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II. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 5A.739/2007
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Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
5A_739/2007

Arrêt du 26 février 2008
IIe Cour de droit civil

Composition
MM. et Mme les Juges Raselli, Président,
Meyer et Hohl.
Greffier: M. Braconi.

Parties
X.________,
recourante, représentée par Me Pierre Fauconnet, avocat,

contre

Y.________,
intimé, représenté par Me Nicolas Droz,
Office des poursuites de Genève,
intimé.

Objet
suspension (procédure de plainte),

recours contre l'ordonnance de la Commission de surveillance des offices des
poursuites et des faillites du canton de Genève du 10 décembre 2007.

Faits:

A.
A.a Sur réquisition de X.________, l'Office des poursuites et des faillites de
Genève a notifié à Y.________ un commandement de payer la somme de 200'000 fr.
avec intérêts (poursuite n0 xxxx).

Le 6 février 2007, le Tribunal de première instance de Genève a prononcé la
mainlevée provisoire de l'opposition formée par le poursuivi. Le 4 avril
suivant, celui-ci a déposé devant cette autorité une action en libération de
dette assortie d'une requête de restitution de délai et d'une demande
reconventionnelle (cause C/6933/2007 12C).

Donnant suite à la requête de la poursuivante, l'office a notifié une
commination de faillite au poursuivi; l'acte a été remis à son épouse le 27
avril 2007.
A.b Le 7 mai 2007, le poursuivi a porté plainte à la Commission de surveillance
des Offices des poursuites et des faillites du canton de Genève, en requérant
l'effet suspensif. Par ordonnance du 9 mai 2007, la Présidente de la Commission
de surveillance a accordé l'effet suspensif et suspendu la cause, en l'état,
jusqu'à droit jugé par le Tribunal de première instance dans la cause C/6933/
2007 12C.

Statuant le 18 septembre 2007 (arrêt 5A_244/2007), le Tribunal fédéral a annulé
cette ordonnance pour violation du droit d'être entendu et renvoyé la cause à
la Présidente de la Commission de surveillance.
A.c Le 1er novembre 2007, le Tribunal de première instance a déclaré
irrecevable l'action en libération de dette pour cause de tardiveté. Le 6
décembre 2007, le poursuivi a fait appel de ce jugement à la Cour de justice.

B.
Statuant à nouveau après instruction le 10 décembre 2007, la Présidente de la
Commission de surveillance a ordonné la suspension de l'instruction de la cause
jusqu'à droit jugé sur l'action en libération de dette avec requête en
restitution du délai et demande reconventionnelle.

C.
X.________ exerce un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre cette
ordonnance, concluant à son annulation ainsi qu'au renvoi de la cause à la
Commission de surveillance pour instruction et décision sur la plainte.
La Présidente de la juridiction cantonale et l'office des poursuites ont
renoncé à répondre; l'intimée conclut au rejet du recours.

Considérant en droit:

1.
Dans son précédent arrêt, la Cour de céans a retenu que l'ordonnance entreprise
constituait une décision incidente, de nature provisionnelle (art. 98 LTF), qui
était susceptible d'entraîner un préjudice irréparable pour la recourante (art.
93 al. 1 let. a LTF). Il n'y a pas lieu d'y revenir (arrêt 5A_244/2007, consid.
1 et 2).

2.
2.1 La Présidente de la Commission de surveillance a constaté que le débiteur
poursuivi avait ouvert le 4 avril 2007, certes après le délai de 20 jours de
l'art. 83 al. 2 LP, une action en libération de dette, avec requête de
restitution de délai et demande reconventionnelle, que le Tribunal de première
instance a déclarée irrecevable le 1er novembre 2007; un appel étant pendant
devant la Cour de justice, ce jugement n'est donc pas encore passé en force
(art. 302 LPC/GE). La Présidente s'est fondée sur l'art. 13 al. 5 LaLP/GE, qui
renvoie à l'art. 14 al. 1 LPA/GE, à teneur duquel, lorsque le sort d'une
procédure administrative dépend de la solution d'une question de nature civile,
pénale ou administrative relevant de la compétence d'une autre autorité et
faisant l'objet d'une procédure pendante devant ladite autorité, la suspension
de la procédure administrative peut, le cas échéant, être prononcée jusqu'à
droit connu sur ces questions. Elle a considéré que l'introduction de l'action
en libération de dette, assortie d'une requête de restitution de délai selon
l'art. 33 al. 4 LP, a pour effet d'arrêter le cours de la poursuite, en ce sens
que le poursuivant qui a obtenu la mainlevée provisoire ne peut, si la
poursuite se continue par voie de faillite, requérir ni la continuation de la
poursuite ni la faillite; elle a dès lors admis que le débiteur a un intérêt
prépondérant à ce que sa faillite ne soit pas prononcée jusqu'à droit connu sur
le fond, en sorte qu'il se justifie de suspendre l'instruction de la cause sur
la plainte contre la commination de faillite jusqu'à droit connu sur l'action
en libération de dette.

2.2 La recourante soutient qu'il est arbitraire (art. 9 Cst.) de déclarer
l'instruction de la cause suspendue, car aucune décision sur les conclusions au
fond ne peut ainsi être rendue; elle rappelle d'ailleurs que l'action en
libération de dette a été déclarée irrecevable par le Tribunal de première
instance, mais que le poursuivi a interjeté appel. Elle estime que le sort de
la plainte LP ne dépend nullement de la solution de la question civile qui fait
l'objet de l'action en libération de dette, si bien qu'il est arbitraire
d'avoir suspendu l'instruction de la cause jusqu'à droit jugé sur cette action.
Comme la restitution de délai pour agir en libération de dette ne peut pas
révoquer la mainlevée - devenue désormais définitive -, il y aurait aussi
application arbitraire de l'art. 83 al. 3 LP. Elle affirme enfin que la
Présidente de l'autorité cantonale n'a pas expliqué suffisamment quel intérêt
du poursuivi serait prépondérant par rapport à son propre intérêt à pouvoir
continuer la poursuite.

L'intimé prétend que les conditions posées par l'art. 14 LPA/GE sont remplies.
La Commission de surveillance n'est pas compétente pour prendre position sur la
question de la restitution du délai et de la prétention faisant l'objet de
l'action en libération de dette, et il existe une connexité certaine entre le
droit de fond et la procédure de commination de faillite. Il estime avoir un
intérêt prépondérant à ce que sa faillite ne soit pas déclarée et à ne pas être
contraint de payer, et d'agir ensuite en répétition de l'indu, pour l'éviter.
Il relève qu'une société G.________ SA a ouvert une action en libération de
dette et appelé en cause la recourante.

3.
3.1 Dès réception de la réquisition de continuer la poursuite, l'office des
poursuites adresse sans retard la commination de faillite au débiteur (art. 159
LP). A l'expiration du délai de vingt jours de la notification de la
commination de faillite, le créancier peut requérir du juge la déclaration de
faillite (art. 166 al. 1 LP). Le juge statue sans retard et même en l'absence
des parties; il doit prononcer la faillite sauf dans les cas mentionnés aux
art. 172 à 173a LP (art. 171 LP).

Conformément à ces dispositions, le juge doit, en particulier, rejeter la
réquisition de faillite (art. 172 LP) lorsque l'autorité de surveillance a
annulé la commination de faillite (ch. 1) ou qu'il a été accordé au débiteur la
restitution d'un délai en vertu de l'art. 33 al. 4 LP (ch. 2). En revanche, il
doit ajourner sa décision lorsque la suspension de la poursuite a été ordonnée
par l'autorité de surveillance saisie d'une plainte ou par le juge selon les
art. 85 ou 85a al. 2 LP (art. 173 al. 1 LP). Les cas d'ajournement de la
faillite ne sont cependant pas exhaustivement énumérés à l'art. 173 LP
(Gilliéron, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la
faillite, III, n. 8 ad art. 173 LP Cometta, Commentaire romand, Poursuite et
faillite, n. 2 ad art. 173 LP). Le juge peut notamment prononcer l'ajournement
lorsque le poursuivi apporte la preuve du dépôt d'une requête de restitution de
délai au sens de l'art. 33 al. 4 LP (Cometta, op. cit., n. 5 ad art. 172 et n.
2 ad art. 173 LP; Jaeger/Walder/Kull/Kottmann, SchKG, 4e éd., n. 9 ad art. 172
LP).

Selon la jurisprudence, la suspension provisoire selon l'art. 85a al. 2 ch. 2
LP, qui conduit à l'ajournement de la faillite en vertu de l'art. 173 al. 1 LP,
ne peut être ordonnée qu'après la notification de la commination de faillite,
parce que le juge doit laisser, dans un premier temps, la poursuite suivre son
cours jusqu'au moment où le créancier peut requérir un inventaire des biens du
débiteur au sens de l'art. 162 LP ou des mesures conservatoires fondées sur
l'art. 170 LP (ATF 133 III 684 consid. 3.1). Il doit en aller de même
lorsqu'une demande de restitution du délai pour ouvrir action en libération de
dette est formée. Si, dans ce cas, l'inventaire de l'art. 162 LP peut être
requis dès que la mainlevée provisoire a été accordée (art. 83 al. 1 in fine
LP), la poursuite doit néanmoins suivre son cours jusqu'après la notification
de la commination de faillite, comme le prévoit expressément l'art. 85a al. 2
ch. 2 LP, afin que le poursuivant puisse obtenir une garantie pour sa créance
par le biais des mesures conservatoires de l'art. 170 LP. Le cours de la
procédure de poursuite est ainsi réglé par le droit fédéral; le droit cantonal
ne saurait y déroger.

3.2 Bien que la recourante ne cite pas explicitement l'art. 49 al. 1 Cst., qui
consacre le principe de la primauté du droit fédéral, on voit clairement que,
sous couvert d'application arbitraire du droit fédéral, elle se plaint en
réalité de ce que l'application de la procédure cantonale entrave l'application
du droit fédéral. En effet, la présente suspension de la procédure de plainte
en application de l'art. 14 al. 1 LPA/GE interfère dans le cours de la
poursuite et viole le droit fédéral. Partant, il y a lieu d'admettre le
recours, d'annuler l'ordonnance entreprise et d'inviter la Commission de
surveillance à procéder sur la plainte sans attendre la décision de la Cour de
justice sur la question de la tardiveté de l'action en libération de dette.

4.
Vu le sort du présent recours, les frais judiciaires et les dépens doivent être
mis à la charge de l'intimé, qui succombe (art. 66 al. 1, 68 al. 1 et 2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis, l'ordonnance attaquée est annulée et la Commission de
surveillance des offices des poursuites et des faillites est invitée à procéder
sur la plainte déposée le 7 mai 2007 par Y.________.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de l'intimé.

3.
Une indemnité de 2'000 fr., à payer à la recourante à titre de dépens, est mise
à la charge de l'intimé.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Commission de surveillance
des offices des poursuites et des faillites du canton de Genève ainsi qu'à
l'Office des poursuites de Genève.
Lausanne, le 26 février 2008
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Raselli Braconi