Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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II. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 5A.678/2007
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5A_678/2007

Arrêt du 8 janvier 2008
IIe Cour de droit civil

M. et Mmes les Juges Raselli, Président,
Escher et Hohl.
Greffier: M. Braconi.

Dame X.________, (épouse),
recourante, représentée par Me Marc Oederlin, avocat,

contre

X.________, (époux),
intimé, représenté par Me Graziella Burnand, avocate,

Service de protection de la jeunesse,

mesures préprovisionnelles (retrait de garde),

recours contre l'ordonnance du Juge de paix des districts de Nyon et Rolle du
14 novembre 2007.

Faits:

A.
X. ________, né le 29 décembre 1944, et dame X.________, née le 25 juillet
1968, se sont mariés en 1992. Trois enfants sont issus de cette union:
A.________ et B.________, nés le 16 décembre 1997, et C.________, né le 10
mars 2001. Les époux ont divorcé en 2002; la garde des enfants a été
attribuée à la mère.

Depuis mars 2006, l'exercice du droit de visite du père fait l'objet d'une
procédure de réglementation devant le Juge de paix des districts de Nyon et
Rolle, la mère s'étant inquiétée de la situation des enfants et soupçonnant
des abus sexuels de la part du père. Diverses ordonnances de mesures
préprovisionnelles et provisionnelles ont été rendues dans ce contexte (cf.
arrêt 5A_17/2007 du 6 mars 2007).

Par ordonnance de mesures provisionnelles du 18 mai 2006, confirmée le 29
juin 2006, le Juge de paix a institué une curatelle d'assistance éducative au
sens de l'art. 308 al. 1 CC, le Service de protection de la jeunesse (SPJ)
étant désigné en qualité de curateur.

B.
Le 9 octobre 2007, le SPJ a déposé une dénonciation pénale à l'encontre de la
mère en raison d'inquiétudes quant à la santé physique et psychique des
enfants, de la présence de matériel pornographique au domicile de
l'intéressée et de ses absences toujours plus fréquentes.

Vu le résultat de l'enquête pénale ainsi que de ses propres investigations,
le SPJ a requis le retrait provisoire du droit de garde de la mère et la
suspension du droit de visite chez la mère jusqu'à la remise par celle-ci des
passeports des enfants.

Comme le Collège Y.________ où les enfants sont scolarisés a confirmé que
ceux-ci ne vont pas bien, que la mère ne répond plus aux interpellations du
SPJ et ne s'est pas présentée à la dernière convocation de la Brigade des
mineurs, le Juge de paix a, par ordonnance de mesures préprovisionnelles du
14 novembre 2007, retiré provisoirement le droit de garde de la mère, l'a
confié au SPJ à charge pour celui-ci de pourvoir au placement adéquat des
enfants et a suspendu provisoirement le droit de visite de la mère; il a
déclaré que cette ordonnance est immédiatement exécutoire et qu'elle restera
en vigueur jusqu'à la décision sur les mesures provisionnelles.

C.
La mère exerce un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre cette
décision, concluant à son annulation.

L'intimé propose l'irrecevabilité du recours.

D.
Par ordonnance superprovisoire du 19 novembre 2007, le Président de la IIe
Cour de droit civil a attribué l'effet suspensif au recours, mesure qu'il a
révoquée par ordonnance prise le lendemain.

Considérant en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office la recevabilité des recours qui lui sont
soumis (ATF 133 III 629 consid. 2 p. 630 et les arrêts cités).

2.
Il convient tout d'abord de qualifier les mesures préprovisionnelles (ou
d'extrême urgence) ordonnées avant d'entendre la partie adverse.

2.1 Une décision est finale au sens de l'art. 90 LTF lorsqu'elle met fin à la
procédure, que ce soit pour un motif déduit de la procédure ou du droit
matériel (ATF 133 III 629 consid. 2.2 p. 631 et les citations). Toute
décision qui ne peut être qualifiée de finale ou de partielle au sens de
l'art. 91 LTF doit en principe être considérée comme une décision
préjudicielle ou incidente au sens des art. 92 et 93 LTF. Une décision est
préjudicielle ou incidente lorsqu'elle est rendue en cours de procès et ne
constitue qu'une étape vers la décision finale; elle peut avoir pour objet
une question formelle ou matérielle, tranchée préalablement à la décision
finale (ATF 133 III 629 consid. 2.2 p. 631).

D'après le Message (FF 2001 p. 4129 ad art. 85 Projet et p. 4131 ad art.
87/88 Projet), les mesures provisionnelles prises par le juge indépendamment
d'une procédure principale sont finales, alors que celles qui sont ordonnées
à l'ouverture ou au cours d'une procédure principale sont incidentes. Ainsi,
les décisions de mesures protectrices de l'union conjugale (art. 172 ss CC)
sont finales (ATF 133 III 393 consid. 4 p. 395/396); selon la jurisprudence,
tel est également le cas pour les mesures provisoires de l'art. 137 al. 2 CC
(arrêt 5A_9/2007 du 20 avril 2007, consid. 1.2.3, publié in: Pra 2007 n°
137). Le prononcé de mesures préprovisionnelles qui, après instruction, sera
confirmé, modifié ou supprimé par la décision de mesures provisionnelles
doit, quant à lui, être qualifié de décision incidente.

2.2 En l'occurrence, la requête tendant au retrait provisoire du droit de
garde de la mère, formée indépendamment d'une procédure principale (en
retrait définitif au sens de l'art. 310 CC), vise au prononcé d'une décision
finale. En revanche, l'ordonnance attaquée - prise implicitement sur la base
de l'art. 401 al. 2 CPC/VD - qui, avant d'entendre la mère, lui retire
provisoirement le droit de garde et, par courrier séparé, la cite à
comparaître à une audience de mesures provisionnelles, doit donc être
qualifiée de décision incidente.

3.
En vertu de l'art. 75 al. 1 LTF, le recours en matière civile est recevable
contre les décisions prises par les autorités cantonales de dernière
instance; le «recourant doit donc avoir épuisé toutes les voies de droit
cantonales pour les griefs qu'il entend invoquer devant le Tribunal fédéral»
(FF 2001 p. 4109 ad art. 71 Projet). Cette exigence vise aussi bien les
décisions finales (art. 90 LTF) que les décisions préjudicielles ou
incidentes (art. 93 LTF).

3.1 Le principe de l'épuisement des instances cantonales valait déjà sous
l'empire de la loi fédérale d'organisation judiciaire du 16 décembre 1943
(OJ); conformément à l'art. 86 al. 1 OJ, le recours de droit public en
matière de mesures provisionnelles n'était ouvert qu'à l'encontre des
décisions prises en dernière instance cantonale (cf. sur l'ensemble du sujet:
Walter Kälin, Das Verfahren der staatsrechtlichen Beschwerde, 2e éd., p. 329
ss et les références citées). La jurisprudence relative à cette disposition
conserve ainsi sa valeur pour l'application de l'art. 75 al. 1 LTF. Il
s'ensuit que cette exigence englobe, en particulier, toutes les voies de
droit qui sont ouvertes au recourant lui-même afin de faire disparaître le
préjudice juridique allégué et qui sont de nature à obliger l'autorité saisie
à statuer (ATF 126 III 485 consid. 1a p. 486/487; 120 Ia 61 consid. 1a p. 62
et la jurisprudence mentionnée; pour l'action en justice: ATF 126 III 110
consid. 1b p. 112 et les exemples cités).

S'agissant des mesures préprovisoires, la jurisprudence avait admis que la
possibilité de requérir une décision sur mesures provisoires qui se substitue
à l'ordonnance d'extrême urgence constituait un moyen de droit cantonal avant
l'épuisement duquel le recours au Tribunal fédéral était irrecevable (ATF 120
Ia 61; arrêt 5P.238/2003 du 17 novembre 2003, in: JdT 2004 I 263; arrêt
5P.307/2004 du 6 octobre 2004, in: JdT 2004 III 113, obs. Denis Tappy). Il
doit en aller de même lorsque le droit cantonal prescrit au juge de fixer
l'audience pour entendre les parties et le charge de confirmer, modifier ou
révoquer l'ordonnance de mesures préprovisionnelles. Aussi le Tribunal
fédéral a-t-il récemment jugé, à propos de l'art. 106 CPC/VD, que la
possibilité d'obtenir la modification ou la révocation d'une ordonnance de
mesures préprovisionnelles enjoignant à la recourante de quitter le domicile
de son ex-mari dans un délai de 48 heures, sous peine d'y être contrainte par
la force publique, était un moyen de droit cantonal qui devait être
préalablement épuisé au regard de l'art. 75 al. 1 LTF (arrêt 4A_335/2007 du
13 septembre 2007, consid. 3; dans le même sens: Denis Tappy, Les mesures
provisionnelles en matière civile dans le nouveau système de recours au
Tribunal fédéral, in: RSPC 2007 p. 100 ss, spéc. 107).

3.2 Selon l'art. 401 CPC/VD, en cas d'urgence, après avoir entendu ou dûment
cité les dénoncés, le juge peut leur retirer provisoirement la garde des
enfants et les placer dans une famille ou un établissement, conformément à
l'art. 310 al. 1 CC (al. 1); s'il y a péril en la demeure, le juge peut
ordonner cette mesure immédiatement et sans entendre les dénoncés; il est
alors tenu de les convoquer à bref délai et de prendre après les avoir
entendus, une nouvelle décision provisionnelle qui confirme, modifie ou
abroge sa première décision (al. 2). Vu sa nature, l'ordonnance de mesures
préprovisionnelles se trouve ainsi remplacée par une nouvelle ordonnance
prise après audition des parties.

3.3 En l'espèce, l'ordonnance déférée précise que «les parties seront citées
à comparaître à l'audience de mesures provisionnelles [fixée au 26 novembre
2007] par courrier séparé». En vertu de l'art. 401 al. 2 CPC/VD, la nouvelle
réglementation provisionnelle remplacera dès lors l'ordonnance de mesures
préprovisionnelles contestée. La recourante se borne à exposer que lesdites
mesures ne peuvent pas faire l'objet d'un recours sur le plan cantonal et se
réfère à des arrêts relatifs aux mesures provisionnelles; elle soutient aussi
que le prononcé ultérieur de mesures provisionnelles modifiant ou révoquant
l'ordonnance attaquée ne saurait être considéré comme un moyen de droit
cantonal qui devrait être épuisé, car une telle décision ne peut être munie
de l'effet rétroactif, ni réparer le préjudice causé par le retrait de la
garde des enfants et leur placement. Toutefois, rien dans le texte légal ne
permet d'affirmer que l'abrogation de l'ordonnance d'extrême urgence, partant
le rétablissement du droit de garde de la mère, serait, en droit, dépourvu
d'effet rétroactif. Dans ces conditions, le recours s'avère irrecevable.

4.
Vu le sort du recours, les frais et dépens de la procédure doivent être mis à
la charge de la recourante qui succombe (art. 66 al. 1 et 68 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est irrecevable.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3.
Une indemnité de 2'000 fr., à verser à l'intimé à titre de dépens, est mise à
la charge de la recourante.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties, à la Justice de paix
des districts de Nyon et Rolle ainsi qu'au Service de protection de la
jeunesse.

Lausanne, le 8 janvier 2008

Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Le Greffier:

Raselli Braconi