Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 5A.67/2007
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Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
5A_67/2007/frs

Arrêt du 15 février 2008
IIe Cour de droit civil

Composition
MM. et Mme les Juges Raselli, Président,
Hohl et Marazzi.
Greffière: Mme Rey-Mermet.

Parties
A.________,
recourante, représentée par Me Jérôme de Montmollin, avocat,

contre

G.________,
représenté par Me Susannah L. Maas, avocate,
Banque X.________ SA, représentée par Me Benoît Carron, avocat,
Office des poursuites de Genève,
intimés.

Objet
revendication,

recours contre la décision de la Commission de surveillance des offices des
poursuites et des faillites
du canton de Genève du 22 février 2007.

Faits :

A.
En mai 2002, A.________ a été nommée par la Cour supérieure de l'Ontario
(Canada) administratrice provisoire pour les biens de Y.________, afin de
retrouver et récupérer les fonds des investisseurs dupés par ce dernier et
transférés à G.________ domicilié en Californie (USA).
Le 18 avril 2005, à la requête de A.________, le Tribunal de première instance
de Genève a prononcé le séquestre de tous les avoirs détenus par G.________ en
mains de la Banque X.________ SA à Genève. Ce séquestre a été validé par
l'introduction d'une action civile devant les tribunaux du domicile de
G.________; le 28 novembre 2005, le Tribunal fédéral a déclaré irrecevable le
recours de ce dernier contre l'arrêt de la Cour de justice de Genève du 7
septembre 2005, arrêt qui confirmait l'ordonnance de séquestre du 18 avril 2005
(arrêt 5P.379/2005).

B.
Par courrier du 10 mai 2006, la Banque a notamment informé l'Office qu'elle
faisait valoir un droit de nantissement et de compensation sur les valeurs
séquestrées. Le 30 juin 2006, A.________ a contesté le droit invoqué par la
Banque et a invité l'Office à impartir à celle-ci un délai de 20 jours pour
ouvrir action en constatation de son droit au sens de l'art. 107 al. 5 LP, ce
que l'Office a fait, par courrier du 3 juillet 2006 adressé à la Banque.
Par lettre recommandée du 14 juillet 2006, l'Office a invité la Banque à ne pas
tenir compte de sa décision du 3 juillet 2006, dès lors que le délai qui devait
être fixé n'était pas celui de l'art. 107 LP mais celui de l'art. 108 LP.
Le 17 juillet 2006, l'Office a imparti à A.________ un délai de 20 jours pour
ouvrir action en contestation de la prétention du tiers revendiquant au sens de
l'art. 108 LP.

C.
Le 3 août 2006, A.________ a porté plainte auprès de la Commission de
surveillance des offices des poursuites et des faillites du canton de Genève;
elle a conclu à l'annulation de la décision de l'Office du 17 juillet 2006, à
la constatation de la nullité de celle du 14 juillet 2006 et de l'entrée en
force, faute de contestation, de celle du 3 juillet 2006.
Le 22 février 2007, la Commission de surveillance a rejeté la plainte et décidé
que le délai pour ouvrir action selon l'art. 108 LP commençait à courir dès la
communication de sa décision.

D.
Contre cette décision, A.________ interjette un recours en matière civile. Elle
conclut principalement à l'annulation de la décision attaquée et à la
constatation de la nullité des décisions de l'Office des 14 et 17 juillet 2006;
elle requiert en outre l'effet suspensif.
Par ordonnance du 23 mars 2007, le Président de la cour de céans a admis la
demande d'effet suspensif.
La Banque, G.________, l'Office et la Commission de surveillance ont été
invités à répondre. Seule la première l'a fait; la Commission de surveillance
et l'Office se sont référés aux considérants de la décision attaquée,
G.________ à ses observations déposées auprès de la Commission de surveillance.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Les décisions en matière de poursuite pour dettes et de faillite sont sujettes
au recours en matière civile, qui remplace le recours LP (art. 72 al. 2 let. a
LTF en relation avec l'art. 19 LP). Le recours est recevable contre les
décisions prises par les autorités cantonales de dernière instance (art. 75 al.
1 LTF). Les décisions sur plainte prises par les autorités cantonales de
surveillance en vertu de l'art. 17 LP sont des décisions finales au sens de
l'art. 90 LTF, dès lors qu'elles ne peuvent plus être remises en question dans
la procédure d'exécution forcée en cours (ATF 133 III 350 consid. 1.2). Déposé
en temps utile (art. 100 al. 2 let. a LTF) contre une telle décision par le
créancier poursuivant, qui a un intérêt juridique (art. 76 al. 1 let. b LTF) au
déroulement régulier de la procédure d'exécution forcée (Lorandi,
Betreibungsrechtliche Beschwerde und Nichtigkeit, Kommentar zu den Artikeln
13-30 SchKG, n. 184 ad art. 17 LP), le recours est recevable, indépendamment de
la valeur litigieuse (art. 74 al. 2 let. c LTF).

2.
La recourante se plaint en premier lieu de la violation de son droit d'être
entendue au motif que l'office, avant de révoquer sa décision du 3 juillet
2006, ne l'a pas avertie, de sorte qu'elle n'aurait pas eu l'occasion de faire
valoir ses arguments.

2.1 La violation d'un droit constitutionnel peut être invoquée dans un recours
en matière civile (art. 95 let. a LTF; ATF 133 III 446 consid. 3.1, 462 consid.
2.3). Le Tribunal fédéral n'examine la violation de droits fondamentaux que si
ce grief a été invoqué et motivé par le recourant (106 al. 2 LTF); les
exigences de motivation de l'art. 90 al. 1 let. b OJ, en particulier celle
d'une argumentation claire et détaillée, demeurent valables pour les griefs
soumis au principe d'allégation en vertu de l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 133 III
393 consid. 6).

2.2 La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al.
2 Cst., en particulier, le droit pour le justiciable de s'expliquer avant
qu'une décision ne soit prise à son détriment, celui de fournir des preuves
quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision, celui d'avoir
accès au dossier, celui d'obtenir qu'il soit donné suite à leurs offres de
preuves pertinentes, celui de participer à l'administration des preuves, d'en
prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 129 II 497 consid.
2.2; 127 I 54 consid. 1b). En effet, le droit d'être entendu est à la fois une
institution servant à l'instruction de la cause et une faculté de la partie, en
rapport avec sa personne, de participer au prononcé de décisions qui lèsent sa
situation juridique (ATF 126 I 15 consid. 2a/aa; 124 I 49 consid. 3a, 241
consid. 2 et les arrêts cités).

2.3 Lorsque l'office procède à un nouvel examen d'une décision attaquée et
qu'il prend une nouvelle mesure, il doit la communiquer sans délai aux parties
et en donner connaissance à l'autorité cantonale de surveillance (art. 17 al. 4
LP). Il n'est en revanche pas tenu d'entendre préalablement les parties dès
lors qu'il appartient à l'autorité de surveillance de poursuivre la procédure,
sans que le recourant n'ait à déposer de nouvelle plainte (cf. ATF 113 V 238).
Ce n'est que si le nouvel acte de poursuite repose sur un état de fait
notablement modifié ou crée une situation juridique sensiblement différente que
l'autorité cantonale de surveillance ordonnera un nouvel échange d'écritures
(Pierre-Robert Gilliéron, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour
dettes et la faillite, I, n. 263 ad art. 17 LP). L'office peut également
procéder à un nouvel examen d'une décision qu'il a rendu alors même qu'aucune
plainte n'est pendante pour autant que le délai de plainte ne soit pas encore
écoulé (cf. consid. 4 infra). Dans ce cas, il est d'autant moins tenu
d'entendre les parties avant de revenir sur sa décision. Cette solution se
justifie pour des raisons d'efficacité de la poursuite, dès lors qu'il serait
en effet irréaliste de devoir recueillir l'opinion des parties dans le très
court délai de plainte (art. 17 al. 2 LP). Les parties peuvent en tout état de
cause s'opposer à la révocation respectivement à la nouvelle décision par la
voie de la plainte, l'autorité de surveillance disposant d'un plein pouvoir
d'examen en fait et en droit (Gilliéron, op. cit., vol. I, n. 74 ad art. 17 LP;
Flavio Cometta, Kommentar zum Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs,
1998, n. 4 ad art. 17 LP).

2.4 En l'espèce, l'office n'était pas tenu de consulter la recourante avant de
révoquer la décision du 3 juillet 2006. Elle a pu se prononcer devant
l'autorité de surveillance sur la position de l'office et sur celle de la
Banque et faire valoir ses arguments; elle a également reçu copie des
déterminations de l'Office et des autres parties. Son droit d'être entendu a
ainsi été respecté (cf. arrêt H 182/97 du 15 juillet 1998 consid. 2b rendu en
application de l'art. 58 PA).

3.
La recourante reproche également à l'office de n'avoir pas motivé sa décision
du 14 juillet 2006.

3.1 La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu consacré à l'art. 29 al.
2 Cst. - dont le Tribunal fédéral examine librement le respect (ATF 127 III 193
consid. 3 et les références citées) - le devoir pour l'autorité de motiver ses
décisions, de manière à ce que le justiciable puisse les comprendre et, le cas
échéant, exercer son droit de recours à bon escient. Pour répondre à ces
exigences, il suffit que l'autorité mentionne, au moins brièvement, les motifs
qui l'ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision. Le droit d'être
entendu est violé si l'autorité ne satisfait pas à son devoir minimum
d'examiner et de traiter les problèmes pertinents (ATF 130 II 530 consid. 4.3;
129 I 232 consid. 3.2; 126 I 97 consid. 2b).

3.2 La décision du 14 juillet 2006 mentionne ce qui suit: "le délai que nous
devions ouvrir concerne en fait l'art. 108 LP et non pas 107 LP"; pour sommaire
que soit cette explication, une simple lecture des dispositions citées
permettait aux parties de comprendre que, vu la possession des avoirs
revendiqués par la Banque, l'Office considérait que ce n'était pas à celle-ci
qu'il incombait d'ouvrir action en constatation de son droit. La recourante
était donc en mesure de porter plainte en connaissance de cause, ce qu'elle a
fait.

4.
La recourante se réfère au texte de l'art. 17 al. 4 LP qui dispose qu'en cas de
plainte, l'office peut procéder à un nouvel examen de sa décision jusqu'à
l'envoi de sa réponse. Elle souligne que cette disposition ne prévoit pas
expressément une telle possibilité lorsqu'aucune plainte n'est déposée. Elle en
déduit qu'en l'espèce, en l'absence de plainte contre la décision du 3 juillet
2006, l'office ne pouvait la reconsidérer.

4.1 Selon une jurisprudence ancienne, l'office peut, en dehors d'une procédure
de plainte, reconsidérer sa décision aussi longtemps que le délai de plainte
n'est pas échu (ATF 103 III 31 consid. 1b; 97 III 3 consid. 2 et les réf.
citées). Cette jurisprudence, bien que rendue avant l'entrée en vigueur de
l'al. 4 de l'art. 17 LP introduit par la révision du 16 décembre 1994, est
toujours applicable (Franco Lorandi, Betreibungsrechtliche Beschwerde und
Nichtigkeit, 2000, n. 310 ad art. 17 LP et les réf. citées; Cometta, op. cit.,
n. 60 ad art. 17 LP; Kurt Amonn/Fridolin Walther, Grundriss des
Schulbetreibungs- und Konkursrechts, 7ème éd., 2003, § 6 n° 64; Pauline Erard,
Commentaire romand de la LP, n. 64 ad art. 17 LP). Selon les travaux
préparatoires, l'art. 17 al. 4 LP est une disposition nouvelle qui, d'une part,
confirme la jurisprudence antérieure du Tribunal fédéral et, d'autre part,
modifie la réglementation relative à l'effet dévolutif en matière de plainte
afin de garantir l'économie de la procédure (FF 1991 III 42). En introduisant
ce nouvel alinéa, le législateur a voulu non seulement confirmer ces solutions
jurisprudentielles, mais également étendre aux cas d'annulabilité de la
décision la possibilité pour l'office de la reconsidérer jusqu'à l'envoi de sa
réponse (cf. Gilliéron, op. cit., vol. I, n. 256/257 ad art. 17 LP). Une
éventuelle suppression de cette possibilité en dehors de la procédure de
plainte n'a non seulement pas été envisagée par le législateur, mais apparaît
également contraire à sa volonté d'étendre les hypothèses de reconsidération.
Le maintien de la faculté de reconsidération dans ce cas est également conforme
au but de la loi - l'économie de procédure - exprimé par le législateur (FF
1991 III 42). Enfin, cette solution correspond au principe du droit
administratif selon lequel, durant le délai de recours, l'administration peut
revenir sur une décision même non attaquée (ATF 129 V 110 consid. 1.2.1; 121
III 273 consid. 1 a/aa; 107 V 191 consid. 1; Annette Guckelberger, Der Widerruf
von Verfügungen im Schweizerischen Verwaltungsrecht, ZBl 6/2007, p. 309/310;
Pierre Moor, Droit administratif, II, 2ème éd., 2002, n. 2.4.3.8 p. 340; Blaise
Knapp, Précis de droit administratif, 4ème éd., 1991, n. 1250 et 1254 p. 267/
268).

4.2 C'est dire qu'en l'espèce, la Commission de surveillance n'a pas violé le
droit en admettant que l'office était fondé à révoquer sa décision du 3 juillet
2006 jusqu'à l'échéance du délai de plainte, à savoir le 14 juillet 2006.

5.
Vu ce qui précède, le recours doit être rejeté. La recourante, qui succombe,
supportera l'émolument de justice (art. 66 al. 1 LTF). La Banque X.________ SA,
qui a procédé avec l'aide d'un avocat, a droit à des dépens (art. 68 al. 1 et 2
LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 7'000 fr. est mis à la charge de la recourante.

3.
La recourante versera à la Banque X.________ SA une indemnité de 7'000 fr. à
titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties, à l'Office des poursuites
de Genève et à la Commission de surveillance des offices des poursuites et des
faillites du canton de Genève.
Lausanne, le 15 février 2008
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le président: La greffière: