Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 5A.696/2007
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5A_696/2007

Arrêt du 4 février 2008
IIe Cour de droit civil

M. et Mmes les Juges Raselli, Président,
Hohl et Jacquemoud-Rossari.
Greffière: Mme Mairot

Dame X.________,
recourante, représentée par Me Claude Brügger, avocat,

contre

Y.________ SA,
intimée, représentée par Me Grégoire Aubry, avocat,

mainlevée provisoire de l'opposition,

recours contre le jugement de la Cour suprême du canton de Berne, Cour
d'appel, 2ème Chambre civile, du 23 octobre 2007.

Faits:

A.
Selon extrait du Registre du commerce, X.________ est président avec
signature individuelle de Y.________ SA, société dont le siège est à
A.________.

Le 19 juillet 2004, il a signé avec son épouse dame X.________, un accord
intitulé "convention privée", dont le corps du texte a la teneur suivante:
"en plus de la convention officielle de partage à savoir :

1) salaire de Fr. 2'000 par mois versé par Y.________ SA à dame
X.________ durant 10 ans.
2)

B.________, le 19 juillet 2004"

B.
Par jugement du 2 août 2007, le président 3 de l'Arrondissement judiciaire I
Courtelary-Moutier-La Neuveville (BE) a rejeté la requête de dame X.________
tendant à la mainlevée provisoire de l'opposition formée par Y.________ SA au
commandement de payer qui lui avait été notifié le 12 février 2007 par
l'Office des poursuites de Courtelary (n0 xxxx) à concurrence de 62'000 fr.
avec intérêts à 5% dès le 15 novembre 2005.

Le 23 octobre 2007, la Cour d'appel du canton de Berne a rejeté l'appel formé
par la requérante contre le jugement précité. Elle a considéré que la
convention sur laquelle se fondait la poursuite avait été conclue entre la
requérante et son futur ex-époux, qui avait pris l'engagement en son nom
propre et non pour Y.________ SA, sa signature ayant été apposée sans
précision. Les conditions du porte-fort (art. 111 CO) étaient remplies,
X.________ s'étant engagé par la convention en cause à indemniser la
requérante en cas d'inexécution par Y.________ SA, sans que cette société
soit elle-même obligée. Faute d'identité entre la poursuivie et le débiteur
désigné dans la reconnaissance de dette, il y avait lieu de rejeter la
requête de mainlevée.

C.
Contre ce jugement, dame X.________ interjette un recours en matière civile.
Elle conclut à sa réforme en ce sens que la mainlevée de l'opposition est
accordée. Subsidiairement, elle demande le renvoi de la cause à l'autorité
compétente pour qu'elle statue à nouveau dans le sens des considérants. A
l'appui de ses conclusions, elle soutient en substance que l'engagement en
cause est, non pas un porte-fort, mais une reprise cumulative de dette, de
sorte que l'intimée est engagée par la signature de son administrateur
unique.

Des déterminations n'ont pas été requises.

Considérant en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 133 III 489 consid. 3, 462 consid. 2 p. 465, 439
consid. 2 p. 441; 132 III 747 consid. 4 p. 748).

1.1 Le recours en matière civile est ouvert contre les décisions en matière
de poursuite pour dettes et de faillite (art. 72 al. 2 let. a LTF), en
particulier contre les jugements de mainlevée définitive ou provisoire de
l'opposition (FF 2001 p. 4105; ATF 133 III 399 consid. 1.4 p. 400).

1.2 Selon l'art. 90 LTF, le recours au Tribunal fédéral est recevable contre
les décisions qui mettent fin à la procédure. La décision sur la mainlevée
provisoire constitue une décision finale au sens de cette disposition (arrêt
5A_30/2007 du 8 juin 2007, consid. 1.4). Interjeté contre une telle décision,
rendue par une autorité cantonale de dernière instance (art. 75 al. 1 LTF)
dans une affaire pécuniaire dont la valeur litigieuse dépasse largement le
seuil de 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF), le recours est en principe
recevable puisqu'il a été déposé dans le délai (art. 100 al. 1 LTF) et la
forme (art. 42 LTF) prévus par la loi.

1.3 Le recours peut être interjeté pour violation du droit au sens des art.
95 et 96 LTF, grief que le Tribunal fédéral examine librement; la décision de
mainlevée provisoire ne constitue en effet pas une décision de mesures
provisionnelles au sens de l'art. 98 LTF (ATF 133 III 399 consid. 1.5 p.
400).

1.4 Lorsqu'il admet un recours, le Tribunal fédéral peut statuer lui-même sur
le fond (art. 107 al. 2 LTF), et donc prononcer la mainlevée de l'opposition,
sans qu'il soit nécessaire d'examiner si les conditions posées par la
jurisprudence en application de l'ancienne loi fédérale d'organisation
judiciaire (OJ) sont réalisées (cf. ATF 120 Ia 256 consid. 1b p. 257/258); en
effet, contrairement au recours de droit public, sous l'empire duquel cette
jurisprudence a été rendue (cf. arrêt 5P.134/2004 du 19 mai 2004, consid. 2),
les recours unifiés prévus par les art. 72 ss LTF ne sont pas purement
cassatoires (FF 2001 p. 4143).

2.
Constitue une reconnaissance de dette au sens de l'art. 82 LP l'acte
authentique ou sous seing privé signé par le poursuivi ou son représentant,
d'où ressort la volonté de payer au poursuivant, sans réserve ni condition,
une somme d'argent déterminée ou facilement déterminable et échue (ATF 130
III 87 consid. 3.1 p. 88; également ATF 132 III 480 consid. 4.1 p. 480/481;
131 III 268 consid. 3.2 p. 272 et les références). Si les pouvoirs du
représentant signataire sont contestés par le poursuivi, ils doivent être
établis par pièce (ATF 130 III 87 consid. 3.1 p. 88).

Au stade de la mainlevée, le juge examine uniquement l'existence et la force
probante du titre produit par le créancier, et non la réalité ou la validité
de la créance; il attribue force exécutoire à ce titre à moins que le
débiteur ne rende immédiatement vraisemblables ses moyens libératoires (ATF
132 III 140 consid. 4.1.1 p. 141/142), en invoquant par exemple l'inexistence
de la dette (Staehelin, Basler Kommentar SchKG, n. 90 ad art. 82 LP et la
jurisprudence citée). Le juge doit vérifier d'office notamment l'identité
entre le poursuivant et le créancier désigné dans le titre, l'identité entre
le poursuivi et le débiteur désigné et l'identité entre la prétention déduite
en poursuite et la dette reconnue (P.-R. Gilliéron, Commentaire de la loi
fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, n. 73 s. ad art. 82
LP).

3.
3.1 L'autorité cantonale a examiné la nature de l'engagement du 19 juillet
2004. Interprétant implicitement les déclarations des parties selon le
principe de la confiance (sur cette notion, cf. ATF 133 III 61 consid. 2.2.2
p. 67; 132 III 268 consid. 2.3.2, 626 consid. 3.1 p. 632), elle a relevé que
cet accord avait été conclu dans le cadre des négociations menées en vue de
la mise sur pied de la convention de divorce des parties, ce qui n'était pas
contesté. En outre, l'accord en cause était désigné comme une "convention
privée" entre les époux. Dès lors, l'engagement du mari tendant à ce que
Y.________ SA verse à la recourante un salaire de 2'000 fr. par mois durant
10 ans avait sans aucun doute été pris en son propre nom et non pour cette
société, ce d'autant plus qu'il avait apposé sa signature sans aucune
précision. En effet, rien n'indiquait qu'il eût signé en qualité de président
de la société Y.________ SA plutôt qu'à titre personnel. Pour les mêmes
raisons et sur le vu du dossier, force était de retenir que Y.________ SA
n'était pas obligée par cet engagement, qui devait être qualifié de
porte-fort (art. 111 CO). La signature apposée par l'épouse sur la convention
n'y faisait pas obstacle et devait se comprendre comme une acceptation de la
promesse du mari. Ainsi, et à défaut de stipulation contraire, celui-ci
s'était engagé à indemniser la recourante en cas d'inexécution par Y.________
SA de la prestation décrite dans cette convention, soit le versement d'un
salaire de 2'000 fr. par mois pendant 10 ans, sans que cette société fût
elle-même obligée. Dès lors que la poursuite était dirigée contre elle, la
requête de mainlevée devait être rejetée faute d'identité entre le débiteur
et la poursuivie.

La recourante soutient que, par l'accord du 19 juillet 2004, son ex-mari a
engagé Y.________ SA, pour laquelle il disposait de la signature
individuelle, en même temps que lui. La convention signée entre les parties
constitue ainsi une reprise cumulative de dette, qui a pour effet de rendre
l'intimée débitrice solidaire de son administrateur unique, X.________ (art.
143 CO). Prétendre le contraire constituerait un abus de droit. Elle expose
en outre que la convention de divorce conclue le 1er décembre 2004 n'a
nullement annulé l'accord du 19 juillet précédent, qui n'avait pas qu'une
vocation provisoire mais qui engageait au contraire l'intimée pour une durée
de 10 ans. Partant, la convention litigieuse liait aussi bien la société
Y.________ SA que son ex-mari, unique détenteur de celle-ci.

3.2 Pour interpréter une clause contractuelle selon le principe de la
confiance, il faut rechercher le sens que chacune des parties pouvait et
devait raisonnablement prêter aux déclarations de volonté de l'autre, en
tenant compte des termes utilisés ainsi que du contexte et de l'ensemble des
circonstances dans lesquelles elles ont été émises (ATF 128 III 265 consid.
3a p. 267; 127 III 444 consid. 1b p. 445).
Selon l'art. 111 CO, le porte-fort promet au stipulant le fait d'un tiers et
s'engage à lui payer des dommages-intérêts si ce tiers ne s'exécute pas. Dans
un tel contrat, la validité de la promesse n'est pas subordonnée à
l'existence d'une obligation à la charge du tiers (ATF 111 II 276 consid. 2b
p. 279; cf. aussi ATF 113 II 434 consid. 2b p. 437). Quant à la reprise
cumulative de dette, elle résulte notamment du contrat qu'un créancier passe
avec un tiers et en vertu duquel celui-ci reprend solidairement la dette.
Cette reprise cumulative peut avoir lieu dès la naissance de l'obligation
entre le débiteur et le créancier ou postérieurement, lorsque le tiers
déclare adhérer à la dette (Gauch/Schluep/Rey, Schweizerisches
Obligationenrecht, Allgemeiner Teil, vol. II, 8e éd., n. 3841/3842; Engel,
Traité des obligations en droit suisse, 2e éd., p. 903). L'engagement
solidaire naît lorsque le garant déclare au créancier qu'il pourra être
recherché au même titre et pour les mêmes prestations que le débiteur; ce
dernier et le garant sont alors tenus solidairement selon l'art. 143 al. 1 CO
(ATF 129 III 702 consid. 2.1 p. 704).

3.3 L'engagement litigieux indique expressément que certaines prestations
pécuniaires doivent être effectuées par Y.________ SA. Il ne faut cependant
pas perdre de vue que le cocontractant de la recourante est son ex-mari.
Contrairement à ce qu'elle prétend, ce contrat, interprété selon le principe
de la confiance, ne présente pas les caractéristiques d'une reprise
cumulative de dette. En effet, il n'exprime pas la volonté de X.________ de
s'engager solidairement aux côtés de l'intimée, quand bien même il en était
le seul détenteur, avec signature individuelle. A cet égard, il convient de
relever que cette convention a été qualifiée de privée, qu'elle a été conclue
dans le cadre du divorce des parties et qu'elle ne contient aucune indication
qui permettrait de penser que X.________ l'a signée non seulement à titre
personnel, mais aussi en tant que représentant de l'intimée. Il faut en
déduire que le contrat en question ne pouvait pas obliger Y.________ SA.
Autrement dit, c'est en son nom propre que X.________ a conclu cette
convention avec la recourante. Selon les constatations du jugement attaqué,
un tel engagement de la société envers la recourante ne résulte pas non plus
du dossier. Dans ces circonstances, la recourante pouvait et devait
comprendre l'accord en question en ce sens que X.________ lui promettait que
Y.________ SA lui verserait les prestations pécuniaires mentionnées dans le
contrat du 19 juillet 2004. Il est ainsi vraisemblable de considérer, à ce
stade, qu'on est en présence d'un porte-fort, régi par l'art. 111 CO,
X.________ n'ayant pas déclaré engager solidairement la société.

L'autorité n'a donc pas violé le droit fédéral en rejetant la requête de
mainlevée de la recourante, faute d'identité entre la poursuivie et la
personne désignée comme débitrice dans la reconnaissance de dette.

4.
En conclusion, le recours se révèle mal fondé et doit par conséquent être
rejeté, aux frais de son auteur (art. 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu
d'allouer de dépens à l'intimée, qui n'a pas été invitée à répondre.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'500 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour suprême du canton de
Berne, Cour d'appel, 2ème Chambre civile.

Lausanne, le 4 février 2008

Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: La Greffière:

Raselli Mairot