Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 5A.76/2007
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5A_76/2007 /svc

Arrêt du 30 mai 2007
IIe Cour de droit civil

M. et Mmes les Juges Raselli, Président,  Nordmann et Hohl.
Greffier: M. Fellay.

A. ________,
recourante, représentée par Me Dario Nikolic, avocat,

contre

B.________,
intimé, représenté par Me Patrice Riondel, avocat.

refus de mesures préprovisoires,

recours en matière civile contre l'ordonnance
du Tribunal de première instance du canton
de Genève du 5 février 2007.

Faits :

A.
B. ________ et A.________ se sont mariés au Kosovo en 2005 (6 janvier selon
l'ordonnance attaquée, 6 décembre selon les pièces déposées par l'intimé).
Une enfant est issue de cette union, C.________, née en 2006.

Le 8 décembre 2006, l'épouse a déposé auprès du Tribunal de première instance
du canton de Genève une requête de mesures protectrices de l'union conjugale
et a sollicité le prononcé de mesures préprovisoires urgentes. A l'audience
du 8 janvier 2007, le mari a indiqué avoir engagé une procédure en divorce au
Kosovo, laquelle aurait abouti au prononcé d'un jugement de divorce devant
lui être communiqué incessamment, et a documenté ses allégations par
plusieurs pièces. L'épouse a été déboutée de ses conclusions sur mesures
préprovisoires par ordonnance du 8 janvier 2007, pour le motif qu'une requête
de mesures protectrices de l'union conjugale postérieure à l'ouverture d'une
procédure en divorce n'était pas recevable.

B.
Le 20 janvier 2007, l'épouse a sollicité à nouveau le prononcé de mesures
préprovisoires urgentes, en reprenant ses conclusions originelles. A l'appui
de sa requête, elle a produit une correspondance de l'Office cantonal de la
population, à teneur de laquelle cette administration ne reconnaissait pas le
jugement de divorce prononcé à Pristina, tant et aussi longtemps que
l'exequatur de ce jugement n'avait pas été prononcé par l'autorité judiciaire
genevoise.

Statuant le 5 février 2007, après avoir entendu l'épouse et son conseil, le
Tribunal de première instance a rejeté la requête. Il a considéré que le
document de l'Office cantonal de la population ne constituait pas un élément
nouveau, que cette administration n'était pas l'autorité compétente pour
prononcer l'exequatur d'un jugement, que pour le surplus, le prononcé de
mesures protectrices de l'union conjugale postérieurement à l'ouverture d'une
procédure en divorce n'était pas possible et que, a fortiori, il en allait de
même pour les mesures préprovisoires sollicitées dans le cadre des mesures
protectrices de l'union conjugale.

C.
Par acte du 9 mars 2007, l'épouse a interjeté auprès du Tribunal fédéral un
"recours en matière civile, subsidiairement recours constitutionnel
subsidiaire". Elle conclut à l'annulation de l'ordonnance du Tribunal de
première instance du 5 février 2007 et requiert diverses mesures
préprovisoires urgentes (attribution de la garde sur l'enfant sous réserve
d'un droit de visite, instauration d'une curatelle de surveillance et
d'organisation des relations personnelles, attribution de la jouissance du
domicile conjugal, allocation de contributions d'entretien). La recourante
demande, en outre, l'assistance judiciaire.

Le mari conclut à la confirmation de l'ordonnance attaquée.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
La décision attaquée ayant été rendue après l'entrée en vigueur, le 1er
janvier 2007 (RO 2006 1242), de la loi fédérale du 17 juin 2005 sur le
Tribunal fédéral (LTF; RS 173.110), le recours est régi par le nouveau droit
(art. 132 al. 1 LTF).

2.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 132 I 140 consid. 1.1; 132 III 291 consid. 1).

2.1 Le recours est recevable contre les décisions finales, c'est-à-dire qui
mettent fin à la procédure (art. 90 LTF).

Contrairement à la jurisprudence rendue sous l'empire de la loi fédérale
d'organisation judiciaire du 16 décembre 1943 (OJ), qui déniait la qualité de
décisions finales selon l'art. 48 OJ aux décisions sur mesures protectrices
de l'union conjugale prises en dernière instance cantonale (ATF 127 III 474
consid. 2 p. 476 ss), la jurisprudence relative à la loi sur le Tribunal
fédéral du 17 juin 2005 qualifie désormais ces décisions de finales au sens
de l'art. 90 LTF (arrêt 5A_52/2007 du 22 mai 2007 destiné à la publication,
consid. 4; cf. Message du Conseil fédéral du 28 février 2001 concernant la
révision totale de l'organisation judiciaire fédérale, FF 2001 p. 4129 ch.
4.1.4.1). Doit, à plus forte raison, être qualifiée de finale la décision
qui, comme en l'espèce, rejette parce qu'irrecevable une requête de mesures
protectrices de l'union conjugale préprovisoires urgentes et qui empêche donc
définitivement le requérant d'obtenir une décision sur son droit à de telles
mesures.

2.2 Interjeté par la partie qui a été déboutée de ses conclusions visant à
obtenir des mesures protectrices de l'union conjugale, notamment la garde de
son enfant, contre une décision finale  rendue après une première audition
des époux, soit en dernière instance cantonale (art. 381 al. 3 et 4 CPC/GE;
cf. ATF 120 Ia 61 et arrêt 5P238/2003 du 17 novembre 2003), dans une affaire
civile non pécuniaire (cf. arrêt 5A_108/2007 du 11 mai 2007 consid. 1.2), le
présent recours est recevable au regard des art. 72 al. 1, 75, 76 al. 1 et 90
LTF. Il a en outre été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et en la
forme prévue par la loi (art. 42 LTF).

2.3 Le recours en matière civile peut être formé pour violation du droit
fédéral, y compris le droit constitutionnel (art. 95 let. a LTF; Message du
Conseil fédéral, FF 2001 p. 4132 ch. 4.1.4.2). Dans le cas du recours formé
contre des mesures provisionnelles, seule peut être invoquée la violation des
droits constitutionnels (art. 98 LTF).

Les décisions cantonales qui ordonnent ou refusent des mesures protectrices
de l'union conjugale ne revêtent en règle  générale qu'un caractère
provisoire. En effet, les mesures prévues aux art. 172 ss CC pour protéger
l'union conjugale ne restent en vigueur qu'aussi longtemps que des
circonstances extraordinaires exigent leur maintien: si les époux reprennent
la vie commune, les mesures ordonnées en vue de la vie séparée deviennent
caduques en vertu de la loi, à l'exception de la séparation de biens et des
mesures de protection des enfants (art. 179 al. 2 CC). Si les circonstances
se modifient, le tribunal peut, à la requête de l'un des époux, adapter ou
rapporter les mesures, lorsqu'elles ont perdu leur raison d'être (art. 179
al. 1 CC). La plus grande facilité avec laquelle les mesures protectrices de
l'union conjugale peuvent être modifiées, en comparaison avec les autres
jugements au fond, est l'une des raisons pour lesquelles elles n'acquièrent
pas la force de chose jugée matérielle (ATF 127 III 474 consid. 2b/aa p. 477
et les références). Alors qu'un jugement au fond revêtu de la pleine force de
chose jugée présuppose une élucidation approfondie et complète de l'état de
fait, les mesures protectrices de l'union conjugale se caractérisent par le
fait qu'elles sont en règle générale ordonnées dans une procédure sommaire,
où il suffit notamment de rendre les faits vraisemblables (même arrêt,
consid. 2b/bb p. 478). Par ailleurs, depuis l'entrée en vigueur du nouveau
droit du divorce (1er janvier 2000), les mesures protectrices de l'union
conjugale servent de plus en plus à régler les conséquences de la séparation
nécessaire (4 ans à l'origine, 2 ans depuis le 1er juin 2004) pour un divorce
selon l'art. 114 CC et ont, de ce point de vue, la même signification que les
mesures provisoires ordonnées pour la durée de la procédure de divorce sur la
base de l'art. 137 CC. Au demeurant, des mesures protectrices de l'union
conjugale prises avant l'ouverture de l'action en divorce restent en vigueur
tant qu'elles n'ont pas été modifiées par des mesures provisoires selon
l'art. 137 al. 2 CC (ATF 129 III 60 consid. 2).

C'est pour ces raisons que la jurisprudence récente soumet à l'art. 98 LTF,
par principe, également les décisions de mesures protectrices de l'union
conjugale (arrêt 5A_52/2007 déjà cité, consid. 5). Une exception à ce
principe, telle qu'elle pourrait être envisagée par exemple en présence d'une
décision du juge ordonnant la séparation de biens (art. 176 al. 1 ch. 3 CC)
ou accordant une autorisation en vertu de l'art. 169 al. 2 CC (cf. ATF 127
III 474 consid. 2b/aa in fine; arrêt 5A_52/2007 déjà cité, consid. 5.2),
n'entre pas en ligne de compte dans le cas particulier.

Il s'ensuit que la recourante ne peut invoquer que la violation de ses droits
constitutionnels (art. 98 LTF).

3.
La recourante fait valoir que l'ordonnance attaquée est arbitraire (art. 9
Cst.), consacre un déni de justice (art. 29A Cst. et art. 6 § 1 CEDH) et
viole le droit à des conditions minimales d'existence (art. 12 Cst.) ainsi
que le principe de la force dérogatoire du droit fédéral (art. 49 al. 1 Cst.)
3.1 Selon la jurisprudence, l'introduction d'une procédure de divorce à
l'étranger ne rend pas caduques les mesures protectrices de l'union conjugale
déjà prises en Suisse et le juge suisse ne cesse d'être compétent que si le
juge étranger a ordonné des mesures provisionnelles et que celles-ci ont été
déclarées exécutoires en Suisse (ATF 104 II 246). Cette jurisprudence, rendue
en 1978 et confirmée en 1983 (arrêt P.147/1983 du 27 mai 1983, publié in Rep
1984 p. 272), continue à s'appliquer sous l'empire de la loi fédérale sur le
droit international privé (LDIP) entrée en vigueur le 1er janvier 1989 (cf.
arrêt non publié 5P.226/2000 du 27 juillet 2000; Bernard Dutoit, Commentaire
de la loi fédérale du 18 décembre 1987, 4ème éd., n. 4 ad art. 46 LDIP;
Andreas Bucher, Droit international privé suisse, Tome II 1992, n. 414 et
538).

En l'espèce, l'intimé s'est prévalu, devant le juge genevois des mesures
protectrices, d'un jugement de divorce prononcé au Kosovo, mais sans établir
que ce jugement avait été reconnu et déclaré exécutoire en Suisse. Le juge
genevois saisi était donc compétent pour statuer sur les mesures protectrices
requises et il le reste tant que le jugement de divorce en question n'a pas
été reconnu en Suisse selon la procédure des art. 25 ss LDIP ou qu'il devrait
l'être en vertu d'une convention internationale (ATF 109 Ib 232 consid. 2b
p. 237 s.). Les pièces invoquées et produites dans ce contexte par l'intimé
sont irrecevables, parce que nouvelles, en vertu de l'art. 99 LTF.

3.2 Selon la jurisprudence rendue en application de l'art. 4 aCst., qui garde
toute sa valeur sous l'empire de l'art. 29 al. 1 Cst., une autorité de
jugement commet un déni de justice formel si elle refuse indûment de se
prononcer sur une requête dont l'examen relève de sa compétence (ATF
125 III 440 consid. 2a; 118 Ib 381 consid. 2b/bb; 117 Ia 116 consid. 3a et
les arrêts cités).

En refusant de rendre des mesures protectrices de l'union conjugale en
l'occurrence, alors qu'il était compétent à cet effet (consid. 3.1
ci-dessus), le Tribunal de première instance a commis un déni de justice
formel. La décision attaquée doit par conséquent être annulée et la cause
renvoyée audit tribunal pour nouvelle instruction et nouveau jugement.

L'admission du recours pour ce motif rend superflu l'examen des autres griefs
soulevés par la recourante.

4.
L'intimé, qui succombe, doit supporter les frais de justice (art. 66 al. 1
LTF) et verser à la recourante une indemnité à titre de dépens (art. 68 LTF).

Autant qu'elle n'est pas sans objet, la demande d'assistance judiciaire de la
recourante doit être admise.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis, l'ordonnance attaquée est annulée et la cause est
renvoyée au Tribunal de première instance du canton de Genève pour nouvelle
instruction et nouveau jugement dans le sens des considérants.

2.
Autant qu'elle n'est pas sans objet, la demande d'assistance judiciaire est
admise et Me Dario Nikolic est désigné comme avocat d'office de la recourante
pour la procédure fédérale.

3.
Un émolument judiciaire de 1'500 fr. est mis à la charge de l'intimé.

4.
L'intimé versera à la recourante une indemnité de 1'500 fr. à titre de
dépens. Au cas où ces dépens ne pourraient être recouvrés, la Caisse du
Tribunal fédéral versera à Me Dario Nikolic une indemnité de 1'500 fr. à
titre d'honoraires.

5.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et au
Tribunal de première instance du canton de Genève.

Lausanne, le 30 mai 2007

Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: