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II. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 5A.697/2007
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Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
5A_697/2007 - svc

Arrêt du 3 juillet 2008
IIe Cour de droit civil

Composition
MM. et Mme les Juges Raselli, Président,
Hohl et Marazzi.
Greffier: M. Braconi.

Parties
AX.________,
recourant, représenté par Me Hervé Crausaz, avocat,

contre

BX.________,
intimée, représentée par Me Claude-Alain Boillat, avocat.

Objet
reconnaissance d'un jugement de divorce étranger,

recours contre l'arrêt de la 1ère Section de la Cour de justice du canton de
Genève du 18 octobre 2007.

Faits:

A.
A.a AX.________ et BX.________, se sont mariés le 9 mai 1998 à Addis Abeba
(Ethiopie); une fille, C.________, née en 2000, est issue de leur union.
A.b Le 12 mai 2004, le mari a requis du Tribunal de première instance de Genève
des mesures protectrices de l'union conjugale.
-:-
Par jugement du 16 décembre 2004, cette juridiction a, en substance, autorisé
les conjoints à vivre séparés, attribué à l'épouse la jouissance exclusive du
domicile conjugal, attribué à la mère la garde de l'enfant, réservé le droit de
visite du père et fixé la contribution due par celui-ci à l'entretien de sa
famille.
Statuant sur appel le 18 mars 2005, la Cour de justice du canton de Genève a
condamné le père à contribuer à l'entretien de l'enfant par le versement d'une
pension de 500 fr. du 1er juin 2004 au 31 mai 2005 et de 1'400 fr. dès le 1er
juin 2005.

B.
B.a Le 9 mars 2005, A.________ a ouvert action en divorce devant le Tribunal de
Grande Instance d'Addis Abeba; sa femme s'est opposée à la demande.
Ce tribunal a prononcé le divorce le 18 juillet 2005, mais sans statuer sur les
effets accessoires, en particulier le sort de l'enfant, dont il n'est pas même
fait mention dans le jugement.
B.b Le 20 septembre 2005, A.________ a requis la reconnaissance et l'exequatur
du jugement de divorce éthiopien.
Par jugement du 22 février 2006, le Tribunal de première instance de Genève a
rejeté la requête. La Cour de justice du canton de Genève a confirmé cette
décision le 15 juin suivant.
B.c Le 30 novembre 2006, A.________ a formé une nouvelle requête de
reconnaissance et d'exequatur.
Le Tribunal de première instance de Genève l'a débouté derechef le 10 mai 2007.
La Cour de justice du canton de Genève a, par arrêt du 18 octobre 2007,
confirmé cette décision.

C.
Contre cet arrêt, AX.________ interjette un recours en matière civile au
Tribunal fédéral, concluant à ce que le jugement de divorce éthiopien soit
reconnu et rendu exécutoire; il requiert le bénéfice de l'assistance judiciaire
pour la procédure fédérale.
L'intimée n'a pas répondu dans le délai imparti à cet effet, alors que la
juridiction précédente se réfère aux considérants de son arrêt.

Considérant en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office la recevabilité des recours qui lui sont
soumis (ATF 134 III 115 consid. 1 p. 117, 235 consid. 1 p. 236 et la
jurisprudence citée).

1.1 La décision attaquée est susceptible d'un recours en matière civile sous
l'angle de l'art. 72 al. 2 let. b ch. 1 LTF (Klett/Escher, in: Basler
Kommentar, n. 9 ad art. 72 LTF). Ayant pour objet la reconnaissance d'un
jugement étranger qui tranche uniquement le principe du divorce, le présent
litige est de nature non pécuniaire (cf. a contrario: FF 2001 p. 4107 al. 3 in
fine).

1.2 Interjeté en temps utile à l'encontre d'une décision finale prise par une
juridiction cantonale de dernière instance statuant sur recours, la présente
écriture est également recevable au regard des art. 75, 90 et 100 al. 1 LTF.

2.
Après avoir retenu que la requête était accompagnée d'une expédition complète
et authentique du jugement de divorce éthiopien (art. 29 al. 1 let. a LDIP)
ainsi que d'une attestation constatant que celui-ci était bien définitif (art.
29 al. 1 let. b LDIP), la Cour de justice a considéré que la reconnaissance de
cette décision était incompatible avec l'ordre public suisse (art. 27 al. 1
LDIP). En effet, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, la maxime d'office
fait partie de l'ordre public (matériel) suisse; conformément à ce principe, le
juge du divorce doit se prononcer sur l'attribution de l'enfant mineur, le
droit de visite et la contribution à son entretien; or, tel n'est pas le cas en
l'espèce, de sorte que le jugement en discussion, qui ne statue que sur la
dissolution du lien conjugal, ne saurait être reconnu en Suisse.

2.1 A teneur de l'art. 65 al. 1 LDIP, un jugement de divorce étranger est
reconnu en Suisse lorsqu'il a été rendu dans l'Etat du domicile ou de la
résidence habituelle, ou dans l'Etat national de l'un des époux, ou s'il est
reconnu dans l'un de ces Etats. Cette disposition doit être lue en relation
avec les normes générales posées aux art. 25 ss LDIP, qui prévoient en
substance qu'une décision étrangère est reconnue en Suisse pour autant que les
autorités judiciaires de l'Etat dont émane la décision étaient compétentes, que
celle-ci n'est plus susceptible d'un recours ordinaire et qu'elle n'est pas
manifestement incompatible avec l'ordre public suisse (ATF 126 III 327 consid.
2a p. 330).
En vertu de l'art. 1er de la Convention de La Haye, du 5 octobre 1961,
concernant la compétence des autorités et la loi applicable en matière de
protection des mineurs, applicable par renvoi de l'art. 85 al. 1 LDIP, les
autorités de la résidence habituelle d'un mineur sont compétentes pour prendre
des mesures tendant à la protection de sa personne ou de ses biens; ladite
convention s'applique également aux mineurs qui ne sont pas - comme en
l'occurrence - ressortissants d'un des Etats contractants (art. 13 al. 3; ATF
126 III 298 consid. 2a/aa p. 301).
En l'espèce, il est incontesté que l'enfant a sa résidence habituelle en
Suisse; cela étant, les autorités suisses sont compétentes pour statuer sur
l'attribution de l'autorité parentale et le droit de visite - mesures de
protection du mineur (ATF 132 III 586 consid. 2.2.1 p. 590 et les arrêts
mentionnés) -, ainsi que sur la contribution d'entretien (ATF 126 III 298
consid. 2a/bb p. 302/303 et les références). La présente cause diffère donc de
l'arrêt sur lequel s'est fondée l'autorité cantonale (i.e. ATF 126 III 298),
où, faute de compétence directe du juge étranger (cf. art. 25 let. a LDIP), sa
décision ne pouvait pas être reconnue en tant qu'elle concernait le sort de
l'enfant. Partant, la reconnaissance du jugement de divorce éthiopien ne
saurait être refusée, au nom de l'ordre public matériel suisse, pour le motif
qu'il ne se prononce pas sur «l'attribution de l'enfant, le droit de visite et
la contribution d'entretien», dès lors que le tribunal éthiopien était
précisément incompétent pour connaître de ces questions; certes, son jugement
est incomplet, mais le principe de l'unité du jugement de divorce ne relève pas
de l'ordre public (ATF 109 Ib 232 consid. 2a p. 235).

2.2 En l'occurrence, le recourant demande de «reconnaître et rendre exécutoire»
le jugement de divorce éthiopien.
Le Tribunal fédéral a jugé que, lorsqu'une décision est non seulement reconnue,
mais encore «déclarée exécutoire», elle peut donner lieu à exécution forcée et
faire l'objet de formalités, telles que l'inscription ou la transcription dans
des registres publics (ATF 98 Ia 537 consid. 6 [in principio] p. 544). Cette
conception paraît cependant dépassée. Il est actuellement admis que les
décisions dont la nature est, comme dans le cas présent, constitutive et non
condamnatoire ne sont pas sujettes à exequatur, mais à reconnaissance (Message
du Conseil fédéral du 10 novembre 1982 concernant une loi fédérale sur le droit
international privé [loi de DIP], FF 1983 I 255 ss, 316/317 ch. 217.1;
Schnyder, Das neue IPR-Gesetz, 2e éd., § 6 I/1, p. 37). En matière d'état
civil, c'est la transcription du jugement de divorce étranger dans les
registres d'état civil qui constitue la reconnaissance d'une telle décision
(Berti/Däppen, in: Basler Kommentar, 2e éd., n. 2 ad art. 32 LDIP; Bucher/
Bonomi, Droit international privé, 2e éd., n° 307 et 572; cf. aussi: arrêt 5A.6
/1996 du 19 avril 1996, consid. 2b, Pra 1997 n° 11). Il s'ensuit qu'une
déclaration formelle d'exequatur n'est pas nécessaire ici.

2.3 Il ressort du dossier que l'intimée s'était plainte de n'avoir pas été
régulièrement citée (art. 27 al. 1 let. a LDIP), moyen que le Tribunal de
première instance avait accueilli dans son premier jugement. S'étant fondée -
dans ses deux arrêts (cf. supra, let. B.b) - sur le motif déduit de
l'incompatibilité avec l'ordre public suisse, la juridiction précédente n'a pas
examiné cet aspect; à la lecture de l'arrêt attaqué, il n'apparaît pas non plus
que l'intéressée aurait finalement renoncé à se prévaloir de ce vice de
procédure. Dans ces circonstances, on ne saurait donner suite aux conclusions
du recourant.

3.
En conclusion, le recours doit être partiellement admis, l'arrêt attaqué annulé
et l'affaire renvoyée à l'autorité précédente pour qu'elle statue à nouveau
(art. 107 al. 2 LTF). Bien qu'elle n'ait pas répondu, l'intimée n'est pas
dispensée pour autant d'assumer les frais de la procédure et de verser des
dépens à sa partie adverse (art. 66 al. 1 et 68 al. 1 LTF; ATF 123 V 156 et
159), ce qui rend sans objet la requête d'assistance judiciaire du recourant.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est partiellement admis, l'arrêt attaqué est annulé et l'affaire est
renvoyée à l'autorité précédente pour nouvelle décision.

2.
La requête d'assistance judiciaire du recourant est sans objet.

3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis à la charge de l'intimée.

4.
Une indemnité de 1'500 fr., à payer au recourant à titre de dépens, est mise à
la charge de l'intimée.

5.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la 1ère Section de la Cour de
justice du canton de Genève.
Lausanne, le 3 juillet 2008
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Raselli Braconi