; 124 IV 86 consid. 2a p. 88, 120 Ia 31 consid. 2c p.
37). En revanche, la présomption d'innocence n'est pas violée si le juge
retient des faits sur la matérialité desquels il n'éprouve aucun doute.

Comme règles de l'appréciation des preuves, en revanche, ces principes sont
violés si le juge se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur
lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait
au contraire dû éprouver des doutes (ATF 120 Ia 31 consid. 2c p. 37).

Le Tribunal fédéral examine librement si ces principes ont été violés en tant
qu'ils répartissent le fardeau de la preuve, mais il ne vérifie que sous
l'angle de l'arbitraire si le juge aurait dû éprouver un doute sur la
culpabilité de l'accusé, c'est-à-dire si ces principes ont été violés en tant
qu'ils régissent l'appréciation des preuves (ATF 124 IV 86 consid. 2a p. 88;
120 Ia 31 consid. 2e p. 38).

En l'espèce, ajoutant foi aux aveux du recourant, la cour cantonale n'a
éprouvé aucun doute sur le fait que celui-ci est allé quatre fois chercher de
la drogue à Zurich. Dans les motifs de son arrêt, la cour cantonale a
seulement indiqué qu'en eux-mêmes, les relevés rétroactifs du téléphone
mobile du recourant n'établissaient que deux fois la présence de l'intéressé
à Zurich entre octobre 2005 et mars 2006. Elle n'a pas considéré que
l'instruction dans son ensemble aurait laissé subsister un doute sur le fait
que le recourant s'est rendu quatre fois à Zurich pendant cette période pour
aller y chercher de la drogue. La cour cantonale n'a dès lors pas renversé le
fardeau de la preuve en retenant ces quatre déplacements à la charge du
recourant.

Par ailleurs, il n'y a rien d'arbitraire (cf., sur cette notion, ATF 129 I 8
consid. 2.1 p. 9) à juger probants les aveux qu'un accusé a passés
spontanément lors d'un interrogatoire de police et qu'il a ensuite confirmés
aux débats, même s'ils ne sont pas corroborés par des indices matériels.
Aussi, en retenant les quatre déplacements avoués par le recourant, la cour
cantonale n'a-t-elle pas davantage violé la présomption d'innocence en tant
que règle d'appréciation des preuves.

Pris en sa première branche, le moyen est donc mal fondé.

3.2 Le repentir sincère visé à l'art. 48 let. d CP suppose une prise de
conscience du caractère répréhensible de l'infraction et un changement d'état
d'esprit sincère du délinquant, qu'une bonne collaboration à l'enquête
n'implique pas nécessairement. C'est pourquoi la circonstance atténuante du
repentir sincère, d'une part, et la bonne collaboration à l'enquête, d'autre
part, sont deux éléments à décharge en principe distincts, qui peuvent du
reste entrer en concours (cf., sous l'empire des art. 63 et 64 aCP, ATF 121
IV 202 consid. 2d/cc p. 205/206).

Pour bénéficier de la circonstance atténuante prévue à l'art. 48 let. d CP,
l'auteur doit avoir adopté un comportement particulier, méritoire,
désintéressé et durable, qui constitue la preuve concrète d'un repentir
sincère. Il doit avoir agi de son propre mouvement, dans un esprit de
repentir (ATF 107 IV 98 consid. 1 et les références citées). Il ne peut ainsi
bénéficier de cette circonstance atténuante que s'il a agi, non sous la
pression du procès à venir, ni pour des raisons tactiques, mais mû par un
repentir sincère, avec la volonté de réparer le tort causé. Déterminer la
volonté de l'auteur relève de l'établissement des faits (ATF 126 IV 209
consid. 2d p. 215; 125 IV 49 consid. 2d p. 56 et les arrêts cités), de sorte
que les constatations de l'autorité cantonale à ce propos lient en principe
le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF).

Dans le cas présent, la cour cantonale a constaté que le recourant avait fait
preuve d'une bonne collaboration, mais non qu'il eût fourni un effort motivé
par une prise de conscience du caractère répréhensible de ses actes. Elle n'a
dès lors pas violé l'art. 48 let. d CP en refusant de le mettre au bénéfice
de la circonstance atténuante du repentir sincère et en tenant compte de sa
bonne collaboration dans le seul  cadre de l'art. 47 CP. En sa seconde
branche, le moyen se révèle donc également mal fondé.

4.
Dans son second moyen, pris d'une violation de l'art. 47 CP, le recourant
soutient que les juges précédents auraient insuffisamment tenu compte, pour
fixer la peine, de l'effet que celle-ci aura sur son avenir. Il fait valoir
que, s'il était incarcéré à nouveau après plus d'une année de liberté
provisoire, les efforts de réinsertion qu'il a fournis à sa sortie de
détention préventive seraient réduits à néant. Vivant en concubinage avec la
mère de son fils de trois ans, il se prévaut aussi de sa situation de soutien
de famille. Enfin, il allègue qu'à cause des aveux qu'il a passés, un retour
en prison l'exposerait à des représailles des compatriotes de l'un des
trafiquants pour lesquels il a convoyé de la drogue.

4.1 Le risque de représailles allégué par le recourant ne ressort pas des
constatations de fait de la cour cantonale et le recourant ne soulève pas sur
ce point de grief d'arbitraire motivé conformément aux exigences de l'art.
106 al. 2 LTF. Cette partie du moyen est dès lors irrecevable. Au demeurant,
d'éventuels risques de représailles doivent être pris en compte par
l'autorité responsable de la sécurité des détenus, non par le juge pénal au
stade de la fixation de la peine.

4.2 Aux termes du nouvel art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la
culpabilité de l'auteur; il prend en considération les antécédents et la
situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son
avenir (al. 1); la culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou
de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère
répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par
la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la
lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances
extérieures (al. 2).

Les critères à prendre en considération pour la fixation de la peine selon
cette nouvelle disposition sont ainsi essentiellement les mêmes que ceux que
la jurisprudence appliquait dans le cadre de l'art. 63 aCP (cf. ATF 129 IV 6
consid. 6.1 p. 20 s.). Comme sous l'ancien droit, la peine doit être fixée de
façon qu'il existe un rapport déterminé entre la faute commise par le
condamné et l'effet que la sanction produira sur lui. Les critères
déterminants sont dès lors la faute, d'une part, les antécédents et la
situation personnelle, notamment la sensibilité du condamné à la peine,
d'autre part. Le nouvel art. 47 CP ajoute aux critères mentionnés par le
texte de l'ancien art. 63 CP la nécessité de prendre en considération l'effet
de la peine sur l'avenir du condamné. Il reprend en cela la jurisprudence
selon laquelle le juge doit éviter les sanctions qui pourraient détourner
l'intéressé de l'évolution souhaitable, mais en en généralisant l'application
à la fixation de toute peine - ce qui a pour effet que le prononcé d'une
peine privative de liberté ferme d'une durée très peu supérieure au maximum
compatible avec le sursis est désormais possible (cf. arrêt 6B_131/2007 du 22
novembre 2007, destiné à la publication, consid. 3.6).

L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge. Dès lors,
celui-ci ne viole le droit fédéral en fixant la peine que s'il sort du cadre
légal de celle-ci, s'il se fonde sur des critères étrangers à l'art. 47 CP,
s'il omet de prendre en considération des éléments d'appréciation prévus par
cette disposition ou, enfin, si la peine qu'il prononce apparaît à ce point
trop sévère ou trop clémente qu'elle constitue un abus du pouvoir
d'appréciation (cf., pour l'ancien art. 63 CP, ATF 129 IV 6 consid. 6.1 p. 20
s. et les références citées).

En l'espèce, pour fixer la peine, la cour cantonale a tenu compte de la
quantité d'héroïne transportée par le recourant, du mobile de ses actes - qui
consistait dans l'appât des gains faciles, alors même que le recourant aurait
pu trouver une autre issue à ses problèmes financiers - de sa bonne
collaboration avec la police et de l'absence d'antécédents judiciaires. Tous
ces éléments sont pertinents.

Certes, la cour cantonale n'a pas indiqué expressément qu'elle tenait compte
de l'effet qu'aurait l'exécution de la partie ferme de la peine sur l'avenir
du recourant. Mais elle a rappelé, dans ses constatations de fait, que
celui-ci vivait avec sa compagne et leur fils de trois ans et qu'il avait un
emploi de monteur-électricien. Il ne lui a dès lors pas échappé, même si elle
ne l'a pas indiqué en toutes lettres dans son arrêt, que la peine privative
de liberté prononcée, qui comprend une partie ferme de quinze mois, aura pour
effet de faire perdre son emploi au recourant, avec toutes conséquences que
cela impliquera, pour lui et sa famille. La cour cantonale a manifestement
considéré que la culpabilité du recourant ne permettait pas, malgré tout, de
prononcer une peine compatible avec le sursis intégral. Vu la quantité
importante de drogue que le recourant a transportée durant les quelques mois
où il a pu exercer son activité criminelle et la possibilité qu'il aurait eue
de trouver d'autres solutions à ses problèmes, cette appréciation échappe à
la critique.

Il s'ensuit qu'en condamnant le recourant à une peine de deux ans et demi de
privation de liberté, la cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral. Dans
la mesure où il est recevable, le second moyen du recourant se révèle ainsi
mal fondé.

Partant, le recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité.

5.
Comme il est apparu d'emblée que ses conclusions étaient vouées à l'échec, le
recourant doit être débouté de sa demande d'assistance judiciaire (art. 64
al. 1 LTF a contrario) et supporter les frais de justice (art. 65 et 66 al. 1
LTF), réduits à 1600 fr. compte tenu de sa situation financière.

6.
La cause étant ainsi jugée, la requête d'effet suspensif n'a plus d'objet.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
La demande d'assistance judiciaire du recourant est rejetée.

3.
La requête d'effet suspensif du recourant n'a plus d'objet.

4.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1600 fr., sont mis à la charge du recourant.

5.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton
de Genève, Chambre pénale.

Lausanne, le 25 janvier 2008

Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Le Greffier:

Schneider Oulevey