Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
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Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.127/2007
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6B_127/2007 /rod

Arrêt du 23 juillet 2007
Cour de droit pénal

MM. les Juges Schneider, Président,
Favre et Zünd.
Greffière: Mme Angéloz.

A. X.________,
B.X.________,
recourants,
tous deux représentés par Me Christian Bacon, avocat,

contre

Ministère public du canton du Valais,
Palais de Justice, case postale 2050, 1950 Sion 2.

Tardiveté de la plainte pénale,

recours en matière pénale contre la décision du Tribunal cantonal du canton
du Valais, Chambre pénale,
du 29 mars 2007.

Faits :

A.
Le 28 octobre 2006, A.X.________ et B.X.________ ainsi que leurs enfants
C.X.________ et D.X.________ ont déposé plainte pénale auprès du juge
d'instruction du Bas-Valais, pour lésions corporelles et injures,
subsidiairement voies de fait, contre cinq personnes, dont deux portant
l'uniforme de la police cantonale, qui étaient intervenues le 28 août 2006 à
leur domicile.

Par lettre du 27 novembre 2006, le juge d'instruction a signifié aux époux
X.________ que, vu le rapport de police et celui que cette dernière avait
adressé le 31 août 2006 à l'autorité judiciaire de Lausanne, il constatait
qu'aucune des infractions dénoncées n'avaient été commises et qu'il classait
donc purement et simplement l'affaire.

Par courrier du 29 décembre 2006, le défenseur des époux X.________,
produisant une procuration datée du 12 décembre 2006, a demandé au juge
d'instruction si sa lettre du 27 novembre 2006 valait ordonnance de
classement au sens de l'art. 52bis du code de procédure pénale valaisan
(CPP/VS) et l'a interpellé au sujet de l'absence de motivation et
d'indication des voies de recours.

Dans sa réponse du 24 janvier 2007, le magistrat instructeur a confirmé que
la lettre en question valait ordonnance de classement et indiqué qu'il
n'avait pas jugé utile de motiver plus sa décision, dont il a concédé qu'elle
ne mentionnait pas de voie de droit.

B.
Le 5 février 2007, les époux X.________ ont déposé une plainte auprès de la
Chambre pénale du Tribunal cantonal valaisan, pour déni de justice. Ils
concluaient à la réouverture et à la reprise ab ovo de l'enquête ainsi qu'à
la transmission du dossier au juge d'instruction cantonal, subsidiairement à
un autre juge d'instruction du Bas-Valais.

Par décision du 29 mars 2007, la Chambre pénale a déclaré la plainte
irrecevable. Elle a estimé que le contenu de la lettre du magistrat
instructeur était suffisant pour que les plaignants en comprennent la portée
et se rendent compte qu'il s'agissait d'une décision, de sorte qu'ils ne
pouvaient se dispenser de réagir. Par conséquent, malgré l'absence
d'indication de la voie de droit, ils ne pouvaient croire que cette décision
n'était pas susceptible de recours. A tout le moins, la prudence que l'on
pouvait attendre d'eux commandait qu'ils s'informent, en consultant
rapidement un avocat, qui, en agissant aussitôt qu'il avait été mandaté, eût
pu recourir en temps utile. Dans ces conditions, la plainte était tardive et,
partant, irrecevable.

C.
A.X.________ et B.X.________ forment un recours constitutionnel subsidiaire
au Tribunal fédéral. Invoquant l'art. 29 Cst., ils se plaignent d'un déni de
justice formel. Ils concluent à l'annulation de la décision attaquée et au
renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour qu'elle entre en matière sur
leur plainte et l'examine au fond.

Le Ministère public et l'autorité cantonale ont renoncé à formuler des
observations.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le recours constitutionnel subsidiaire n'est ouvert que si un recours
ordinaire est exclu (cf. art. 113 LTF). En matière pénale, même si ce
principe n'est pas absolu, il n'entre toutefois guère en considération, dès
lors que le recours ordinaire est presque toujours ouvert en ce domaine (cf.
arrêt 6B_99/2007, du 30 mai 2007, consid. 1.1).

La décision attaquée a été rendue, par une autorité cantonale de dernière
instance, dans une cause de droit pénal. Elle constitue une décision finale,
puisqu'elle met un terme à la procédure pénale initiée par les recourants
(cf. art. 90 LTF). Elle peut donc faire l'objet d'un recours en matière
pénale (art. 78 ss LTF), de sorte que le recours constitutionnel subsidiaire
est exclu. A cet égard, contrairement à ce que semblent penser les
recourants, la question de savoir s'ils ont qualité pour former un recours
ordinaire n'est pas déterminante.

A lui seul, l'intitulé erroné d'un recours ne nuit pas à son auteur, lorsque
les conditions d'une conversion en la voie de droit adéquate sont réunies
(ATF 126 II 506 consid. 1b p. 509 et les arrêts cités). Comme tel est en
l'occurrence le cas, il y a lieu de traiter le présent recours comme un
recours en matière pénale.

2.
A qualité pour former un recours en matière pénale, quiconque a pris part à
la procédure devant l'autorité précédente, ou a été privé de la possibilité
de le faire, et a un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de
la décision attaquée (art. 81 al. 1 let. a LTF). En particulier, est habilité
à former un recours en matière pénale celui qui revêt la qualité de victime,
au sens de l'art. 2 LAVI, si la décision attaquée peut avoir un effet sur le
jugement de ses prétentions civiles (cf. art. 81 al. 1 let. b ch. 5 LTF).
Cette disposition correspond à l'ancien art. 270 let. e PPF et à l'art. 8 al.
1 let. c LAVI, de sorte que la jurisprudence y relative conserve son
actualité.

Les recourants, qui ont manifestement participé à la procédure devant
l'autorité précédente, prétendent avoir été, notamment, victimes de lésions
corporelles. Comme les faits n'ont pas définitivement été arrêtés par un
jugement, il y a lieu de se fonder sur leurs allégués et, partant, de les
considérer comme des victimes au sens de l'art. 2 LAVI (cf. ATF 126 IV 147
consid. 1 p. 149; 125 IV 79 consid. 1c p. 81/82).

Pour autant que cela pouvait raisonnablement être exigé d'elle, la victime
doit avoir pris des conclusions civiles sur le fond dans le cadre de la
procédure pénale (ATF 127 IV 185 consid. 1a p. 187 et les arrêts cités). En
l'espèce, on ne saurait toutefois reprocher aux recourants de s'en être
abstenu, dès lors que la procédure n'a pas été menée jusqu'à un stade qui
aurait permis de le faire. Certes, ils n'indiquent pas, comme il incombe à la
victime de l'énoncer en pareil cas, quelles conclusions civiles ils
entendraient prendre et en quoi la décision attaquée pourrait avoir une
incidence négative sur le jugement de celles-ci (ATF 127 IV 185 consid. 1a p.
187 et les arrêts cités). La jurisprudence renonce toutefois à cette
exigence, lorsque, compte tenu notamment de la nature de l'infraction
dénoncée, on peut discerner d'emblée et sans ambiguïté quelles prétentions
civiles pourraient être élevées et en quoi la décision attaquée est
susceptible de les influencer négativement (ATF 127 IV 185 consid. 1a p. 187
et les arrêts cités). Or, il est évident que le refus de l'autorité cantonale
d'entrer en matière sur le recours interjeté par les recourants contre le
classement de leur plainte pénale est de nature à influencer négativement le
jugement des prétentions civiles, notamment en réparation du tort moral,
qu'ils pourraient faire valoir contre les personnes mises en cause.

Les recourants ont donc qualité pour former un recours en matière pénale.

3.
Le recours peut notamment être formé pour violation du droit fédéral (art. 95
let. a LTF), y compris les droits constitutionnels. Il ne peut critiquer les
constatations de fait qu'au motif que les faits ont été établis de façon
manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire (cf. Message du 28 février
2001 relatif à la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale; FF
2001, 4000 ss, 4135) ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF, et
pour autant que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort
de la cause (art. 97 al. 1 LTF).

Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est
donc limité ni par les arguments du recourant ni par la motivation de
l'autorité précédente. Toutefois, compte tenu, sous peine d'irrecevabilité
(art. 108 al. 1 let. b LTF), de l'exigence de motivation prévue à l'art. 42
al. 1 et 2 LTF, il n'examine en principe que les griefs invoqués et n'est dès
lors pas tenu de traiter des questions qui ne sont plus discutées devant lui.
Il ne peut aller au-delà des conclusions des parties (art. 107 al. 1 LTF).

4.
Invoquant l'art. 29 Cst., les recourants se plaignent d'un déni de justice
formel.

4.1 L'interdiction du déni de justice formel est une composante du droit
d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., qui concrétise le droit à un
procès équitable consacré par l'alinéa 1 de cette disposition. Commet un déni
de justice formel, l'autorité qui ne statue pas ou n'entre pas en matière sur
un recours ou un grief qui lui est soumis, alors qu'elle devrait le faire
(ATF 128 II 139 consid. 2a p. 142; 127 I 31 consid. 2a/bb p. 34, 133 consid.
5 p. 136; 124 V 130 consid. 4 p. 133; 117 Ia 116 consid. 3a p. 117).

4.2 Les recourants reprochent à l'autorité cantonale d'avoir refusé d'entrer
en matière sur leur plainte, au motif qu'elle était tardive. En bref, ils
font valoir qu'on ne saurait leur faire grief de n'avoir pas vu dans la
lettre du magistrat instructeur du 27 novembre 2006 une décision, attaquable
par un recours, ni, par conséquent, de n'avoir pas réagi à temps, en
consultant immédiatement un avocat.

4.3 Ce grief est fondé.

Les recourants n'ont manifestement pas de formation juridique, ni même ne
semblent avoir de formation particulière. Ils apparaissent être de
nationalité étrangère et ne guère dominer la langue française. La décision
attaquée ne constate en tout cas pas le contraire.

Le courrier du magistrat instructeur du 27 novembre 2006, dont il est établi
qu'il ne comporte aucune indication quant à sa nature, a l'apparence d'une
simple lettre. Il se résume à quatre lignes, indiquant aux recourants que
deux rapports de police leur sont transmis en annexe, que ceux-ci conduisent
au constat que les infractions dénoncées n'ont pas été commises et que
l'affaire est donc purement et simplement classée. Dès lors, même si les
recourants pouvaient en déduire que leur plainte était classée, on ne saurait
soutenir, comme le fait l'autorité cantonale, qu'ils ne pouvaient ignorer
qu'il s'agissait d'une décision, et non d'une simple lettre, et qu'elle était
donc susceptible de recours. Cela doit d'autant plus être nié que le document
en question, sous réserve d'un renvoi aux rapports de police annexés, n'est
aucunement motivé et ne comporte aucune indication quant à l'existence d'une
voie de droit. Il n'est pas admissible, dans ces conditions, d'affirmer que
les recourants ne pouvaient douter qu'il s'agissait d'une décision,
attaquable par un recours, et qu'ils devaient donc s'informer en consultant
rapidement un avocat.

L'argument de l'autorité cantonale, selon lequel elle venait de notifier au
fils des recourants une décision, en bonne et due forme, que, celui-ci a
attaquée par un recours au Tribunal fédéral, n'est pas de nature à infirmer
ce qui précède. Ce fait confirme au contraire que, si les recourants avaient
pu comprendre que le document litigieux était une décision, ils n'auraient
pas manqué de recourir à son encontre ou, du moins, de consulter rapidement
un avocat.

De même, le fait que l'avocat finalement consulté par les recourants en
décembre 2006 ait d'abord voulu s'assurer que le courrier du magistrat
instructeur du 27 novembre 2006 valait effectivement décision, susceptible
recours, ne fait que confirmer que ce courrier n'était certes pas d'emblée
reconnaissable comme une décision attaquable par un recours. On ne voit pas
pourquoi, alors que le délai de recours était de toute façon échu, l'avocat
du recourant aurait effectué cette démarche, plutôt que de recourir
immédiatement en expliquant que ses clients n'avaient pu comprendre que le
document litigieux était une décision.

Au vu de ce qui précède, c'est de manière insoutenable que l'autorité
cantonale a considéré que les recourants pouvaient se rendre compte que la
lettre litigieuse était une décision, qu'elle était susceptible de recours et
que, pour peu qu'ils aient consulté rapidement un avocat, ils auraient pu
l'attaquer en temps utile, de sorte que leur recours était tardif. En
refusant, pour ce motif, d'entrer en matière sur le recours qui lui était
soumis, l'autorité cantonale a commis un déni de justice.

5.
Le recours doit ainsi être admis, la décision attaquée annulée et la cause
renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision. Il ne sera pas perçu
de frais (art. 66 al. 4 LTF) et une indemnité de dépens sera allouée aux
recourants pour la procédure devant le Tribunal fédéral (cf. art. 68 al. 1
LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis, la décision attaquée annulée et la cause renvoyée à
l'autorité cantonale pour nouvelle décision.

2.
Il n'est pas perçu de frais.

3.
La Caisse du Tribunal fédéral versera aux recourants une indemnité de dépens
de 3000 fr.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire des recourants, au
Ministère public du canton du Valais et au Tribunal cantonal du canton du
Valais, Chambre pénale.

Lausanne, le 23 juillet 2007

Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: