Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
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Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.261/2007
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6B_261/2007 /rod

Arrêt du 6 septembre 2007
Cour de droit pénal

MM. les Juges Schneider, Président,
Ferrari et Favre.
Greffière: Mme Bendani.

A. X.________, représentée par Me C.________, avocat, et Me D.________,
avocat,
C.________,
D.________,
recourants,

contre

A.Y.________,
intimée, représentée par Me Christophe Maillard, avocat,

Diffamation,

recours en matière pénale contre l'arrêt du Tribunal cantonal fribourgeois,
Chambre pénale, du 2 mai 2007.

Faits :

A.
B. X.________ est décédé le 13 juin 1977 en Corse. Il a laissé, comme
héritières, sa fille A.X.________ et sa femme A.Y.________, qui a par la
suite épousé B.Y.________.

A.a Le 5 juin 2003, A.Y.________ a ouvert une action successorale contre
A.X.________. Dans sa réponse du 27 avril 2004, cette dernière a notamment
allégué ce qui suit:

"2.13 La mort soudaine de B.X.________ donna lieu à de nombreuses rumeurs et
fit sensation dans le canton de Fribourg, d'une part, parce que le de cujus
était l'un des habitants les plus fortunés du canton et, d'autre part, parce
que, malgré l'ouverture d'une enquête pénale, les circonstances du drame
n'ont jamais pu être totalement élucidées. A cela s'ajoutait le fait que la
demanderesse entretenait, déjà avant le décès de son premier mari, une
liaison extraconjugale avec B.Y.________, son mari actuel, à l'époque vendeur
de véhicules d'occasion.

2.15  La défenderesse est ressortissante allemande. Elle est domiciliée à
Darmstadt, en Allemagne, ville dans laquelle est également établi le groupe
F.________. En raison des circonstances restées toujours très mystérieuses de
la mort de son père, la défenderesse évite, dans toute la mesure du possible,
tout contact personnel avec la demanderesse. En d'autres termes, ce n'est pas
uniquement en raison de la présente procédure que les relations de la
défenderesse avec sa "belle-mère" sont tendues."
A.bLe 28 juillet 2004, A.Y.________, représentée par Me Christophe Maillard,
a déposé une plainte pénale pour diffamation contre A.X.________, assistée de
Me D.________ et C.________, estimant que les allégués précités étaient
attentatoires à son honneur.

B.
Le 30 décembre 2004, la Juge d'instruction du canton de Fribourg a clos par
un non-lieu la procédure ouverte contre A.X.________. Par arrêt du 30 mai
2005 et statuant sur recours de la plaignante, la Chambre pénale du Tribunal
cantonal fribourgeois a annulé cette décision et renvoyé l'affaire à
l'instruction.

Le 2 novembre 2005, la Juge d'instruction a informé les avocats D.________ et
C.________ que la plainte était aussi dirigée contre eux. En cours d'enquête,
la plaignante a requis l'audition de A.X.________ et B.Y.________.

C.
Par ordonnance du 15 septembre 2006, la Juge d'instruction a refusé
d'entendre A.X.________ et B.Y.________ et clos la procédure pénale dirigée
contre les trois prévenus par un non-lieu.

Elle a estimé, en substance, que A.X.________ et ses avocats, D.________ et
C.________, n'avaient pas porté atteinte à l'honneur de la plaignante et que
les affirmations litigieuses étaient par ailleurs justifiées par l'obligation
d'alléguer dans le cadre d'une procédure judiciaire.

D.
Par arrêt du 2 mai 2007, la Chambre pénale du Tribunal cantonal fribourgeois
a admis le recours de A.Y.________, annulé la décision précitée et renvoyé la
cause à la Juge d'instruction dans le sens des considérants.

En bref, elle a considéré qu'en cas de doute le juge ne pouvait pas prononcer
un non-lieu, qu'en l'espèce la seule lecture du texte litigieux ne suffisait
pas pour exclure une atteinte à l'honneur et que l'audition de A.X.________
était nécessaire notamment pour déterminer les informations qu'elle avait
données à ses avocats et leurs sources et pour indiquer le motif pour lequel
elle avait affirmé la liaison adultérine de la plaignante.

E.
A.X.________, C.________ et D.________ déposent un recours en matière pénale
au Tribunal fédéral. Ils concluent à l'annulation de l'arrêt cantonal et à la
confirmation de l'ordonnance du 15 septembre 2006. Ils invoquent une
violation de leur droit d'être entendu, des art. 14, 173 CP et 12 LLCA. Ils
forment également un recours constitutionnel subsidiaire.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le renvoi de la cause au juge d'instruction pour complément d'enquête ou
renvoi des prévenus devant le juge du fond constitue une décision incidente,
puisqu'elle ne met pas fin à la procédure. Dès lors qu'elle ne porte pas sur
la compétence ou sur une demande de récusation (art. 92 LTF), elle ne peut
faire l'objet d'un recours en matière pénale (art. 78 ss LTF) qu'aux
conditions de l'art. 93 al. 1 LTF, à savoir dans les deux hypothèses
suivantes.

1.1 La première hypothèse est celle où la décision incidente peut causer un
préjudice irréparable (art. 93 al. 1 let. a LTF). Cette dernière notion a été
reprise de l'art. 87 al. 2 OJ, de sorte que la jurisprudence relative à cette
norme peut être transposée pour l'interprétation de l'art. 93 al. 1 let. a
LTF. Selon cette jurisprudence, un tel préjudice s'entend du dommage
juridique qui ne peut pas être réparé ultérieurement, notamment par la
décision finale; il en va ainsi lorsqu'une décision finale, même favorable au
recourant, ne ferait pas disparaître entièrement ce préjudice, en particulier
quand la décision incidente contestée ne peut plus être attaquée avec la
décision finale, rendant ainsi impossible le contrôle constitutionnel par le
Tribunal fédéral. En revanche, un dommage de pur fait, comme la prolongation
de la procédure ou un accroissement des frais de celle-ci, n'est pas
considéré comme irréparable (ATF 133 IV 139 consid. 4 p. 141 et les arrêts
cités).

La décision de renvoi pour complément d'enquête ou jugement au fond ne cause
pas de préjudice irréparable aux prévenus, puisqu'elle n'implique aucun
jugement sur leur culpabilité (cf. ATF 115 Ia 311 consid. 2c p. 315; 63 I 313
consid. 2 p. 314). Dès lors, le recours est irrecevable en application de
l'art. 93 al. 1 let. a LTF.

1.2 La seconde hypothèse est celle où l'admission du recours contre la
décision incidente peut conduire immédiatement à une décision finale qui
permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (art. 93 al. 1
let. b LTF). Cette dernière condition est la reprise de la règle de l'art. 50
al. 1 OJ (cf. Message concernant la révision totale de l'organisation
judiciaire fédérale du 28 février 2001, FF 2001 p. 4131; K. Spühler/A.
Dolge/D. Vock, Bundesgerichtsgesetz, Kurzkommentar, ad art. 93 n° 5 p. 175).
La jurisprudence rendue au sujet de cette dernière disposition garde donc
toute sa portée. Selon cette jurisprudence, l'ouverture du recours, prévue
pour des motifs d'économie de procédure, contre les décisions préjudicielles
ou incidentes constitue une exception et doit être interprétée de manière
restrictive, d'autant plus que les parties ne subissent aucun préjudice
lorsqu'elles n'attaquent pas immédiatement de telles décisions, qu'elles
peuvent contester en même temps que la décision finale (art. 93 al. 3 LTF).
Le Tribunal fédéral examine librement si les conditions de recevabilité sont
réalisées. Toutefois, il incombe au recourant d'établir leur réalisation s'il
y a doute ou difficulté et qu'il connaît les éléments de la solution (ATF 116
II 738 consid. 1b p. 741 s). Lorsqu'il ignore complètement le problème de la
recevabilité et renonce à exposer pourquoi il s'agit d'un cas exceptionnel,
son recours est irrecevable (ATF 118 II 91 consid. 1a p. 91 s.; arrêt
4A_35/2007 du 2 mai 2007 consid. 2).

1.2.1 Les recourants soutiennent que la condition visée par l'art. 93 al. 1
let. b LTF est réalisée. Ils estiment en effet que l'admission de leur
recours reviendrait à confirmer l'ordonnance de la Juge d'instruction et
ainsi clore la procédure. Ils expliquent que le complément d'instruction
porte sur l'audition de A.X.________ et deux témoins, tous trois domiciliés à
l'étranger, qu'il faudrait alors procéder par commissions rogatoires, puis
traduire les dépositions en question, ce qui engendrerait une prolongation de
la procédure et des coûts supplémentaires, alors que ces moyens sont de toute
manière inutiles.

1.2.2 Cette argumentation ne saurait être suivie. En effet, l'affaire
concerne un contexte de faits simples et précis, implique un nombre de
protagonistes limité et vise l'examen de dispositions pénales connues et sans
complexité particulière, de sorte que la procédure ne peut être tenue pour
longue et coûteuse. Par ailleurs, la Juge d'instruction a déjà effectué les
démarches essentielles à l'enquête, la Chambre pénale lui ayant renvoyé la
cause pour qu'elle complète son enquête par l'audition de A.X.________ ou
alors renvoie de suite les trois prévenus devant le juge du fond. Il ne
s'agit donc plus de procéder à une multitude d'actes longs et compliqués.
Enfin, même si, comme le prétendent les recourants, trois personnes devaient
encore être auditionnées, celles-ci ont toutes des domiciles connus dans des
pays, soit l'Allemagne et l'Espagne, qui nous sont proches et familiers, de
sorte qu'elles peuvent en principe facilement et rapidement être entendues
par commissions rogatoires et leurs déclarations traduites au besoin, étant
rappelé que toutes les parties semblent pouvoir s'exprimer en allemand (cf.
mémoire de recours p. 6). Dès lors, l'affaire ne requiert pas une procédure
probatoire longue et coûteuse et le recours est également irrecevable sur la
base de l'art. 93 al. 1 let. b LTF.

1.3 Il découle de ce qui précède que la décision entreprise ne peut non plus
faire l'objet d'un recours constitutionnel subsidiaire, l'art. 93 LTF
s'appliquant par analogie à cette procédure en application de l'art. 117 LTF.

2.
En conclusion, le recours est déclaré irrecevable. Succombant, les recourants
doivent supporter un émolument judiciaire solidairement entre eux (cf. art.
65 et 66 al. 1 et 5 LTF) et n'ont pas droit à des dépens (cf. art. 68 al. 1
et 2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est irrecevable.

2.
Un émolument judiciaire de 4'000 fr. est mis à la charge des recourants
solidairement entre eux.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et au Tribunal cantonal
fribourgeois, Chambre pénale, ainsi qu'au Ministère public de l'Etat de
Fribourg.

Lausanne, le 6 septembre 2007

Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse

Le président:   La greffière: