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II. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 5A.759/2007
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
5A_759/2007 - svc

Arrêt du 20 août 2008
IIe Cour de droit civil

Composition
MM. et Mme les Juges Raselli, Président,
Hohl et Marazzi.
Greffière: Mme Rey-Mermet.

Parties
X.________,
recourant, représenté par Me Jean-Luc Tschumy, avocat,

contre

Etat de Vaud, Communes de A.________,
B.________ et C.________, Confédération Suisse,
p.a. Administration cantonale des impôts,
1014 Lausanne Adm cant VD,
intimé,

Office des poursuites et faillites de l'arrondissement de Morges-Aubonne, 1110
Morges 1.

Objet
faillite sans poursuite préalable,

recours contre l'arrêt de la Cour des poursuites et faillites du Tribunal
cantonal vaudois du 20 septembre 2007.

Faits:

A.
Le 16 janvier 2007, l'Etat de Vaud, les communes de A.________, B.________ et
C.________ ainsi que la Confédération helvétique, représentés par
l'Administration cantonale des impôts (ci-après : l'ACI) ont requis la faillite
sans poursuite préalable de X.________. A l'appui de leur requête, ils ont
invoqué l'art. 190 al. 1 ch. 1, 2ème hypothèse, LP, en soutenant que le
débiteur avait fui à l'étranger afin de se soutraire à ses dettes fiscales.
Selon les décomptes produits, X.________ est débiteur envers ces collectivités
de 1'076'711 fr. 15.
Par décision du 20 février 2007, la Présidente du Tribunal d'arrondissement de
la Côte, statuant comme autorité de première instance en matière sommaire de
poursuites, a rejeté la requête de faillite. Elle a considéré qu'elle n'était
pas compétente à raison du lieu au vu du domicile belge du débiteur, qui
excluait selon elle l'existence d'un for en Suisse.

B.
Par arrêt du 20 septembre 2007, la Cour des poursuites et faillites du Tribunal
cantonal vaudois a admis le recours formé par les créancières et prononcé la
faillite de X.________ avec effet au même jour à 9h20.

C.
X.________ forme un recours en matière civile au Tribunal fédéral. Il conclut à
la modification de l'arrêt attaqué en ce sens que la requête de faillite est
rejetée.
Par ordonnance du 10 janvier 2008, le président de la cour de céans a admis la
requête d'effet suspensif en ce qui concerne la procédure de réalisation des
biens au sens des art. 252 ss LP et l'a rejetée pour le surplus.
Des déterminations sur le fond n'ont pas été requises.

Considérant en droit:

1.
Interjeté par une partie qui a succombé dans ses conclusions prises devant
l'autorité précédente (art. 76 al. 1 LTF) et dirigé contre une décision finale
(art. 90 LTF; ATF 133 III 687 consid. 1.2) rendue en matière de poursuite pour
dettes et de faillite (art. 72 al. 2 let. a LTF) par une autorité cantonale de
dernière instance (art. 75 al. 1 LTF), le recours est recevable indépendamment
de la valeur litigieuse (art. 74 al. 2 let. d LTF). Il a en outre été déposé
dans le délai légal (art. 100 al. 1 LTF).

2.
Examinant la question de la compétence territoriale du juge de la faillite,
l'autorité cantonale a exclu l'existence d'un domicile du recourant en Suisse
(art. 46 LP), celui-ci ayant quitté le pays depuis plusieurs années. Elle a
également écarté l'existence d'un domicile belge allégué par le débiteur. En
revanche, elle a déduit de l'ensemble des circonstances que celui-ci avait pris
la fuite dans le but de léser ses créanciers, ce qui permettait de fixer le for
de la faillite au lieu de son dernier domicile en Suisse (art. 54 LP). La cour
cantonale a ensuite considéré que les conditions matérielles d'application de
l'art. 190 al. 1 ch. 1 LP, à savoir l'existence d'une fuite du débiteur dans
l'intention de léser ses créanciers et le fait que le recourant n'avait pas
établi avoir payé la créance qui avait fondé la procédure de faillite, étaient
réunies; il a par conséquent prononcé la faillite du débiteur.

3.
Le recourant est d'avis que les conditions matérielles d'application de l'art.
190 al. 1 ch. 1, hypothèse 2, LP, ne sont pas remplies; plus précisément, il
conteste avoir pris la fuite dans l'intention de se soustraire à ses
engagements.

3.1 Aux termes de l'art. 190 al. 1 ch. 1 LP, le créancier peut requérir la
faillite sans poursuite préalable si le débiteur a pris la fuite dans
l'intention de se soustraire à ses engagements (2ème hypothèse). Un simple
transfert de domicile à l'étranger ne suffit pas. Il faut des indices que la
fuite a pour fin de léser les créanciers (arrêt 5P.91/2004 du 24 septembre 2004
consid. 7 et les réf. citées). Cette intention se déduit généralement des
modalités du transfert; par exemple, le débiteur est parti sans laisser
d'adresse, il ne s'est pas constitué de nouveau domicile fixe, il emporte des
biens ou il en dispose de manière inhabituelle. En cas de fuite du débiteur au
sens de l'art. 190 al. 1 ch. 1, 2ème hypothèse LP, le juge compétent à raison
du lieu pour prononcer la faillite est celui de son dernier domicile (art. 54
LP), même si le lieu de résidence du débiteur ou son nouveau domicile à
l'étranger est connu (arrêt 7B.241/2005 consid. 4.2 du 6 mars 2006 et les réf.
citées); l'art. 54 LP n'a pas de portée propre par rapport à l'art. 190 LP
(arrêt 5P.91/2004 du 24 septembre 2004 consid. 6.1).

3.2 En l'espèce, selon les constatations de l'arrêt entrepris, le 16 janvier
2003, dans le cadre d'une procédure ouverte contre le recourant et son épouse
pour soustraction d'impôt, l'ACI leur a notifié une décision de redressement
fiscal portant sur un montant total de 1'814'917 fr. En mai 2003, le recourant
a fait don à ses deux filles, nées respectivement en 1982 et 1988, des biens
immobiliers sis en Suisse, dont la valeur fiscale était de 12'000'000 fr. Le 2
juin 2003, le recourant a annoncé son départ de Suisse avec effet rétroactif au
31 mars 2003 au contrôle des habitants de la commune de A.________. Le 25 juin
suivant, l'ACI a notifié aux époux X.________ les décisions de taxation
définitive portant sur un montant de 313'560 fr. 40 prises à la suite de la
liquidation de la SI Y.________. Dans le cadre de saisies opérées les 2
novembre 2004 et 7 janvier 2005, l'épouse a déclaré à l'Office des poursuites
de Morges qu'elle était séparée de son mari, vivait chez ses filles à leur
charge et ne disposait d'aucune ressource financière propre ni de fortune; elle
ne possédait que ses effets personnels puisque même le mobilier garnissant
l'appartement appartenait à ses filles.
Il apparaît ainsi que le départ du débiteur est accompagné en l'espèce de
manoeuvres qui ont pour conséquence de mettre en péril le recouvrement de la
prétention des créancières. Ainsi, les donations ont pour effet de priver
matériellement les créancières de la possibilité de requérir un séquestre sur
ces biens. La séparation du couple et l'absence soudaine de ressources de
l'épouse empêchent également les créancières de la rechercher pour la dette
d'impôt. L'ensemble de ces circonstances et leur chronologie, à savoir la
notification de la décision du 16 janvier 2003 par laquelle le recourant a
appris l'importance de sa dette d'impôt suivie du transfert de ses biens
immobiliers sis en Suisse au nom de ses filles, du départ du recourant pour
l'étranger, de la séparation du couple et de la prétendue absence de ressources
de l'épouse constituent un faisceau d'indices suffisants pour retenir que
l'intéressé a pris la fuite dans le but de léser ses créanciers.

3.3 Le recourant objecte qu'il appartenait aux créancières d'apporter la preuve
stricte que les donations à ses filles étaient des actes révocables, la
vraisemblance ne suffisant pas.
L'autorité cantonale a observé qu'à défaut de justification commerciale, le but
de ces donations apparaissait de manière suffisamment vraisemblable comme étant
de nature à favoriser un proche et de rendre plus difficile le règlement des
dettes envers les créanciers; elle a ajouté que ces donations étaient
vraisemblablement révocables en application de l'art. 288 LP. La référence à
cette disposition soulignait uniquement le fait qu'elle partage avec la
faillite sans poursuite préalable de l'art. 190 al. 1 ch. 1 LP un élément
constitutif, à savoir l'intention du débiteur de porter préjudice à ses
créanciers. La question de savoir si l'acte est révocable au sens de l'art. 288
LP n'a pour le reste pas à être tranchée dans l'examen des conditions
matérielles de l'art. 190 al. 1 ch. 1 LP.

3.4 Le recourant prétend ensuite que son paiement de 1'200'000 fr. effectué le
4 juin 2003, soit alors que la taxation n'était pas encore définitive, montre
qu'il voulait régulariser sa situation et qu'il n'avait donc pas l'intention de
se soustraire à ses engagements. Il méconnaît que, après ce premier paiement,
le solde de sa dette dépassait encore le million de francs, qui comprenait
notamment une amende de 638'750 fr., laquelle a été confirmée en grande partie
par le Tribunal administratif du canton de Vaud. L'importance de cette créance
résiduelle, le départ de Suisse du débiteur et les libéralités faites en faveur
de ses enfants pouvaient donc être considérés comme des indices suffisants à
démontrer l'existence d'une intention de se soustraire à ses engagements.

3.5 Enfin, le recourant est d'avis que sa situation conjugale ne joue aucun
rôle; il affirme qu'on ne peut mettre en doute sa séparation car l'autorité
fiscale en aurait tenu compte dès 2003. Fondé sur un fait non constaté dans
l'arrêt cantonal, à savoir la prise en compte par les autorités fiscales de la
séparation des époux, l'argumentation est irrecevable. Enfin, ajoutés aux
autres circonstances décrites ci-dessus (départ de l'époux pour l'étranger,
donations à ses filles), la séparation alléguée du couple et la soudaine
insolvabilité de l'épouse contrainte de vivre à la charge de ses filles dont
l'une était encore aux études contribuent à léser les créanciers et peuvent
donc être comprises comme des indices de l'intention du débiteur de se
soustraire à ses obligations.

3.6 Le débiteur ne faisant par ailleurs valoir aucun moyen libératoire, en
particulier l'extinction de la créance alléguée par les intimés, les conditions
d'application de l'art. 190 al. 1 ch. 1 LP sont réunies. Le for de la faillite
est donc effectivement situé en Suisse en vertu de l'art. 54 al. 1 LP,
indépendamment du fait que le débiteur se soit créé ou non un nouveau domicile
en Belgique (cf. consid. 3.1 supra). Par conséquent, il n'est pas nécessaire
d'examiner le grief pris de la violation de l'art. 54 LP par lequel le
recourant conteste l'existence d'un for de la faillite en Suisse au motif qu'il
aurait transféré son domicile en Belgique.

4.
Vu ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est
recevable. Le recourant qui succombe supportera les frais judiciaires (art. 66
al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens aux intimés qui n'ont pas été
invités à répondre (art. 68 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour des poursuites et
faillites du Tribunal cantonal vaudois.

Lausanne, le 20 août 2008

Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:

Raselli Rey-Mermet