Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 5A.735/2007
Zurück zum Index II. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 2007
Retour à l'indice II. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 2007


5A_735/2007

Arrêt du 28 janvier 2008
IIe Cour de droit civil

M. et Mmes les Juges Raselli, Président,
Hohl et Jacquemoud-Rossari.
Greffière: Mme Mairot.

Dame X.________, (épouse),
recourante, représentée par Me Irène Wettstein Martin, avocate,

contre

X.________, (époux),
intimé, représenté par Me Albert J. Graf, avocat,

divorce,

recours contre l'arrêt de la Chambre des recours du Tribunal cantonal du
canton de Vaud du 8 novembre 2007.

Faits:

A.
X. ________, né le 6 juillet 1961, de nationalité espagnole, et dame
X.________, née le 4 mai 1965, de nationalité italienne, se sont mariés le 24
septembre 1993 à Gilly (VD). Deux enfants sont issus de leur union:
A.________, née le 31 mars 1995, et B.________, née le 31 octobre 1996. Le
mari a par ailleurs un fils, C.________, né le 11 mars 2005 d'une autre
relation.

Les conjoints se sont séparés au printemps 2001.

D'abord régie par une ordonnance de mesures protectrices de l'union
conjugale, la situation des époux a fait l'objet de nombreuses mesures
provisionnelles ensuite de l'ouverture d'une action en divorce par le mari le
11 janvier 2002.

Alors que la garde des deux filles avait dans un premier temps été confiée à
la mère, les difficultés liées à l'exercice du droit de visite et leurs
graves répercussions sur l'état psychique des enfants ont donné lieu à
plusieurs expertises; elles ont finalement conduit à l'attribution du droit
de garde au Service de protection de la jeunesse (ci-après: SPJ) et au
placement des fillettes dans une institution thérapeutique spécialisée. Cette
mesure, ordonnée le 16 avril 2004, a été confirmée par jugement sur appel du
14 juin 2004.

B.
Par jugement du 19 janvier 2007, le Tribunal civil de l'arrondissement de la
Côte a, entre autres points, prononcé le divorce (I), attribué au père
l'autorité parentale et la garde des enfants (II), octroyé à la mère un droit
aux relations personnelles selon les modalités définies par le SPJ (III),
confié à cet organisme un mandat de curatelle d'assistance éducative au sens
de l'art. 308 al. 1 CC, avec pour mission notamment d'organiser le retour
progressif des enfants chez leur père, de soutenir celui-ci dans
l'établissement d'un cadre fort pour ses filles et d'organiser le droit de
visite de la mère (IV), enfin, chargé la Justice de paix de l'exécution de ce
dernier chiffre (V).

La Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud a, par arrêt du
8 novembre 2007, confirmé le jugement de première instance sur ces questions.

C.
Contre cet arrêt, dame X.________ exerce un recours en matière civile au
Tribunal fédéral. Elle conclut au renvoi de la cause à l'autorité cantonale
pour instruction complémentaire et institution d'une curatelle selon l'art.
146 CC, dans le sens des considérants.

La recourante sollicite en outre le bénéfice de l'assistance judiciaire.

Une réponse n'a pas été requise.

Considérant en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 133 I 206 consid. 2 p. 210).

1.1 La décision concernant le divorce et ses effets accessoires est une
décision rendue en matière civile (art. 72 al. 1 LTF). Dès lors que les
questions soumises au Tribunal fédéral ne sont pas de nature pécuniaire, le
recours est ouvert indépendamment de la valeur litigieuse. Déposé en temps
utile contre une décision finale prise par l'autorité cantonale de dernière
instance, il est également recevable au regard des art. 75 al. 1, 90 et 100
al. 1 LTF.

1.2 Saisi d'un recours en matière civile, le Tribunal fédéral statue sur la
base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Le
recourant ne peut les critiquer que s'ils ont été établis de façon
manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (FF
2001 p. 4135; ATF 133 II 249 consid. 1.2.2 p. 252, 284 consid. 4.2.2 p. 391),
ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 97 al. 1 LTF).

De jurisprudence constante, le Tribunal fédéral se montre réservé en matière
d'appréciation des preuves, vu le large pouvoir qu'il reconnaît dans ce
domaine aux juridictions cantonales (ATF 104 Ia 381 consid. 9 p. 399 et les
références mentionnées); il n'intervient, pour violation de l'art. 9 Cst.,
que si le juge n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen
de preuve pertinent ou encore s'il a opéré, sur la base des éléments
recueillis, des déductions insoutenables (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9).

2.
L'autorité cantonale a considéré qu'il n'y avait pas lieu de donner suite à
la requête de la mère tendant à l'audition des enfants. En effet, les
fillettes avaient été entendues en première instance lors de l'expertise
principale du Service psychiatrique de l'enfant et de l'adolescent (ci-après:
SPEA), datée du 26 mars 2004, puis dans le cadre du complément d'expertise du
6 juillet 2005. Elles avaient en outre pu s'exprimer devant le SPJ, qui avait
déposé deux rapports les 8 août 2006 et 9 juin 2007. Les exigences de l'art.
144 al. 2 CC, telles que précisées par la jurisprudence, avaient ainsi été
respectées.

La recourante affirme que cette motivation viole le droit d'être entendu des
enfants découlant des art. 29 al. 2 Cst., 144 al. 2 CC et 12 de la Convention
de l'ONU sur les droits de l'enfant (CDE). Elle se plaint en outre sur ce
point d'appréciation arbitraire des preuves (art. 9 Cst.).
2.1 Savoir si et à quelles conditions les enfants doivent être entendus est
une question résolue au premier chef par les normes topiques du droit de
famille. En vertu de l'art. 144 al. 2 CC, avant de statuer sur le sort des
enfants, le juge ou un tiers nommé à cet effet entend ceux-ci personnellement
de manière appropriée, pour autant que leur âge ou d'autres motifs importants
ne s'y opposent pas. Le choix de la personne habilitée à entendre l'enfant
relève donc en principe de l'appréciation du juge. Il serait toutefois
contraire à la ratio legis de déléguer systématiquement l'audition à une
tierce personne, car il est essentiel que le tribunal puisse se former
directement sa propre opinion. L'audition est donc, en principe, effectuée
par la juridiction compétente elle-même; en cas de circonstances
particulières, elle peut l'être par un spécialiste de l'enfance, par exemple
un pédopsychiatre (ATF 133 III 553 consid. 4 p. 554/555; 127 III 295 consid.
2a-2b p. 297 et les citations).

L'audition des enfants découle aussi directement de l'art. 12 CDE (sur ce
point: ATF 124 III 90), dont le Tribunal fédéral examine librement le respect
(arrêt 5P.257/2003 du 18 septembre 2003, consid. 2.1). Cette norme
conventionnelle ne consacre toutefois pas de prérogatives plus larges que
celles résultant de l'art. 144 al. 2 CC (ATF 131 III 553 consid. 1.1 p. 554
et les références).

2.2 Il ressort des constatations cantonales que les enfants ont été entendus
à plusieurs reprises - notamment sans la présence de leurs parents - par des
médecins psychiatres et autres spécialistes des mineurs, la dernière fois en
juin 2007. La recourante prétend dès lors à tort qu'il aurait été renoncé
sans motif à leur audition. Dans la mesure où elle soutient que les rapports
du SPEA et du SPJ ne constitueraient pas des moyens de preuves appropriés et
ne remplaceraient pas l'audition des enfants par le juge, son grief est
également infondé. Contrairement à ce qu'elle affirme, ces expertises
apparaissent à la fois claires et détaillées. Les fillettes étant au surplus
profondément affectées par le conflit chronique qui divise leurs parents, le
recours à des personnes ayant des connaissances scientifiques et approfondies
dans le domaine de l'enfance se révélait pleinement justifié. Compte tenu de
l'ensemble des circonstances, la Chambre des recours n'a donc pas enfreint le
droit fédéral, ni abusé de son pouvoir d'appréciation, en estimant qu'une
audition par le juge ne s'imposait pas. On ne voit pas non plus en quoi
l'autorité cantonale aurait arbitrairement apprécié les preuves sur ce point.

3.
La recourante reproche en outre à la Chambre des recours d'avoir violé l'art.
145 CC en refusant d'ordonner une expertise des fillettes par un
pédopsychiatre indépendant. Elle soutient, en bref, qu'au moment du jugement
de divorce, les juges ignoraient tout de l'évolution psychologique des
enfants, de sorte qu'ils auraient statué sur la base d'éléments lacunaires.
Elle se plaint en outre sur ce point d'une violation des art. 9 et 29 al. 2
Cst.

3.1 Selon l'art. 145 CC, dans les litiges concernant le sort des enfants
(note marginale des art. 144 ss CC), le juge établit d'office les faits
pertinents et apprécie librement les preuves (al. 1). Au besoin, il fait
appel à des experts et se renseigne auprès de l'autorité tutélaire ou d'un
autre service de l'aide à la jeunesse (al. 2). La maxime inquisitoire ne
signifie pas que le juge doive donner suite à toutes les offres de preuves
qui lui sont présentées. Il établit certes d'office l'état de fait, sans être
lié par les conclusions ou les allégations des parties. Dans la mesure où il
peut se faire une représentation exacte des faits litigieux sur la base des
preuves administrées, il n'est toutefois pas tenu de procéder à d'autres
investigations. Dès lors, s'il peut ordonner une expertise psychologique des
enfants en se fondant sur l'art. 145 al. 2 CC, il n'y est pas obligé (arrêts
5C.22/2005 du 13 mai 2005, consid. 2.2, in FamPra.ch 2005 n° 124 p. 950;
5C.153/2002 du 16 octobre 2002, consid. 3.1.2, résumé in FamPra.ch 2003 n° 22
p. 190; 5C.210/2000 du 27 octobre 2000, consid. 2c, non reproduit in
FamPra.ch 2001 n° 69 p. 606; Sutter/Freiburghaus, Kommentar zum neuen
Scheidungsrecht, n. 18 ad art. 145 CC).

3.2 En l'espèce, la Chambre des recours a estimé que les griefs de partialité
émis par la mère à l'encontre du SPJ n'étaient pas fondés, ce que la
recourante ne remet plus en cause. Pour l'autorité cantonale, le  suivi
thérapeutique des enfants et l'établissement d'un bilan psychologique
concernant la cadette, qui avaient été préconisés par le SPEA,
n'apparaissaient pas déterminants pour statuer sur l'attribution de
l'autorité parentale et de la garde; au demeurant, les inquiétudes des
experts au sujet de la cadette avaient bien été prises en compte puisque
celle-ci allait bénéficier d'un enseignement spécialisé. Par ailleurs, dans
leur rapport complémentaire du 6 juillet 2005, les experts avaient fixé les
conditions d'un réexamen de l'attribution de la garde, jusque-là confiée au
SPJ; or, il n'apparaissait pas que ces conditions dussent être réactualisées,
ni que la vérification de leur réalisation, effectuée par le SPJ, nécessitât
des connaissances particulières en psychiatrie. Au demeurant, l'expertise du
SPEA et son complément, rédigés par des médecins disposant de compétences et
de connaissances spécifiques en ce qui concerne les problèmes de l'enfance,
ainsi que les relations entre parents et enfants, se révélaient
particulièrement détaillés et soignés. Dans ces circonstances, la mise en
oeuvre d'une nouvelle expertise ne se justifiait pas.

3.3 La recourante affirme que les expertises du SPEA manquent d'actualité et
que ni le rapport de l'institut spécialisé où sont placés les enfants, du 4
mars 2005, ni celui du SPJ présenté à l'audience de jugement ne pallient ce
défaut. Contrairement à ce qu'elle soutient, l'autorité cantonale était
largement renseignée par les expertises détaillées figurant au dossier. Il
n'y avait donc pas de besoin à faire établir un rapport supplémentaire. Si
l'art. 145 CC permet de faire appel à un expert, cette décision relève du
pouvoir d'appréciation du juge. Or, le droit fédéral - y compris le droit
constitutionnel - n'apparaît pas violé à ce sujet, d'autant que le SPJ a
établi, le 9 juin 2007, un rapport actualisé concernant l'attribution de
l'autorité parentale, après avoir entendu les fillettes (cf. ATF 114 II 200
consid. 2b p. 201). La Chambre des recours était dès lors en mesure de se
faire une représentation exacte des facteurs décisifs pour l'attribution des
enfants sur la base des expertises existantes.

4.
La recourante dénonce aussi une violation des art. 9 et 29 al. 2 Cst., ainsi
que de l'art. 146 CC en raison du refus des autorités cantonales d'instaurer
une curatelle de représentation des enfants.

4.1 A teneur de l'art. 146 CC, lorsque de justes motifs l'exigent, le juge
ordonne que l'enfant soit représenté par un curateur dans la procédure (al.
1); il examine s'il doit instituer une curatelle, en particulier lorsque les
père et mère déposent des conclusions différentes relatives à l'attribution
de l'autorité parentale ou à des questions importantes concernant les
relations personnelles avec l'enfant (al. 2 ch. 1). Le curateur peut déposer
des conclusions dans la procédure et interjeter recours contre les décisions
relatives à l'attribution de l'autorité parentale, à des questions
essentielles concernant les relations personnelles ou aux autres mesures de
protection de l'enfant (art. 147 al. 2 CC).

Aux termes de la loi, la curatelle doit être ordonnée lorsque de justes
motifs l'exigent (art. 146 al. 1 CC). Toutefois, sauf si l'enfant capable de
discernement le requiert lui-même (art. 146 al. 3 CC), la nomination d'un
curateur n'est pas une obligation, mais une possibilité qui relève du pouvoir
d'appréciation du juge. Dans les cas énumérés à l'alinéa 2 de l'art. 146 CC,
le juge reste néanmoins tenu d'examiner d'office si l'instauration d'une
curatelle se révèle nécessaire. Cela ne signifie cependant pas qu'il doive
forcément prendre une décision formelle à ce propos (arrêts 5C.274/2001 du 23
mai 2002, consid. 2.5, in FamPra.ch 2002 p. 845; 5C.210/2000 du 27 octobre
2000, consid. 2b).

4.2 Dans le cas particulier, les époux ont déposé, devant l'autorité de
première instance déjà, des conclusions divergentes en matière d'attribution
de l'autorité parentale. Dans ces conditions, les juges devaient examiner
d'office la nécessité d'ordonner une curatelle, ce que les deux instances
cantonales ont effectué. A l'instar du Tribunal d'arrondissement, la Chambre
des recours a estimé que l'attribution du droit de garde au SPJ et le
placement des enfants en institution relativisaient le besoin d'instituer la
mesure de l'art. 146 CC. En effet, le but de la curatelle de représentation,
à savoir veiller au mieux au bien de l'enfant, avait été atteint par
l'observation des fillettes et les entretiens quotidiens qui avaient eu lieu
avec elles durant leur placement. Les informations dont avait bénéficié le
SPJ étaient donc étendues et plus neutres que celles qu'il aurait obtenues
des parents si les enfants n'avaient pas été placés dans une institution
spécialisée. Par ses rapports des 8 août 2006 et 9 juillet 2007, le SPJ avait
ainsi permis aux juges de première et de deuxième instances de se faire une
représentation approfondie de la situation, de sorte qu'il n'apparaissait pas
nécessaire, au regard de la protection du bien des enfants, de confier à un
tiers la mission de protéger ce bien par le dépôt de conclusions ou en
veillant à ce que l'instruction soit complète.
Cette motivation se révèle convaincante et ne consacre aucune violation du
droit fédéral ni, en particulier, du pouvoir d'appréciation de l'autorité
cantonale. Sur le vu des faits constatés et des résumés des auditions des
enfants, la Chambre des recours pouvait, sans abuser de ce pouvoir,
considérer qu'aucun juste motif ne permettait d'exiger la nomination d'un
curateur. L'argument de la recourante selon lequel une représentation en
justice au sens de l'art. 146 CC était d'autant plus nécessaire que les
fillettes n'avaient pas été valablement entendues ne lui est d'aucun secours,
dès lors que ses critiques relatives à leur absence d'audition par le juge et
par un pédopsychiatre indépendant ont été déclarées infondées (cf. supra,
consid. 2 et 3). Le moyen ne peut donc être admis.

5.
En conclusion, le recours se révèle mal fondé et doit par conséquent être
rejeté, aux frais de son auteur (art. 66 al. 1 LTF). Vu cette issue -
prévisible - de la procédure, la requête d'assistance judiciaire de la
recourante ne saurait être agréée (art. 64 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer
de dépens à l'intimé, qui n'a pas été invité à répondre.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
La requête d'assistance judiciaire de la recourante est rejetée.

3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre des recours du
Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 28 janvier 2008

Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: La Greffière:

Raselli Mairot