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Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.16/2007
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{T 0/2}
6B_16/2007 /rod

Arrêt du 17 avril 2007
Cour de droit pénal

MM. les Juges Schneider, Président,
Ferrari et Favre.
Greffière: Mme Kistler.

Procureur général du canton du Jura,
2900 Porrentruy 2,
recourant,

contre

X.________,
intimé, représenté par Me Jean-Michel Conti, avocat,

Lésions corporelles graves (art. 122 al. 3 CP),

recours en matière pénale contre l'arrêt du Tribunal cantonal du Canton du
Jura, Cour criminelle, du
12 janvier 2007.

Faits :

A.
Par arrêt du 17 mars 2006, la Cour criminelle du Tribunal cantonal du canton
du Jura a condamné X.________ à une peine de dix ans de réclusion, sous
déduction de la détention préventive, pour viols, contraintes sexuelles,
contrainte sexuelle avec cruauté et lésions corporelles graves sur la
personne de Y.________.

En bref, cet arrêt retenait que X.________ avait violé à quatre reprises son
apprentie, alors âgée de vingt ans, profitant de l'état psychique fragilisé
de la jeune fille et de sa position d'autorité. Renforçant sa position de
supériorité par des menaces, il avait continué à abuser de sa victime une
fois l'apprentissage terminé, la contraignant à subir à réitérées reprises
des actes d'ordre sexuel. Le 6 novembre 1998, il avait introduit une baguette
métallique dans l'anus de la jeune fille qui avait refusé un rapport sexuel,
ce qui avait provoqué des saignements continuels. Pour les faits survenus le
6 novembre 1998, la Cour criminelle jurassienne avait condamné X.________
pour contrainte sexuelle avec cruauté et lésions corporelles graves.

B.
Contre cet arrêt, X.________ a déposé un pourvoi en nullité devant le
Tribunal fédéral, contestant notamment la qualification de lésions
corporelles graves. Par arrêt du 10 août 2006, la Cour de céans a admis le
pourvoi sur ce point. Elle a estimé que l'état de fait cantonal ne permettait
pas de retenir la qualification de lésions corporelles graves au sens de
l'art. 122 al. 1 CP, dès lors qu'il ne précisait pas clairement que la lésion
avait mis en danger la vie de la jeune fille.

Statuant à nouveau le 12 janvier 2007, la Cour criminelle du Tribunal
cantonal jurassien a libéré X.________ de la prévention de lésions
corporelles graves et a réduit la peine privative de liberté à huit ans et
demi. Elle a considéré, au vu de l'avis du Dr B.________, que les lésions
provoquées par l'intromission d'une baguette dans l'anus de la jeune fille
n'avait pas engendré de risque de décès immédiat et qu'elles ne tombaient
pas, pour le surplus, sous la clause générale, prévue à l'art. 122 al. 3 CP,
d'"autre atteinte grave à l'intégrité corporelle ou à la santé physique ou
mentale".

C.
Contre ce dernier arrêt cantonal, le Ministère public jurassien dépose un
recours en matière pénale. Il conclut à l'admission de son recours, laissant
le choix au Tribunal fédéral de statuer lui-même sur le fond ou de renvoyer
la cause à la cour cantonale pour nouveau jugement.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Comme la décision attaquée a été rendue après l'entrée en vigueur, le 1er
janvier 2007 (RO 2006, 1242), de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral
(LTF; RS 173.110), le recours est régi par le nouveau droit (art. 132 al. 1
LTF).

2.
2.1 Interjeté par le Ministère public cantonal (art. 81 al. 1 let. b ch. 3
LTF) et dirigé contre un jugement final (art. 90 LTF) rendu en matière pénale
(art. 78 al. 1 LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 80
al. 1 LTF), le recours est en principe recevable, puisqu'il a été déposé dans
le délai (art. 100 al. 1 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi.

2.2 Le recours peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est
délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit
d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est donc limité ni par les arguments
soulevés dans le recours ni par la motivation retenue par l'autorité
précédente; il peut admettre un recours pour un autre motif que ceux qui ont
été invoqués et il peut rejeter un recours en adoptant une argumentation
différente de celle de l'autorité précédente (cf. ATF 130 III 136 consid.1.4
p. 140). Compte tenu de l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1
et 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), le
Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués; il n'est pas
tenu de traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes
les questions juridiques qui se posent, lorsque celles-ci ne sont plus
discutées devant lui. Il ne peut pas entrer en matière sur la violation d'un
droit constitutionnel ou sur une question relevant du droit cantonal ou
intercantonal si le grief n'a pas été invoqué et motivé de manière précise
par la partie recourante (art. 106 al. 2 LTF).

3.
Le Ministère public reproche à la Cour cantonale d'avoir limité son examen
quant à la réalisation de l'infraction de lésions corporelles à la seule
agression du 6 novembre 1998 (introduction d'une baguette métallique dans
l'anus). Selon lui, l'art. 122 al. 3 CP serait applicable aux lésions
psychiques et physiques subies par la victime à la suite de l'ensemble des
agissements de l'intimé. La cour cantonale aurait en effet déclaré, lors de
la fixation de la peine, que "par ses agissements, [l'intimé] a gravement
porté atteinte à la santé physique et psychique de la plaignante, contribuant
à provoquer son invalidité totale". Le Ministère public mentionne, sans autre
développement, l'art. 294 CPP/JU, selon lequel le jugement porte sur le fait
incriminé par l'acte de renvoi.

3.1 L'arrêt attaqué a été rendu, en l'espèce, à la suite d'un arrêt de la
cour de céans, annulant partiellement l'arrêt cantonal du 17 mars 2006. Les
limites du pouvoir d'examen laissé à la cour cantonale dans un tel cas sont
fixées par la procédure fédérale et les éventuelles directives données par le
Tribunal fédéral dans son arrêt de renvoi. A cet égard, il y a lieu de se
référer à l'ancien art. 277ter PPF, puisque l'arrêt fédéral de renvoi a été
rendu, avant l'entrée en vigueur de la nouvelle LTF, en application de la
procédure pénale fédérale.

L'ancien art. 277ter al. 2 PPF disposait que "l'autorité cantonale doit
fonder sa décision sur les considérants de droit de l'arrêt de cassation". Il
en découlait que l'autorité cantonale ne pouvait en aucune façon s'écarter du
raisonnement juridique du Tribunal fédéral et ne pouvait examiner que les
questions laissées ouvertes par l'arrêt de cassation. Ainsi, les points du
jugement qui n'avaient pas été remis en cause dans le pourvoi ou ne l'avaient
pas été valablement et ceux sur lesquels le pourvoi avait été rejeté étaient
acquis et ne pouvaient plus être réexaminés par l'autorité cantonale à
laquelle la cause était renvoyée (ATF 123 IV 1 consid. 1 p. 3; 121 IV 109
consid. 7 p. 128; 117 IV 97 consid. 4a p. 104; 110 IV 116 consid. 2 p.
116/117; 106 IV 194 consid. 1c p. 197; 103 IV 73 consid. 1 p. 74). L'autorité
cantonale était aussi liée par ses constatations de fait antérieures (ATF 104
IV 276 consid. 3d p. 278).

3.2 En l'occurrence, dans son arrêt du 17 mars 2006, la Cour cantonale a
retenu l'infraction de lésions corporelles graves seulement en relation avec
l'agression du 6 novembre 1998 (introduction d'une baguette dans l'anus).
Elle n'a en revanche pas appliqué l'art. 122 al. 3 CP aux autres lésions
provoquées par les agissements de l'intimé. Le Ministère public n'a pas
recouru, à l'époque, sur ce point et n'a pas non plus soulevé cette question
dans ses déterminations sur le précédent pourvoi. Il faut donc considérer
qu'il est acquis - à tort ou à raison - que ces autres lésions psychiques et
physiques ne constituent pas des lésions corporelles graves. La cour
cantonale n'était dès lors pas habilitée, dans son nouvel arrêt, à étendre
l'art. 122 al. 3 CP à ces "autres lésions", car cela serait revenu à
condamner le recourant pour une nouvelle infraction, en violation du principe
de l'interdiction de la reformatio in pejus.

4.
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté.

Il n'est pas réclamé de frais au Ministère public jurassien qui succombe
(art. 66 al. 4 LTF).

Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens à l'intimé qui n'a pas déposé de
mémoire dans la procédure devant le Tribunal fédéral.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais ni alloué de dépens.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au Procureur général du canton du
Jura, au mandataire de l'intimé et à la Cour criminelle du Tribunal cantonal
jurassien.

Lausanne, le 17 avril 2007

Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: