Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.132/2007
Zurück zum Index Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 2007
Retour à l'indice Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 2007


6B_132/2007 /rod

Arrêt du 17 janvier 2008
Cour de droit pénal

MM. les Juges Schneider, Président,
Ferrari et Favre.
Greffière: Mme Kistler Vianin.

X. ________,
recourant, représenté par Me Grégoire Rey, avocat,

contre

Procureur général du canton de Genève,
case postale 3565, 1211 Genève 3.

Fixation de la peine; refus du sursis (infraction à la LStup),

recours en matière pénale contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de
Genève, Chambre pénale, du 19 mars 2007.

Faits :

A.
Par jugement du 1er décembre 2006, le Tribunal de police du canton de Genève
a condamné X.________, né en 1983, ressortissant colombien, à deux ans et
demi d'emprisonnement, sous déduction de la détention préventive pour
infraction à l'art. 19 ch. 1 et 2 de la loi fédérale sur les stupéfiants. En
outre, il a ordonné la confiscation et la destruction de la drogue saisie
ainsi que la confiscation de différentes pièces saisies et mis les frais à la
charge du condamné.

B.
Par arrêt du 19 mars 2007, la Cour de justice du canton de Genève a rejeté
l'appel formé par X.________ et confirmé le jugement de première instance.

En bref il a été retenu que, le 8 octobre 2006, X.________ avait importé à
Genève, en provenance de l'Espagne, une quantité de 945,4 grammes de cocaïne
brute, dissimulée dans une voiture de location qu'il conduisait. Il devait
livrer la drogue à une femme péruvienne prénommée Y.________, qu'il savait se
livrer au trafic de drogue.

C.
Contre cet arrêt, X.________ dépose un recours en matière pénale. Dénonçant
une violation des art. 42 et 43 CP, il conclut à l'annulation de l'arrêt
attaqué et au renvoi de la cause à l'autorité cantonale. En outre, il
sollicite l'assistance judiciaire.

Invité à se déterminer, le procureur du canton de Genève a conclu au rejet du
recours avec suite de frais.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Comme la décision attaquée a été rendue après l'entrée en vigueur, le 1er
janvier 2007 (RO 2006, 1242), de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral
(LTF; RS 173.110), le recours est régi par le nouveau droit (art. 132 al. 1
LTF).

2.
Interjeté par l'accusé (art. 81 al. 1 let. b LTF) et dirigé contre un
jugement final (art. 90 LTF) rendu en matière pénale (art. 78 al. 1 LTF) par
une autorité cantonale de dernière instance (art. 80 al. 1 LTF), le recours
est en principe recevable, puisqu'il a été déposé dans le délai (art. 100 al.
1 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi.

3.
Le recours peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est
circonscrit par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit
d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est donc limité ni par les arguments
soulevés dans le recours ni par la motivation retenue par l'autorité
précédente; il peut admettre un recours pour un autre motif que ceux qui ont
été invoqués et il peut rejeter un recours en adoptant une argumentation
différente de celle de l'autorité précédente (cf. ATF 130 III 136 consid.1.4
p. 140). Compte tenu de l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1
et 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), le
Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués; il n'est pas
tenu de traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes
les questions juridiques qui se posent, lorsque celles-ci ne sont plus
discutées devant lui. Il ne peut  entrer en matière sur la violation d'un
droit constitutionnel ou sur une question relevant du droit cantonal ou
intercantonal si le grief n'a pas été invoqué et motivé par la partie
recourante (art. 106 al. 2 LTF).

4.
Le 1er janvier 2007 est entrée en vigueur la révision de la partie générale
du Code pénal (RO 2006 3459 3535).

4.1 Aux termes de l'art. 2 CP, est jugé d'après le présent code quiconque
commet un crime ou un délit après l'entrée en vigueur de ce code (al. 1;
principe de la non-rétroactivité). Le présent code est aussi applicable aux
crimes et aux délits commis avant la date de son entrée en vigueur si
l'auteur n'est mis en jugement qu'après cette date et si le présent code lui
est plus favorable que la loi en vigueur au moment de l'infraction (al. 2;
lex mitior). Selon la jurisprudence, c'est à la lumière du droit de procédure
cantonal qu'il convient de déterminer à quel stade de la procédure l'auteur a
été mis en jugement au sens de l'art. 2 al. 2 CP. Lorsque l'autorité
cantonale de seconde instance exerce un pouvoir réformatoire ou statue en
appel, elle devient alors elle-même juge du fond et doit alors examiner si le
nouveau droit, en vigueur au moment où elle statue, s'applique à titre de
droit plus favorable (ATF 117 IV 369 consid. 15 p. 386 et les références
citées).

En l'espèce, les faits incriminés se sont déroulés en octobre 2006, et le
recourant a été jugé en première instance le 1er décembre 2006. En tant
qu'autorité d'appel, la cour cantonale, qui s'est prononcée en mars 2007, à
savoir après l'entrée en vigueur du nouveau droit, devait examiner si
celui-ci était plus favorable au recourant.

4.2 Pour la comparaison de la sévérité de l'ancien et du nouveau droit, le
juge doit appliquer la méthode concrète en tenant compte de l'état de fait
complet au regard de l'ancien et du nouveau droit et n'appliquer le nouveau
droit que s'il conduit effectivement à un résultat plus favorable au
condamné. Il doit appliquer dans chaque espèce le droit ancien ou le droit
nouveau; il ne saurait combiner ces deux droits, par exemple en appliquant la
loi ancienne pour dire, à raison d'un seul et même fait, quelle infraction a
été commise et la nouvelle pour décider si et comment l'auteur doit être puni
(ATF 114 IV 1 consid. 2a p. 4). Si le résultat est le même à chaque fois,
c'est l'ancien droit qui doit trouver application (Stratenwerth/Wohlers,
Schweizerisches Strafgesetzbuch, Handkommentar, Berne 2007, ad art. 2;
Schwarzenegger/Hug/Jositsch, Strafrecht II, Strafen und Massnahmen, 8e éd.,
Zurich 2007, p. 315).

En l'occurrence, la limite supérieure de la peine privative de liberté à
laquelle est applicable le sursis a passé de 18 à 24 mois selon les nouvelles
dispositions de la partie générale du code pénal. En outre, celles-ci
introduisent pour les peines de un à trois ans la possibilité de l'octroi
d'un sursis partiel, ce que l'ancien droit ne connaissait pas. La nouvelle
loi est ainsi plus favorable et c'est donc à juste titre que la cour
cantonale l'a appliquée en tant que lex mitior, bien que les faits reprochés
se soient produits avant le 1er janvier 2007.

5.
Le recourant se plaint d'abord que le sursis à l'exécution de la peine ne lui
ait pas été accordé (art. 42 CP).

Selon le nouvel art. 42 CP, le juge suspend en règle générale l'exécution
d'une peine pécuniaire, d'un travail d'intérêt général ou d'une peine
privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu'une
peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes
ou délits (al. 1). Si, durant les cinq ans qui précèdent l'infraction,
l'auteur a été condamné à une peine privative de liberté ferme ou avec sursis
de six mois au moins ou à une peine pécuniaire de 180 jours-amende au moins,
il ne peut y avoir de sursis à l'exécution de la peine qu'en cas de
circonstances particulièrement favorables (al. 2). L'octroi du sursis peut
également être refusé lorsque l'auteur a omis de réparer le dommage comme on
pouvait raisonnablement l'attendre de lui (al. 3). Le juge peut prononcer, en
plus du sursis, une peine pécuniaire sans sursis ou une amende selon l'art.
106 CP (al. 4).

Le nouveau droit ne permet l'octroi du sursis à l'exécution d'une peine
privative de liberté que si celle-ci ne dépasse pas deux ans. Cette condition
n'est pas réalisée en l'espèce, puisque la peine infligée au recourant est de
deux ans et demi. Au surplus, et comme l'a jugé récemment la Cour de céans
(arrêt L. du 22 novembre 2007 prévu pour la publication aux ATF 133 IV xxx,
consid. 3.3), le cadre élargi défini par le nouveau droit pour la fixation de
la peine ne justifie plus une relativisation de la limite légale permettant
l'octroi du sursis ou du sursis partiel. Dans ce sens, la jurisprudence
inaugurée avec l'ATF 118 IV 337 et confirmée ensuite à l'ATF 127 IV 101
consid. 3 n'a plus cours. C'est donc à juste titre que la cour cantonale a
refusé l'octroi du sursis en application de l'art. 42 CP.

6.
Se fondant sur l'art. 43 CP, le recourant reproche à la juridiction cantonale
de ne pas lui avoir accordé le sursis partiel à l'exécution de sa peine, en
violation du droit fédéral.

6.1 L'art. 43 CP prévoit que le juge peut suspendre partiellement l'exécution
d'une peine pécuniaire, d'un travail d'intérêt général ou d'une peine
pécuniaire d'un an au moins et de trois ans au plus afin de tenir compte de
façon appropriée de la faute de l'auteur (al. 1). La partie à exécuter ne
peut excéder la moitié de la peine (al. 2). En cas de sursis partiel à
l'exécution d'une peine privative de liberté, la partie suspendue, de même
que la partie à exécuter, doivent être de six mois au moins. Les règles
d'octroi de la libération conditionnelle ne lui sont pas applicables (al. 3).

En l'espèce, la peine infligée au recourant est une peine privative de
liberté de deux ans et demi; elle peut donc être assortie du sursis partiel.
La cour cantonale a cependant refusé d'octroyer le sursis partiel au motif
que "la faute [du recourant] a été jugée lourde, s'agissant d'un trafic de
stupéfiants portant sur des quantités de cocaïne significatives". Le
recourant critique ce raisonnement, faisant valoir que la cour cantonale a
retenu des critères étrangers au droit fédéral, sans prendre en considération
ceux prévus par la loi.

6.2 Les conditions subjectives permettant l'octroi du sursis (art. 42 CP), à
savoir les perspectives d'amendement, valent également pour le sursis partiel
prévu à l'art. 43 CP dès lors que la référence au pronostic ressort
implicitement du but et du sens de cette dernière disposition. Ainsi, lorsque
le pronostic quant au comportement futur de l'auteur n'est pas défavorable,
la loi exige que l'exécution de la peine soit au moins partiellement
suspendue. En revanche, un pronostic défavorable exclut également le sursis
partiel. En effet, s'il n'existe aucune perspective que l'auteur puisse être
influencé de quelque manière par un sursis complet ou partiel, la peine doit
être entièrement exécutée (cf. arrêt 6B_43/2007 du Tribunal fédéral du 12
novembre 2007 consid. 4.3.1 destiné à la publication aux ATF 133 IV xxx et
les réf.).

En revanche, les conditions objectives des art. 42 et 43 CP ne correspondent
pas: les peines privatives de liberté jusqu'à une année ne peuvent être
assorties du sursis partiel; une peine de 12 à 24 mois peut être assortie du
sursis ou du sursis partiel; le sursis complet à l'exécution d'une peine
privative de liberté est exclu, dès que celle-ci dépasse 24 mois alors que
jusqu'à 36 mois, le sursis partiel peut être octroyé (cf. arrêt du 12
novembre 2007 précité, consid. 4.3.2).
6.3 Pour statuer sur la suspension partielle de l'exécution d'une peine, le
juge doit tenir compte de façon appropriée de la faute de l'auteur. Or, cette
notion de faute, définie à l'art. 47 al. 2 CP, constitue avant tout un
critère d'appréciation pour la fixation de la peine. Pour savoir si un sursis
partiel paraît nécessaire en raison de la faute de l'auteur et de ses
perspectives d'amendement, on ne peut faire référence de la même manière au
critère de la culpabilité tel que prévu à l'art. 47 al. 2 CP. En effet,
lorsque le juge statue sur la question du sursis, il a déjà fixé la quotité
de la peine et il ne s'agit plus que de définir sa forme d'exécution
appropriée. Reste que la loi lie la question de la peine, qui doit être
mesurée à la faute commise, et celle du sursis en ce sens que ce dernier est
exclu pour les peines supérieures à deux ans. La nécessité d'une peine
privative de liberté assortie d'un sursis partiel résulte alors de la gravité
de la faute, lorsque cette peine se situe entre deux et trois ans. Dans ce
cas, la notion de faute trouve pleinement sa place (cf. arrêt du 12 novembre
2007 précité, consid. 4.3.3).

Dans le cas de peines privatives de liberté qui excèdent la limite fixée pour
l'octroi du sursis (soit entre deux et trois ans), l'art. 43 CP s'applique de
manière autonome. En effet, exclu dans ces cas (art. 42 al. 1 CP), le sursis
complet est alors remplacé par le sursis partiel pour autant que les
conditions subjectives en soient remplies. Le but  de la prévention spéciale
trouve alors ses limites dans les exigences de la loi qui prévoit dans ces
cas qu'une partie au moins de la peine doit être exécutée en raison de la
gravité de la faute commise. C'est là que se trouve le champ d'application
principal de l'art. 43 CP (cf. arrêt du 12 novembre 2007 précité, consid.
4.5.1 et les réf.).
6.4 D'après l'art. 43 al. 2 et 3 CP, la partie ferme de la peine doit être
comprise entre six mois et la moitié de la peine, inclusivement. S'il
prononce une peine de trois ans de privation de liberté, le juge peut ainsi
assortir du sursis une partie de la peine allant de dix-huit à trente mois.
Pour fixer dans ce cadre la durée de la partie ferme et avec sursis de la
peine, le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation. A titre de critère
de cette appréciation, il y a lieu de tenir compte de façon appropriée de la
faute de l'auteur (art. 43 al. 1 CP). Le rapport entre ces deux parties de la
peine doit être fixé de telle manière que, d'une part, la probabilité d'un
comportement futur de l'auteur conforme à la loi mais aussi sa culpabilité
soient équitablement prises en compte. Ainsi, plus le pronostic est favorable
et moins l'acte apparaît blâmable, plus la partie de la peine assortie du
sursis doit être importante. Mais en même temps, la partie ferme de la peine
doit demeurer proportionnée aux divers aspects de la faute (arrêt du
12 novembre 2007 précité, consid. 4.6).
6.5
Pour refuser le sursis partiel, la cour cantonale s'est bornée à déclarer que
cette mesure n'était qu'une possibilité à disposition du juge et que les
conditions n'en étaient pas réalisées puisque la faute du recourant avait été
jugée lourde.

Comme on l'a vu (cf. consid. 6.2), cette motivation n'est pas conforme au
droit fédéral. D'une part, l'octroi du sursis partiel n'est pas une simple
possibilité à disposition du juge; il lui incombe au contraire d'examiner la
réalisation des conditions subjectives permettant l'octroi du sursis et
d'accorder le sursis partiel lorsque le pronostic n'est pas défavorable. Ce
n'est en effet qu'en cas de pronostic défavorable que la peine sera ferme.

D'autre part, la faute constitue au premier chef un critère d'appréciation
pour la fixation de la peine (art. 47 CP). Lorsque, comme en l'espèce, la
peine prononcée est comprise entre deux et trois ans, la faute sera prise en
compte de manière appropriée dans un deuxième temps pour déterminer la partie
de la peine qui devra être exécutée. Elle ne saurait dans tous les cas
constituer le seul critère pour refuser l'octroi du sursis partiel comme
l'ont décidé les premiers juges, en violation du droit fédéral.

Conformément aux conclusions du recourant (art. 107 al. 1 LTF), l'arrêt
attaqué sera annulé et la cause sera renvoyée à l'autorité cantonale pour
qu'elle statue à nouveau.

7.
Vu l'art. 66 al. 4 LTF, il n'est pas perçu de frais. Le canton de Genève
versera au recourant une indemnité de dépens pour la procédure devant le
Tribunal fédéral (art. 68 al. 1 et 2 LTF) si bien que la demande d'assistance
judiciaire devient sans objet.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis, l'arrêt attaqué annulé et la cause renvoyée à
l'autorité cantonale pour nouvelle décision.

2.
Il n'est pas perçu de frais.

3.
Le canton de Genève versera une indemnité de dépens de 3000 francs au
recourant.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et à la Cour de justice
du canton de Genève, Chambre pénale.

Lausanne, le 17 janvier 2008

Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière:

Schneider  Kistler Vianin