Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 5A.516/2007
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5A_516/2007

Séance du 24 janvier 2008
IIe Cour de droit civil

MM. et Mmes les Juges Raselli, Président, Escher, Meyer, Hohl et Marazzi.
Greffier: M. Abbet.

X. ________,
recourant, représenté par Me Frédéric G. Olofsson, avocat,

contre

Y.________,
intimé, représenté par Me Olivier Freymond, avocat,

action en libération de dette (délai),

recours contre l'arrêt de la Chambre des recours du Tribunal cantonal du
canton de Vaud du 23 mai 2007.

Faits:

A.
Par arrêt rendu en séance publique le 1er juin 2006, la Cour des poursuites
et faillites du Tribunal cantonal du canton de Vaud a rejeté le recours
interjeté par X.________ contre le jugement de la Justice de paix des
districts de Nyon et Rolle prononçant la mainlevée provisoire de l'opposition
formée par ce dernier dans la poursuite intentée par Y.________; cette
poursuite tendait au paiement d'une somme de 63'000 fr. plus intérêts et
frais de poursuite.
Ni X.________ ni son conseil n'ont assisté aux délibérations de la Cour des
poursuites et faillites; le dispositif de l'arrêt a été communiqué aux
parties par courrier du 1er juin 2006.

B.
B.aLe 22 juin 2006, X.________ a ouvert action en libération de dette devant
le Tribunal d'arrondissement de La Côte.

B.b Par jugement préjudiciel rendu le 27 octobre 2006, le Président du
Tribunal d'arrondissement de La Côte a constaté que l'action en libération de
dette n'était pas périmée.

B.c Par arrêt rendu en séance publique le 23 mai 2007, dont les considérants
ont été communiqués aux parties le 25 juillet 2007, la Chambre des recours du
Tribunal cantonal du canton de Vaud a admis le recours interjeté par
Y.________ et déclaré irrecevable l'action en libération de dette.

C.
X.________ interjette un recours en matière civile contre cet arrêt; il
conclut à son annulation et à la confirmation du jugement de première
instance. Y.________ conclut au rejet du recours.
La requête d'effet suspensif du recourant a été admise le 3 octobre 2007.

Considérant en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 133 III 489 consid. 3, 462 consid. 2 p. 465).

1.1 Les contestations de droit matériel qui sont provoquées par une
poursuite, telles que l'action en libération de dette, relèvent du recours en
matière civile au sens de l'art. 72 al. 1 LTF, dans la mesure où, comme en
l'espèce, le différend concerne une créance de droit privé (FF 2001 p. 4106).

1.2 Le recours au Tribunal fédéral est recevable contre les décisions qui
mettent fin à la procédure (art. 90 LTF), que ce soit pour un motif de droit
matériel ou de procédure (ATF 133 III 629 consid. 2.2 p. 631). L'arrêt de la
Chambre des recours, qui déclare définitivement irrecevable l'action en
libération de dette du recourant, constitue ainsi une décision finale au sens
de l'art. 90 LTF.

1.3  Par ailleurs, l'arrêt attaqué a été rendu par une autorité cantonale de
dernière instance (art. 75 al. 1 LTF), dans une affaire pécuniaire dont la
valeur litigieuse dépasse le seuil de 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF).
Déposé dans le délai (art. 100 al. 1 et 112 LTF) et la forme (art. 42 LTF)
prévus par la loi, le recours en matière civile est donc en principe
recevable.

2.
Aux termes de l'art. 83 al. 2 LP, le débiteur peut, dans les 20 jours à
compter de la mainlevée, intenter au for de la poursuite une action en
libération de dette. Le calcul de ce délai relève du droit fédéral; selon la
jurisprudence, si le droit cantonal de procédure prévoit un recours ordinaire
contre le prononcé de la mainlevée, le délai de l'art. 83 al. 2 LP court du
jour où le délai de recours est expiré sans avoir été utilisé, de celui du
retrait du recours ou de la notification de l'arrêt sur recours (ATF 127 III
569 consid. 4a p. 570 s. et les références citées). En revanche, c'est le
droit cantonal de procédure qui régit la notification (ATF 127 III 569
consid. 4a p. 571) et qui détermine en particulier quand et sous quelle forme
elle a lieu (Jaeger/Walder/Kull/Kottmann, Bundesgesetz über Schuldbetreibung
und Konkurs, vol. I, 4e éd. 1997, n. 7 ad art. 83 LP; Staehelin, Kommentar
zum Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs, vol. I, n. 23 ad art. 83
LP; Syz, Aberkennungsklage und Aberkennungsprozess gemäss Art. 83 Abs. 2
SchKG, Zurich 1972, p. 49). Contrairement à ce que prétend le recourant, les
règles sur la notification des actes de poursuite des art. 64 ss LP ne
s'appliquent pas à la notification des jugements de mainlevée
(Jaeger/Walder/Kull/Kottmann, op. cit., n. 3 ad art. 64 LP; Gilliéron,
Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite,
vol. I, n. 7 ad Remarques introductives art. 64-66 LP), même si de tels
jugements constituent des actes de poursuite au sens de l'art. 56 LP (ATF 115
III 91 consid. 3a p. 93; 96 III 44 consid. 3 p. 49).

3.
3.1 Le recours en matière civile peut être interjeté pour violation du droit
suisse tel qu'il est délimité à l'art. 95 LTF, à savoir le droit fédéral
(let. a), y compris le droit constitutionnel, le droit international (let.
b), les droits constitutionnels cantonaux (let. c), les dispositions
cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et
votations populaires (let. d) et le droit intercantonal (let. e). Sauf dans
les cas cités expressément à l'art. 95 LTF, le recours ne peut pas être formé
pour violation du droit cantonal en tant que tel. En revanche, il est
toujours possible de faire valoir que l'application du droit cantonal
constitue une violation du droit fédéral, en particulier qu'elle est
arbitraire (art. 9 Cst.), ou contraire à d'autres droits constitutionnels
(ATF 133 III 462 consid. 2.3 p. 466), tels que la primauté du droit fédéral
au sens de l'art. 49 Cst (cf. ATF 133 III 638 consid. 2 p. 640). A cet égard,
le Tribunal fédéral n'examinera le moyen fondé sur la violation d'un droit
constitutionnel que si le grief a été invoqué et motivé de manière précise
(art. 106 al. 2 LTF; ATF 133 III 393 consid. 6 p. 397, 439 consid. 3.2 p.
444).

3.2 Le recourant ne prétend pas que la Chambre des recours aurait appliqué de
façon arbitraire le droit cantonal, en considérant que, selon l'art. 472
CPC/VD, la notification de ses décisions - et donc le point de départ du
délai de l'art. 83 al. 2 LP - intervient le jour du prononcé en séance
publique de l'arrêt sur recours (cf. à cet égard, arrêt P.2048/1985 du 24 mai
1985, consid. 2b, reproduit in JdT 1985 III 66). Il soutient cependant que
l'application de cette règle constitue une violation du principe de la
primauté du droit fédéral (art. 49 al. 1 Cst.).
3.2.1 L'art. 49 al. 1 Cst. fait obstacle à l'adoption ou à l'application de
règles cantonales qui éludent des prescriptions de droit fédéral ou qui en
contredisent le sens ou l'esprit, notamment par leur but ou par les moyens
qu'elles mettent en oeuvre, ou qui empiètent sur des matières que le
législateur fédéral a réglementées de façon exhaustive (ATF 133 I 110 consid.
4.1 p. 116; 130 I 82 consid. 2.2 p. 86/87; 128 I 295 consid. 3b p. 299).

3.2.2 Comme on l'a vu (ci-dessus, consid. 2), la forme et le moment de la
notification des arrêts cantonaux relèvent du droit cantonal de procédure. Se
pose toutefois la question de savoir si cette réglementation contredit le
sens et l'esprit du droit fédéral. Le délai de l'art. 83 al. 2 LP est accordé
au débiteur poursuivi dont l'opposition a été levée, afin qu'il puisse
disposer du temps nécessaire pour ouvrir action en libération de dette; or
cette action, qui se rapporte à l'existence et à l'exigibilité d'une créance,
présente les mêmes difficultés qu'un procès ordinaire au fond; c'est pour
cette raison que, lors de la révision de 1994, le législateur fédéral a porté
la durée du délai de l'art. 83 al. 2 LP de 10 à 20 jours (FF 1991 III p. 77).
Les règles de droit cantonal ne sauraient donc, sans violer le sens et
l'esprit de l'art. 83 al. 2 LP, entraîner une diminution de la durée de ce
délai.
Or, c'est précisément ce qui se produit, en application de l'art. 472 al. 1
CPC/VD, à l'égard des parties qui, comme l'art. 468 al. 2 CPC/VD leur en
laisse la faculté, n'assistent pas aux délibérations des juges cantonaux et
ne prennent connaissance de l'arrêt qu'à réception de son dispositif écrit,
au plus tôt le lendemain de son prononcé en séance publique. Dans la mesure
où l'art. 472 al. 2 CPC/VD consacre la fiction d'une communication
antérieure, cette disposition prive le poursuivi d'une partie du délai de 20
jours et contredit ainsi le sens et l'esprit de l'art. 83 al. 2 LP.
En l'espèce, le recourant n'a pas assisté aux délibérations de la Cour des
poursuites et faillites du Tribunal cantonal du 1er juin 2006; c'est au plus
tôt le lendemain qu'il a pris connaissance du dispositif de cet arrêt, envoyé
par courrier postal le 1er juin 2006. Le point de départ du délai de l'art.
83 al. 2 LP ne pouvait donc être antérieur au 2 juin 2006. Il en découle que
l'action en libération de dette ouverte le 22 juin 2006 n'est pas périmée.

3.3 Vu ce qui précède, il est inutile d'examiner le bien-fondé des griefs
tirés du principe d'égalité de traitement entre concurrents et du droit à la
libre circulation des avocats.

4.
Le recours doit donc être admis et l'arrêt attaqué annulé. La cause sera
renvoyée au Tribunal civil de l'arrondissement de La Côte pour suite de la
procédure en libération de dette (art. 107 al. 2 2e phrase LTF). Cette
juridiction ne pourra cependant pas se prononcer sur les frais et dépens de
deuxième instance cantonale; il se justifie donc, en complément du dispositif
proclamé en audience et adressé aux parties le 24 janvier 2008, de renvoyer
la cause à la Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud pour
nouvelle décision sur ce point. Quant aux frais judiciaires et dépens de la
procédure fédérale, ils sont mis à la charge de l'intimé qui succombe (art.
66 al. 1 68 al. 1 et 2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis et l'arrêt rendu le 23 mai 2007 par la Chambre des
recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud est annulé.

2.
La cause est renvoyée au Tribunal civil de l'arrondissement de La Côte pour
suite de la procédure en libération de dette.

3.
La cause est renvoyée à la Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton
de Vaud pour nouvelle décision sur les frais et dépens de deuxième instance
cantonale.

4.
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge de l'intimé.

5.
Une indemnité de 3'000 fr., à payer au recourant à titre de dépens, est mise
à la charge de l'intimé.

6.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties, au Tribunal
civil de l'arrondissement de La Côte et à la Chambre des recours du Tribunal
cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 24 janvier 2008

Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Le Greffier:

Raselli Abbet