Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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II. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 5A.8/2007
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5A_8/2007 - svc

Séance du 24 mai 2007
IIe Cour de droit civil

M. et Mmes les Juges Raselli, Président,
Escher et Hohl.
Greffier: M. Braconi.

X. ________,
recourante,

A.________, B.________ et C.________,
autres parties à la procédure cantonale,

contre

Commune de Y.________, intimée, représentée par
Me Luke H. Gillon, avocat,
Office des poursuites de la Sarine,
avenue de Beauregard 13, 1701 Fribourg.

demande de nouvelle estimation,

recours en matière civile contre l'arrêt de la
Chambre des poursuites et faillites
du Tribunal cantonal de l'État de Fribourg,
en qualité d'autorité de surveillance, du 8 janvier 2007.

Le Tribunal fédéral considère en fait et en droit:

1.
1.1 Dans le cadre d'une poursuite en réalisation d'un gage immobilier
introduite à l'encontre de propriétaires communs (i.e. A.________ et
consorts), la Commune de Y.________, titulaire d'une hypothèque légale, a
requis la vente de l'immeuble grevé (i.e. art. 221 du RF de la commune de
Y.________). Sur la base d'une expertise, celui-ci a été estimé à 1'000'000
fr. par l'Office des poursuites de la Sarine.

1.2 A.________, B.________ et C.________ ainsi que X.________ ont critiqué
l'estimation; en substance, ils ont reproché à l'office d'avoir englobé un
autre immeuble dans l'estimation (i.e. art. 224 du même RF), alors que, selon
l'extrait du registre foncier, le gage ne grève pas ce fonds.
Par arrêt du 8 janvier 2007, la Chambre des poursuites et faillites du
Tribunal cantonal de l'État de Fribourg, statuant en qualité d'autorité de
surveillance, a notamment fixé aux intéressés un délai de dix jours pour
effectuer solidairement une avance de frais de 3'000 fr., faute de quoi une
nouvelle expertise ne serait pas ordonnée.

1.3 Agissant par la voie du recours au sens des art. 19 LP et 75 ss OJ,
X.________ conclut à l'annulation de cette décision; à titre subsidiaire,
elle demande l'annulation du procès-verbal d'estimation du gage ou sa
rectification "en écartant l'art. 224 RF".

A. ________, B.________ et C.________ proposent l'admission du recours. La
juridiction cantonale, l'office des poursuites ainsi que la poursuivante ont
renoncé à formuler des observations; cette dernière a néanmoins conclu au
rejet du recours.
Par ordonnance du 19 février 2007, le Président de la IIe Cour de droit civil
a attribué l'effet suspensif au recours.

2.
La décision attaquée ayant été rendue après l'entrée en vigueur, le
1er janvier 2007 (RO 2006 1205, 1242), de la loi fédérale du 17 juin 2005 sur
le Tribunal fédéral (LTF; RS 173.110), le nouveau droit s'applique en
l'espèce (art. 132 al. 1 LTF), et non plus les art. 76 ss OJ (art. 131 al. 1
LTF).
Les règles quant à l'organisation du Tribunal fédéral sont d'application
immédiate, en sorte qu'il appartient désormais à la IIe Cour de droit civil
de connaître des recours précédemment tranchés par la Chambre des poursuites
et des faillites (art. 32 al. 1 let. c RTF; RO 2006 5635, 5646; RS
173.110.131).

3.
Le Tribunal fédéral examine d'office la recevabilité des recours qui lui sont
soumis (ATF 132 III 291 consid. 1 p. 292).

3.1 Aux termes de l'art. 19 LP - dans sa version en vigueur depuis le 1er
janvier 2007 (RO 2006 1205, 1246) -, le recours au Tribunal fédéral est régi
par la LTF, qui ouvre le recours en matière civile contre les décisions en
matière de poursuite pour dettes et de faillite (art. 72 al. 2 let. a LTF),
en particulier celles qui sont rendues sur plainte par les autorités
cantonales de surveillance (Message concernant la révision totale de
l'organisation judiciaire fédérale du 28 février 2001, FF 2001 p. 4105 ch.
4.1.3.1). D'après la jurisprudence, de telles décisions sont finales au sens
de l'art. 90 LTF, dès lors qu'elles ne peuvent plus être remises en
discussion dans la procédure de poursuite en cours (arrêts 5A_99/2007 du 3
mai 2007, consid. 1.2; 5A_16/2007 du 11 avril 2007, consid. 1.2, destiné à la
publication).

3.2 Le recours a été formé à temps (art. 100 al. 2 let. a LTF). Il est en
outre dirigé à l'encontre d'une décision prise en dernière instance par le
tribunal supérieur du canton (art. 75 al. 1 et 2 LTF). Enfin, la qualité pour
recourir de la plaignante n'est pas douteuse (art. 76 al. 1 LTF).

4.
4.1 Aux termes de l'art. 9 ORFI, applicable par renvoi de l'art. 99 ORFI,
l'estimation doit déterminer la valeur vénale présumée de l'immeuble et de
ses accessoires, sans égard au montant de la taxe cadastrale ou de la taxe de
l'assurance contre l'incendie (al. 1er); dans le délai de plainte (cf. art.
17 al. 2 LP), chacun des intéressés a le droit d'exiger, en s'adressant à
l'autorité de surveillance et moyennant avance des frais, qu'une nouvelle
estimation soit faite par des experts (al. 2).
La plainte visant à une "nouvelle estimation conforme à la réalité" doit être
traitée en tant que demande de nouvelle estimation par des experts au sens de
l'art. 9 al. 2 ORFI, lors même qu'elle ne se réfère pas à cette disposition
(ATF 110 III 69 consid. 3 p. 71); l'autorité de surveillance ne peut se
livrer à un contrôle de l'estimation de l'office ou de l'expert qu'il s'est
adjoint (ATF 60 III 189). En revanche, il n'y a pas de demande de nouvelle
estimation lorsqu'on reproche à l'office de s'être purement et simplement
fondé sur la "taxe fiscale" de l'immeuble et de n'avoir ainsi procédé à
"aucune estimation quelconque"; l'office doit alors estimer à nouveau
l'immeuble (ATF 73 III 52 p. 55). Ce qui est déterminant, c'est donc de
connaître si le litige porte sur les critères à prendre en compte dans
l'estimation (art. 9 al. 1 ORFI; cf. par exemple: ATF 120 III 79) ou sur la
valeur (vénale) d'estimation comme telle (art. 9 al. 2 ORFI).

4.2 En l'espèce, dans son écriture du 15 décembre 2006, expressément
intitulée "plainte" et se référant aux "art. 155, 95 et 17 LP", la recourante
a critiqué plusieurs points de l'expertise sur laquelle s'était fondé
l'office pour fixer la valeur d'estimation, en particulier l'inclusion d'une
parcelle franche d'hypothèque légale à teneur de l'extrait du registre
foncier; elle a conclu à la "constatation de la nullité", ou à
l'"annulation", de cette expertise, "également son résultat par procès-verbal
d'estimation", et à la "répétition de l'expertise [...] sans y adjoindre
l'art. 224 RF".

L'estimation concerne l'immeuble à réaliser (art. 99 al. 1 ORFI). Or, c'est
précisément là que réside le grief de la recourante: l'estimation comprend un
immeuble sur lequel la poursuivante n'est au bénéfice d'aucun droit de gage
et qui est, partant, soustrait à l'exécution forcée. La voie de la plainte
était, dès lors, manifestement ouverte en l'occurrence. L'office des
poursuites ne s'y est d'ailleurs pas trompé; dans les déterminations qu'il a
produites devant la juridiction précédente, il est parti du principe que
l'intéressée avait bien porté plainte contre l'estimation du gage (ch. 2.1),
concédant que sa "demande [...] de faire annuler l'expertise sur l'article no
224 [devait] être partiellement admise" (ch. 3.5).
4.3 Il s'ensuit que, en ordonnant une nouvelle expertise du gage au lieu de
statuer sur la plainte qui lui était soumise, l'autorité de surveillance a
commis un déni de justice, à savoir refusé, à tort, de se prononcer sur un
moyen de droit relevant de sa compétence. La prohibition du déni de justice
étant une garantie de nature formelle, la décision attaquée doit être annulée
indépendamment des chances de succès de la plainte sur le fond (arrêt
5P.33/2007 du 24 avril 2007, consid. 2.1 et la jurisprudence citée).

5.
En conclusion, le présent recours doit être admis, l'arrêt entrepris annulé
et la cause renvoyée à la juridiction précédente pour qu'elle statue sur la
plainte de la recourante (art. 107 al. 2 LTF). L'intimée, bien qu'elle ait
renoncé à présenter des observations, a néanmoins expressément conclu au
rejet du recours; cela étant, elle doit être considérée comme une partie qui
succombe (ATF 119 Ia 1 consid. 6b p. 3) et, à ce titre, condamnée aux frais
de justice (art. 66 al. 1 LTF). La recourante a agi sans le concours d'un
avocat et aucun motif particulier ne justifie de lui accorder une indemnité
(ATF 113 Ib 353 consid. 6b p. 356/357, dont les principes restent valables
sous l'empire de la LTF: Spühler/Dolge/Vock, BGG-Komm., n. 3 ad art. 68 LTF).
La même remarque vaut pour les autres parties intéressées à la procédure,
sans qu'il faille rechercher si elles pourraient se voir accorder des dépens
(cf. Poudret, COJ V, n. 2 ad art. 156 et n. 2 ad art. 159, avec les
références citées).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis, l'arrêt attaqué est annulé et l'affaire est renvoyée à
l'autorité précédente pour nouvelle décision.

2.
Un émolument judiciaire de 1'000 fr. est mis à la charge de l'intimée.

3.
Il n'est pas alloué de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties, à l'Office des
poursuites de la Sarine et à la Chambre des poursuites et faillites du
Tribunal cantonal de l'État de Fribourg.

Lausanne, le 24 mai 2007

Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

Le Président:  Le Greffier: