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II. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 5A.570/2007
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Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
5A_570/2007

Arrêt du 26 février 2008
IIe Cour de droit civil

Composition
MM. et Mme les Juges Raselli, Président,
Hohl et Marazzi.
Greffier: M. Braconi.

Parties
A.X.________,
recourant,

contre

Plenum du Tribunal cantonal du canton du Jura,

Objet
récusation,

recours contre l'arrêt du Plenum du Tribunal cantonal du canton du Jura du 7
septembre 2007.

Faits:

A.
Par arrêt du 2 mai 2006, la Cour civile du Tribunal cantonal du Jura a condamné
les défendeurs A.________ et B.X.________ à procéder avec les demandeurs
C.________ et D.Y.________ au partage de la succession de feu E.Y.________;
elle a également statué sur l'attribution de plusieurs immeubles. Cette
autorité était composée des juges Gérard Piquerez, président, Pierre Boinay et
Jean-François Kohler, ainsi que du greffier Jean Moritz. Le 27 octobre suivant,
A.X.________ a retiré le pourvoi en nullité qu'il avait déposé contre cette
décision.

B.
B.a Le 10 avril 2007, A.________ et B.X.________ ont demandé la révision de
l'arrêt précité.
B.b Le 24 mai 2007, A.X.________ a requis la récusation de tous les membres de
la Cour civile ayant participé au jugement en cause; il a fait valoir en
substance que ces personnes s'étaient déjà occupées de l'affaire à un stade
antérieur, de sorte que leur impartialité n'était pas garantie.

C.
Par arrêt du 7 septembre 2007, le Plenum du Tribunal cantonal du Jura a
accueilli la demande de récusation en tant qu'elle était dirigée contre le
greffier Jean Moritz et l'a rejetée pour le surplus; il a mis les frais de
justice pour 2/3 à la charge du requérant.

D.
A.X.________ interjette un recours au Tribunal fédéral à l'encontre de cet
arrêt, concluant à son annulation dans la mesure où il a rejeté sa demande de
récusation et a mis les frais de justice à sa charge, ainsi qu'à l'admission de
la demande de récusation pour le surplus.

L'autorité cantonale a été invitée à présenter des observations quant à la
condamnation du recourant à payer des frais de justice; elle conclut au rejet
du recours sur ce point.

Considérant en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office la recevabilité des recours qui lui sont
soumis (ATF 133 III 462 consid. 2 p. 465, 629 consid. 2 p. 630 et les arrêts
cités).

1.1 Formé à temps contre une décision en matière de récusation prise en
dernière instance cantonale, le recours est recevable au regard des art. 75 al.
1, 92 al. 1 et 100 al. 1 LTF. Le recourant a, en outre, qualité pour recourir
(art. 76 al. 1 LTF).

1.2 La demande de récusation a été présentée dans le contexte d'une procédure
tendant à la révision d'un jugement de partage successoral; il s'agit dès lors
d'une affaire pécuniaire (art. 74 al. 1 LTF). Bien que l'arrêt attaqué soit
muet à cet égard (art. 112 al. 1 let. d LTF), il ressort du mémoire de recours
(p. 2 ch. 5), dont les données sont corroborées par le dossier, que la valeur
litigieuse atteint le seuil légal (art. 74 al. 1 let. b LTF).

2.
2.1 La garantie d'un tribunal indépendant et impartial instituée par les art.
30 al. 1 Cst. et 6 § 1 CEDH - qui ont, de ce point de vue, la même portée -
permet, indépendamment du droit de procédure cantonal, de demander la
récusation d'un juge dont la situation ou le comportement est de nature à
susciter des doutes quant à son impartialité; elle vise à éviter que des
circonstances extérieures à l'affaire puissent influencer le jugement en faveur
ou au détriment d'une partie; elle n'impose pas la récusation seulement
lorsqu'une prévention effective est établie, car une disposition interne de la
part du juge ne peut guère être prouvée; il suffit que les circonstances
donnent l'apparence d'une prévention et fassent redouter une activité partiale
du magistrat; seuls les éléments objectivement constatés doivent être pris en
compte, les impressions purement individuelles n'étant pas décisives (ATF 133 I
1 consid. 5.2 p. 3/4 et consid. 6.2 p. 6; 131 I 24 consid. 1.1 p. 25 et la
jurisprudence citée).

2.2 D'après la jurisprudence, des décisions ou des actes de procédure viciés,
voire arbitraires, ne fondent pas en soi une apparence objective de prévention.
En effet, en raison de son activité, le juge est tenu de se prononcer sur des
éléments contestés et délicats; même si elles se révèlent ensuite erronées, des
mesures inhérentes à l'exercice normal de sa charge ne permettent pas encore de
le suspecter de parti pris; en décider autrement, reviendrait à affirmer que
tout jugement erroné, voire arbitraire, serait le fruit de sa partialité. Par
conséquent, seules des erreurs particulièrement lourdes ou répétées,
constitutives d'une violation grave des devoirs du magistrat, peuvent justifier
la suspicion de partialité, pour autant que les circonstances justifient
objectivement l'apparence de prévention (ATF 125 I 119 consid. 3e p. 124; 116
Ia 14 consid. 5b p. 20, 135 consid. 3a p. 138; 113 Ia 407 consid. 2b p. 410;
111 Ia 259 consid. 3b/aa p. 264).

3.
Après avoir admis que le requérant n'était pas déchu de son droit de demander
la récusation, l'autorité cantonale a considéré, en bref, que la Cour civile
était bien compétente pour statuer sur cette requête et que les magistrats
impliqués ne s'étaient nullement rendus coupables de fautes lourdes et répétées
qui trahiraient une prévention.

3.1 Aux termes de l'art. 378 CPC/JU, la demande de révision doit être formée
«devant le juge qui a vidé le procès en dernier ressort». Sur le vu de cette
disposition, la compétence de la Cour civile n'apparaît pas douteuse; aussi, le
recourant ne la conteste-t-il pas sous cet angle, mais se place sur le terrain
des art. 30 al. 1 Cst. et 6 § 1 CEDH. Ce moyen est toutefois mal fondé. Comme
l'a rappelé l'autorité cantonale, la garantie du juge impartial ne s'oppose pas
à ce que la demande de révision soit tranchée par les mêmes juges qui ont rendu
la décision dont la rétractation est requise (ATF 114 Ia 50 consid. 3d p. 58;
113 Ia 62 consid. 3b p. 64). Il n'y a aucun motif de revenir sur ce principe.

3.2 Le recourant énumère ensuite divers indices qui, à ses yeux, sont
révélateurs de la partialité de la Cour civile, laquelle n'a pas «respecté un
juste équilibre entre les parties» (i.e. seuls les demandeurs ont été autorisés
à poser des questions au Service de l'économie rurale [SER]; la Cour civile a
refusé d'entendre comme témoin le chef du SER, dont l'audition avait été
régulièrement requise, n'a fait aucune référence au rapport du SER, a refusé de
rendre une ordonnance sur les preuves en violation de l'art. 195 CPC/JU, a
alloué plus [76'800 fr.] que ce qu'une partie des membres de l'hoirie avait
accepté au cours de la procédure [67'940 fr.] en violation de l'art. 200 al. 1
CPC/JU et a enfreint l'art. 201 al. 1 CPC/JU quant à la fixation des frais et
dépens).

Les juges précédents ont nié que ces «erreurs» justifiaient, dans les
circonstances de l'espèce, une apparence de prévention. Le recourant ne
démontre pas, conformément aux exigences légales de motivation (art. 106 al. 2
LTF; ATF 133 III 638 consid. 2 p. 639 et la jurisprudence citée), en quoi les
motifs de la décision attaquée violeraient ses droits constitutionnels. Le
grief est dès lors irrecevable.

Quoi qu'il en soit, il eût été mal fondé. C'est aux juridictions de recours
qu'il appartient de réparer les erreurs (de procédure ou de fond) que le juge
aurait commises; l'autorité de récusation ne saurait dès lors revoir la
conduite du procès à l'instar d'une autorité de recours (ATF 116 Ia 135 consid.
3a p. 138 et la jurisprudence citée). Force est d'admettre, avec les magistrats
cantonaux, que rien ne permet d'affirmer que les «erreurs» dénoncées,
fussent-elles même avérées, seraient imputables exclusivement à la partialité
des juges de la Cour civile. Le recourant n'a, en outre, pas recouru contre le
jugement incriminé; bien plus, il a retiré le pourvoi en nullité qu'il avait
déposé à son endroit.

Il est exact que l'autorité cantonale ne s'est pas prononcée sur le grief pris
des «conséquences du refus [des demandeurs] de communiquer les renseignements
qu'ils détenaient du SER avant la litispendance», comportement qui serait
contraire aux «devoirs réciproques auxquels sont tenus les héritiers». Comme
pour les autres indices, cet élément est cependant dénué de pertinence, dès
lors qu'il concerne au premier chef l'attitude des demandeurs; l'autorité
précédente pouvait donc en faire abstraction sans faillir à son devoir de
motiver sa décision (art. 29 al. 2 Cst.; ATF 121 I 54 consid. 2c p. 57 et les
arrêts cités).

3.3 Enfin, le recourant reproche à la juridiction précédente d'avoir mis pour 2
/3 les frais de la procédure à sa charge, alors que, aux termes de l'art. 12
al. 2 CPC/JU, le requérant peut être condamné aux frais qui résulteraient de sa
négligence.

Ce grief est fondé. Contrairement à la solution valable pour le canton de Berne
(art. 13 al. 2 CPC/BE), à laquelle l'autorité précédente s'est référée, le Code
de procédure civile jurassien ne prévoit pas que le requérant débouté (en tout
ou en partie) supporte les frais de justice, mais uniquement - et sous forme
potestative («peut») - s'il a commis une «négligence». Or, il ressort de
l'arrêt entrepris que les frais ont été mis à la charge du recourant parce
qu'il a succombé en majeure partie (cf. sur ce principe: ATF 119 Ia 1 consid.
6a p. 2), critère qui ne joue aucun rôle au regard du texte légal.

Dans sa réponse - circonscrite à cette unique question -, la juridiction
précédente concède avoir appliqué «par erreur» la réglementation du Code de
procédure civile bernois; cette «informalité» serait néanmoins sans
conséquence, car il résulte du dossier et des considérants de la décision
attaquée que le recourant, ancien juge cantonal, a fait preuve de négligence au
sens de l'art. 12 al. 2 CPC/JU.

Cette opinion ne saurait être suivie. L'erreur des magistrats cantonaux procède
d'un motif tout à fait clair et délibéré: ce n'est pas en raison de sa
«négligence», mais bien parce qu'il a succombé, que le requérant s'est vu
imposer (en partie) les frais de justice; la décision entreprise ne souffre
aucune ambiguïté sur ce point. Il n'appartient pas à la Cour de céans de
qualifier, dans l'optique de l'interprétation d'une norme de procédure
cantonale, le comportement de l'intéressé, alors que l'autorité précédente
elle-même ne dit pas que sa démarche était manifestement mal fondée ou vouée
d'emblée à l'échec.

4.
En conclusion, le recours doit être admis partiellement dans la mesure de sa
recevabilité et la décision attaquée annulée en tant qu'elle a mis des frais de
procédure à la charge du recourant. Celui-ci ne l'emporte toutefois que sur un
point mineur, de sorte qu'il supportera les 3/4 des frais judiciaires (cf.
Thomas Geiser, in: Bundesgerichtsgesetz, n. 13 ad art. 66 BGG). Il n'y a pas
lieu d'accorder de dépens au recourant, dans la mesure où il l'emporte (cf. ATF
113 Ib 353 consid. 6b p. 356/357), ni de mettre des frais judiciaires (réduits)
à la charge du canton (art. 66 al. 4 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est partiellement admis dans la mesure où il est recevable et
l'arrêt attaqué est annulé en tant qu'il a mis les 2/3 des frais de la
procédure à la charge du recourant; il est rejeté pour le surplus.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'500 fr., sont mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué au recourant et au Plenum du Tribunal cantonal
du canton du Jura.
Lausanne, le 26 février 2008
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Raselli Braconi