Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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II. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 5A.537/2007
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5A_537/2007 /frs

Arrêt du 3 octobre 2007
IIe Cour de droit civil

Mmes et M. les Juges Escher, Juge présidant,
Meyer et Hohl.
Greffier: M. Braconi.

X. ________,
recourante, représentée par Me César Montalto, avocat,

contre

Chambre des tutelles du Tribunal cantonal du canton de Vaud, route du Signal
8, 1014 Lausanne.

effet suspensif (interdiction, privation de liberté),

recours en matière civile contre la décision du Président de la Chambre des
tutelles du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 19 septembre 2007.

Faits :

A.
X. ________, née le 29 mars 1941, souffre d'une maladie mentale, en
particulier d'un délire de persécution. Elle a été signalée le 23 janvier
2006 à la Justice de paix d'Aubonne par deux médecins de l'hôpital de
Prangins; une procédure d'interdiction et de placement à des fins
d'assistance a été formellement ouverte à son endroit le 6 avril 2006.

B.
Par décision du 20 juillet 2007, la Justice de paix d'Aubonne a prononcé
l'interdiction de X.________ en vertu de l'art. 369 CC et lui a désigné
R.________ en qualité de tutrice; elle a aussi ordonné son placement à des
fins d'assistance dans un établissement médico-social à mission
psychiatrique.

L'intéressée a interjeté un recours contre son interdiction et un appel
contre la privation de liberté à des fins d'assistance, chaque recours étant
assorti d'une requête d'effet suspensif.

Par décision du 19 septembre 2007, le Président de la Chambre des tutelles du
Tribunal cantonal du canton de Vaud a refusé d'accorder l'effet suspensif aux
recours, «vu le besoin de protection et d'assistance de la recourante».

C.
Agissant par la voie du recours en matière civile au Tribunal fédéral,
X.________ conclut à la réforme de cette décision en ce sens que ses requêtes
d'effet suspensif sont admises; elle sollicite également le bénéfice de
l'assistance judiciaire.

Invité à se déterminer tant sur le fond que sur les requêtes d'effet
suspensif et de mesures provisionnelles, le Président de la Chambre des
tutelles s'en est remis à justice.

D.
Par ordonnance du 21 septembre 2007, le Président de la IIe Cour de droit
civil a suspendu superprovisoirement l'exécution de la décision de la Justice
de paix d'Aubonne.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office la recevabilité des recours qui lui sont
soumis (ATF 133 I 185 consid. 2 p. 188).

1.1 Le refus de l'effet suspensif est une décision incidente qui cause un
préjudice irréparable, en sorte que le présent recours est ouvert au regard
de l'art. 93 al. 1 let. a LTF (arrêt 5A_17/2007 du 6 mars 2007, consid. 2.2;
pour l'art. 87 al. 2 OJ: ATF 120 Ia 260 consid. 2b p. 264 et les références).

Déposé à temps (art. 100 al. 1 LTF) par la partie qui a été déboutée de ses
conclusions prises dans l'instance précédente (art. 76 al. 1 LTF) à
l'encontre d'une telle décision rendue dans une affaire assimilée au droit
civil (art. 72 al. 2 let. b ch. 6 LTF) par une autorité cantonale de dernière
instance (art. 75 al. 1 LTF), le présent recours est en principe recevable.

1.2 Le refus de l'effet suspensif à un recours cantonal constitue une
décision (incidente) en matière de mesures provisionnelles au sens de l'art.
98 LTF (FF 2001 p. 4134), contre laquelle seule la violation des droits
constitutionnels peut dès lors être invoquée. Le Tribunal fédéral ne connaît
de la violation de tels droits que si ce grief a été invoqué et motivé par le
recourant (art. 106 al. 2 LTF).

D'après la jurisprudence constante, une décision est arbitraire au sens de
l'art. 9 Cst. lorsqu'elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement
une norme ou un principe juridique clair et incontesté, ou heurte de manière
choquante le sentiment de la justice et de l'équité (ATF 132 III 209 consid.
2 p. 211 et les arrêts cités). Comme sous l'empire de l'art. 90 al. 1 let. b
OJ, dont les exigences demeurent valables pour les griefs soumis au principe
d'allégation (FF 2001 p. 4142; ATF 133 III 393 consid. 6 p. 397), le
recourant ne peut se borner à critiquer la décision attaquée comme il le
ferait en procédure d'appel, où l'autorité de recours jouit d'une libre
cognition; en particulier, il ne saurait se contenter d'opposer sa thèse à
celle de la juridiction précédente, mais doit démontrer, par une
argumentation précise, que cette décision est fondée sur une application de
la loi ou une appréciation des preuves manifestement insoutenables; les
critiques de nature appellatoire sont irrecevables (cf. pour l'art. 90 al. 1
let. b OJ: ATF 130 I 258 consid. 1.3 p. 261/262 et les citations). Ces
exigences de motivation s'appliquent non seulement lorsque la question à
trancher est soumise à la maxime des débats par le droit cantonal, mais
également lorsqu'elle est soumise à la maxime inquisitoire par le droit
fédéral (cf. pour l'art. 55 al. 1 let. c OJ; arrêt 5C.226/2004 du 2 mars
2005, consid. 1.3). Enfin, aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être
présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente (art. 99
LTF); tel est le cas même si la maxime d'office ou inquisitoire est
applicable (cf. pour l'art. 55 al. 1 let. c OJ; ATF 120 II 229 consid. 1c p.
231/232).

2.
Le Président de la Chambre des tutelles a refusé l'effet suspensif au recours
dirigé à l'encontre du prononcé d'interdiction «vu le besoin de protection et
d'assistance de la recourante». Cette décision procède d'une application
arbitraire du droit fédéral. Le prononcé d'interdiction est un jugement
formateur (ou constitutif), à savoir qui crée un statut juridique nouveau
pour l'intéressé (Schnyder/Murer, Berner Kommentar, n. 139 ad art. 373 CC).
L'entrée en force de chose jugée formelle d'un tel jugement relève du droit
matériel; ni le droit cantonal de procédure, ni l'autorité ne peuvent prévoir
qu'il entre en vigueur à la date du jugement de première instance (Guldener,
Schweizerisches Zivilprozessrecht, 3e éd. Zurich 1979, p. 391 note 123; cf.
au sujet du prononcé de divorce: Guldener, loc. cit.; pour le prononcé de
paternité: Extraits des principaux arrêts du Tribunal cantonal de l'État de
Fribourg 1980 p. 10 consid. 4). Le prononcé d'interdiction étant susceptible
d'un recours en matière civile au Tribunal fédéral, l'entrée en force de
chose jugée ne se produit qu'à l'échéance du délai de recours (art. 100 al. 1
LTF) si un tel recours n'est pas exercé ou au moment de l'arrêt sur recours
du Tribunal fédéral (Schnyder/Murer, op. cit., n. 158/159 ad art. 373 CC;
Bucher, Berner Kommentar, n. 72 ad art. 14 CC). En cas d'urgence, l'autorité
prend d'office les mesures provisoires nécessaires (art. 386 al. 1 CC), le
cas échéant prive provisoirement de l'exercice des droits civils la personne
à interdire (art. 386 al. 2 CC; Schnyder/Murer, op. cit., n. 44 ss ad art.
386 CC).

La décision refusant l'effet suspensif au recours cantonal dirigé contre le
prononcé d'interdiction doit ainsi être annulée et il doit être constaté
qu'elle n'est pas entrée en force de chose jugée formelle.

3.
Pour le même motif (i.e. «le besoin de protection et d'assistance de la
recourante»), le Président de la Chambre des tutelles a aussi refusé l'effet
suspensif à la décision de placement à des fins d'assistance dans un
établissement médico-social à mission psychiatrique.

La Justice de paix avait constaté, dans sa décision du 20 juillet 2007, que,
selon le rapport d'expertise, l'intéressée est atteinte d'une maladie
mentale; que ses troubles nécessitent un traitement et un suivi à long terme;
qu'elle a besoin de soins médicaux permanents ainsi que d'une aide pour
retrouver la stabilité qu'elle cherche par ses fréquents déménagements; que,
dans les épisodes aigus, elle peut présenter un danger pour elle-même et pour
autrui; que son état de santé nécessite un placement dans un établissement
médico-social à mission psychiatrique de façon à bénéficier d'un traitement
et d'un suivi psychiatrique à long terme. Cette juridiction avait aussi
retenu que le Dr B.________ estimait que l'intéressée nécessitait une prise
en charge psychogériatrique avec un traitement psychopharmacologique à doses
efficaces, encore qu'elle ne reconnaissait pas sa maladie et n'acceptait pas
une augmentation de son traitement neuroleptique à des doses thérapeutiques;
toutefois, ce médecin estimait qu'il ne se justifiait pas d'ordonner une
prise en charge psychiatrique contre sa volonté, tout en considérant pourtant
qu'elle est capable de vivre seule dans un appartement, moyennant une prise
en charge psychogériatrique et psychopharmacologique appropriée, et tout en
concédant qu'il devait relativiser son point de vue puisqu'il n'avait eu que
peu de contact avec elle et n'avait pas vu son appartement. Dès lors,
constatant que l'intéressée ne vit plus que dans une seule pièce de son
appartement, les autres étant, d'après ses dires, infectées, qu'elle a fait
installer une caméra par un détective privé, car elle pense que son
propriétaire s'introduit chez elle pour lui voler ses affaires, salir
l'appartement et parfois le nettoyer, qu'elle estime qu'il y a des taches de
poison un peu partout, dues au propriétaire, alors qu'il s'agit de taches de
moisi, de dépôts calcaires et de traces de nettoyage, qu'elle pense que ses
ennuis proviennent d'une dame ayant décidé de lui nuire jusqu'à la fin de ses
jours, la Justice de paix a jugé que la situation de la recourante est
pénible et même insupportable, qu'elle ne reconnaît pas sa maladie et n'est
pas disposée à accepter un traitement à doses thérapeutiques adéquates; seul
un placement à des fins d'assistance est donc à même de la sortir de cette
situation qu'elle considère elle-même comme insupportable; elle a donc
ordonné un placement à des fins d'assistance dans un établissement
médico-social à mission psychiatrique en se fondant sur la maladie mentale,
le délire de persécution susceptible de mettre en danger la sécurité
d'autrui, notamment des voisins (mise d'un carton sur le tableau électrique,
car le propriétaire y aurait caché un système d'écoute), et le besoin de
soins de la personne en question, dont les troubles nécessitent un traitement
psychopharmacologique à doses efficaces.

3.1 La recourante s'en prend par les mêmes griefs à l'interdiction et à la
privation de liberté à des fins d'assistance, affirmant que «les conditions
de l'interdiction ne sont pas suffisamment étayées» et qu'il «en va de même
en ce qui concerne la mesure de privation de liberté à des fins d'assistance,
laquelle ne respecte de surcroît pas le principe de la proportionnalité».
Elle allègue avoir contesté, dans son recours cantonal, les conclusions de
l'expertise médicale sur laquelle s'est fondée l'autorité cantonale,
puisqu'elle date du 25 septembre 2006 et que les experts l'ont vue pour la
dernière fois le 12 juillet 2006; elle se prévaut des avis plus récents et
mieux étayés de son médecin traitant, le Dr B.________, et de l'infirmière du
CMS. S'agissant du danger qu'elle représente pour elle-même et pour autrui,
elle relève que l'assesseur de la Justice de paix a enlevé le carton couvrant
le tableau électrique et que les soupçons qu'elle allait vraisemblablement le
remettre sont injustifiés. Elle affirme qu'elle a accepté de prendre des
médicaments plus forts lors de l'audience de la Justice de paix du 13 avril
2007.

3.2 Par ces critiques, la recourante ne démontre pas en quoi le refus de
l'effet suspensif violerait l'art. 9 Cst. Elle ne nie pas avoir placé un
carton sur le tableau électrique parce que le propriétaire y aurait dissimulé
un système d'écoute. Il n'est dès lors pas arbitraire d'admettre que, en
raison de son délire de persécution, on ne peut pas se fier à sa promesse de
ne pas recommencer ni, partant, de retenir l'existence d'un danger pour
autrui. Vu la maladie mentale dont elle est atteinte, qui engendre une
situation ressentie par elle-même comme insupportable, le Président de la
Chambre des tutelles n'est pas tombé dans l'arbitraire en considérant qu'il
n'y avait pas lieu de surseoir au placement; une telle mesure est, en effet,
seule à même de lui apporter les soins thérapeutiques et médicamenteux dont
elle a besoin. Comme la recourante n'est pas en mesure de reconnaître sa
maladie, il n'est pas arbitraire de ne pas tenir compte de son engagement de
prendre des médicaments, étant d'ailleurs précisé qu'elle a assorti cet
engagement d'une réserve («sauf si elle se trouve aussi mal que lorsqu'elle
était à Prangins»). Enfin, ainsi que la Justice de paix l'a admis sans être
contredite à cet égard, le médecin traitant, le Dr B.________, n'a eu que peu
de contact avec elle et n'a pas vu son appartement, de sorte qu'on ne saurait
qualifier d'insoutenable une décision qui fait prévaloir sur son avis le
rapport psychiatrique, qui retient que, dans les épisodes aigus, elle peut
présenter un danger pour elle-même et pour autrui.

Le recours doit donc être rejeté sur ce point.

4.
La décision sur le fond rend sans objet la requête d'effet suspensif et de
mesures provisoires.

5.
Dans la mesure où la recourante l'emporte, sa demande d'assistance judiciaire
est sans objet; pour le surplus, elle doit être rejetée, le grief pris de
l'arbitraire (cf. supra, consid. 4) étant dépourvu de chances de succès (art.
64 al. 1 LTF). Compte tenu des circonstances, il se justifie de renoncer à
percevoir des frais (art. 66 al. 1, 2ème phrase, LTF).

Vu le sort du recours, il y a lieu de mettre à la charge du canton de Vaud
une indemnité à titre de dépens réduits (art. 68 al. 1 LTF), mais à
l'exception d'un émolument de justice (art. 66 al. 4 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté en tant qu'il concerne le refus de l'effet suspensif à
la décision de placement à des fins d'assistance dans un établissement
médico-social à mission psychiatrique.

2.
Le recours est admis en tant qu'il concerne le refus de l'effet suspensif au
prononcé d'interdiction, cette décision est annulée et il est constaté que le
prononcé d'interdiction n'a pas acquis force de chose jugée formelle.

3.
La requête d'effet suspensif et de mesures provisionnelles est sans objet.

4.
La requête d'assistance judiciaire est rejetée dans la mesure où elle n'est
pas sans objet.

5.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

6.
Le canton de Vaud versera à la recourante une indemnité de 1'000 fr. à titre
de dépens réduits.

7.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire de la recourante et à
la Chambre des tutelles du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 3 octobre 2007

Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

La Juge présidant:  Le Greffier: