Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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II. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 5A.568/2007
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5A_568/2007

Arrêt du 4 février 2008
IIe Cour de droit civil

MM. et Mme les Juges Raselli, Président,
Escher et Meyer.
Greffière: Mme Rey-Mermet.

X. ________,
recourante, représentée par Me Anne-Marie Germanier Jaquinet, avocate,

interdiction selon l'art. 369 CC,

recours contre l'arrêt de la Chambre des tutelles du Tribunal cantonal
vaudois du 18 septembre 2007.

Faits:

A.
Le 30 avril 2007, la Justice de paix du district de Nyon a prononcé
l'interdiction de X.________, née le 12 juin 1943 et a désigné la Tutrice
générale en qualité de tutrice.

Statuant le 6 août 2007, la Chambre des tutelles du Tribunal cantonal
vaudois a rejeté l'appel de X.________ et confirmé le jugement de l'autorité
tutélaire.

B.
X.________ exerce un recours en matière civile contre l'arrêt du 6 août 2007,
concluant à sa réforme en ce sens que l'appel interjeté contre le jugement du
30 avril 2007 est admis et que la mesure d'interdiction est levée.

Le Tribunal cantonal s'est référé aux considérants de son jugement.

Considérant en droit:

1.
Dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) sujette au recours en matière
civile (art. 72 al. 2 let. b ch. 6 LTF) et prise par l'autorité cantonale de
dernière instance (art. 75 al. 1 LTF), le recours est recevable au regard des
dispositions précitées. Il a pour le surplus été déposé en temps utile (art.
100 al. 1 LTF) et en la forme prévue par la loi (art. 42 LTF).

2.
La recourante se plaint d'une violation de l'art. 369 CC. Elle conteste que
les conditions d'une interdiction soient réunies. En particulier, elle
prétend que la cour cantonale a retenu à tort qu'elle avait besoin de soins
et de secours permanents.

2.1 Aux termes de l'art. 369 al. 1 CC, sera pourvu d'un tuteur tout majeur
qui, pour cause de maladie mentale ou de faiblesse d'esprit, est incapable de
gérer ses affaires, ne peut se passer de soins et de secours permanents ou
menace la sécurité d'autrui. Il suffit que le malade mental ou le faible
d'esprit remplisse l'une de ces trois conditions pour être interdit. La
détermination de l'état pathologique relève du fait. En revanche, savoir si
les effets de cet état pathologique engendrent un besoin de protection
particulier est une question de droit que le Tribunal fédéral revoit
librement. Comme la notion de besoin de protection découle en partie d'une
appréciation de l'autorité cantonale, le Tribunal fédéral s'impose une
certaine réserve; il n'intervient que si l'autorité cantonale a excédé son
pouvoir d'appréciation ou en a abusé. Tel est le cas lorsque la décision
s'est écartée sans raison des règles établies par la doctrine et la
jurisprudence ou lorsqu'elle s'est appuyée sur des faits qui, dans le cas
particulier, ne devaient jouer aucun rôle ou, à l'inverse, lorsqu'elle n'a
pas tenu compte d'éléments qui auraient absolument dû être pris en
considération. Le Tribunal fédéral sanctionne en outre les décisions rendues
en vertu d'un tel pouvoir d'appréciation lorsqu'elles aboutissent à un
résultat manifestement injuste ou à une inéquité choquante (ATF 126 III 266
consid. 2b; 123 III 246 consid. 6a;119 II 157 consid. 2a in fine; 118 II 50
consid. 4; 116 II 145 consid. 6a).

Pour respecter le principe de la proportionnalité, la mesure tutélaire doit
être aussi légère que possible et aussi efficace que nécessaire (ATF 108 II
92 consid. 4). Dans l'hypothèse où, compte tenu des conditions légales,
plusieurs mesures paraissent à même d'atteindre le but visé, il y a lieu de
choisir celle qui empiète le moins sur la sphère de liberté de l'intéressé
(principe de subsidiarité; Deschenaux/Steinauer, Personnes physiques et
tutelle, 4ème éd., 2001, n0 862; Schnyder/Murer, Commentaire bernois, n. 32
et 33 ad art. 367 CC).

2.2 Dès lors que la recourante ne conteste pas être affectée par une maladie
mentale, il faut uniquement examiner si la cour cantonale a violé le droit
fédéral en retenant qu'en raison de cette affection, la recourante
nécessitait des soins et secours permanents.

Selon les constatations des juges précédents, qui se fondent sur le rapport
d'expertise psychiatrique du 2 février 2007, la recourante présente des
troubles psychiques de type persécutoire compatibles avec un diagnostic de
paranoïa. L'intéressée présente un haut risque de décompensation délirante
entraînant des troubles du comportement l'amenant à agir d'une façon
irresponsable et à compromettre ses intérêts. La cour cantonale a déduit de
ce « risque élevé de décompensation » la nécessité de soins permanents.
L'instauration d'une tutelle s'avérait indispensable car l'intéressée devait
avoir un référent qui serait en mesure de proposer, en fonction des
débordements comportementaux constatés, les mesures de protection nécessaires
(suivi à domicile, traitement psychiatrique imposé, hospitalisation en milieu
psychiatrique ou placement en EMS). L'autorité a écarté la possibilité d'une
curatelle qu'elle juge insuffisante au vu de l'opposition de l'intéressée, de
son anosognosie (méconnaissance par l'individu de sa maladie) et de son état
de santé qui implique une aide personnelle.

2.3 Il convient d'observer que les circonstances sur lesquelles s'est fondée
la cour cantonale (risques de décompensation et de troubles du comportement
l'amenant à agir de façon irresponsable et à compromettre ses intérêts) pour
retenir la nécessité de soins et de secours permanents sont décrites de
manière très vague. Le seul élément concret consiste en la nécessité pour la
recourante d'avoir un référent qui pourrait proposer les mesures de
protection nécessaires en fonction des débordements comportementaux
constatés. Cette assistance revêt en l'occurrence un caractère très général,
de sorte qu'on ne voit pas en quoi un curateur, dont la mission peut englober
également l'assistance personnelle (art. 392 ch. 1 CC; cf. sur Martin
Stettler, Droit civil I, Représentation et protection de l'adulte, 4ème éd.,
1997, n° 284; Deschenaux/Steinauer, op. cit., n° 871a; Schnyder/Murer, op.
cit., n. 22 et 61 ad art. 392 CC; Gudrun Sturm, Vormundschaftliche
Hilfsmassnahmen für Betagte in der Schweiz in : RDT 2002 p. 170 ss, 177) ne
serait pas à même de lui garantir une protection suffisante. En l'espèce, il
appartiendrait au curateur de proposer, selon l'évolution de la situation,
des mesures de protection adéquates en collaboration avec le réseau
psycho-social. Dans ces conditions, la mesure d'interdiction, qui prive la
recourante de l'exercice de ses droits civils, viole le principe de la
proportionnalité.

3.
En conclusion, le recours apparaît bien fondé et doit être admis, la cause
étant renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision. Vu l'issue de
la procédure, il n'y a pas lieu de percevoir de frais judiciaires (art. 66
al. 4 LTF). Le canton de Vaud versera toutefois des dépens à la recourante
(art. 68 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à
l'autorité cantonale pour nouvelle décision.

2.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.

3.
Une indemnité de 2'000 fr., à payer à titre de dépens, est mise à la charge
du canton de Vaud.

4.
Le présent arrêt est communiqué à la recourante, à la Chambre des tutelles du
Tribunal cantonal vaudois et à la Justice de paix du district de Nyon.

Lausanne, le 4 février 2008

Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: La Greffière:

Raselli Rey-Mermet