Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.202/2007
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Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
6B_202/2007 /zga

Arrêt du 13 mai 2008
Cour de droit pénal

Composition
MM. les Juges Schneider, Président,
Ferrari, Favre, Zünd et Mathys.
Greffier: M. Oulevey.

Parties
L.________,
recourant, représenté par Me Philippe Pont, avocat,

contre

B.A.________, C.A.________, D.A.________,
tous trois représentés par Me Mauro Poggia, avocat,
I.________, représentée par Me Marc Henzelin, avocat,
Ministère public du canton du Valais,
Palais de Justice, case postale 2050, 1950 Sion 2,
intimés.

Objet
Homicide par négligence (art. 117 CP); lésions corporelles graves par
négligence (art. 125 al. 2 CP); entrave à la circulation publique (art. 237
CP),

recours en matière pénale contre le jugement du Tribunal cantonal du Valais,
Cour pénale II, du 20 mars 2007.

Faits :

A.
Ingénieur de formation, L.________ travaille au Département des transports, de
l'équipement et de l'environnement du canton du Valais en qualité de chef de
section des routes cantonales et cours d'eau du Bas-Valais. Dans l'exercice de
cette fonction, il a fait réaliser de 1996 à 1998 des travaux de renforcement
du Pont de Dorénaz, qui ont nécessité l'implantation dans le Rhône, entre la
berge et la pile droite de l'ouvrage, un peu en aval, d'une palplanche
métallique destinée à supporter provisoirement les appareils de mesures de
l'Usine électrique de Lavey. Cet obstacle artificiel n'a pas fait l'objet d'une
signalisation, ni de mesures de protection.

Au printemps 1999, des ouvriers spécialisés de l'Usine électrique de Lavey, qui
s'était engagée à enlever elle-même l'obstacle une fois les travaux achevés,
ont essayé de couper la palplanche à raz, au fond du fleuve. Ils ont dû y
renoncer à cause du courant. L.________ a alors jugé préférable de laisser les
choses en l'état jusqu'à ce qu'une solution propre et définitive soit trouvée.
Au printemps 2001, l'usine électrique a mandaté un plongeur professionnel et
proposé de sectionner la palplanche en utilisant une charge explosive. Ce mode
opératoire a été refusé, vu la trop grande proximité d'un gazoduc et des
fondations du pont. L.________ a fait extraire la palplanche au moyen d'un
vibrofonceur le 1er février 2002.

B.
Le 6 juillet 2001, une excursion en radeau du Pont de Branson au Pont de
Dorénaz était organisée pour des adolescents qui participaient à un camp de
vacances international à M.________. Vers 17h30, un groupe de jeunes gens et de
jeunes filles répartis sur deux radeaux, conduits par les responsables d'une
société organisatrice d'activités sportives, est parti du Pont de Branson alors
que le vent s'était mis à souffler en rafales avec des pointes à 90 km/h et que
le débit du Rhône avait forci, avec un courant de 6,3 km/h environ. Arrivé à
quelque 800 m du Pont de Dorénaz, le conducteur du premier radeau s'est aperçu
que son embarcation était trop à droite. Il a demandé aux adolescents de
pagayer pour la ramener au milieu du fleuve. Les intéressés n'y sont pas
parvenus. Le radeau s'est dirigé vers le pilier droit du pont, qui a pu être
évité de justesse par la droite. À cause des remous et des courants provoqués
par le pilier, le radeau a accéléré. Il a alors heurté violemment la
palplanche. Sous la poussée du courant, il s'est comme enroulé autour d'elle.
Lors du choc, les occupants du radeau ont été projetés à l'eau. La plupart
d'entre eux a pu regagner la rive à nage. Mais deux jeunes filles, I.________
et A.A.________, ont été prises dans les cordes d'assemblage du radeau et sont
restées coincées sous l'eau. La première n'a pu être secourue qu'après quelques
minutes, inconsciente et dans un état très grave. Elle souffre encore
aujourd'hui de séquelles neurologiques. La seconde est décédée.

C.
Statuant le 12 octobre 2005, le Juge des districts de Martigny et St-Maurice a
reconnu L.________ coupable d'homicide par négligence (art. 117 CP), de lésions
corporelles graves par négligence (art. 125 al. 2 CP) et d'entrave à la
circulation publique par négligence (art. 237 ch. 2 CP), pour n'avoir pas fait
enlever la palplanche une fois les travaux terminés et avoir ainsi
involontairement causé la mort de A.A.________, infligé des lésions corporelles
graves à I.________ et mis en danger la vie des autres occupants du radeau
accidenté. Il l'a condamné à trois mois d'emprisonnement avec sursis pendant
deux ans, ainsi qu'au paiement de dépens aux parties civiles.

Sur appel de L.________, qui demandait à être acquitté, la Cour pénale II du
Tribunal cantonal du Valais a, par jugement du 20 mars 2007, confirmé la
déclaration de culpabilité. La peine a été réduite à 45 jours-amende de 250 fr.
chacun, avec sursis pendant deux ans.

D.
L.________ recourt au Tribunal fédéral contre ce dernier jugement, pour fausse
application des art. 117, 125 al. 2 et 237 ch. 2 CP. Il conclut derechef à son
acquittement.

Il assortit son recours d'une requête d'effet suspensif.

Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Interjeté dans le délai de trente jours prévu par la loi (art. 100 al. 1 LTF)
par un accusé qui a succombé dans ses conclusions (art. 81 al. 1 let. b LTF) et
dirigé contre un jugement final (art. 90 LTF) rendu en matière pénale (art. 78
al. 1 LTF) par une autorité de dernière instance cantonale (art. 80 al. 1 LTF),
le présent recours est en principe recevable.

2.
Le recours n'est ouvert au Tribunal fédéral que pour les violations du droit
prévues aux art. 95 et 96 LTF.

2.1 Conformément à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, le mémoire de recours doit, sous
peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), exposer succinctement en
quoi l'acte attaqué viole le droit, au sens des art. 95 et 96 LTF. Aussi le
Tribunal fédéral n'examine-t-il en règle générale que les griefs soulevés par
le recourant; il n'est pas tenu de traiter, comme le ferait une autorité de
première instance, toutes les questions juridiques qui se posent, si celles-ci
ne sont plus discutées devant lui.

En l'espèce, le recourant conteste exclusivement la réalisation des infractions
dont il a été reconnu coupable. La peine et le sursis ne sont en soi pas
litigieux.

2.2 Dans le cadre du litige ainsi défini et sous réserve de la violation des
droits constitutionnels et des questions relevant du droit cantonal ou
intercantonal, qu'il ne peut examiner que si le grief a été invoqué et motivé
de manière précise par la partie recourante (art. 106 al. 2 LTF), le Tribunal
fédéral examine d'office l'application du droit (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est
limité ni par les arguments soulevés dans le mémoire de recours ni par le
raisonnement de l'autorité précédente; il peut admettre le recours pour
d'autres motifs que ceux avancés par le recourant ou, au contraire, le rejeter
par substitution de motifs (cf. ATF 130 III 136 consid. 1.4 p. 140).

Il conduit son raisonnement sur la base des faits retenus par l'autorité
précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si ceux-ci ont été
établis en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF ou de façon
manifestement inexacte (art. 105 al. 2 LTF), c'est-à-dire arbitraire (cf.
Message du Conseil fédéral concernant la révision totale de l'organisation
judiciaire fédérale, du 28 février 2001, FF 2001 4135). Le recourant qui entend
s'écarter des faits constatés par l'autorité précédente doit expliquer de
manière circonstanciée en quoi les conditions d'une exception prévue par l'art.
105 al. 2 LTF seraient remplies; à défaut de ces précisions, il n'est pas
possible de tenir compte d'un état de fait qui diverge de celui de la décision
attaquée (cf. ATF 130 III 136 consid. 1.4 p. 140).

3.
Les faits reprochés au recourant sont antérieurs à l'entrée en vigueur, le 1er
janvier 2007, de la loi fédérale du 13 décembre 2002 modifiant la partie
générale du code pénal suisse (RO 2006 3459). En principe, la loi pénale ne
s'applique qu'aux faits commis après son entrée en vigueur (cf. art. 2 al. 1
CP). Toutefois, elle s'applique aux faits antérieurs si, d'une part, l'auteur
est mis en jugement après son entrée en vigueur et si, d'autre part, elle lui
est plus favorable que la loi ancienne (cf. art. 2 al. 2 CP).

3.1 La première de ces deux conditions n'est pas remplie seulement si l'auteur
est jugé en première instance après l'entrée en vigueur du nouveau droit.
Lorsqu'une autorité cantonale de recours a le pouvoir de réformer le jugement
de première instance, l'accusé est aussi "mis en jugement" devant elle, au sens
de l'art. 2 al. 2 CP. Elle est dès lors tenue d'appliquer le nouveau droit si
celui-ci est plus favorable à l'accusé, même dans les cas où les nouvelles
dispositions légales sont entrées en vigueur après le jugement de première
instance (ATF 117 IV 369 consid. 15b p. 388).

En l'espèce, la cour cantonale statuait sur appel. Elle devait donc appliquer
le nouveau droit s'il était plus favorable au recourant.

3.2 Pour comparer la sévérité de l'ancien et du nouveau droit, il y a lieu de
procéder à un examen concret, en tenant compte de l'état de fait complet. Il
faut confronter le résultat que donnerait dans le cas particulier l'application
du nouveau droit à toutes les questions qui se posent, avec le résultat que
donnerait dans le cas particulier l'application de l'ancien droit à toutes les
questions qui se posent. Si le premier de ces deux résultats est plus favorable
au condamné, le nouveau droit est seul applicable; en cas contraire, l'ancien
droit reste seul applicable (ATF 114 IV 1 consid. 2a p. 4).

La novelle du 13 décembre 2002 n'a pas apporté de changement aux conditions de
la répression des délits de négligence, en particulier des délits de négligence
commis par omission; elle n'a fait, en la matière, que codifier la
jurisprudence rendue sous l'empire des dispositions générales de 1937 (cf.
Message du Conseil fédéral concernant la modification du code pénal suisse, du
21 septembre 1998, FF 2001 1787, spéc. p. 1807-1809). En revanche, elle a
substitué des peines de trois ans de privation de liberté ou de 360
jours-amende aux peines d'emprisonnement ou d'amende qu'encouraient jusqu'alors
les auteurs d'homicide par négligence, de lésions corporelles graves par
négligence et d'entrave à la circulation publique par négligence (art. 117, 125
al. 2 et 237 ch. 2 CP). En l'espèce, s'il apparaissait qu'ils tombent bien sous
le coup des dispositions pénales précitées, les faits reprochés au recourant ne
justifieraient pas le prononcé, en application du nouveau droit, d'une peine
privative de liberté. L'application du nouveau droit conduirait, au contraire,
au prononcé d'une peine pécuniaire au sens de l'art. 34 CP, qui serait assortie
du sursis puisque rien n'indique qu'une peine ferme serait nécessaire pour
détourner le recourant de commettre de nouvelles infractions (cf. art. 42 CP).
Une peine de jours-amende avec sursis prononcée en application des art. 34 et
42 CP est plus favorable au condamné qu'une peine d'emprisonnement, même avec
sursis, ou qu'une peine d'amende, nécessairement ferme, prononcée en
application des art. 36, 41 et 48 aCP. Plus favorable à l'accusé, le nouveau
droit est dès lors applicable à la présente cause.

4.
Le recourant conteste s'être rendu coupable d'entrave à la circulation publique
par négligence, au sens de l'art. 237 ch. 2 CP.

4.1 Aux termes de l'art. 237 ch. 1 al. 1 CP, celui qui, intentionnellement,
aura empêché, troublé ou mis en danger la circulation publique, notamment la
circulation sur la voie publique, par eau ou dans les airs, et aura par là
sciemment mis en danger la vie ou l'intégrité corporelle des personnes, sera
puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine
pécuniaire. L'art. 237 ch. 2 CP prévoit qu'encourt également cette peine celui
qui agit par négligence.

Cette disposition tend à protéger la vie et l'intégrité corporelle des
personnes qui prennent part à la circulation publique (ATF 106 IV 370 consid.
2a p. 371). Par circulation publique, elle vise le déplacement de personnes ou
de biens par n'importe quel moyen, notamment sur n'importe quel type
d'embarcation (cf. Matthias Schwaibold, Commentaire bâlois, vol. II, 2ème éd.,
Bâle 2007, n. 12 ad art. 237 CP p. 1475), en tout lieu (surface ou espace)
accessible pour cet usage à un cercle indéterminé de personnes, même si les
possibilités d'utilisation de ce lieu sont restreintes de par sa nature ou son
but (ATF 105 IV 43; 102 IV 27 consid. a; 101 IV 175). Le comportement
punissable consiste à empêcher, troubler ou mettre en danger la circulation
publique. Est ainsi visée toute action humaine qui met en danger la vie ou
l'intégrité corporelle des participants à la circulation publique, de sorte que
le comportement punissable est déterminé par ses effets, non par une manière
caractéristique de se comporter (Corboz, Les infractions en droit suisse, vol
II, Berne 2002, n. 13 ad art. 237 CP p. 119). D'après la jurisprudence, il
suffit que l'acte ait mis en danger la vie ou l'intégrité corporelle d'une
seule personne; il n'est pas nécessaire que la mise en danger ait un caractère
collectif (ATF 105 IV 45 consid. 3; 104 IV 54 consid. 5; cf. Corboz, op. cit.,
n. 17-18 ad art. 237 CP p. 119). En revanche, la mise en danger doit être
concrète, c'est-à-dire qu'une lésion doit avoir été sérieusement vraisemblable.
Ainsi, le délit d'entrave à la circulation publique par négligence est réalisé
lorsque trois éléments constitutifs sont réunis: une négligence commise par
l'auteur, la mise en danger concrète de la vie ou de l'intégrité corporelle
d'une personne qui participe à la circulation publique et un lien de causalité
naturelle et adéquate entre la négligence et la mise en danger.

4.2 La cour cantonale a considéré que le recourant a commis l'infraction, non
pas en faisant installer la palplanche, mais en omettant de faire enlever cet
obstacle, au mépris d'une obligation juridique de le supprimer, une fois
terminés les travaux de renforcement du Pont de Dorénaz.
4.2.1 Une infraction de résultat, qui suppose en général une action, peut aussi
être commise par omission si l'auteur est resté passif au mépris d'une
obligation juridique qui lui commandait impérieusement d'agir pour éviter le
résultat (cf. art. 11 CP). N'importe quelle obligation juridique ne suffit pas.
Il faut qu'elle ait découlé d'une position de garant, c'est-à-dire que l'auteur
se soit trouvé dans une situation qui l'obligeait à ce point à protéger un bien
déterminé contre des dangers indéterminés (devoir de protection), ou à empêcher
la réalisation de risques connus auxquels des biens indéterminés étaient
exposés (devoir de surveillance), que son omission peut être assimilée au fait
de provoquer le résultat par un comportement actif (cf. art. 11 al. 2 et 3 CP;
ATF 117 IV 130 consid. 2a p. 132 s.; 113 IV 68 consid. 5b p. 73; Graven/
Sträuli, L'infraction pénale punissable, Berne 1995, p. 79 s.).

Le recourant conteste avoir occupé une position de garant. Il se réfère en
particulier à l'art. 4 al. 1 let. e de loi valaisanne d'application de la loi
fédérale sur la navigation intérieure et de l'accord franco-suisse concernant
la navigation sur le Léman (RS/VS 747.2), qui prescrit aux services intéressés
du Département des travaux publics de faire enlever les entraves à la
navigation sur requête du Département de la police. Il taxe la cour cantonale
d'arbitraire pour avoir considéré que cette disposition légale l'obligeait à
faire enlever la palplanche, alors qu'il n'en avait jamais été requis par le
Département de la police.
4.2.2 Conformément à un principe général de l'ordre juridique, celui qui a
créé, entretenu ou accru un état de choses susceptible de mettre autrui en
danger est tenu de prendre toutes les mesures commandées par les circonstances
pour éviter la survenance d'un dommage ou, le cas échéant, l'aggravation de
l'atteinte déjà causée (ATF 101 IV 28 consid. 2b p. 30/31 et les références;
cf. parmi d'autres: Stratenwerth, Schweizerisches Strafrecht, Allgemeiner Teil
I, 3ème éd., § 14 n. 18 p. 427 s.; Moreillon, L'infraction par omission, Genève
1993, n. 461 p. 252; Graven/Sträuli, L'infraction pénale punissable, Berne
1995, p. 83). Sont exigées les mesures propres à prévenir les conséquences
prévisibles de l'abstention, soit les effets que l'on peut attribuer à l'acte
préalable en appliquant la théorie de la causalité adéquate (Graven/ Sträuli,
op. cit., p. 83; Stratenwerth, op. cit., AT I, § 14 n. 19 p. 428). Lorsque la
pratique d'une certaine activité est régie par des prescriptions de sécurité
légales ou administratives, ou que des associations spécialisées ont édicté des
règles de sécurité dont la pertinence est généralement reconnue par les
praticiens, le principe général n'en continue pas moins de s'appliquer. Dès
lors, même celui qui a créé le risque en accomplissant un acte en soi licite et
qui s'est conformé, pour ce faire, aux prescriptions de sécurité légales,
administratives ou associatives édictées en la matière doit prendre les mesures
nécessaires au regard des circonstances pour prévenir les dommages prévisibles
que son acte pourrait causer; il ne saurait exciper des lacunes des
prescriptions de sécurité légales, administratives ou associatives applicables
(Moreillon, op. cit., n. 471 p. 257; ATF 106 IV 80 consid. 4a et b p. 81 s.).

N'ont pas l'obligation de prendre les précautions visées par le principe ceux
dont l'acte préalable n'a pas créé ou accru de risque, ceux dont l'acte n'a pas
dépassé la limite du risque admissible, ainsi que ceux qui bénéficient d'un
fait justificatif couvrant la lésion potentielle elle-même - par exemple celui
qui blesse et met en danger de mort un agresseur qui en veut à sa vie (cf.
Stratenwerth, op. cit., AT I, § 14 n. 19-22 p. 428 ss; pour une présentation
détaillée de la question en relation avec le droit allemand: Roxin, Ingerenz
und objektive Zurechnung, in FS Trechsel, Zurich 2002, p. 551-567).

En revanche, l'état de nécessité ne justifiant la mise en danger ou la lésion
d'un bien juridique que dans la mesure où il est impossible de sauvegarder
autrement un bien supérieur, celui qui a créé le risque en accomplissant un
acte justifié par sa nécessité est tenu de prendre toutes les précautions
auxquelles il n'est pas nécessaire de renoncer pour sauver le bien supérieur.
S'il a été momentanément nécessaire de renoncer à certaines mesures de
sécurité, celles-ci doivent être prises dès que possible (cf., en droit
allemand, Roxin, op. cit., n. 6 et 7 p. 565 ss). Celui qui n'agit pas dans une
telle situation encourt le même reproche que s'il lésait ou mettait en danger
par action le bien qu'il a le devoir de protéger.

Dans le cas présent, la cour cantonale a constaté que la navigation à droite du
pilier droit du Pont de Dorénaz est, de fait, possible en période de hautes
eaux. Selon l'expérience générale de la vie et le cours ordinaire des choses,
l'implantation d'une palplanche dans les eaux accessibles d'un fleuve est de
nature à provoquer une collision avec une embarcation que le courant pourrait
entraîner vers cet obstacle. Partant, le recourant a, en faisant installer la
palplanche, créé un danger reconnaissable pour la vie et l'intégrité corporelle
des personnes naviguant sur le Rhône. Même si l'installation de cet objet était
nécessaire à la réalisation des travaux - et, par là-même, justifiée - le
recourant devait prendre des mesures positives pour que le risque d'accident
qu'il avait ainsi créé ne se réalise pas - soit, en particulier, faire retirer
l'objet dangereux une fois les travaux terminés. Il s'ensuit que, même en
l'absence d'une requête du Département de la police, le recourant était tenu
depuis la fin des travaux en 1998, en qualité de garant, de faire enlever la
palplanche. Il répond de sa passivité comme s'il avait fait poser cet obstacle
dans le Rhône sans justification.
4.2.3 La négligence est l'imprévoyance coupable commise par celui qui, ne se
rendant pas compte des conséquences de son acte, agit sans user des précautions
commandées par les circonstances et sa situation personnelle (art. 12 al. 3
CP). Ainsi, deux conditions doivent être remplies pour qu'il y ait négligence.
En premier lieu, il faut que l'auteur viole les règles de la prudence,
c'est-à-dire le devoir général de diligence institué par la loi pénale, qui
interdit tout comportement quelconque mettant en danger les biens d'autrui
pénalement protégés contre les atteintes involontaires (cf. Stratenwerth, op.
cit., AT I, 3ème éd., Berne 2005, § 16 n. 16 p. 456). Un comportement dépassant
les limites du risque admissible viole le devoir de prudence s'il apparaît
qu'au moment des faits, son auteur aurait dû, compte tenu de ses connaissances
et de ses capacités, se rendre compte de la mise en danger d'autrui (ATF 121 IV
10 consid. 3 p. 14). Pour déterminer le contenu du devoir de prudence, il faut
donc se demander si une personne raisonnable dans la même situation et avec les
mêmes aptitudes que l'auteur aurait pu prévoir, dans les grandes lignes, le
déroulement des événements - question qui s'examine suivant la théorie de la
causalité adéquate si l'auteur n'est pas un expert dont on pouvait attendre
plus - et, le cas échéant, quelles mesures elle pouvait prendre pour éviter la
survenance du résultat dommageable (ATF 127 IV 34 consid. 2a p. 39; 126 IV 13
consid. 7a/bb p. 17). Lorsque des prescriptions légales ou administratives ont
été édictées dans un but de prévention des accidents, ou lorsque des règles
analogues émanant d'associations spécialisées sont généralement reconnues, leur
violation fait présumer la violation du devoir général de prudence (Graven/
Sträuli, op. cit., p. 222 s.). En second lieu, pour qu'il y ait négligence, il
faut que la violation du devoir de prudence soit fautive, c'est-à-dire que l'on
puisse reprocher à l'auteur, compte tenu de ses circonstances personnelles, une
inattention ou un manque d'effort blâmable (ATF 122 IV 17 consid. 2b p. 19/20,
145 consid. 2b/aa p. 148).

Le principe général de l'ordre juridique qui prescrit à l'auteur d'un acte
dangereux (créateur d'un risque) de prévenir activement la survenance du
dommage prévisible est l'une des implications du devoir général de diligence
qui commande de se comporter de manière à ne pas mettre en danger les biens
d'autrui, devoir qui se trouve à la base des règles de la prudence. Dès lors,
celui qui reste passif après avoir créé un risque au sens de l'art. 11 al. 2
let. d CP viole par là-même les devoirs de la prudence. Il commet par
conséquent une négligence, au sens de l'art. 12 al. 3 CP, si son inaction
résulte, non d'une acceptation des conséquences prévisibles de l'acte
préalable, mais d'une inattention ou d'un manque d'effort blâmable.

En l'espèce, la cour cantonale n'a pas constaté - et le recourant ne prétend du
reste pas - que l'utilisation d'un vibrofonceur aurait posé des difficultés
techniques telles qu'elle n'aurait pas pu être raisonnablement exigée avant le
6 juillet 2001, ni que le coût de l'opération (6'000 fr.) aurait dépassé les
compétences budgétaires du recourant. Par ailleurs, le recourant pouvait se
rendre compte qu'un jour, des embarcations pourraient naviguer à proximité de
la palplanche et être mises en danger par celle-ci. Il suit de là que
l'inaction du recourant avant le 6 juillet 2001 est non seulement contraire à
un devoir d'agir pour prévenir la réalisation de risques, mais encore qu'elle
est fautive. Partant, elle constitue une négligence au sens de l'art. 12 al. 3
CP.

Le premier élément du délit d'entrave à la circulation publique par négligence
est donc réalisé.

4.3 Le recourant conteste que le maintien de la palplanche dans le Rhône après
la fin des travaux ait mis en danger la circulation publique au sens de l'art.
237 CP.
4.3.1 En premier lieu, il fait valoir que, tant au moment où la palplanche a
été installée qu'à celui de l'accident, le Rhône n'était pas assez fréquenté à
la hauteur du Pont de Dorénaz pour constituer une voie de circulation publique.

Cet argument tombe à faux. Est une voie ou un lieu de circulation publique au
sens de l'art. 237 CP toute surface ou espace que son ayant droit ou la loi
ouvre pour cet usage à un cercle indéterminé de personnes (cf. supra consid.
4.1; ATF 105 IV 43; 102 IV 27 consid. a; 101 IV 175). Élément du domaine public
naturel (art. 664 al. 2 et 3 CC et 163 al. 1 de la loi valaisanne d'application
du code civil suisse; LACCS; RS/VS 211.1), le Rhône constitue - comme toute
voie d'eau affectée à l'usage commun (cf. Andreas Flückiger, Gemeingebrauch an
oberirdischen öffentlichen Gewässern, insbesondere die Schifffahrt auf
Schweizer Gewässern, thèse Bâle 1986, p. 48) - une voie d'eau publique au sens
de la loi fédérale sur la navigation intérieure (LNI; RS 747.201). En vertu des
art. 2 al. 1 et 3 al. 2 LNI, la navigation sur les voies d'eau publiques est
libre, sous réserve des interdictions et restrictions que les cantons peuvent
édicter dans l'intérêt public ou pour la protection de droits importants. La
cour cantonale a constaté que la législation valaisanne n'interdisait pas la
navigation non motorisée sur le Rhône entre le Pont de Branson et celui de
Dorénaz. Cette portion du fleuve est dès lors ouverte à tout un chacun pour la
navigation non motorisée. Aussi constitue-t-elle, pour ce mode de déplacement,
une voie de circulation publique au sens de l'art. 237 CP, indépendamment de sa
fréquentation (cf. ATF 88 IV 1, implicitement).
4.3.2 Ensuite, le recourant soutient que, si elle a bien mis en danger
l'intégrité corporelle et la vie des occupants du radeau accidenté le 6 juillet
2001, la palplanche n'aurait en revanche jamais créé de danger général pour la
circulation. Se fondant sur l'avis de Dieter von Rechenberg (Die allgemeine
Gefährlichkeit als Vorraussetzung für die Anwendung von Art. 237 Ziff. 2 StGB,
in RSJ 1951 p. 108 ss), il en conclut que l'art. 237 CP ne pourrait lui être
appliqué.

Outre que la jurisprudence n'exige pas, pour retenir le délit d'entrave à la
circulation publique au sens de l'art. 237 CP, que l'acte reproché à l'auteur
ait mis en danger un nombre indéterminé de personnes - la mise en danger
concrète de la vie ou de l'intégrité corporelle d'une seule personne étant
suffisante (cf. supra, consid. 4.1; ATF 105 IV 45 consid. 3, 104 IV 54 consid.
5; cf. Corboz, op. cit., n. 17-18 ad art. 237 CP p. 119; Stratenwerth, op cit.
BT II, § 32 n. 9 p. 76 s.) - l'opinion contraire de Rechenberg - selon laquelle
l'entrave doit non seulement avoir mis en danger concrètement une personne mais
encore avoir créé la possibilité d'un danger (mise en danger abstraite) pour un
nombre indéterminé de personnes participant à la circulation (op. cit., p. 109
i.f.) - n'est d'aucune utilité au recourant. En effet, l'implantation puis le
maintien durable de la palplanche dans une zone accessible en période de hautes
eaux étaient propres à mettre en difficulté toute embarcation que le courant
pourrait entraîner vers cet obstacle et, partant, à mettre en danger toute
personne naviguant sur le Rhône. La palplanche n'a dès lors pas seulement mis
concrètement en danger la vie de tous les occupants du radeau accidenté le 6
juillet 2001; elle a encore créé un risque pour l'intégrité corporelle et la
vie d'un nombre indéterminé de personnes participant à la circulation publique.
C'est du reste pour cette raison que le recourant avait l'obligation de la
faire enlever. Même au regard de l'interprétation du texte légal défendue par
Rechenberg, le danger constitué par la palplanche entre dès lors bien dans les
prévisions de l'art. 237 CP.

Le deuxième élément du délit d'entrave à la circulation publique par négligence
est ainsi également réalisé.
4.4
4.4.1 Dans le cas d'un délit d'omission improprement dit, la question de la
causalité ne se présente pas de la même manière que si l'infraction de résultat
était réalisée par commission; il faut procéder par hypothèse et se demander si
l'accomplissement de l'acte omis aurait, selon le cours ordinaire des choses et
l'expérience de la vie, évité la survenance du résultat qui s'est produit; pour
l'analyse des conséquences de l'acte supposé, il faut appliquer les concepts
généraux de la causalité naturelle et de la causalité adéquate (ATF 117 IV 130
consid. 2a p. 133).

En l'espèce, si le recourant avait fait enlever la palplanche avant le 6
juillet 2001, rien n'aurait empêché le conducteur du radeau, après avoir passé
le pilier droit du Pont de Dorénaz, de regagner le milieu du fleuve ou, alors,
de s'arrêter sur la berge droite - avec des risques de dommages corporels aux
jambes moins graves que ceux que les occupants ont effectivement courus en
étant précipités à l'eau par le choc - ou encore, en dernier recours, de
demander aux occupants de sauter à l'eau - ce qui aurait permis un minimum de
préparation avant cette manoeuvre et, partant, d'en réduire quelque peu les
risques. En s'abstenant de faire enlever la palplanche avant cette date, le
recourant a donc aggravé sensiblement la mise en danger de la vie et de
l'intégrité corporelle des occupants du radeau accidenté le 6 juillet 2001. Sa
négligence doit ainsi être tenue pour l'une des causes naturelles des dangers
courus par ceux-ci.
4.4.2 Le recourant soutient que, si on lui imputait à faute d'avoir tardé à
faire enlever la palplanche, le lien de causalité adéquate existant entre son
comportement et la mise en danger des occupants du radeau accidenté serait
alors interrompu par les fautes prépondérantes commises par les organisateurs
de l'excursion.

Un acte qui est l'une des causes naturelles d'un résultat dommageable en est
aussi une cause adéquate s'il était propre, d'après le cours ordinaire des
choses et l'expérience générale de la vie, à entraîner un résultat du genre de
celui qui s'est produit; il s'agit là d'une question de droit que la cour de
céans revoit librement (ATF 122 IV 17 consid. 2c/bb p. 23, 121 IV 207 consid.
2a p. 212 s.). Il y a rupture de ce lien de causalité adéquate, l'enchaînement
des faits perdant sa portée juridique, si une autre cause concomitante - par
exemple une force naturelle, le comportement de la victime ou celui d'un tiers
- propre au cas d'espèce constitue une circonstance tout à fait exceptionnelle
ou apparaît si extraordinaire que l'on ne pouvait pas s'y attendre. Cependant,
cette imprévisibilité de l'acte concurrent ne suffit pas en soi à interrompre
le lien de causalité adéquate. Il faut encore que cet acte ait une importance
telle qu'il s'impose comme la cause la plus probable et la plus immédiate de
l'événement considéré, reléguant à l'arrière-plan tous les autres facteurs qui
ont contribué à amener celui-ci, notamment le comportement de l'auteur (ATF 133
IV 158 consid. 6.1 p. 168; 131 IV 145 consid. 5.2 p. 148 et les arrêts cités).

Le maintien d'une palplanche dans des eaux navigables est de nature à provoquer
un accident. La négligence du recourant est dès lors bien l'une des causes
adéquates de la mise en danger de la vie et de l'intégrité corporelle des
occupants du radeau accidenté le 6 juillet 2001. En outre, il n'est pas rare
que les usagers du domaine public naturel, sur les eaux navigables comme en
montagne, évaluent mal les risques liés à la météo. Il n'est pas rare non plus
que ceux qui conduisent des embarcations en eaux vives en perdent la maîtrise.
Dès lors, quelle qu'en soit la gravité, les négligences commises par les deux
organisateurs, en n'annulant pas l'excursion, et par le conducteur du radeau
accidenté, en n'anticipant pas assez son déplacement vers le milieu du fleuve,
n'étaient de toute façon pas extraordinaires au point de sortir du cadre des
événements auxquels le recourant devait s'attendre. La première condition
cumulative de l'interruption du lien de causalité adéquate n'est ainsi pas
remplie. Aussi les éléments constitutifs du délit d'entrave à la circulation
publique par négligence (art. 237 ch. 2 CP) sont-ils tous réunis.

5.
Le recourant conteste aussi s'être rendu coupable d'homicide par négligence
(art. 117 CP) et de lésions corporelles graves par négligence (art. 125 al. 2
CP).

Chacun de ces deux délits supposent la réunion de trois éléments constitutifs:
le décès d'une personne, une négligence et un lien de causalité naturelle et
adéquate entre les deux précédents, pour l'homicide par négligence; des lésions
corporelles graves subies par une personne, une négligence et un lien de
causalité entre les deux précédents, pour les lésions corporelles graves par
négligence (cf., pour l'homicide par négligence, ATF 122 IV 145 consid. 3 p.
147 et les arrêts cités).

5.1 Avec raison, le recourant ne conteste pas que le premier élément est
présent pour chacun des deux délits.

5.2 Pour les motifs exposés au consid. 4.2, le recourant a commis une
négligence en ne faisant pas enlever la palplanche avant le 6 juillet 2001.

5.3 Cette négligence n'est pas seulement en rapport de causalité naturelle et
adéquate avec la mise en danger de la vie et de l'intégrité corporelle des
occupants du radeau accidenté (cf. supra, consid. 4.4), mais encore avec le
décès de A.A.________ et les lésions corporelles graves subies par I.________.
Sans la palplanche, rien n'aurait empêché le conducteur du radeau, après avoir
passé le pilier droit du Pont de Dorénaz, de regagner le milieu du fleuve ou,
alors, de s'arrêter sur la berge droite - avec des risques de dommages
corporels aux jambes, moins graves que ceux que la palplanche a fait courir aux
occupants - ou encore, en dernier recours, de demander aux occupants de sauter
à l'eau - ce qui aurait permis aux deux victimes, qui n'auraient pas été
coincées sous l'embarcation, de regagner la rive à la nage avec leurs
camarades, en ne courant ainsi que les dangers inhérents à la nage en eaux
vives.
Il s'ensuit que le recourant s'est également rendu coupable d'homicide par
négligence (art. 117 CP) et de lésions corporelles graves par négligence (art.
125 al. 2 CP).

6.
Le délit d'entrave à la circulation publique peut être retenu en concours avec
une infraction de lésion si la mise en danger a dépassé la lésion subie ou
touché d'autres personnes que celle qui a été lésée (cf. ATF 75 IV 124 consid.
5; Corboz, op. cit., n. 29 ad art. 237 CP; Stratenwerth, op. cit, BT II, 5ème
éd., Berne 2000, § 32 n. 14 p. 78).

Dans le cas présent, la négligence du recourant a mis en danger d'autres
personnes en plus de celle qui est décédée et de celle qui a subi des lésions
corporelles graves. Le délit d'entrave à la circulation publique par négligence
n'est dès lors pas entièrement absorbé par ceux d'homicide par négligence et de
lésions corporelles graves par négligence. En déclarant le recourant coupable
des trois infractions, la cour cantonale n'a dès lors pas violé le droit
fédéral, mais au contraire correctement appliqué les art. 49, 117, 125 al. 2 et
237 ch. 2 CP. Le recours, mal fondé, doit ainsi être rejeté.

7.
Le recourant, qui succombe, supportera les frais de justice (art. 66 al. 1
LTF), fixés à 4'000 francs.

Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens aux intimés, qui n'ont pas eu à déposer
de réponse.

8.
La cause étant ainsi jugée, la requête d'effet suspensif n'a plus d'objet .

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 4'000 fr., sont mis à la charge du recourant.

3.
La requête d'effet suspensif du recourant n'a plus d'objet.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et à la Cour pénale II du
Tribunal cantonal du Valais.
Lausanne, le 13 mai 2008
Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Schneider Oulevey