Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilrechtliche Abteilung, Subsidiäre Verfassungsbeschwerde 5D.42/2007
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5D_42/2007 /frs

Arrêt du 18 février 2008
IIe Cour de droit civil

M. et Mmes les Juges Raselli, Président, Escher et Hohl.
Greffière: Mme Rey-Mermet.

A. A.________,
B.A.________,
dame A.________,
recourants,
tous les trois représentés par Me Christian Favre, avocat,

contre

W.________,
intimée, représentée par Me Daniel Perruchoud, avocat,

rapports de voisinage, immissions,

recours constitutionnel subsidiaire contre le jugement du Tribunal cantonal
du canton du Valais, Cour civile II, du 3 avril 2007.

Faits :

A.
Les époux S.________ étaient copropriétaires jusqu'en 2006 de la parcelle n°
1059 de la commune de G.________, sur laquelle est construit un chalet. Ce
terrain, qui accuse une certaine déclivité, surplombe les parcelles nos 1058
et 696 qui lui sont contiguës.

A. A.________ et B.A.________ sont copropriétaires du fonds n° 1058, sur
lequel s'élève un chalet. Ils l'ont acquis de leurs parents, les époux
A.________; dame A.________ en a conservé l'usufruit. Sa fille A.A.________
est aussi propriétaire de la parcelle n° 696, actuellement non construite.

B.
Des arbres de haute futaie non fruitiers, notamment des bouleaux, se trouvent
sur les parcelles nos 1058 et 696, à une distance de 1,6 mètre à plus de 10
mètres de la limite qui les sépare du fonds n° 1059. Leur hauteur variait
entre 8 et 11 mètres au printemps 2005.

C.
En décembre 1997, les époux S.________ ont saisi le juge du district de
Sierre en vue d'obtenir l'écimage des arbres situés sur les fonds de
A.A.________ et de B.A.________. Les parties ont transigé en convenant
notamment de rabattre les arbres "dans une mesure compatible avec leur
croissance normale, compte tenu d'exigence esthétique raisonnable de manière
à restaurer autant que possible la vue depuis la parcelle des demandeurs".
Elles se sont ensuite opposées sur les modalités d'exécution, de sorte que
les époux S.________ ont saisi le juge de district, le 31 juillet 2000, d'une
requête en exécution de la transaction. Sur ordre du juge, la hauteur des
arbres a été réduite de 5 à 7 mètres. Depuis lors, ils ont poussé sans que
leur développement naturel ne soit entravé.

D.
Par mémoire-demande du 5 novembre 2003, les époux S.________ ont ouvert
action contre les époux A.________ et leur fille A.A.________ et ont conclu
notamment à l'abattage des arbres se trouvant à moins de 5 mètres de la
limite de leur fonds. A titre subsidiaire, ils ont demandé l'écimage des
feuillus d'une hauteur supérieure à 10 mètres. Les défendeurs ont conclu au
rejet de la demande.

Au débat final du 30 mai 2006, les demandeurs ont invité les juges cantonaux
à ordonner la réduction des arbres situés à plus de 5 mètres de la limite à
une "hauteur permettant d'assurer la vue sur la plaine".

E.
Par jugement du 19 juin 2006, la Cour civile II du Tribunal cantonal valaisan
a ordonné aux défendeurs l'abattage des arbres situés à une distance
inférieure à 5 mètres de la limite de la parcelle n° 1059, ainsi que de ceux
qui pousseraient à cet endroit dans le futur. Concernant les arbres distants
de 5 à 10 mètres de la limite, elle a ordonné leur réduction et leur maintien
à une hauteur maximale de 5 mètres. Quant à ceux situés à plus de 10 mètres,
elle a enjoint les défendeurs de les couper afin qu'ils ne dépassent pas la
cime des arbres situés en amont.

Par arrêt du 28 décembre 2006, le Tribunal fédéral a, en application de
l'art. 52 OJ, admis le recours en réforme interjeté par les défendeurs,
annulé le jugement attaqué et renvoyé la cause à l'autorité cantonale pour
qu'elle complète l'état de fait dans la mesure compatible avec les règles
cantonales de procédure. Il a relevé que, bien que les demandeurs se
plaignaient d'une perte de vue, le jugement cantonal ne donnait aucune
indication sur l'intensité de ce désagrément, en particulier sur la qualité
du panorama dont ils étaient privés. On ignorait également si la vue était
masquée depuis certaines parties déterminées de la parcelle des demandeurs ou
depuis toute la surface de celle-ci.

Dans l'intervalle, le 22 septembre 2006, les époux S.________ avaient vendu
la parcelle n° 1059 à W.________ qui a pris leur place dans la procédure.

F.
Après avoir ordonné un nouvel échange d'écritures, le Tribunal cantonal
valaisan, par jugement du 3 avril 2007, a rendu un nouveau  jugement dont le
dispositif est identique à celui du 19 juin 2006.

G.
Agissant par la voie du recours constitutionnel subsidiaire au Tribunal
fédéral, A.A.________, B.A.________ et dame A.________ concluent
principalement à l'annulation de ce jugement. A titre subsidiaire, ils
demandent la réforme du jugement attaqué, en ce sens que les demandeurs
soient déboutés de leurs conclusions.

Par ordonnance du 4 juin 2007, le président de la cour de céans a admis la
requête d'effet suspensif.

L'intimée a conclu au rejet du recours. Le Tribunal cantonal s'est référé aux
considérants de son jugement.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Comme l'acte attaqué a été rendu après l'entrée en vigueur, le
1er janvier 2007 (RO 2006 1242), de la loi fédérale du 17 juin 2005 sur le
Tribunal fédéral (LTF; RS 173.110), la procédure est régie par le nouveau
droit (art. 132 al. 1 LTF).

1.2  Dès lors que la valeur litigieuse est inférieure à 30'000 fr., seul
entre en ligne de compte le recours constitutionnel subsidiaire au sens des
art. 113 ss LTF. Interjeté par la partie qui a succombé dans ses conclusions
et qui a un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la
décision (art. 115 LTF), le recours a été déposé dans le délai (art. 117 et
100 al. 1 LTF) et dans la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi.

1.3 Le recours ne peut être interjeté que pour violation des droits
constitutionnels (art. 116 LTF). Le recourant doit indiquer quel droit
constitutionnel aurait été violé et montrer, par une argumentation
circonstanciée, en quoi consiste la violation (ATF 133 III 439 consid. 3.2);
s'il soulève la violation d'un droit constitutionnel en relation avec
l'application du droit cantonal ou intercantonal, il doit préciser quelle est
la norme de ce droit qui est visée (ATF 110 Ia 1 consid. 2a). Le Tribunal
fédéral ne peut examiner la violation d'un droit de rang constitutionnel ou
un grief constitutionnel en relation avec l'application du droit cantonal ou
intercantonal que si le grief a été invoqué et suffisamment motivé dans
l'acte de recours (art. 117 et 106 al. 2 LTF; ATF 133 II 249 consid. 1.4.2;
133 III 638 consid. 2).

2.
Se plaignant d'application arbitraire de la maxime des débats ancrée aux art.
63 al. 1 et 66 al. 1 du Code de procédure civile valaisan du 24 mars 1998
(ci-après : CPC/VS; RS/VS 270.1), les recourants reprochent à la cour
cantonale d'avoir outrepassé son pouvoir et retenu des faits que les
demandeurs n'avaient pas allégués. Les demandeurs, en exposant l'état de fait
du litige, n'auraient rien précisé en rapport avec la privation de vue, mais
se seraient contentés dans la motivation de leur demande d'affirmer que,
jusque dans les années 80, leur chalet bénéficiait d'une vue imprenable sur
la plaine dont ils étaient actuellement privés en raison de la présence des
arbres. La cour cantonale aurait complété ces allégations en retenant que les
arbres masquaient, depuis la terrasse et le rez-de-chaussée du chalet, un
panorama magnifique sur la plaine du Rhône, le coteau nord formé de vignobles
et de petits villages, et la chaîne du versant nord des Alpes. Les
considérations des juges cantonaux sur les attraits touristiques de la zone
(région peu construite, zone de résidence secondaire appréciée pour sa
tranquillité, son aspect naturel et son panorama à 180°) seraient également
inédites et auraient été retenues en l'absence de toute allégation. Il ne
s'agissait pas non plus de faits tombant sous le coup de l'art. 66 al. 4
CPC/VS, qui traite des hypothèses dans lesquelles le juge peut tenir compte
de faits non allégués par les parties.

2.1 D'après la jurisprudence, une décision est arbitraire lorsqu'elle est
manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe
juridique clair et indiscuté, ou heurte de manière choquante le sentiment de
la justice et de l'équité; il ne suffit pas qu'une autre solution paraisse
concevable, voire préférable; pour que cette décision soit annulée, encore
faut-il qu'elle se révèle arbitraire, non seulement dans ses motifs, mais
aussi dans son résultat (ATF 132 III 209 consid. 2.1 et les arrêts cités). Le
Tribunal fédéral n'a pas à examiner quelle est l'interprétation correcte que
l'autorité cantonale aurait dû donner des dispositions applicables; il doit
uniquement dire si l'interprétation qui a été faite est défendable (ATF 132 I
13 consid. 5.1; 131 I 217 consid. 2.1).

Hormis les cas où le droit fédéral impose la maxime d'office, c'est le droit
cantonal de procédure qui détermine si et dans quelle mesure la maxime des
débats est admissible, à quel moment et sous quelle forme les allégués
doivent être présentés (ATF 108 II 337 consid. 2d).

En Valais, le procès civil est régi par la maxime des débats (art. 63 al. 1
CPC/VS). Selon l'art. 66 al. 1 CPC/VS, les parties doivent exposer au juge
l'état de fait concernant le litige et, dans les causes où la loi n'impose
pas la maxime d'office, seuls les faits allégués sont pris en compte. Les
parties doivent alléguer les faits en principe, dans les écritures, mais au
plus tard, jusqu'au débat préliminaire (art. 145 al. 1 CPC/VS; RVJ 2003 p.
148 consid. 3a). Les seuls tempéraments apportés à la règle du fardeau de
l'allégation des faits sont ceux prévus à l'art. 66 al. 4 CPC/VS qui prévoit
que le juge peut tenir compte des faits notoires, non particuliers à la
cause, des faits patents, implicitement admis par les parties et non allégués
par inadvertance, ainsi que des faits révélés par une expertise écrite. De
surcroît, s'il manque aux exposés, mémoires et écritures la clarté et la
précision exigée ou s'ils sont incomplets, le juge doit donner aux parties
l'occasion de corriger ces vices et peut y suppléer lui-même au moyen de
questions appropriées (art. 66 al. 3 CPC/VS).

Toutefois, lorsque l'application du droit matériel fédéral est en jeu,  c'est
celui-ci qui détermine si les faits fondant une prétention déduite du droit
fédéral ont été allégués de manière suffisamment précise (ATF 127 III 365
consid. 2b; 123 III 183 consid. 3e p. 188; 108 II 337 consid. 2 et 3). Les
exigences quant à la motivation en fait (Substanzierungspflicht) de la
prétention dépendent des éléments de fait constitutifs de la norme invoquée,
ainsi que du comportement procédural de la partie adverse; les faits doivent
être énoncés de manière suffisamment précise pour pouvoir être prouvés et
pour que la partie adverse puisse motiver sa contestation ou administrer la
contre-preuve (ATF 127 III 365 consid. 2b et les références citées).

2.2 En l'espèce, les recourants reprochent aux magistrats cantonaux d'avoir
tenu compte de faits non allégués. Ils considèrent que la partie adverse
devait donner les détails relatifs à l'intensité de la privation de vue. Dans
leur mémoire-demande, les intimés ont allégué que leur vue était masquée par
les arbres en faisant valoir qu'il s'agissait d'une immission excessive au
sens de l'art. 684 CC. Le Tribunal cantonal a ensuite opéré les constatations
incriminées sur la base des moyens de preuve requis régulièrement par les
parties, à savoir les photos, les témoignages, l'expertise et l'inspection
des lieux. Les allégations des intimés satisfaisaient à la charge de la
motivation en fait posées par le droit fédéral en ce sens qu'elles
permettaient au juge de statuer sur la prétention litigieuse. D'autre part,
elles étaient également suffisamment circonstanciées au regard du droit
cantonal de procédure, à savoir afin d'administrer les preuves permettant
d'élucider l'état de fait. Il faut relever que le droit cantonal ne doit pas
entraver d'une manière excessive l'application du droit fédéral. En ce sens,
il aurait été particulièrement formaliste de rejeter la demande pour défaut
de motivation sans avoir au préalable invité les intimés, conformément à
l'art. 66 al. 3 CPC/VS, à préciser leurs allégués (cf. François Perret, Le
fardeau de l'allégation : droit privé fédéral ou procédure civile cantonale?
in : Présence et actualité de la constitution dans l'ordre juridique, p. 257
ss, p. 276; Sträuli/Messmer, Kommentar zur zürcherischen Zivilprozessordnung,
3e éd., 1997, n. 14 ad § 113 dont la formulation est identique à celle de
l'art. 66 al. 3 CPC/VS). Dans ces conditions, on ne saurait reprocher aux
magistrats cantonaux une application arbitraire du droit de procédure
cantonal.

3.
Les recourants se plaignent également de violation du droit d'être entendu en
exposant qu'ils n'ont pas eu l'occasion de se déterminer sur les allégués ni
d'apporter de contre-preuves. Dès lors qu'ils ne prétendent pas que le droit
cantonal leur assurerait une protection plus étendue, leur moyen doit être
examiné à la lumière de la seule garantie constitutionnelle (ATF 127 III 193
consid. 3; 126 I 15 consid. 2a).

3.1 Ce droit, tel qu'il est garanti à l'art. 29 al. 2 Cst., comprend
notamment le droit pour l'intéressé de s'exprimer sur les éléments pertinents
avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, de
produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses
offres de preuve pertinentes, de participer à l'administration des preuves
essentielles ou, à tout le moins, de s'exprimer sur son résultat, lorsque
cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 129 II 497 consid.
2.2; 127 III 576 consid. 2c). Il n'y a pas de violation du droit de proposer
des moyens de preuve lorsqu'une possibilité efficace a été offerte, mais que
la partie a négligé d'en faire usage dans le délai imparti (cf. pour le droit
à la preuve de l'art. 8 CC: ATF 126 III 315 consid. 4a; 122 III 219 consid.
3c).

3.2 En l'espèce, les recourants ont eu l'occasion de se déterminer sur les
allégués qui figuraient dans les mémoires déposés par la partie adverse. Par
ailleurs, ils ont également eu la possibilité de proposer leurs moyens de
preuve jusqu'au débat préliminaire. On ne voit pas ce qui empêchait les
recourants de solliciter d'autres mesures probatoires. Dès lors qu'ils ont
disposé de la possibilité de proposer des preuves, leur droit d'être entendu
n'a pas été violé.

4.
En définitive, le recours constitutionnel subsidiaire est rejeté. Les frais
judiciaires, fixés à 2'500 fr., ainsi que les dépens, seront supportés par
les recourants qui succombent (art. 66 al. 1 et 68 al. 1 et 2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'500 fr., sont mis à la charge des
recourants, solidairement entre eux.

3.
Une indemnité de 2'500 fr., à payer à l'intimée à titre de dépens, est mise à
la charge des recourants, solidairement entre eux.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et au
Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour civile II.

Lausanne, le 18 février 2008

Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière:

Raselli  Rey-Mermet