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Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.199/2007
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Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
6B_199/2007 /viz

Arrêt du 13 mai 2008
Cour de droit pénal

Composition
MM. les Juges Schneider, Président,
Ferrari, Favre, Zünd et Mathys.
Greffier: M. Oulevey.

Parties
B.A.________, C.A.________, D.A.________,
recourants,
tous trois représentés par Me Mauro Poggia, avocat,

contre

E.________, représenté par
Me Olivier Couchepin, avocat,
G.________, représenté par
Me Pierre-Cyril Sauthier, avocat,
H.________, représenté par
Me Henri Carron, avocat,
F.________, représenté par
Me Pierre-André Veuthey, avocat,
Ministère public du canton du Valais,
Palais de Justice, case postale 2050, 1950 Sion 2,
intimés.

Objet
Homicide par négligence (art. 117 CP),

recours en matière pénale et recours constitutionnel subsidiaire contre le
jugement du Tribunal cantonal du Valais, Cour pénale II, du 20 mars 2007.

Faits:

A.
A.a E.________ est le directeur d'un camp de vacances qui accueille chaque
année, à M.________, environ trois mille enfants et adolescents de diverses
nationalités, à qui sont dispensés des cours de langues et proposées des
activités sportives.
En 2000, E.________ a décidé d'inclure dans les activités offertes à ses
pensionnaires des excursions en radeau sur le Rhône. À cet effet, il s'est
adressé à F.________, sous-directeur de la Maison X.________ à M.________. Les
personnes recommandées par cet organisme, qui a pour but de mettre en rapport
les clients de la station intéressés à la pratique de certains sports avec les
moniteurs des associations locales spécialisées, sont généralement considérées
comme sérieuses.
F.________ lui a d'abord recommandé Y.________ Center. Puis, en 2001, il lui a
proposé les services de G.________ et H.________, associés sous la raison de
commerce Z.________ Center, en lui donnant des assurances verbales sur leur
formation et sur leur professionnalisme.
Pensant que F.________ s'assurait des compétences et du professionnalisme de
ses "sous-traitants", ainsi que de la régularité technique et administrative de
leurs activités, E.________ a accepté qu'il soit fait appel aux services de
G.________ et H.________, sans procéder lui-même à d'autres vérifications. Il a
été convenu que les responsables de cette société encadreraient les
pensionnaires du camp de vacances pour une excursion en radeau sur le Rhône, du
Pont de Branson au Pont de Dorénaz, dans l'après-midi du 6 juillet 2001.
A.b Dans la matinée du 6 juillet 2001, E.________ a fait téléphoner plusieurs
fois à F.________, afin de s'assurer que le temps, qui s'annonçait orageux et
agité, n'était pas trop mauvais pour entreprendre l'excursion. À chaque fois,
F.________ l'a rassuré, en lui faisant dire que, pour lui, les conditions
étaient bonnes et que G.________ et H.________ étaient des professionnels.
À 13h30, après avoir reçu quelques recommandations sur la manière de tenir la
rame, la synchronisation des mouvements et la nécessité de lever les jambes si
l'embarcation arrivait trop près du bord, un premier groupe de pensionnaires du
camp de vacances s'est présenté au Pont de Branson. Il a assemblé les éléments
des deux radeaux à disposition et revêtu l'équipement nécessaire. Vers 14h30,
E.________ est arrivé sur les lieux. Il a entendu les dernières recommandations
de G.________ et H.________, lesquelles n'ont jamais porté sur l'attitude à
adopter en cas d'accident, notamment en cas de collision avec un obstacle.
Avant le départ de ce premier groupe, inquiet des conditions météorologiques en
dépit des assurances données par G.________, il a demandé à celui-ci d'annuler
l'excursion du second groupe en cas de péjoration. Il est ensuite parti pour
Lausanne, où il est resté jusque dans la soirée. La descente du premier groupe
s'est bien déroulée, malgré le vent.
Aux alentours de 16h30, un second groupe est arrivé au Pont de Branson. Dans
l'intervalle, les conditions météorologiques s'étaient détériorées. Le vent
s'était mis à souffler en rafales, avec des pointes à 90 km/h, et le débit du
Rhône avait augmenté. Néanmoins, G.________ a jugé que l'excursion pouvait
encore être entreprise. Vers 17h30, le groupe s'est élancé. G.________
naviguait en tête du convoi sur un canoë gonflable, tandis que H.________
conduisait le premier radeau. Le second radeau était piloté par un moniteur du
camp de vacances. Arrivé à quelque 800 m du Pont de Dorénaz, H.________ s'est
aperçu que son embarcation était trop à droite. Il a demandé à ses huit
passagers de pagayer pour la ramener au milieu du fleuve. Les intéressés n'y
sont pas parvenus. Le radeau s'est dirigé vers le pilier droit du pont, qui a
pu être évité de justesse par la droite. À cause des remous et des courants
provoqués par le pilier, le radeau a accéléré et il est allé heurter violemment
une palplanche métallique implantée dans le fleuve à onze mètre en aval du
pont, entre le pilier droit et la berge. Sous la poussée du courant, le radeau
s'est comme enroulé autour de cet obstacle.
Lors du choc, les occupants du radeau ont été projetés à l'eau. La plupart
d'entre eux a pu gagner la rive à la nage. Mais deux jeunes filles ont été
prises dans les cordes d'assemblage et sont restées coincées sous l'eau. La
première n'a pu être secourue qu'après quelques minutes, inconsciente et dans
un état très grave. La seconde, A.A.________, est décédée.

B.
C.A.________, B.A.________ et D.A.________, respectivement père, mère et frère
de A.A.________ (ci-après: les consorts A.________), ont porté plainte et se
sont constitués parties civiles, en concluant notamment au paiement par
G.________, H.________, E.________ et F.________ de 50'000 fr. à C.A.________,
de 50'000 fr. à B.A.________ et de 40'000 fr. à D.A.________, avec intérêt à 5
% l'an dès le 6 juillet 2001, à titre d'indemnités pour tort moral.
Statuant le 12 octobre 2005, le Juge I des districts de Martigny et St-Maurice
a, notamment, condamné G.________ et H.________ pour homicide par négligence et
lésions corporelles graves par négligence à quatre mois d'emprisonnement avec
sursis pendant deux ans. E.________ et F.________ ont été acquittés. Au civil,
G.________ et H.________ ont été condamnés à payer solidairement entre eux les
sommes de 30'000 fr. à C.A.________, de 30'000 fr. à B.A.________ et de 10'000
fr. à D.A.________, plus intérêt à 5% l'an dès le 6 juillet 2001, à titre
d'indemnités pour tort moral.
Sur appel des consorts A.________, la Cour pénale II du Tribunal cantonal du
Valais a notamment, par jugement du 20 mars 2007, confirmé l'acquittement de
E.________, mais condamné F.________ pour homicide par négligence à 30
jours-amende de 80 fr. chacun, avec sursis pendant deux ans, et condamné au
civil G.________, H.________ et F.________ à payer solidairement entre eux les
sommes de 30'000 fr. à C.A.________, de 30'000 fr. à B.A.________ et de 10'000
fr. à D.A.________, plus intérêt à 5% l'an dès le 6 juillet 2001, à titre
d'indemnités pour tort moral.

C.
Les consorts A.________ recourent au Tribunal fédéral contre ce dernier arrêt,
en agissant aussi bien par la voie du recours en matière pénale que par celle
du recours constitutionnel subsidiaire (art. 113 ss LTF). À titre principal,
ils demandent, au pénal, que E.________ soit reconnu coupable d'homicide par
négligence, la cause étant renvoyée à la cour cantonale pour la fixation de la
peine, et, au civil, que G.________, H.________, F.________ et E.________
soient condamnés à payer solidairement entre eux les sommes de 50'000 fr. à
C.A.________, de 50'000 fr. à B.A.________ et de 40'000 fr. à D.A.________,
plus intérêt à 5% l'an dès le 6 juillet 2001, à titre d'indemnités pour tort
moral. À titre subsidiaire, ils concluent à l'annulation de l'acquittement de
E.________ et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouveau jugement.
Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures.

Considérant en droit:

1.
Le recours constitutionnel subsidiaire n'est ouvert que contre les décisions
cantonales de dernière instance qui ne peuvent pas être déférées au Tribunal
fédéral par la voie d'un recours ordinaire (cf. art. 113 LTF).
Statuant sur l'action pénale dirigée contre les deux accusés acquittés en
première instance et sur les prétentions civiles maintenues en seconde instance
contre les quatre accusés civilement responsables, la décision attaquée peut
faire l'objet d'un recours en matière pénale au Tribunal fédéral (cf. art. 78
al. 1 et 2, let. a, LTF). Le recours constitutionnel subsidiaire exercé par les
consorts A.________ est dès lors irrecevable. Les moyens développés à l'appui
de celui-ci seront examinés, pour autant que recevables, dans le cadre du
recours en matière pénale.

2.
Assimilés à la victime par l'art. 2 al. 2 LAVI, les consorts A.________ ont
qualité pour recourir contre l'acquittement de E.________ (art. 81 al. 1 let. b
ch. 5 LTF). En raison de ce statut, chacun d'eux a également qualité pour
recourir contre le rejet partiel de ses conclusions civiles (art. 81 al. 1
LTF). Dès lors, interjeté dans le délai légal de trente jours (art. 100 al. 1
LTF) contre un jugement final (art. 90 LTF) rendu en matière pénale (art. 78
al. 1 LTF) par une autorité de dernière instance cantonale (art. 80 al. 1 LTF),
le recours en matière pénale est en principe recevable.

3.
Le recours n'est ouvert au Tribunal fédéral que pour les violations du droit
prévues aux art. 95 et 96 LTF.

3.1 Conformément à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, le mémoire de recours doit, sous
peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), exposer succinctement en
quoi l'acte attaqué viole le droit, au sens des art. 95 et 96 LTF. Aussi le
Tribunal fédéral n'examine-t-il en règle générale que les griefs soulevés par
le recourant. Il n'est pas tenu de traiter, comme le ferait une autorité de
première instance, toutes les questions juridiques qui se posent, si celles-ci
ne sont plus discutées devant lui.

3.2 Dans le cadre du litige ainsi défini et sous réserve de la violation des
droits constitutionnels et des questions relevant du droit cantonal ou
intercantonal, qu'il ne peut examiner que si le grief a été invoqué et motivé
de manière précise par la partie recourante (art. 106 al. 2 LTF), le Tribunal
fédéral examine d'office l'application du droit (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est
limité ni par les arguments soulevés dans le mémoire de recours ni par le
raisonnement de l'autorité précédente; il peut admettre le recours pour
d'autres motifs que ceux avancés par le recourant ou, au contraire, le rejeter
par substitution de motifs (cf. ATF 130 III 136 consid. 1.4 p. 140).
Il conduit son raisonnement sur la base des faits retenus par l'autorité
précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si ceux-ci ont été
établis en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF ou de façon
manifestement inexacte (art. 105 al. 2 LTF), c'est-à-dire arbitraire (cf.
Message du Conseil fédéral concernant la révision totale de l'organisation
judiciaire fédérale, du 28 février 2001, FF 2001 4135). Le recourant qui entend
s'écarter des faits constatés par l'autorité précédente doit expliquer de
manière circonstanciée en quoi les conditions d'une exception prévue par l'art.
105 al. 2 LTF seraient remplies; à défaut de ces précisions, il n'est pas
possible de tenir compte d'un état de fait qui diverge de celui de la décision
attaquée (cf. ATF 130 III 136 consid. 1.4 p. 140).

4.
Les recourants se plaignent de violation arbitraire (art. 9 Cst.) du droit à
l'administration des preuves, que leur conférerait l'art. 58 ch. 1 du code de
procédure pénale valaisan (CPP/VS; RS/VS 312.0).

4.1 Les recourants ont présenté des réquisitions de preuve dans leur mémoire
d'appel, soit dans la phase de préparation des débats d'appel. Ces réquisitions
ont fait l'objet d'une décision de la présidente de la cour cantonale, qui, en
vertu des pouvoirs que lui confère l'art. 190 ch. 4 CPP/VS, les a rejetées. Les
recourants n'ont pas renouvelé ces réquisitions aux débats, devant la cour
cantonale siégeant au complet, alors qu'ils en avaient la possibilité
conformément à l'art. 190 ch. 4 in fine et à l'art. 128 ch. 2, applicable par
renvoi de l'art. 191 ch. 1, du CPP/VS. Le moyen qu'ils tirent du rejet de leurs
réquisitions de preuve est dès lors irrecevable, faute de s'en prendre à une
décision de dernière instance cantonale (art. 80 al. 1 LTF, a contrario).

4.2 Au demeurant, même si ces réquisitions avaient été renouvelées aux débats,
la cour cantonale n'aurait pas violé le droit d'être entendus des recourants en
les rejetant, dès lors que les pièces qu'elles tendaient à faire verser au
dossier étaient sans pertinence pour le jugement de la cause.
En effet, contraindre sans droit une personne à prendre un risque admissible -
par exemple en la contraignant à pratiquer avec les précautions commandées par
les circonstances une activité sportive normale à la pratique de laquelle elle
est apte - peut, suivant les moyens utilisés à cet effet, constituer le délit
de contrainte réprimé à l'art. 181 CP, mais ne viole pas une règle de prudence,
destinée à réduire des risques. Certes, la contrainte crée une situation de
garant (cf. art. 11 al. 2 let. d CP), qui oblige l'auteur à agir pour prévenir
la réalisation des risques de l'activité. Mais s'il a pris toutes les
précautions commandées par circonstances pour empêcher la réalisation de
ceux-ci, l'auteur de la contrainte ne peut être rendu pénalement responsable
des suites d'un éventuel accident. Dans le cas présent, il n'était pas contesté
que E.________, en sa qualité de directeur du camp de vacances, avait une
position de garant. Il était dès lors sans importance, pour juger du principe
de sa responsabilité, que la participation à l'excursion en radeau ait
peut-être été, comme l'allèguent les recourants, obligatoire pour tous les
pensionnaires qui n'avaient pas de dispense médicale.
Par ailleurs, l'accusation ne portait pas sur le défaut d'autorisation spéciale
des parents de A.A.________ (cf. infra, consid. 5.2.1). Il était dès lors
également sans pertinence de savoir si, avant d'envoyer certains de ses
pensionnaires faire de la plongée, E.________ demandait l'autorisation spéciale
de leurs parents.
Enfin, on ne discerne pas quel rapport l'accident de la circulation survenu en
1998 pourrait avoir avec la présente cause. S'il avait été recevable, le moyen
aurait donc dû être rejeté.

5.
Ensuite, les recourants soutiennent que la cour cantonale a violé l'art. 117
CP, qui punit l'homicide par négligence, en refusant à tort d'appliquer cette
disposition légale à E.________.

5.1 Aux termes de l'art. 117 CP, celui qui, par négligence, aura causé la mort
d'une personne sera puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus
ou d'une peine pécuniaire.
La réalisation du délit d'homicide par négligence suppose ainsi la réunion de
trois éléments constitutifs: la mort d'une personne, une négligence et un lien
de causalité entre cette négligence et la mort de cette personne (ATF 122 IV
145 consid. 3 et la référence citée). Si l'un de ces trois éléments fait
défaut, le délit n'est pas réalisé.

5.2 La négligence est l'imprévoyance coupable commise par celui qui, ne se
rendant pas compte des conséquences de son acte, agit sans user des précautions
commandées par les circonstances et sa situation personnelle (art. 12 al. 3
CP). Deux conditions doivent donc être remplies pour qu'il y ait négligence. En
premier lieu, il faut que l'auteur viole les règles de la prudence,
c'est-à-dire le devoir général de diligence institué par la loi pénale, qui
interdit tout comportement quelconque mettant en danger les biens d'autrui
pénalement protégés contre les atteintes involontaires (cf. Stratenwerth, op.
cit., AT I, 3ème éd., Berne 2005, § 16 n. 16 p. 456). Un comportement dépassant
les limites du risque admissible viole le devoir de prudence si, au moment des
faits, son auteur devait, compte tenu de ses connaissances et de ses capacités,
se rendre compte de la mise en danger d'autrui (ATF 121 IV 10 consid. 3 p. 14).
Pour déterminer le contenu du devoir de prudence, il faut donc se demander si
une personne raisonnable dans la même situation et avec les mêmes aptitudes que
l'auteur aurait pu prévoir, dans les grandes lignes, le déroulement des
événements - question qui s'examine suivant la théorie de la causalité adéquate
si l'auteur n'est pas un expert dont on pouvait attendre de meilleures
prévisions - et, le cas échéant, quelles mesures cette personne pouvait
prendre, compte tenu des connaissances qu'elle pouvait avoir au moment des
faits, pour éviter la survenance du résultat (ATF 127 IV 34 consid. 2a p. 39;
126 IV 13 consid. 7a/bb p. 17). En second lieu, pour qu'il y ait négligence, il
faut que la violation du devoir de prudence soit fautive, c'est-à-dire que l'on
puisse reprocher à l'auteur, compte tenu de ses circonstances personnelles, une
inattention ou un manque d'effort blâmable (ATF 122 IV 17 consid. 2b p. 19/20,
145 consid. 2b/aa p. 148).
Dans leur mémoire, les recourants accusent E.________ de négligence pour: avoir
inclus la navigation en radeau dans la liste des activités sportives du camp de
vacances, alors que cette activité comporte des risques inadmissibles; avoir
imposé cette activité à leur fille et soeur, alors que, sur le bulletin
d'inscription au camp de vacances, l'autorisation parentale pour les activités
sportives était limitée aux activités usuelles; avoir demandé à F.________ de
trouver des personnes de confiance pour la préparation et l'encadrement de
l'activité, alors que celui-ci n'était pas expert en sports de rivière; et,
enfin, pour s'être absenté après le départ du premier groupe, alors qu'il lui
aurait dû surveiller le déroulement de l'activité et, vu la dégradation des
conditions météorologiques, annuler l'excursion du second groupe.
5.2.1 La cour cantonale a refusé d'examiner si E.________ avait violé son
devoir de diligence en omettant de demander une autorisation spéciale des
parents avant de proposer une excursion en radeau à A.A.________, aux motifs
que cette omission n'était pas mentionnée dans l'arrêt de renvoi et que le
principe accusatoire interdisait, par conséquent, de fonder une condamnation
sur elle. Comme cette motivation, tirée d'un droit constitutionnel de l'accusé
et de règles cantonales de procédure, n'est pas remise en cause par les
recourants, le Tribunal fédéral ne peut la revoir (art. 106 al. 2 LTF). Le
recours est dès lors irrecevable dans la mesure où il tend à faire déclarer
E.________ coupable d'une négligence qui consisterait dans le fait d'avoir agi
sans autorisation spéciale des parents de la victime.
5.2.2 Le devoir général de diligence institué par la loi pénale oblige celui
qui organise des activités sportives pour des tiers à prendre toutes les
précautions nécessaires afin que les risques pour la vie et l'intégrité
corporelle des participants n'excèdent pas la mesure admissible. S'il est
impossible de réduire les risques à ce point, l'organisateur doit - sous
réserve d'exceptions sans pertinence en l'espèce (consentement éclairé du tiers
ou participation au fait propre de celui-ci) - renoncer à l'activité. En
revanche, il ne viole pas son devoir de diligence s'il fait pratiquer à un
tiers une activité sportive dans des conditions telles que les risques courus
ne dépassent pas la mesure admissible.
Dans le cas présent, la cour cantonale a constaté, notamment sur la base du
rapport d'expertise versé au dossier, que, pratiquée dans le respect de la
réglementation, avec des gilets de sauvetage, sous la direction de guides
compétents, par des adolescents de quatorze à dix-huit ans sachant nager et
capables de se conformer à quelques consignes de sécurité, la navigation en
radeau sur le Rhône ne présente pas plus de risques pour la vie ou l'intégrité
corporelle des participants qu'une activité sportive normale, telle que la
natation (en piscine). Certes, les recourants qualifient cette appréciation
d'arbitraire. Mais ils se bornent à opposer leur propre point de vue à celui de
l'expert, sans indiquer en quoi le raisonnement de ce dernier serait
insoutenable. Leurs critiques sur ce point sont donc purement appellatoires et,
comme telles, irrecevables (cf. ATF 125 I 492 consid. 1b p. 494 et les
références). Un risque qui ne dépasse pas celui que prend une personne qui sait
nager en allant se baigner à la piscine est à l'évidence admissible.
Contrairement à ce que soutiennent les recourants, la cour cantonale n'a dès
lors pas violé le droit fédéral en considérant que E.________ n'a pas enfreint
son devoir de diligence en incluant la navigation en radeau dans la liste des
activités sportives proposées - ou imposées - à ses pensionnaires de quatorze
ans et plus.
5.2.3 Lorsqu'une activité sportive est mise sur pied par plusieurs
organisateurs, la jurisprudence détermine le devoir de diligence de chacun
d'eux en appliquant par analogie le principe de la confiance développé en
matière de circulation routière. Selon ce principe, tout conducteur peut, sauf
indice du contraire et pour autant qu'il se comporte lui-même correctement,
compter que les autres usagers respecteront leur devoir de prudence (ATF 125 IV
83 consid. 2b p. 87 s.). Étendu aux cas où, pour l'accomplissement d'une tâche
complexe, il y a partage de compétences entre plusieurs personnes, chargées de
parties distinctes de cette tâche (répartition horizontale du travail), ce
principe signifie que chaque participant peut légitimement, tant qu'aucune
circonstance ne laisse présumer le contraire, partir de l'idée que les autres
accompliront leur part du travail en prenant les précautions commandées par les
circonstances. Chacun peut ainsi se vouer à sa propre tâche sans avoir à
surveiller les autres. Étendu aux cas de délégation d'une compétence
(répartition verticale du travail), le principe signifie que le responsable qui
donne une mission à un auxiliaire peut, sauf indice du contraire, compter que
celui-ci l'accomplira correctement s'il a été choisi, instruit et surveillé
correctement à cet effet. Le propre devoir de diligence de celui qui délègue se
réduit ainsi à la cura in eligendo, instruendo et custodiendo (Robert Roth, Le
droit pénal face au risque et à l'accident individuels, Lausanne 1987, p. 88
ss). Le devoir de surveillance (cura in custodiendo) n'oblige pas celui qui a
délégué l'exécution d'une tâche à un auxiliaire à conserver celui-ci en
permanence sous son contrôle direct. Il ne l'oblige notamment pas à assister en
personne à l'exécution de la tâche lorsque l'auxiliaire connaît les précautions
à prendre (cf. ATF 117 IV 130 consid. 2d p. 134 s.).
En l'espèce, E.________ voulait permettre à ses pensionnaires de pratiquer une
activité sportive qui nécessitait des précautions pour que les risques ne
dépassent pas la mesure admissible. Sans formation dans le domaine de la
navigation, il devait déléguer la préparation de l'activité et l'encadrement de
ses pensionnaires à des personnes présentant toutes les garanties nécessaires.
Pour trouver de telles personnes, il s'est adressé à F.________, professionnel
actif au sein d'une entité spécialisée dans l'organisation des activités
sportives les plus diverses, ayant la réputation de toujours faire appel à des
personnes dignes de confiance. Certes, F.________, guide de montagne et
moniteur de parapente, ne disposait pas personnellement des connaissances
nécessaires pour juger des compétences de G.________ et de H.________ comme
conducteurs de radeau. Mais, en vertu du principe de la confiance, E.________
pouvait penser qu'en sa qualité de professionnel au service de la Maison
X.________, F.________ avait pris, avant de commencer à recommander des
conducteurs de radeau à ses clients, des renseignements auprès des associations
spécialisées dans les sports de rivière, voire auprès de l'administration, pour
savoir sur quels critères il devait fonder ses recommandations du point de vue
de la sécurité. E.________ n'a dès lors pas manqué à son devoir de diligence en
s'adressant à F.________ pour trouver des organisateurs fiables. C'est dès lors
sans faute de sa part que l'organisation de l'excursion en radeau a été confiée
à G.________ et à H.________.
Le jour de l'excursion, comme il faisait appel pour la première fois aux
services de G.________ et de H.________, E.________ s'est rendu au Pont de
Branson avant le départ du premier groupe. Inquiet des conditions
météorologiques malgré les assurances données par G.________, il a alors
expressément "demandé" à celui-ci d'annuler l'excursion du second groupe en cas
de péjoration. Il s'agissait là d'une consigne de sécurité claire et simple,
dont le respect aurait manifestement suffi à prévenir l'accident. Sans
connaissances en matière de navigation en radeau, E.________ n'avait en
principe pas d'instructions à donner à G.________ et à H.________. En
substituant sa propre appréciation du risque météorologique à celle - moins
pessimiste - de G.________, et en donnant par conséquent à celui-ci la consigne
d'annuler en cas de péjoration, il a, pour le moins, rempli pleinement son
devoir de donner des instructions (cura in instruendo).
L'arrêt attaqué n'indique pas que G.________ n'aurait pas entendu, ou compris,
la consigne de sécurité que lui a donnée E.________. Il en avait donc
connaissance. L'arrêt attaqué ne mentionne pas non plus que G.________ aurait
adopté, au moment où E.________ lui a donné cette consigne, un comportement ou
une attitude qui aurait dû faire penser qu'il ne la prenait pas au sérieux.
Aussi E.________ n'était-il pas tenu de rester sur les lieux tout l'après-midi
pour vérifier que G.________ observerait bien une consigne de sécurité claire,
qu'il connaissait et dont le respect ne présentait aucune difficulté pratique.
E.________ n'a dès lors pas manqué à son devoir de surveillance (cura in
custodiendo) en s'absentant après le départ du premier groupe.
Il s'ensuit que la cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral en considérant
que E.________ n'a pas commis de négligence par ceux des faits établis qui lui
étaient reprochés dans l'arrêt de renvoi et, partant, en confirmant son
acquittement du chef d'homicide par négligence. Ainsi, dans la mesure où il est
recevable, le deuxième moyen des recourants est mal fondé.

6.
Enfin, les recourants font valoir que la cour cantonale a violé l'art. 47 CO en
fixant trop bas le montant de l'indemnité qui a été allouée à chacun d'eux en
réparation de son tort moral.

6.1 Aux termes de l'art. 47 CO, le juge peut, en tenant compte de circonstances
particulières, allouer à la victime de lésions corporelles ou, en cas de mort
d'homme, à la famille une indemnité équitable à titre de réparation morale.
L'ampleur de la réparation morale prévue par cette disposition légale dépend
avant tout de la gravité des souffrances physiques ou psychiques consécutives à
l'atteinte subie par l'ayant droit et de la possibilité d'adoucir sensiblement,
par le versement d'une somme d'argent, la douleur morale qui en résulte. Sa
détermination relève du pouvoir d'appréciation du juge. En raison de sa nature,
l'indemnité pour tort moral, qui est destinée à réparer un dommage ne pouvant
que difficilement être réduit à une simple somme d'argent, échappe à toute
fixation selon des critères mathématiques, de sorte que son évaluation en
chiffres ne saurait excéder certaines limites. L'indemnité allouée doit
toutefois être équitable. Le juge en proportionnera donc le montant à la
gravité de l'atteinte subie et évitera que la somme accordée n'apparaisse
dérisoire à la victime; s'il s'inspire de certains précédents, il veillera à
les adapter aux circonstances actuelles pour tenir compte de la dépréciation de
la monnaie.
La fixation de l'indemnité pour tort moral est une question d'application du
droit fédéral, que le Tribunal fédéral examine librement. Dans la mesure où
cette question relève pour une part importante de l'appréciation des
circonstances, le Tribunal fédéral intervient, certes avec retenue, notamment
si l'autorité cantonale a mésusé de son pouvoir d'appréciation en se fondant
sur des considérations étrangères à la disposition applicable, en omettant de
tenir compte d'éléments pertinents ou encore en fixant une indemnité
inéquitable parce que manifestement trop faible ou trop élevée. Toutefois,
comme il s'agit d'une question d'équité - et non d'une question d'appréciation
au sens strict, qui limiterait son pouvoir d'examen à l'abus ou à l'excès du
pouvoir d'appréciation -, il examine librement si la somme allouée tient
suffisamment compte de la gravité de l'atteinte ou si elle est disproportionnée
par rapport à l'intensité des souffrances morales causées à l'ayant droit (ATF
129 IV 22 consid. 7.2 p. 36/37).

6.2 Pour fixer le montant de l'indemnité prévue à l'art. 47 CO, la comparaison
avec d'autres affaires doit se faire avec prudence, dès lors que le tort moral
touche aux sentiments d'une personne déterminée dans une situation donnée et
que chacun réagit différemment au malheur qui le frappe. Cela étant, une
comparaison n'est pas dépourvue d'intérêt et peut être, suivant les
circonstances, un élément utile d'orientation (cf. ATF 125 III 269 consid. 2a
p. 274).
Pour la perte d'un enfant mineur, les tribunaux allouent généralement à chacun
des deux parents une indemnité de 30'000 fr. (cf. Klaus Hütte/Petra Ducksch/
Kayum Guerrero, Die Genugtuung, Eine tabellarische Übersicht über
Gerichtsentscheide, 3ème éd., état août 2005, affaires jugées en 2001 ou 2002:
III/3 à III/4; affaires jugées de 2003 à 2005: III/4 à III/6). Des montants
supérieurs ont parfois été accordés à des mères de jeunes enfants qui avaient
assisté à l'accident, notamment à celle d'un enfant de deux ans et demi, qui
s'était, en plus, intensivement occupé de celui-ci durant les neuf mois qui
s'étaient écoulés entre l'accident et le décès (cf. Hütte/Ducksch/Guerrero, op.
cit., affaires jugées en 2001 et 2002, III/6).

Les frères et soeurs comptent parmi les membres de la famille qui peuvent
prétendre à une indemnité pour tort moral (ATF 118 II 404 consid. 3b/cc p.
409). Ce droit dépend cependant des circonstances. À cet égard, le fait que la
victime vivait sous le même toit que le frère ou la soeur revêt une grande
importance. En principe, un frère ou une soeur a droit à une indemnité si la
victime vivait sous le même toit. En revanche, un frère ou une soeur qui ne
faisait plus ménage commun avec la victime n'a droit à une indemnité pour tort
moral que si il ou elle entretenait des rapports étroits avec cette dernière et
si, en outre, la disparition de celle-ci lui a causé une douleur qui sort de
l'ordinaire (ATF 89 II 396 consid. 3 p. 400; arrêt 6S.700/2001 du 7 novembre
2002, consid. 4.3, publié in Pra 2003 n. 122 p. 652, avec les références). Sauf
circonstances spécifiques très exceptionnelles, le montant de l'indemnité
allouée à un frère ou à une soeur n'excède pas 10'000 fr. (cf. Hütte/Ducksch/
Guerrero, op. cit., affaires jugées en 2001 et 2002: V/1 à V/4; affaires jugées
de 2003 à 2005, V/1 à V/4).

En l'espèce, la victime était âgée de quatorze ans et demi au moment des faits.
Elle vivait avec ses parents et son frère, avec lesquels elle entretenait des
rapports harmonieux. Ses parents et son frère ont ressenti, et continuent de
ressentir, très douloureusement sa disparition. Selon les constatations de fait
de la cour cantonale, son père et sa mère présentent, depuis son décès, un
stress post-traumatique et souffrent d'un trouble dépressif récurrent,
chronique et irréversible, dont l'épisode actuel est grave. Cette maladie
nécessite un traitement psychiatrique et pharmacologique à vie. Cependant,
aussi douloureux qu'ils soient, on ne saurait considérer que les effets de la
disparition de la victime pour ses parents et pour son frère diffèrent
beaucoup, par leur nature et leur intensité, de ceux que produit la perte d'un
enfant dans la plupart des familles frappées d'un tel malheur. La cour
cantonale n'a dès lors pas violé l'art. 47 CO en allouant des indemnités de
30'000 fr. au père et à la mère et une indemnité de 10'000 fr. au frère de la
victime. Le dernier moyen des recourants est ainsi également mal fondé. Dans la
mesure où il est recevable, le recours doit dès lors être rejeté.

7.
Les recourants, qui succombent, supporteront les frais de justice (art. 66 al.
1 LTF), fixés à 4'000 francs.

Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens aux intimés, qui n'ont pas eu à déposer
de réponse.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Les frais judiciaires, fixés à 4'000 fr., sont mis à la charge des recourants.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du Valais,
Cour pénale II.
Lausanne, le 13 mai 2008
Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Schneider Oulevey