Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
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Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.221/2007
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6B_221/2007 /rod

Arrêt du 13 août 2007
Cour de droit pénal

MM. les Juges Schneider, Président,
Wiprächtiger et Favre.
Greffière: Mme Bendani.

X. ________,
recourante, représentée par Me Alain De Mitri, avocat,

contre

Y.________,
intimé, représenté par Me Jean-Marie Crettaz, avocat,
Procureur général du canton de Genève, case postale 3565, 1211 Genève 3.

Dénonciation calomnieuse (art. 303 CP),

recours en matière pénale contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de
Genève, Chambre pénale, du 23 avril 2007.

Faits :

A.
A.a Un litige civil oppose X.________ à Y.________, consultant à Genève. Le 2
avril 2004, la première a déposé à l'encontre du second, une demande en
paiement et une action en reconnaissance de dette portant sur une somme
avoisinant les 240'000 fr. Y.________ a formé une demande reconventionnelle
pour un montant d'environ 650'000 fr. Il a notamment produit un document daté
du 2 décembre 2002 intitulé "engagement de paiement", aux termes duquel
X.________ s'engageait à lui verser 150'000 euros pour l'activité de conseil
déployée en 1999 et 2000 dans le cadre de la restructuration de son
patrimoine immobilier.

A.b Le 25 mai 2004, X.________ a déposé plainte pénale contre Y.________ pour
faux dans les titres. Elle estimait que sa signature et la mention "bon pour
accord" figurant sur le document susmentionné avaient été imitées.

L'expertise graphologique, effectuée sur la pièce litigieuse, a révélé que la
signature précitée était authentique, l'hypothèse d'une falsification n'ayant
quasiment pas de poids, et que la mention "bon pour accord", qui ne
présentait pas de divergence significative avec la même mention apposée par
X.________ sur d'autres documents, ne correspondait pas à l'écriture de
Y.________. Par conséquent, le Procureur général a classé la procédure en
date du 19 avril 2005 pour défaut de prévention pénale.

A.c Le 14 mars 2005, Y.________ a déposé plainte pénale contre X.________
pour calomnie et dénonciation calomnieuse.

Il prétendait qu'en déposant plainte contre lui du chef de faux dans les
titres, alors qu'elle avait signé devant lui le document litigieux,
X.________ avait sciemment menti. De plus, cette dernière avait déclaré, lors
d'une réunion devant notaire, à Annemasse, que Y.________ l'avait escroquée
de 150'000 euros, qu'il n'était pas un homme d'affaires fiable, qu'il fallait
se défier de lui car il n'était pas honnête et qu'il allait certainement
prendre la fuite et quitter le pays.

B.
Par jugement du 4 septembre 2006, le Tribunal de police genevois a condamné
X.________, pour conduite d'un véhicule en état d'ébriété, opposition à des
mesures visant à déterminer l'incapacité de conduire, calomnies et
dénonciation calomnieuse, à six mois d'emprisonnement avec sursis et à une
amende de 1'000 fr.

C.
Par arrêt du 23 avril 2007, la Chambre pénale de la Cour de justice genevoise
a confirmé la condamnation de X.________, pour violation des règles de la
circulation routière, conduite en état d'ébriété, opposition à des mesures
visant à déterminer l'incapacité de conduite et dénonciation calomnieuse.
Elle l'a acquittée du chef de calomnie et l'a reconnue coupable de
diffamation non publique envers une personne au sens de l'art. R621-1 du code
pénal français. Elle l'a condamnée à une peine pécuniaire de 90 jours-amende
à 500 fr./j., l'a mise au bénéfice du sursis pendant une durée de trois ans
et lui a infligé une amende de 1'000 fr.

D.
X.________ dépose un recours en matière pénale au Tribunal fédéral. Elle
conclut à son acquittement des chefs de dénonciation calomnieuse et
diffamation non publique envers une personne. Elle se plaint d'une violation
de son droit d'être entendu, du principe de la présomption d'innocence, des
art. 303 CP et R621-1 du code pénal français et invoque également
l'arbitraire.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Le recours en matière pénale ne peut être formé que pour violation du
droit au sens de l'art. 95 LTF, à savoir pour violation du droit fédéral
(let. a), du droit international (let. b), des droits constitutionnels
cantonaux (let. c ), et du droit intercantonal (let. e). Cette disposition,
conformément à son intitulé, vise uniquement le droit suisse à l'exclusion du
droit étranger (FF 2001 p. 4132 ss; cf. ATF 104 IV 77 consid. 7c; Niklaus
Schmid, Die Strafrechtsbeschwerde nach dem Bundesgesetz über das
Bundesgericht, in RPS 124 p. 188 s; Yvan Jeanneret / Robert Roth, Le recours
en matière pénale, in Les recours au Tribunal fédéral p. 123).

L'art. 96 LTF prévoit les exceptions où le droit étranger peut faire l'objet
d'un recours. Celles-ci n'ont cependant aucune portée en matière pénale (cf.
Niklaus Schmid, op cit, in RPS 124 p. 188 s.; Yvan Jeanneret / Robert Roth,
op cit, p. 123).

1.2 Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF).
Compte tenu de l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF,
sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), il n'examine en
principe que les griefs invoqués; il n'est pas tenu de traiter, comme le
ferait une autorité de première instance, toutes les questions juridiques qui
se posent, lorsque celles-ci ne sont plus discutées devant lui. Il ne peut
pas entrer en matière sur la violation d'un droit constitutionnel ou sur une
question relevant du droit cantonal ou intercantonal si le grief n'a pas été
invoqué et motivé de manière précise par la partie recourante (art. 106 al. 2
LTF).

1.3 Saisi d'un recours en matière pénale, le Tribunal fédéral statue sur la
base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Le
recourant ne peut critiquer les constatations de fait que si les faits ont
été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle
d'arbitraire (FF 2001 p. 4135) -, ou en violation du droit au sens de l'art.
95 LTF. La violation peut consister en un état de fait incomplet, car
l'autorité précédente viole le droit matériel en n'établissant pas tous les
faits pertinents pour l'application de celui-ci (FF 2001 p. 4136 et 4141;
Alain Würzburger, Présentation générale et système des recours, in Nouvelle
loi sur le Tribunal fédéral, Lausanne 2007, p. 20 s.).
1.4 Aux termes de l'art. 80 al. 1 LTF, le recours est recevable contre les
décisions prises par les autorités cantonales de dernière instance et par le
Tribunal pénal fédéral. Partant, dans la mesure où la recourante s'en prend
au jugement rendu par le Tribunal de police, ses critiques sont irrecevables.

2.
La recourante invoque une motivation insuffisante de l'arrêt entrepris.

2.1 La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu celui d'obtenir une
décision motivée. Il suffit cependant que l'autorité mentionne, au moins
brièvement, les motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa
décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la
portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 129 I 232
consid. 3.2; 126 I 97 consid. 2b p. 102). L'autorité n'a pas l'obligation
d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués
par les parties, mais elle peut au contraire se limiter à ceux qui lui
paraissent pertinents (ATF 130 II 530 consid. 4.3 p. 540; 126 I 97 consid. 2b
p. 102 s.). Savoir si la motivation présentée est convaincante est une
question distincte de celle du droit à une décision motivée. Dès lors que
l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision des juges, le droit
à une décision motivée est respecté, même si la motivation présentée est
erronée.

2.2 En l'espèce, la Chambre pénale a motivé sa décision de manière convenable
et s'est déterminée sur toutes les conditions objectives et subjectives des
infractions qu'elle avait à examiner, de sorte que le grief doit être rejeté.

3.
Invoquant l'arbitraire, la violation du principe de la présomption
d'innocence et de l'art. 303 CP, la recourante reproche à l'autorité
cantonale d'avoir ignoré les nombreux éléments déterminants attestant de sa
bonne foi et démontrant que l'aspect subjectif de l'infraction n'est pas
réalisé.

3.1 En l'occurrence, les griefs d'arbitraire et de violation de la
présomption d'innocence n'ont pas de portée propre par rapport à celui de
violation de l'art. 303 CP, puisque le fait d'invoquer le caractère incomplet
d'un état de fait équivaut à se plaindre en réalité d'une violation du droit
au sens de l'art. 95 LTF (cf. supra consid. 1.2). Ces critiques ne sont
d'ailleurs étayées par aucune argumentation distincte. Il suffit donc de les
examiner sous l'angle de la violation du droit pénal matériel.

3.2 L'art. 303 ch. 1 CP prévoit que celui qui aura dénoncé à l'autorité,
comme auteur d'un crime ou d'un délit, une personne qu'il savait innocente,
en vue de faire ouvrir contre elle une poursuite pénale, sera puni d'un peine
privative de liberté ou d'une peine pécuniaire.

Sur le plan subjectif, l'auteur doit savoir que la personne qu'il dénonce est
innocente. Il s'agit d'une connaissance au sens strict; le dol éventuel ne
suffit pas (ATF 76 IV 244). Comme l'auteur sait que que la personne dénoncée
est innocente, les preuves libératoires de la vérité ou de la bonne foi n'ont
aucun sens et sont dès lors exclues (cf. Bernard Corboz, Les infractions en
droit suisse, vol. I, ad art. 174 CP, p. 572).

3.3 La Chambre pénale a admis que l'infraction de dénonciation calomnieuse
était réalisée. Elle a relevé que la recourante avait déposé plainte pénale
le 25 mai 2004 contre l'intimé, sous prétexte que le document intitulé
"engagement de paiement" du 2 décembre 2002 était un faux, mais que le
Procureur général avait classé cette procédure, l'expertise graphologique
démontrant que la signature figurant sur ledit document était authentique, de
même que la mention "bon pour accord". Elle a admis qu'aucune raison ne
permettait de douter des conclusions de l'expert, que la recourante avait
bien signé le document susmentionné et que, dans ces circonstances, cette
dernière savait pertinemment que l'intimé n'avait pas falsifié la pièce
intitulée "engagement de paiement".

3.4 La recourante explique, en substance, qu'elle a été, jusqu'en décembre
2002, en relation d'affaires avec l'intimé, qu'elle l'a rémunéré, le 11
décembre 2002, à hauteur de 309'250 euros et qu'elle ne lui devait donc plus
rien depuis cette date. Elle prétend également que, le 4 juillet 2003,
l'intimé lui a prié de lui accorder un prêt de 150'000 euros, qui n'a pas été
remboursé à l'échéance convenue et qui a donc conduit au litige civil
opposant les parties (cf. supra consid. A.a). Elle ajoute que, par une mise
en demeure du 1er mars 2004, elle a imparti à son débiteur un ultime délai
afin d'obtenir le règlement de la dette, que, le 10 mars 2004, l'intimé lui a
cependant opposé en compensation une créance de 150'000 euros pour ses
honoraires et que, dans ce cadre, ce dernier lui a notamment fait parvenir le
document litigieux daté du 2 décembre 2002 et mentionnant un montant de
150'000 euros pour l'activité de conseil déployée au cours des années 1999 et
2000.

Il ressort de ces allégations que la recourante était en relation d'affaires
avec l'intimé, du moins jusqu'en 2002, et qu'elle lui a versé des honoraires
pour le travail effectué jusqu'à cette date. Contrairement à ce que soutient
l'intéressée, ces affirmations établissent qu'elle devait savoir qu'elle
avait signé, le 2 décembre 2002, le document intitulé "engagement de
paiement" et que l'intimé n'avait par conséquent pas falsifié cette pièce. Le
fait qu'elle lui ait, comme elle le prétend, ultérieurement prêté de
l'argent, qui ne lui a finalement pas été remboursé, ne suffit pas à attester
de sa bonne foi et à mettre en doute la réalisation de l'aspect subjectif de
l'infraction de dénonciation calomnieuse, le prêt à l'origine du conflit
civil étant postérieur à la signature du document litigieux et donc sans
pertinence pour l'analyse du cas à juger. Dans ces conditions, la Chambre
pénale n'a pas violé le droit fédéral en ignorant les divers allégués de la
recourante relatifs à la procédure civile. La critique est donc rejetée.

4.
Invoquant une application erronée de l'art. R621-1 du code pénal français, la
recourante reproche aux juges cantonaux d'avoir ignoré les éléments propres à
démontrer la vérité de ses allégués.

Cette critique, qui consiste à invoquer le caractère incomplet d'un état de
fait et donc à se plaindre d'une violation du droit étranger, est irrecevable
au regard des art. 95 et 96 LTF (cf. supra consid. 1.1).

5.
En conclusion, le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. Les
frais judiciaires sont mis à la charge de la recourante qui succombe (art. 66
al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 4'000 fr. est mis à la charge de la recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties, au
Procureur général du canton de Genève et à la Cour de justice du canton de
Genève, Chambre pénale.

Lausanne, le 13 août 2007

Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse

Le président:   La greffière: