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II. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 5A.625/2007
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Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
5A_625/2007

Arrêt du 26 mars 2008
IIe Cour de droit civil

Composition
MM. et Mme les Juges Raselli, Président,
Escher et Zappelli, Juge suppléant.
Greffière: Mme Rey-Mermet.

Parties
V.________,
recourant, représenté par Me Serge Beuret, avocat,

contre

dame V.________,
intimée, représentée par Me Jean-Marc Christe, avocat,

Objet
mesures provisoires en matière de divorce,

recours contre l'arrêt de la Cour civile du Tribunal cantonal du canton du Jura
du 24 septembre 2007.

Faits:

A.
Dame V.________, née le 24 septembre 1967, et V.________, né le 11 août 1959,
se sont mariés le 3 juin 1989. Aucun enfant n'est issu de cette union.

Le 30 mai 2006, dame V.________ a requis du Tribunal de première instance de
Porrentruy le prononcé de mesures protectrices de l'union conjugale. Lors de
l'audience du 5 septembre 2006, les époux ont notamment convenu que le mari
verserait à son épouse une contribution d'entretien mensuelle de 1'500 fr. Par
décision du même jour, le juge saisi a homologué cette convention.

B.
Le 9 mars 2007, V.________ a ouvert action en divorce. Le même jour, il a
déposé une requête de mesures provisoires tendant à la suppression de la
contribution d'entretien due selon l'accord homologué le 5 septembre 2006.

Par décision du 16 juillet 2007, le juge saisi a rejeté la requête de mesures
provisoires, considérant en substance qu'aucun fait nouveau ne justifiait de
modifier la convention homologuée le 5 septembre 2006.

C.
Par arrêt du 24 septembre 2007, la cour civile du Tribunal cantonal du canton
du Jura a rejeté l'appel interjeté par l'époux.

D.
Celui-ci forme un recours en matière civile au Tribunal fédéral. Il conclut à
l'annulation de l'arrêt cantonal et à la suppression ou à la réduction à un
montant à fixer par la cour de céans de la contribution d'entretien due à
l'intimée, avec effet au 1er mai 2007.

L'intimée et l'autorité cantonale concluent au rejet du recours.

Considérant en droit:

1.
1.1 La décision de mesures provisoires pendant la procédure de divorce (art.
137 CC) est une décision en matière civile au sens de l'art. 72 al. 1 LTF. Elle
est finale selon l'art. 90 LTF (ATF 5A_9/2007 du 20 avril 2007 consid. 1.2.4).
Le recours a en outre pour objet une décision rendue par une autorité de
dernière instance cantonale (art. 75 al. 1 LTF) dans une affaire dont la valeur
litigieuse excède 30'000 fr. (art. 51 al. 1 let. a et al. 4 et 74 al. 1 let. b
LTF). ll a par ailleurs été déposé à temps (art. 100 al. 1 LTF).

1.2 Aux termes de l'art. 42 al. 1 LTF, le recours doit contenir l'indication
des conclusions. Selon la jurisprudence (ATF 133 III 489 consid. 3.1), le
recours en matière civile étant une voie de réforme (art. 107 al. 2 LTF), le
recourant ne peut se contenter de demander l'annulation de l'arrêt attaqué,
mais il doit formuler des conclusions chiffrées.

En l'occurrence, le recourant conclut principalement à la suppression de la
contribution due à l'intimée. Pour le cas où cette contribution serait
maintenue, il conclut à sa réduction à un montant qu'il ne précise pas et qu'il
laisse au Tribunal fédéral le soin de chiffrer. La question de la recevabilité
de ces conclusions subsidiaires peut être laissée ouverte au vu du résultat du
recours.

1.3 S'agissant d'une décision en matière de mesures provisionnelles, le recours
ne peut être formé que pour violation des droits constitutionnels (art. 98
LTF). En règle générale, le Tribunal fédéral n'examine que si la décision
cantonale viole l'interdiction de l'arbitraire prévue à l'art. 9 Cst. Il ne
sanctionne en outre la violation de droits fondamentaux que si ce moyen est
invoqué et motivé de manière précise par le recourant (art. 106 al. 2 LTF); les
exigences de motivation de l'acte de recours correspondent à celles de l'ancien
art. 90 al. 1 let. b OJ (ATF 133 II 249 consid. 1.4.2). En outre, la décision
attaquée n'est annulée que si elle se révèle arbitraire non seulement dans ses
motifs, mais aussi dans son résultat (ATF 132 III 209 consid. 2.1 et les arrêts
cités).

2.
Le recourant se plaint en substance de l'application arbitraire de l'art. 137
al. 2 CC au motif que l'autorité précédente n'a pas tenu compte du fait que
l'intimée vit en concubinage et que ses charges ont ainsi diminué par rapport à
celles qu'elle supportait en septembre 2006.

2.1 Après l'ouverture du procès en divorce, les parties peuvent solliciter dans
le cadre de mesures provisoires la modification des mesures protectrices de
l'union conjugale si, depuis leur entrée en force, les circonstances de fait
ont changé d'une manière essentielle et durable, ou si le juge s'était fondé
sur des circonstances de fait erronées (ATF 129 III 60 consid. 2; Urs Gloor,
Commentaire bâlois, 3e éd., 2006, n. 4 ad art. 137 CC).

2.2 Contrairement à ce que relève le recourant qui se plaint d'une constatation
arbitraire des faits sur la question du concubinage, la cour cantonale a bel et
bien retenu que l'intimée vivait en union libre depuis le 1er novembre 2006. Se
référant à l'ATF 124 III 52, elle a cependant refusé de tenir compte de cette
circonstance dans le calcul des charges de la crédirentière au motif qu'il
n'était pas établi que cette union procurait à celle-ci des avantages
économiques analogues à ceux d'un mariage.

2.3 La jurisprudence à laquelle se réfère la cour cantonale s'applique aux
effets du concubinage sur la contribution d'entretien due en vertu des art. 151
et 152 aCC et fixée au moment du divorce ou après la dissolution de l'union
conjugale. Il en va de même des conséquences du concubinage dans le nouveau
droit (art. 126 al. 2 et 129 CC; ATF 129 III 257 consid. 2.4). Lorsqu'en
revanche il s'agit de fixer la contribution à l'entretien durant les mesures
protectrices de l'union conjugale ou les mesures provisoires de l'art. 137 CC,
le Tribunal fédéral a jugé qu'il convient de prendre en considération que le
conjoint vit en communauté avec une autre personne et que, dans ces
circonstances, il n'est pas arbitraire de considérer que son compagnon pourrait
participer pour moitié aux frais communs, même si sa participation effective
est moindre. A cet égard, la durée du concubinage n'est pas déterminante; sont
au contraire pertinents les avantages économiques retirés de la relation. Il
importe, autrement dit, que les intéressés forment une communauté de toit et de
table ayant pour but de partager les frais et les dépenses (ATF 5P.463/2003 du
20 février 2004 consid. 3.2; ATF 5P.90/2002 du 1er juillet 2002 consid. 2b aa,
publié in : FamPra 2002 p. 813).

Il apparaît par conséquent que la cour cantonale est partie d'une conception
juridique erronée des effets du concubinage en matière de mesures provisoires.
Il s'agissait au demeurant d'une circonstance nouvelle par rapport à la
situation existant au moment de la décision de mesures protectrices du 5
septembre 2006. Comme il est probable que l'intimée retire des avantages
économiques non négligeables, à tout le moins quant au loyer et aux frais
d'entretien du ménage commun, partant que ces avantages sont susceptibles de
justifier la modification de la contribution à laquelle est tenue le recourant,
le recours doit être admis sur ce point. Le sort de ce grief rend superflu
l'examen de la prétendue violation de l'art. 29 Cst. commise au motif que le
compagnon de l'intimée n'aurait pas été entendu.

Les faits établis ne permettant pas de chiffrer la modification de la situation
de l'intimée, il y a lieu de renvoyer la cause à l'autorité cantonale pour
qu'elle complète l'état de fait et prononce un nouveau jugement (art. 107 al. 2
LTF).

3.
L'annulation de l'arrêt rend sans objet l'examen des griefs relatifs à la
prétendue diminution des revenus du recourant. Au demeurant, dans la mesure où
il se plaignait d'une constatation arbitraire des faits, le grief devrait être
rejeté. La cour cantonale n'a pas ignoré les pièces produites en appel pour
étayer une baisse des revenus. Elle a expliqué de manière convaincante qu'elles
faisaient plutôt ressortir une amélioration de la situation du recourant et
qu'en tout état de cause, elles n'établissaient pas une baisse essentielle et
durable. Le reproche de violation du droit d'être entendu au motif que
l'autorité cantonale aurait refusé d'entendre un témoin apparaît en outre
irrecevable. Alors que la cour cantonale a observé que l'audition du témoin ne
pouvait fournir aucun élément nouveau par rapport aux pièces produites, le
recourant ne démontre pas en quoi une telle appréciation est insoutenable (art.
106 al. 2 LTF; ATF 130 II 169 consid. 2.1 non publié), ce d'autant plus que les
mesures provisoires sont ordonnées à la suite d'une procédure sommaire avec
administration restreinte des moyens de preuve et limitation du degré de la
preuve à la simple vraisemblance (ATF 126 III 257 consid. 4b); il suffit donc
que les faits soient rendus plausibles (ATF 127 III 474 consid. 2b/bb).

4.
Partant, il y a lieu d'admettre le recours, d'annuler l'arrêt attaqué et de
renvoyer la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision dans le sens
des considérants. Les frais judiciaires doivent être mis à la charge de
l'intimée qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). Il y a lieu en outre d'allouer des
dépens au recourant (art. 68 al. 1 et 2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à
l'autorité cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de l'intimée.

3.
Une indemnité de 2'500 fr., à payer à titre de dépens, est mise à la charge de
l'intimée.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Cour civile
du Tribunal cantonal du canton du Jura.
Lausanne, le 26 mars 2008
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:

Raselli Rey-Mermet