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Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.163/2007
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6B_163/2007 /rod

Arrêt du 23 juillet 2007
Cour de droit pénal

MM. les Juges Schneider, Président,
Ferrari, Favre, Zünd et Mathys.
Greffière: Mme Angéloz.

A. X.________,
recourant, représenté par Me Manuel Piquerez, avocat,

contre

Procureur général du canton du Jura,
case postale 196, 2900 Porrentruy 2.

Escroquerie; obtention frauduleuse d'une constatation fausse,

recours en matière pénale contre l'arrêt de la Cour pénale du Tribunal
cantonal du canton du Jura
du 13 mars 2007.

Faits :

A.
Par jugement du 26 novembre 2004, le Tribunal correctionnel du Tribunal de
1ère instance du canton du Jura a condamné A.X.________, pour obtention
frauduleuse d'une constatation fausse et pour escroquerie, commise au
préjudice de A.Y.________ à hauteur de 43'270 fr., à 6 mois d'emprisonnement
avec sursis pendant 4 ans, le libérant en revanche du chef d'accusation de
faux dans les titres.

Par le même jugement, le tribunal a également condamné B.X.________, épouse
séparée de A.X.________, et sa fille C.X.________, pour les mêmes infractions
ainsi que pour d'autres infractions similaires, la première à 16 mois
d'emprisonnement et la seconde à 10 mois d'emprisonnement avec sursis pendant
4 ans.

B.
A l'instar de ses coaccusées, A.X.________ a appelé de ce jugement auprès de
la Cour pénale du Tribunal cantonal jurassien, concluant à son acquittement.

Par arrêt du 13 mars 2007, la Cour pénale, statuant sur l'appel de
A.X.________, a confirmé le verdict de culpabilité et, en application des
nouvelles dispositions de la partie générale du code pénal, a converti la
peine privative de liberté infligée en première instance en une peine
pécuniaire de 180 jours amende d'un montant de 20 fr. par jour.

C.
La condamnation de A.X.________ repose, en résumé, sur les faits suivants.

C.a Par acte notarié de Me P.________ du 23 décembre 1997, A.Y.________ a
vendu à la société Z.________ SA, en constitution et agissant par ses
fondateurs B.X.________, A.X.________ et C.X.________, la maison de la
famille Y.________ à F.________. Sous la mention "prix de vente", l'acte
indiquait un montant de 43'270 fr., correspondant à la valeur officielle,
avec la précision que "ce prix a été réglé avant la passation des présentes,
selon entente entre les parties". Ce montant n'a jamais été versé à
A.Y.________.

Sur la base d'une appréciation des preuves, il a été retenu que la
constatation selon laquelle le prix de vente convenu avait été payé avant la
passation de l'acte était contraire à la réalité et que la rubrique
litigieuse valait quittance dans la mesure où elle aurait fait obstacle à une
requête de mainlevée. En obtenant ainsi du notaire qu'il constate, dans un
acte authentique, un fait faux, A.X.________ s'était rendu coupable de
l'infraction réprimée par l'art. 253 CP.

C.b A.Y.________, de personnalité immature et dépendante, et B.Y.________,
son épouse peu avisée, n'étaient manifestement pas à même de gérer leurs
biens. Aussi en avaient-ils confié la gestion à B.X.________, anciennement
avocate, mais qui s'était vu retirer sa patente le 3 mars 1997. Ils en
étaient venus à se lier d'amitié avec les époux X.________, auxquels ils
faisaient une confiance absolue.

Exploitant la confiance des époux Y.________, les époux X.________ leur ont
fait croire que leur maison devait être vendue pour la mettre à l'abri des
démarches de l'office des poursuites et éviter qu'elle ne soit saisie. Ils
les ont ainsi amenés à signer l'acte de vente instrumenté le 23 décembre 1997
par le notaire P.________, dans lequel il était mentionné que le prix de
vente avait été payé avant la passation de l'acte, alors qu'il n'en était
rien. Les époux Y.________ ont ainsi été dépossédés de leur maison,
l'encaissement du prix n'étant plus possible en raison de la quittance
attestée par l'acte authentique. De ce fait, A.Y.________ a subi un dommage,
même si la maison lui a ensuite été restituée et qu'il en a transféré la
propriété à sa soeur, pour un montant estimé par B.X.________ à moins de
30'000 fr. L'opération a par ailleurs permis à Z.________ SA de bénéficier de
la valeur de la maison familiale sans contrepartie.

Ces faits ont été considérés comme constitutifs d'escroquerie.

D.
A.X.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral, pour
violation des art. 253 et 146 CP. Il conclut à la modification de l'arrêt
attaqué en ce sens qu'il soit acquitté, avec suite de frais et dépens des
instances cantonales et fédérale, au déboutement des époux Y.________ de
leurs conclusions civiles et à ce que le canton du Jura soit astreint à lui
verser une somme de 5000 fr. à titre de réparation morale. Il sollicite par
ailleurs l'assistance judiciaire et l'effet suspensif.

Une réponse n'a pas été requise.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
L'arrêt attaqué a été rendu par une autorité cantonale de dernière instance,
dans une cause de droit pénal, et peut donc faire l'objet d'un recours en
matière pénale (art. 78 ss LTF), que le recourant, en tant qu'accusé ayant
participé à la procédure devant l'autorité précédente, est habilité à
interjeter (art. 81 al. 1 let. a et let. b ch. 1 LTF).

Le recours peut notamment être formé pour violation du droit fédéral (art. 95
let. a LTF), y compris les droits constitutionnels. Il ne peut critiquer les
constatations de fait qu'au motif que les faits ont été établis de façon
manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire (cf. Message du 28 février
2001 relatif à la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale; FF
2001, 4000 ss, 4135) ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF, et
pour autant que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort
de la cause (art. 97 al. 1 LTF).

Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est
donc limité ni par les arguments du recourant ni par la motivation de
l'autorité précédente. Toutefois, compte tenu, sous peine d'irrecevabilité
(art. 108 al. 1 let. b LTF), de l'exigence de motivation prévue à l'art. 42
al. 1 et 2 LTF, il n'examine en principe que les griefs invoqués et n'est dès
lors pas tenu de traiter des questions qui ne sont plus discutées devant lui.
Il ne peut aller au-delà des conclusions des parties (art. 107 al. 1 LTF).

2.
Le recourant conteste sa condamnation pour obtention frauduleuse d'une
constatation fausse.

2.1 L'art. 253 CP réprime le comportement de celui qui, en induisant en
erreur un fonctionnaire ou un officier public, l'aura amené à constater
faussement dans un titre authentique un fait ayant une portée juridique,
notamment à certifier faussement l'authenticité d'une signature ou
l'exactitude d'une copie, ou qui aura fait usage d'un titre ainsi obtenu pour
tromper autrui sur le fait qui y est constaté (art. 253 al. 1 et 2 CP).

Selon l'art. 110 al. 5 CP et sous réserve des exceptions prévues par cette
disposition, sont des titres authentiques, tous les titres émanant des
membres d'une autorité, de fonctionnaires ou d'officiers publics agissant
dans l'exercice de leur fonction. L'art. 110 al. 4 CP donne une définition du
titre; il s'agit, notamment, de tout écrit destiné et propre à prouver un
fait ayant une portée juridique. Il en résulte que le titre doit, de par sa
nature ou par l'usage qui en est fait, être objectivement apte à prouver le
fait qu'il exprime et ce fait doit avoir une portée juridique, c'est-à-dire
avoir une incidence dans le domaine juridique.

Le titre authentique doit avoir été dressé par un fonctionnaire ou par un
officier public, soit une personne privée, qui, en vertu du droit cantonal,
est habilitée à le faire.

Le comportement délictueux consiste à induire l'agent public en erreur,
c'est-à-dire à le tromper, pour l'amener, de la sorte, à faire une
constatation fausse ou encore à faire usage d'une constatation fausse ainsi
obtenue pour tromper autrui.

L'infraction est intentionnelle, mais le dol éventuel suffit.

2.2 Il n'est pas contesté que l'acte de vente immobilière du 23 décembre 1997
est un titre authentique et que le notaire qui l'a dressé est un officier
public. De même, il n'est pas contesté que l'indication figurant dans cet
acte, selon laquelle, d'entente entre les parties, le prix de vente a été
réglé, c'est-à-dire payé, avant la passation de l'acte est fausse.

Cette fausse indication, dans un acte authentique, était destinée et propre à
prouver que la vente immobilière était valablement conclue, de sorte que, dès
son inscription au registre foncier, la maison était transférée à Z.________
SA. Or, ce transfert avait pour effet que la maison de A.Y.________, qui
était endetté et faisait l'objet de poursuites pour plusieurs dizaines de
milliers de francs, ne pourrait plus être saisie par l'autorité de poursuite.
A l'adresse de cette dernière, elle valait ainsi quittance dans la mesure où
elle aurait fait obstacle à une saisie. La fausse indication litigieuse était
dès lors objectivement apte à prouver un fait ayant une portée juridique.

Pour le surplus, il est manifeste que c'est parce qu'il a été induit en
erreur par la fausse indication que le prix avait déjà été payé que le
notaire a constaté faussement ce fait dans l'acte authentique et il est non
moins évident que le recourant a agi intentionnellement.

2.3 Ainsi, les conditions de l'infraction d'obtention frauduleuse d'une
constatation fausse sont réunies. La réalisation de la plupart d'entre-elles
n'est d'ailleurs pas sérieusement contestée par la recourant. Toute son
argumentation vise à faire admettre que, les modalités du prix de vente
n'étant pas un élément objectivement essentiel de l'acte de vente
immobilière, les déclarations des parties à ce sujet sont dénuées de la force
probante de l'art. 9 CC et, partant, ne sont pas destinées et propres à
prouver un fait ayant une portée juridique. Toutefois, il est sans pertinence
au regard de l'art. 253 CP et, en particulier, de l'exigence que le fait que
la fausse indication est destinée et propre à prouver ait une portée
juridique, que l'acte authentique revête ou non la force probante de l'art. 9
CC. Le grief doit par conséquent être rejeté.

3.
Le recourant conteste sa condamnation pour escroquerie.

3.1 Sur le plan objectif, l'escroquerie suppose d'abord une tromperie, qui
peut consister soit à induire la victime en erreur par des affirmations
fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais, soit à conforter la
victime dans son erreur, en lui montrant, par des paroles ou par des actes,
qu'elle est dans le vrai, alors qu'en réalité elle se trompe. Il y a
tromperie par affirmations fallacieuses, lorsque l'auteur affirme un fait
dont il connaît la fausseté; à cet égard, il n'est pas nécessaire que
l'auteur fasse une déclaration; n'importe quel acte concluant suffit.
S'agissant de la tromperie par dissimulation de faits vrais, elle est en tout
cas réalisée lorsque l'auteur s'emploie, par ses propos ou par ses actes, à
cacher la réalité. Quant à le tromperie consistant à conforter la victime
dans son erreur, elle implique un comportement actif, à l'exclusion d'un
comportement purement passif; il faut que, par ses paroles ou par ses actes,
l'auteur ait confirmé la dupe dans son erreur (cf. ATF 128 IV 255 consid.
2b/aa non publié;  arrêt 6S.23/2002, du 8 avril 2002, consid. 2a).

La tromperie doit avoir été astucieuse. Tel est le cas, lorsque l'auteur
recourt à un édifice de mensonges, à des manoeuvres frauduleuses ou à une
mise en scène, mais aussi lorsqu'il donne simplement de fausses informations,
si leur vérification n'est pas ou n'est que difficilement possible ou si elle
ne peut raisonnablement être exigée, de même que si l'auteur dissuade la dupe
de vérifier ou prévoit, en fonction des circonstances, qu'elle renoncera à le
faire en raison d'un rapport de confiance particulier (ATF 128 IV 18 consid.
3 p. 20; 125 IV 124 consid. 3a p. 127; 122 IV 246 consid. 3a p. 247 s.).

L'escroquerie suppose en outre que la victime ait été induite en erreur et
que cette erreur l'ait déterminée à des actes de disposition de son
patrimoine ou de celui d'un tiers. Il faut encore une lésion dommageable du
patrimoine; à cet égard, une mise en danger du patrimoine entraînant une
diminution de sa valeur du point de vue économique suffit. Enfin, il doit
exister une lien de causalité entre les éléments objectifs de l'infraction.

Du point de vue subjectif, l'auteur doit avoir agi intentionnellement et dans
un dessein d'enrichissement illégitime. Cet enrichissement, de l'auteur
lui-même ou d'un tiers, est en général le pendant de l'appauvrissement de la
victime et peut donc aussi être déduit de l'intention de causer un préjudice
à la victime (ATF 119 IV 210 consid. 4b p. 214).

3.2 Le recourant se défend d'avoir usé de tromperie, alléguant que les époux
Y.________ étaient au courant de la stratégie mise sur pied pour sauver la
maison des mains de l'office des poursuites. En vain toutefois. La tromperie
a consisté à faire croire aux époux Y.________ que la maison devait être
vendue pour être mise à l'abri de poursuites et éviter qu'elle ne soit
saisie. Que les époux Y.________ aient été mis ou non au courant du procédé
qui serait utilisé pour que leur maison échappe à une saisie importe donc
peu.

3.3 Le recourant avance en vain le même argument pour contester que la
tromperie ait été astucieuse. Le caractère astucieux de la tromperie réside
en cela que, pour convaincre les époux Y.________ de vendre leur maison à
Z.________ SA et les amener à signer un acte de vente mentionnant que le prix
de vente avait été payé avant la conclusion du contrat, le recourant a
exploité la confiance aveugle et  la dépendance des époux Y.________, en
sachant que, compte tenu de celles-ci, ceux-ci ne vérifieraient rien, ni même
ne pourraient le faire au vu de leur inexpérience et de leur situation
personnelle.

3.4 La tromperie astucieuse dont a usé le recourant a indiscutablement induit
les époux Y.________ en erreur quant à la nécessité de vendre la maison à
Z.________ SA et de signer un acte de vente mentionnant faussement que le
prix avait déjà été payé, sans quoi ils n'y auraient pas consenti, voire n'y
auraient même pas songé. Le fait que les époux Y.________ aient prêté les
100'000 fr. nécessaires à l'augmentation du capital-actions de Z.________ SA,
au demeurant parce qu'ils avaient été induits à penser que cet argent devait
être mis en sécurité et qu'il serait placé sur un compte en faveur de leurs
enfants, ne l'infirme aucunement.

3.5 Les époux Y.________ ont subi un dommage, puisqu'ils ont été dépossédés
de leur maison, sans pouvoir en récupérer le prix, du fait que l'acte
authentique indiquait faussement que ce prix avait déjà été payé. A cet
égard, il est sans pertinence que, par la suite, la maison ait été restituée
aux époux Y.________ et que ces derniers, non sans perte d'ailleurs, aient
finalement pu en transférer la propriété à la soeur de A.Y.________. Au
demeurant, un dommage temporaire suffit (cf. ATF 122 IV 279 consid. 2a p.
281; 121 IV 104 consid. 2c p. 107/108; arrêt 6S.307/2002, du 8 octobre 2002,
consid. 5.2).
3.6 L'escroquerie n'implique pas un enrichissement illégitime effectif. Il
suffit que l'auteur ait agi dans le dessein de se procurer ou de procurer à
un tiers un enrichissement auquel il n'a pas droit. Or, le recourant a
incontestablement agi dans un tel dessein, tant il est manifeste que son but
était de se procurer, par l'intermédiaire de Z.________ SA, un avantage
patrimonial au détriment des époux Y.________. C'est en effet contre
l'évidence que le recourant affirme que sa seule intention était de sauver la
maison familiale des Y.________. Le fait qu'il ait recouru à une tromperie
astucieuse pour convaincre les époux Y.________ de vendre leur maison à
Z.________ SA et d'indiquer faussement dans l'acte authentique que le prix
avait déjà été payé suffit à l'infirmer. Le recourant n'est d'ailleurs pas à
même de contester sérieusement que son comportement a été intentionnel, si ce
n'est par la simple affirmation de faits contraires à ceux retenus par
l'autorité cantonale.

3.7 Il découle de ce qui précède que l'ensemble des éléments constitutifs de
l'escroquerie sont réalisés. Le grief est donc infondé.

4.
Le recours doit ainsi être rejeté. Comme il était dépourvu de chances de
succès, l'assistance judiciaire ne peut être accordée (cf. art. 64 al. 1
LTF). Le recourant devra donc supporter les frais (art. 66 al. 1 LTF), dont
le montant sera fixé en tenant compte de sa situation financière. La cause
étant tranchée, la requête d'effet suspensif devient sans objet.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
La requête d'assistance judiciaire est rejetée.

3.
Un émolument judiciaire de 800 fr. est mis à la charge du recourant.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, au
Procureur général du canton du Jura et à la Cour pénale du Tribunal cantonal
du canton du Jura.

Lausanne, le 23 juillet 2007

Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: