Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
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Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.14/2007
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{T 0/2}
6B_14/2007 /rod

Arrêt du 17 avril 2007
Cour de droit pénal

MM. les Juges Schneider, Président,
Ferrari et Favre.
Greffière: Mme Kistler.

X. ________,
recourant, représenté par Me Jean-Michel Conti, avocat,

contre

Procureur général du canton du Jura,
case postale 196, 2900 Porrentruy 2.

Fixation de la peine (viols, contraintes sexuelles, etc.),

recours en matière pénale contre l'arrêt du Tribunal cantonal du Canton du
Jura, Cour criminelle, du
12 janvier 2007.

Faits :

A.
Par arrêt du 17 mars 2006, la Cour criminelle du Tribunal cantonal du canton
du Jura a condamné X.________ à une peine de dix ans de réclusion, sous
déduction de la détention préventive, pour viols, contraintes sexuelles,
contrainte sexuelle avec cruauté et lésions corporelles graves sur la
personne de Y.________.

Contre cet arrêt, X.________ a déposé un pourvoi en nullité devant le
Tribunal fédéral. Par arrêt du 10 août 2006, la Cour de céans a admis
partiellement ce pourvoi en ce sens qu'elle a estimé que l'état de fait
cantonal ne permettait pas de retenir la qualification de lésions corporelles
graves. En conséquence, elle a annulé l'arrêt attaqué et renvoyé la cause à
la cour cantonale.

B.
Statuant à nouveau le 12 janvier 2007, la Cour criminelle du Tribunal
cantonal jurassien a libéré X.________ de la prévention de lésions
corporelles graves et a réduit la peine privative de liberté à huit ans et
demi.

En résumé, cette condamnation repose sur les faits suivants:

X.________ était le receveur communal de Courgenay. Le 15 novembre 1993, il a
violé, dans les locaux du bureau communal, son apprentie âgée alors de vingt
ans. Profitant de l'état psychique fragilisé de la jeune fille et de sa
position d'autorité, il l'a emmenée le 16 mars, le 9 mai et le 10 mai 1994
dans sa maison pour la violer à nouveau, alors que sa femme était absente.

Du 31 juillet 1995 au 6 novembre 1998, soit après la fin de l'apprentissage,
il a continué à abuser de la jeune fille chaque fois qu'elle se rendait au
bureau communal, pour régler diverses questions administratives, en rapport
notamment avec des problèmes liés à son assurance-invalidité. Ainsi, au
minimum deux fois par an, il a commis sur la jeune fille à tout le moins des
actes d'ordre sexuel. Le 6 novembre 1998, face à un refus d'un rapport sexuel
de la part de la jeune fille, il lui a introduit une baguette métallique dans
l'anus, ce qui a provoqué une déchirure et des saignements.

C.
Contre ce dernier arrêt, X.________ dépose un recours en matière pénale
devant le Tribunal fédéral, dans lequel il conteste la sévérité de la peine
qui lui a été infligée. Il conclut, principalement, au prononcé d'une peine
privative de liberté de cinq ans et, à titre subsidiaire, à l'annulation de
l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à la cour cantonale.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Comme la décision attaquée a été rendue après l'entrée en vigueur, le 1er
janvier 2007 (RO 2006, 1242), de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral
(LTF; RS 173.110), le recours est régi par le nouveau droit (art. 132 al. 1
LTF).

2.
Interjeté par l'accusé qui a succombé dans ses conclusions (art. 81 al. 1
let. b LTF) et dirigé contre un jugement final (art. 90 LTF) rendu en matière
pénale (art. 78 al. 1 LTF) par une autorité cantonale de dernière instance
(art. 80 al. 1 LTF), le recours est en principe recevable, puisqu'il a été
déposé dans le délai (art. 100 al. 1 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus
par la loi.

3.
3.1 Le recours peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est
délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit
d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est donc limité ni par les arguments
soulevés dans le recours ni par la motivation retenue par l'autorité
précédente; il peut admettre un recours pour un autre motif que ceux qui ont
été invoqués et il peut rejeter un recours en adoptant une argumentation
différente de celle de l'autorité précédente (cf. ATF 130 III 136 consid.1.4
p. 140). Compte tenu de l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1
et 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), le
Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués; il n'est pas
tenu de traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes
les questions juridiques qui se posent, lorsque celles-ci ne sont plus
discutées devant lui. Il ne peut pas entrer en matière sur la violation d'un
droit constitutionnel ou sur une question relevant du droit cantonal ou
intercantonal si le grief n'a pas été invoqué et motivé de manière précise
par la partie recourante (art. 106 al. 2 LTF).

3.2 Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des
faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en
écarter que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte ou
en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF).

3.3 Le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des conclusions des parties
(art. 107 al. 1 LTF). Toute conclusion nouvelle est irrecevable (art. 99 al.
2 LTF).

4.
Le 1er janvier 2007 est entrée en vigueur la révision de la partie générale
du Code pénal (RO 2006 3459 3535).

4.1 Aux termes de l'art. 2 CP, est jugé d'après le présent code quiconque
commet un crime ou un délit après l'entrée en vigueur de ce code (al. 1;
principe de la non-rétroactivité). Le présent code est aussi applicable aux
crimes et aux délits commis avant la date de son entrée en vigueur si
l'auteur n'est mis en jugement qu'après cette date et si le présent code lui
est plus favorable que la loi en vigueur au moment de l'infraction (al. 2;
lex mitior).

En cas d'admission d'un pourvoi sous l'ancien droit et de renvoi de la cause
à l'autorité cantonale, il est admis que le juge auquel la cause est renvoyée
pour nouvelle décision doit examiner si le nouveau droit est plus favorable à
l'accusé lorsqu'il se prononce après l'entrée en vigueur du nouveau droit
(ATF 97 IV 233 consid. 2 p. 235; Moreillon, De l'ancien au nouveau droit des
sanctions: quelle lex mitior ?, in: Kuhn/Moreillon/Viredaz/Willy-Jayet, Droit
des sanctions - De l'ancien au nouveau droit, Berne 2004, p. 301). En
l'espèce, l'arrêt attaqué a été rendu après le 1er janvier 2007 à la suite de
l'admission partielle d'un pourvoi. Il appartenait donc à la cour cantonale
de déterminer si le nouveau droit était plus favorable.

4.2 Pour la comparaison de la sévérité de l'ancien et du nouveau droit, le
juge doit appliquer la méthode concrète en tenant compte de l'état de fait
complet au regard de l'ancien et du nouveau droit et  n'appliquer le nouveau
droit que s'il conduit effectivement à un résultat plus favorable au
condamné. Il doit appliquer dans chaque espèce le droit ancien ou le droit
nouveau; il ne saurait combiner ces deux droits, par exemple en appliquant la
loi ancienne pour dire, à raison d'un seul et même fait, quelle infraction a
été commise et la nouvelle pour décider si et comment l'auteur doit être puni
(ATF 114 IV 1 consid. 2a p. 4). Si le résultat est le même à chaque fois,
c'est l'ancien droit qui doit trouver application (Stratenwerth/Wohlers,
Schweizerisches Strafgesetzbuch, Handkommentar, Berne 2007, ad art. 2;
Schwarzenegger/Hug/Jositsch, Strafrecht II, Strafen und Massnahmen, 8e éd.,
Zurich 2007, p. 315).

En l'espèce, les infractions imputées sont en concours si bien que le
recourant devra être condamné à la peine de l'infraction la plus grave
augmentée au plus de la moitié du maximum de la peine prévue pour cette
infraction (art. 68 ch. 1 aCP et 49 al. 1 CP). L'infraction la plus grave est
la contrainte sexuelle avec cruauté réprimée par l'art. 189 al. 2 CP. Selon
cette disposition dans sa teneur jusqu'au 31 décembre 2006, cette infraction
était passible de la réclusion pour trois ans au moins. Selon le nouveau
droit, qui n'établit plus de distinction entre peine d'emprisonnement et de
réclusion, elle est dorénavant passible d'une peine privative de liberté de
trois ans au moins. Cette suppression de la distinction entre peine
d'emprisonnement et de réclusion n'a cependant aucune importance sur la
situation du condamné (Moreillon, op. cit., p. 300 ss, 313;
Schwarzenegger/Hug/Jositsch, op. cit., p. 316). Outre les critères atténuants
et aggravants généraux (art. 63 aCP, art. 47 CP), la cour cantonale a retenu
la circonstance atténuante spéciale de l'écoulement du temps (art. 64
avant-dernier al. CP; art. 48 let. e CP). Cette circonstance conduit
dorénavant à une atténuation obligatoire de la peine, alors que l'ancien
droit ne prévoyait que la possibilité pour le juge d'atténuer la peine selon
un barème fixe (art. 65 CP). Il apparaît donc que le nouveau droit est plus
favorable au recourant, de sorte que celui-ci sera applicable au présent cas.

5.
5.1 Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de
l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation
personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al.
1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise
en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de
l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans
laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte
tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

5.2 Comme dans l'ancien droit, le critère essentiel est celui de la faute. Le
législateur reprend, à l'al. 1, les critères des antécédents et de la
situation personnelle, et y ajoute la nécessité de prendre en considération
l'effet de la peine sur l'avenir du condamné. S'agissant de ce dernier
élément, le message explique que le juge n'est pas contraint d'infliger la
peine correspondant à la culpabilité de l'auteur s'il y a lieu de prévoir
qu'une peine plus clémente suffira à le détourner de commettre d'autres
infractions (Message du 21 septembre 1998 du Conseil fédéral concernant la
modification du code pénal suisse (dispositions générales, entrée en vigueur
et application du code pénal) et du code pénal militaire ainsi qu'une loi
fédérale régissant la condition pénale des mineurs, p. 1866). La loi reprend
ainsi la jurisprudence selon laquelle le juge doit éviter les sanctions qui
pourraient détourner l'intéressé de l'évolution souhaitable (ATF 128 IV 73
consid. 4 p. 79; 127 IV 97 consid. 3 p. 101; 121 IV 97 consid. 2c p. 101; 119
IV 125 consid. 3b p. 126 s.; 118 IV 337 consid. 2c p. 340, 342 consid. 2f p.
349 s.). Cet aspect de prévention spéciale ne permet toutefois que des
corrections marginales, la peine devant toujours rester proportionnée à la
faute; le juge ne saurait par exemple renoncer à toute sanction en cas de
délits graves (Stratenwerth, Schweizerisches Strafrecht, Allgemeiner Teil II:
Strafen und Massnahmen, 2e éd., Berne 2006, § 6, n. 72; Stratenwerth/Wohlers,
op. cit., art. 47, n. 17 et 18; Schwarzenegger/Hug/Jositsch, op. cit.,
p. 104).
Codifiant la jurisprudence, l'alinéa 2 de l'art. 47 CP énumère de manière non
limitative les critères permettant de déterminer le degré de gravité de la
culpabilité de l'auteur. Ainsi, le juge devra prendre en considération la
gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, que
la jurisprudence mentionnait sous l'expression du "résultat de l'activité
illicite", ainsi que le caractère répréhensible de l'acte, qui correspond
plus ou moins à la notion "de mode et d'exécution de l'acte" prévue par la
jurisprudence (ATF 129 IV 6 consid. 6.1 p. 20). Sur le plan subjectif, le
texte légal cite la motivation et les buts de l'auteur, qui correspondent aux
mobiles de l'ancien droit (art. 63 aCP), et la mesure dans laquelle l'auteur
aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, qui se réfère au libre choix
de l'auteur entre la licéité et l'illicéité (cf. ATF 127 IV 101 consid. 2a p.
103). Concernant ce dernier élément, le législateur enjoint au juge de tenir
compte de la situation personnelle de l'intéressé et des circonstances
extérieures. La situation personnelle peut, sans donner lieu à des troubles
pathologiques selon l'art. 19 CP, altérer sa faculté d'apprécier l'illicéité
de son comportement. Les circonstances extérieures se référent par exemple à
une situation de nécessité ou de tentation, qui  n'atteint cependant pas une
intensité suffisante pour justifier une atténuation de la peine (Message, p.
1867).

5.3 Sous le titre marginal "Obligation de motiver", l'art. 50 CP reprend la
jurisprudence actuelle (Message, p. 1869). Il prévoit que, si le jugement
doit être motivé, le juge indique les circonstances pertinentes pour la
fixation de la peine et leur importance. Cela signifie que le juge doit
exposer, dans sa décision, les éléments essentiels relatifs à l'acte ou à
l'auteur qu'il prend en compte, de manière à ce que l'on puisse constater que
tous les aspects pertinents ont été pris en considération et comment ils ont
été appréciés, que ce soit dans un sens atténuant ou aggravant. La motivation
doit justifier la peine prononcée, en permettant de suivre le raisonnement
adopté, mais le juge n'est nullement tenu d'exprimer en chiffres ou en
pourcentages l'importance qu'il accorde à chacun des éléments qu'il cite (ATF
127 IV 101 consd. 2c p. 105; Stratenwerth/Wohlers, op. cit., art. 50, n. 2).

6.
6.1 En l'espèce, la cour cantonale a qualifié la culpabilité du recourant de
très grave et ses actes d'odieux. Elle a relevé que sa responsabilité était
pleine et entière et qu'il avait agi par pur égoïsme pour satisfaire des
tendances sadiques. Elle a insisté sur le fait qu'il avait profité de la
confiance et de la soumission de sa victime, ainsi que de son état de santé
déficient, ce qui montrait une absence totale de scrupules. Après avoir
rappelé que les abus s'étaient étendus sur une longue période, elle a noté
que le recourant avait porté gravement atteinte à la santé physique et
psychique de la victime et qu'il avait ainsi contribué à provoquer son
invalidité. Enfin, elle a pris en compte le concours d'infractions (art. 49
CP).

A décharge, elle a tenu compte de sa situation personnelle et de ses bons
antécédents. Elle a relevé son parcours professionnel sans faille. Elle a
expliqué qu'à l'époque des faits, le recourant exerçait sa fonction de
receveur communal depuis le 25 octobre 1972, à la satisfaction générale et
qu'à l'armée, il avait gravi les échelons jusqu'au grade de colonel. Elle a
noté que les renseignements pris auprès de son dernier employeur étaient
excellents et que le comportement du recourant, en détention préventive puis
en exécution de peine, n'avait posé aucun problème. Elle a également tenu
compte de sa situation financière, qui est saine, et de son casier
judiciaire, qui est vierge. Elle a retenu la circonstance atténuante du temps
relativement long depuis la commission de la dernière infraction (art. 48
let. e CP), mais n'a pas admis la violation du principe de la célérité.
Enfin, elle a considéré qu'on ne pouvait pas diminuer la mesure de la peine
eu égard à un effet positif de son exécution sur l'avenir du recourant, dès
lors que celui-ci n'avait pas seulement cédé à des pulsions sexuelles, mais
avait au contraire agi de façon froide, voire machiavélique.

6.2 Le recourant s'en prend d'abord à l'établissement des faits. Se référant
au courrier d'un médecin, il fait valoir que la victime a été hospitalisée, à
plusieurs reprises, pour des relativement longues périodes, déjà avant les
actes sexuels qui lui sont reprochés, en raison d'une anorexie nerveuse, de
suspicion de névrose et encore pour tentamen médicamenteux grave. Il en
conclut que ce ne sont pas les actes sexuels qu'il a fait subir à la victime
qui sont à l'origine de son invalidité.
Selon l'art. 97 LTF, les constatations de fait ne peuvent être critiquées que
si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation
du droit au sens de l'art. 95, et si la correction du vice est susceptible
d'influer sur le sort de la cause. Le message précise qu'une constatation est
manifestement inexacte lorsqu'elle est arbitraire (FF 2001 p. 4135). L'art.
106 al. 2 LTF est applicable au grief de la constatation de fait
manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire. Selon cette disposition, le
Tribunal fédéral n'examine la violation de droits fondamentaux que si ce
grief a été invoqué et motivé par le recourant. Les exigences de précision et
de clarté sont donc aussi sévères que celles posées par l'ancien art. 90 al.
1 let. b OJ pour le recours de droit public. Les critiques purement
appellatoires sont irrecevables.
Contrairement à ce que soutient le recourant, la cour cantonale n'a jamais
prétendu que les actes qui lui sont reprochés étaient seuls à l'origine de
l'invalidité de la victime. Ainsi, elle a retenu que le recourant avait
gravement porté atteinte à la santé physique et psychique de la plaignante,
contribuant à provoquer son invalidité (arrêt attaqué p. 8). Elle a ajouté
que la victime avait dû subir de nombreuses interventions chirurgicales et
hospitalisations pour la plupart en relation de causalité avec les faits
imputés au recourant (arrêt attaqué p. 9). Enfin, elle a renoncé à se
prononcer sur le montant de l'indemnité pour tort moral, dès lors qu'il
n'était pas possible de déterminer l'influence de l'état maladif préexistant
sans recourir à une expertise (arrêt attaqué p. 13). Dans la mesure où la
cour cantonale n'a jamais retenu que les actes reprochés au recourant avaient
seuls provoqué l'invalidité de la victime, mais qu'elle a reconnu que
celle-ci connaissait déjà des problèmes de santé au préalable, les critiques
du recourant sont mal fondées et les griefs soulevés doivent être rejetés.

6.3 Le recourant reproche à la cour cantonale de ne pas avoir tenu compte du
fait qu'il n'avait jamais usé de la moindre contrainte physique ni de la
moindre violence envers sa victime, ce qui devrait conduire à l'admission
d'une faute moins grave.

Cet argument n'est pas pertinent. La cour cantonale a retenu que le recourant
avait exploité sa position de maître d'apprentissage et l'état psychique
fragilisé de la jeune fille qui avait déjà subi des abus sexuels, et qu'il
avait renforcé sa position de supériorité par des menaces. Comme l'a déclaré
la cour cantonale, le fait de profiter de la confiance de la victime et de
son état de santé déficient montre une totale absence de scrupules. Un tel
comportement n'est pas moins grave qu'un acte de contrainte physique. Le
législateur réprime du reste les pressions psychiques et la violence physique
sous la même disposition légale (art. 189 et 190 CP) et frappe ces deux
comportements de la même peine. Mal fondé, le grief soulevé doit être rejeté.

6.4 Le recourant invoque sa plus grande vulnérabilité face à la peine, à
savoir son âge, ses conditions familiales et sa situation professionnelle. Il
fait valoir qu'il n'existe aucun risque de récidive, du fait des bons
renseignements le concernant, notamment sur le plan professionnel. Il aurait
notamment reconstruit entièrement sa vie à Yverdon où il aurait retrouvé un
emploi; son employeur serait entièrement satisfait de ses services.

Lors de la fixation de la peine, le juge doit tenir compte du fait que
certains délinquants sont plus durement touchés par l'exécution d'une peine
privative de liberté. Alors que la jurisprudence et la doctrine rattachaient
à la situation personnelle cette sensibilité particulière, qui ne concerne
pas la faute, mais la vulnérabilité face à la peine, le juge prendra
dorénavant en considération cette notion en référence avec les "effets de la
peine sur l'avenir du condamné". La vulnérabilité face à la peine ne devra
cependant être retenue comme circonstance atténuante que si elle rend la
sanction considérablement plus dure que pour la moyenne des autres condamnés,
par exemple en présence de maladies graves, de psychoses claustrophobiques ou
de surdimutité (cf. arrêt non publié du Tribunal fédéral du 26 mars 1996,
6S.703/1995; Wiprächtiger, Basler Kommentar, Strafgesetzbuch I, 2003, art.
63, n. 95; Schwarzenegger/Hug/Jositsch, op. cit., p. 102 s.). Il ne s'agit
pas de favoriser les délinquants appartenant à la classe sociale privilégiée
par rapport aux simples citoyens qui ont moins à perdre du fait de leur
détention (Wiprächtiger, op. cit., art. 63, n. 95).

En l'occurrence, l'âge du recourant, qui est de 59 ans, n'est pas assez
avancé pour que l'on doive en tenir compte, et le recourant n'invoque aucune
maladie grave. Pour le surplus, toute peine privative de liberté ferme a des
répercussions sur le conjoint et les enfants; la situation familiale du
condamné n'est prise en compte que dans des circonstances particulières (par
ex. en cas d'enfant en bas âge à la charge du condamné; cf. Wiprächtiger, op.
cit., art. 63, n. 96), lesquelles ne sont pas réalisées en l'espèce. Enfin,
sa situation professionnelle - provisoire à Yverdon - n'est pas déterminante,
dès lors qu'une peine avec sursis n'entre pas en considération vu la gravité
de sa faute. Au demeurant, on ne voit pas qu'il existerait, dans le cas
d'espèce, une relation entre l'absence de risque de récidive et les bons
renseignements professionnels. Mal fondé, le grief soulevé doit être rejeté.

6.5 Le recourant invoque en outre les déclarations de l'expert, selon
lesquelles le recourant "ne serait pas un homme foncièrement perverti et
maléfique et qu'il est certainement authentique dans son désir de bien faire,
dans son souci d'honnêteté et de correction".

Certes, les déclarations de l'expert permettent d'expliquer quelque peu
l'attitude du recourant face aux autorités judiciaires. Elles ne contredisent
cependant pas la conclusion de la cour cantonale, selon laquelle seule une
peine ferme de longue durée pouvait amender le recourant. Mal fondé, le grief
soulevé doit être rejeté.

6.6 Procédant à une comparaison avec d'autres affaires, notamment les ATF 126
IV 136, 124 IV 154, 122 IV 97 et 125 III 269, le recourant soutient que la
peine de huit ans et demi qui lui a été infligée est manifestement exagérée.

Il convient en premier lieu de relever que les cas cités par le recourant
émanent des cantons de Vaud et de Zurich et que le Tribunal fédéral ne s'est
pas prononcé sur la question de la peine. Or, il est admis que les cantons
peuvent développer des pratiques différentes relatives aux peines infligées
pour certains délits et que ce risque, qui est inhérent à la structure
fédéraliste de la Suisse, ne viole pas la Constitution (ATF 124 IV 44 consid.
2c p. 47). En outre, le principe de l'individualisation des peines et le
large pouvoir d'appréciation reconnu en cette matière à l'autorité cantonale
conduisent, aussi à l'intérieur d'un même canton, à certaines divergences,
qui sont acceptées par le législateur. Au demeurant, les cas qui apparaissent
semblables peuvent se distinguer sur des points essentiels pour la fixation
de la peine. Une comparaison entre des peines suppose que le juge possède,
pour les cas concernés, une connaissance exacte des éléments déterminants
pour fixer la peine (ATF 123 IV 150 consid. 2a p. 153).

Il s'ensuit que la cour cantonale jurassienne ne saurait être liée par des
arrêts rendus dans d'autres cantons. La seule question qui se pose est de
savoir si la peine litigieuse viole ou non le droit fédéral, ce qui sera
examiné plus loin (consid. 6.9).
6.7 Le recourant reproche à la cour cantonale de ne pas avoir tenu compte de
l'art. 48 let. e CP qui conduit à l'atténuation de la peine en application de
l'art. 48a CP à la double condition que l'intérêt à punir ait sensiblement
diminué en raison du temps écoulé depuis l'infraction et que l'auteur se soit
bien comporté dans l'intervalle.

En l'espèce, la cour cantonale a mis le recourant au bénéfice de "la
circonstance de l'écoulement d'un temps relativement long depuis la
commission de la dernière infraction le 6 novembre 1998, conformément à
l'art. 48 let. e CP" (arrêt attaqué p. 9). Il faut admettre que cette
circonstance est a fortiori admise pour les autres infractions commises
antérieurement.

Selon l'art. 48 CP, le juge doit punir le délinquant au bénéfice d'une
circonstance atténuante moins sévèrement que celui qui ne bénéficie d'aucune
circonstance. Il peut cependant décider librement dans quelle mesure il veut
réduire la peine, mais ne peut prononcer la peine maximale prévue par
l'infraction (cf. Stratenwerth, op. cit., § 6, n. 106). Sur le plan de la
motivation, il n'est nullement tenu d'exprimer en chiffres ou en pourcentages
l'importance qu'il accorde à chacun des éléments qu'il cite (consid. 5.3
ci-dessus; Stratenwerth, op. cit., § 6, n. 91), de sorte que la cour
cantonale n'a pas violé le droit fédéral en mentionnant la prise en compte de
la circonstance atténuante du temps relativement long sans préciser la mesure
correspondante de la réduction de la peine. Mal fondé, le grief soulevé doit
être rejeté.

6.8 Le recourant dénonce la violation du principe de la célérité consacré par
les art. 29 al. 1 Cst., 6 par. 1 CEDH et 14 par. 3 let. c Pacte ONU II. Il
considère que le temps qui s'est écoulé entre le dépôt de la plainte pénale
en octobre 2000 et le jugement de la cour criminelle en mars 2006 est
excessivement long. Il relève que l'instruction consistait essentiellement en
l'audition de témoins qui étaient tous domiciliés à Courgenay ou dans la
région et en des expertises médicales, qui auraient pu être établies en
quelques mois. Il soutient qu'il n'a usé d'aucun moyen dilatoire et rappelle
que la Cour criminelle du Tribunal cantonal jurassien a jugé en instance
unique.

6.8.1 Les art. 29 al. 1 Cst., 6 par. 1 CEDH, 14 par. 3 let. c Pacte ONU II
prévoient que toute personne a droit à ce que sa cause soit jugée dans un
délai raisonnable. Comme les règles conventionnelles n'offrent pas une
protection plus étendue que les garanties constitutionnelles nationales, il
convient de statuer en application de l'art. 29 al. 1 Cst. (ATF 130 I 312
consid. 5.1, p. 331 et 332 et les références). Ce dernier consacre le
principe de la célérité qui impose aux autorités, dès le moment où l'accusé
est informé des soupçons qui pèsent contre lui, de mener la procédure pénale
sans désemparer, afin de ne pas maintenir inutilement l'accusé dans les
angoisses qu'elle suscite. Une violation du principe de la célérité doit en
principe être prise en compte au stade de la fixation de la peine; le plus
souvent, elle conduit à une réduction de la peine, parfois même à la
nécessité d'abandonner la poursuite (ATF 130 IV 54 consid. 3.3.1 p. 54 s.).
Il s'agit de distinguer le principe de la célérité de la circonstance
atténuante de l'art. 48 let. e CP, qui obéit à des conditions différentes.
Lorsque les conditions de l'art. 48 let. e CP et du principe de la célérité
sont réalisées, il convient de prendre en considération les deux facteurs de
réduction de la peine (Wiprächtiger, op. cit., art. 64, n. 31).

La notion de délai raisonnable doit être appréciée in concreto, suivant les
circonstances de l'affaire en question. Il convient en premier lieu de tenir
compte des particularités de la cause, notamment de la nature et de la
gravité de l'infraction poursuivie. L'élément déterminant, pour cette
appréciation, est sans doute la complexité de l'affaire. Celle-ci peut
découler de la nature de l'infraction, mais aussi du nombre d'accusés, des
mesures probatoires nécessaires - en particulier des témoins à entendre et
des investigations à l'étranger -, du volume du dossier, des questions de
fait et de droit qui peuvent se poser et, en définitive, des incidences
concrètes de la procédure sur la situation de l'accusé. Le comportement de ce
dernier revêt également de l'importance. L'accusé ne peut certes pas être
tenu à une collaboration active, et on ne saurait lui reprocher de tirer
pleinement parti des voies de recours qui lui sont offertes par le droit
interne, mais on pourra tenir compte des démarches purement dilatoires qu'il
aura pu entreprendre (arrêt du Tribunal fédéral du 22 décembre 1997,
1P.561/1997, publié in SJ 1998 p. 247).

Comme on ne peut pas exiger de l'autorité pénale qu'elle s'occupe constamment
d'une seule et unique affaire, il est inévitable qu'une procédure comporte
quelques temps morts. Lorsqu'aucun d'eux n'est d'une durée vraiment
choquante, c'est l'appréciation d'ensemble qui prévaut; des périodes
d'activités intenses peuvent donc compenser le fait que le dossier a été
laissé momentanément de côté en raison d'autres affaires (ATF 124 I 139
consid. 2c p. 142). Le principe de la célérité peut être violé, même si les
autorités pénales n'ont commis aucune faute; elles ne sauraient ainsi exciper
des insuffisances de l'organisation judiciaire (ATF 130 IV 54 consid. 3.3.3.
p. 56 s.).
6.8.2 En l'espèce, l'instruction de la cause a nécessité de procéder à deux
expertises de crédibilité de la victime, assorties de rapports
complémentaires, ainsi que d'une expertise psychiatrique du recourant,
également assortie d'un rapport complémentaire. De nombreux témoins ont
également été entendus. Enfin, alors que l'affaire était pendante en janvier
2004 devant la Cour criminelle, elle a été renvoyée au juge d'instruction
pour complément d'enquête en raison de la jonction de la procédure sur
plainte de A.________. Le recourant avait d'ailleurs lui-même conclu au
renvoi de l'affaire en instruction. Au vu de ces circonstances, une durée de
cinq ans entre le dépôt de la dénonciation et l'arrêt de la Cour criminelle
ne prête pas le flanc à la critique. Infondé, le grief du recourant doit être
rejeté.

6.9 Le recourant ne cite en définitive aucun élément important, propre à
modifier la peine, qui aurait été omis ou pris en considération à tort. Il
convient dès lors d'examiner si, au vu des circonstances, la peine infligée
apparaît exagérément sévère au point de constituer un abus du pouvoir
d'appréciation.

En l'espèce, le recourant a commis quatre viols et plusieurs actes de
contraintes sexuels dont un avec cruauté sur une jeune fille déjà fragilisée
par des précédents abus; il a profité de sa position d'autorité en tant que
maître d'apprentissage, position qu'il a renforcée par des menaces. La peine
frappant la contrainte sexuelle aggravée, qui est l'infraction la plus grave,
est une peine privative de liberté de trois ans au moins. Les abus du
recourant ont perduré sur une période relativement longue et ont contribué à
l'invalidité de la victime. En  faveur du recourant, on peut tenir compte de
la circonstance du temps écoulé depuis la commission de l'infraction, de ses
bons antécédents, de sa situation personnelle et de son comportement en
détention.

Au vu de ces circonstances, la faute du recourant ne peut qu'être qualifiée
de très grave; elle justifie une lourde peine. La peine privative de liberté
de huit ans et demi n'apparaît dès lors pas sévère à un point tel qu'il
faille conclure à un abus du large pouvoir d'appréciation accordé à la cour
cantonale. Le grief de violation de l'art. 47 CP est dès lors infondé.

7.
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté.

Les frais sont mis à la charge du recourant qui succombe (art. 66 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 2000 francs est mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, au
Procureur général du canton du Jura et à la Cour criminelle du Tribunal
cantonal jurassien.

Lausanne, le 17 avril 2007

Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: