Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 5A.409/2007
Zurück zum Index II. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 2007
Retour à l'indice II. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 2007


5A_409/2007

Arrêt du 14 novembre 2007
IIe Cour de droit civil

MM. et Mme les Juges Raselli, Président, Meyer et Hohl.
Greffière: Mme Mairot.

X. ________,
recourant, représenté par Me Christine Gaitzsch, avocate,

contre

dame X.________,
intimée, représentée par Me Blaise Grosjean, avocat,

mesures protectrices de l'union conjugale,

recours contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice du canton
de Genève du 22 juin 2007.

Faits:

A.
X. ________, né en 1955, originaire de Genève, et dame X.________, née en
1974, ressortissante brésilienne, se sont mariés à Genève le 25 juin 2004,
sous le régime de la participation aux acquêts. Aucun enfant n'est issu de
leur union. Le mari est père de deux enfants majeurs issus d'un premier
mariage, tandis que l'épouse est mère d'un enfant né en 1998, qui vit au
Brésil avec son père.

Les conjoints ont fait ménage commun dès 1999. Durant leur vie commune, ils
ont bénéficié d'un train de vie élevé (personnel domestique, nombreux séjours
et vacances à l'étranger dans des hôtels de prestige, etc.), financé
exclusivement par le mari à raison de 50'000 fr. par mois en moyenne en 2004.
De janvier à juillet 2006, l'épouse a effectué des dépenses mensuelles de
l'ordre de 20'000 fr., au moyen de la carte de crédit mise à sa disposition
par son mari, toutes les charges courantes du ménage étant par ailleurs
payées par celui-ci; ses factures de téléphone mobile se sont élevées à
plusieurs reprises à plus de mille francs par mois.

Les époux se sont séparés en août 2006.

B.
Le 14 août 2006, X.________ a sollicité des mesures protectrices de l'union
conjugale. Statuant le 9 janvier 2007, le Tribunal de première instance de
Genève a, notamment, attribué le domicile conjugal au mari et donné acte à
celui-ci de son engagement de verser à l'épouse une contribution d'entretien
de 4'000 fr. par mois dès le 1er août 2006, sous imputation des montants
qu'il aurait déjà versés. Retenant que le mari bénéficiait de ressources
s'élevant à 40'000 fr. par mois et que l'épouse serait en mesure de percevoir
un revenu mensuel de 3'500 fr., le Tribunal a fixé le solde disponible des
parties à 13'000 fr. et, appliquant la méthode du minimum vital avec
répartition de l'excédent par moitié, a considéré que l'épouse pourrait
prétendre à une contribution de 6'000 fr. par mois pour son entretien. Il a
toutefois réduit ce montant à 4'000 fr. pour tenir compte du fait que les
parties n'envisageaient pas une reprise de la vie commune et que leur union
n'avait duré que deux ans.

Par arrêt du 22 juin 2007, la Cour de justice du canton de Genève a admis
l'appel de l'épouse et a porté à 6'000 fr. par mois, à compter de la même
date et sous la même imputation des montants déjà versés, la contribution à
l'entretien de celle-ci.

C.
Le mari interjette un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre
l'arrêt du 22 juin 2007, concluant à son annulation et à ce qu'il lui soit
donné acte de ce qu'il s'engage à verser à l'épouse une contribution
d'entretien d'un montant de 4'000 fr. par mois.

L'intimée n'a pas été invitée à répondre.

D.
Par ordonnance du 7 août 2007, le Président de la cour de céans a refusé
d'accorder l'effet suspensif au recours.

Considérant en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 133 I 206 consid. 2 p. 210; 132 III 747 consid. 4 p.
748).

La décision de mesures protectrices de l'union conjugale (art. 172 ss CC) est
une décision en matière civile au sens de l'art. 72 al. 1 LTF; ATF 133 III
393 consid. 2 p. 395). Elle est finale selon l'art. 90 LTF, dès lors que son
objet est différent de celui de la procédure de divorce qui pourrait suivre
et qu'elle met fin à l'instance sous l'angle procédural (ATF 133 III 393
consid. 4 p. 395; cf. Message du Conseil fédéral du 28 février 2001
concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale
[ci-après: Message], in FF 2001 p. 4133/4134). La décision attaquée a en
outre été rendue en dernière instance et sur recours par le tribunal
supérieur du canton de Genève (art. 75 LTF), dans une affaire pécuniaire dont
la valeur litigieuse atteint 30'000 fr. (art. 51 al. 1 let. a et al. 4 LTF,
art. 74 al. 1 let. b LTF). Le présent recours en matière civile est donc en
principe recevable.

2.
Dès lors que les mesures protectrices de l'union conjugale sont considérées
comme des mesures provisionnelles au sens de l'art. 98 LTF (ATF 133 III 393
consid. 5 p. 396; cf. Message, in FF 2001 p. 4133/4134), seule peut être
invoquée à leur encontre la violation de droits constitutionnels. Lorsque le
recourant se plaint de la violation de l'interdiction de l'arbitraire prévue
par l'art. 9 Cst., le Tribunal fédéral examine si la décision entreprise
applique le droit civil fédéral de manière insoutenable ou repose sur des
constatations de fait établies de façon manifestement inexacte (Message, in
FF 2001 p. 4135). Il ne sanctionne en outre la violation de droits
fondamentaux que si ce moyen est invoqué et motivé par le recourant (art. 106
al. 2 LTF); les exigences de motivation de l'acte de recours correspondent à
celles de l'ancien art. 90 al. 1 let. b OJ (ATF 133 II 249 consid. 1.4.2 p.
254; Message, in FF 2001 p. 4142).

3.
3.1 La Cour de justice considère que les revenus du mari s'élèvent à 41'602
fr. par mois et ses charges, à 27'255 fr., ce qui lui laisse un solde
disponible de 14'377 fr. En ce qui concerne l'épouse, les juges précédents
retiennent un revenu hypothétique de 3'500 fr. par mois dès lors qu'elle est
jeune et en bonne santé et qu'elle bénéficie d'une formation dans le domaine
de la restauration, secteur dans lequel elle a déjà travaillé; l'autorité
cantonale fixe par ailleurs les charges de celle-ci à 3'630 fr, d'où un
déficit de 130 fr. Elle estime dès lors qu'une contribution de 6'000 fr. par
mois conduit, "vu la courte durée de l'union [à] une répartition équitable du
solde disponible des époux, sans anticiper sur la liquidation du régime
matrimonial", puisqu'il restera au mari un disponible de 8'377 fr. et que
l'épouse bénéficiera pour sa part d'un montant de 5'870 fr. Bien qu'elle
n'inclue pas les impôts dans les charges de l'épouse, la Cour de justice
constate en outre que dite contribution lui permettra de faire face à cette
charge, et souligne que les impôts pris en considération pour le mari
devraient diminuer. Selon l'autorité cantonale, même s'il paraît peu probable
que les époux reprennent la vie commune, il n'y a pas lieu, en l'absence
d'éléments particuliers, de faire davantage application des principes
applicables dans le cadre de l'art. 125 CC, ce d'autant qu'il a déjà été tenu
compte d'un revenu hypothétique de l'épouse.

3.2 Le recourant ne critique pas les montants des revenus et des charges
retenus par l'arrêt entrepris. Il reproche en revanche à la juridiction
cantonale de n'avoir pas fait correctement usage des critères de l'art. 125
CC, en particulier du principe du "clean break", applicable, selon la
jurisprudence, lorsque la reprise de la vie commune n'apparaît plus probable.
Il estime que l'épouse ne pourra prétendre à aucune contribution d'entretien
après le divorce, dès lors que sa capacité de travail est entière et qu'aucun
des éléments prévus à l'art. 125 al. 2 CC ne peut entrer en ligne de compte.
En effet, le mariage a été de très courte durée, à savoir deux ans. De plus,
les pièces produites établissent que cette union n'était qu'une escroquerie
puisqu'une fois le mariage célébré, l'intimée a radicalement changé de
comportement. Certes, les parties ont préalablement vécu cinq ans en
concubinage, mais durant cette période, l'épouse s'est essentiellement
consacrée à sa formation professionnelle. Par ailleurs, aucun enfant n'est
issu de leur union. Alors qu'il a près de 52 ans, l'épouse, qui est âgée
d'environ 33 ans, entretient une relation torride avec un prétendu prince
iranien. Bien que, dans ces conditions, le principe du "clean break" eût été
parfaitement applicable, il a offert de verser à l'épouse une somme de 4'000
fr. par mois durant deux ans, afin de lui permettre de "se retourner". En
portant la contribution d'entretien à 6'000 fr. par mois, la Cour de justice
a donc appliqué l'art. 125 CC de manière insoutenable. Au demeurant, la
motivation relative à la charge fiscale de l'épouse est selon lui un leurre,
dans la mesure où elle ne devrait pas dépasser 470 fr. par mois.

4.
4.1 S'il y a effectivement lieu, comme le soutient le recourant, d'apprécier
la situation d'un couple séparé totalement désuni en s'inspirant des
principes régissant l'hypothèse du divorce et, en particulier, en tenant
compte de l'obligation pour l'époux créancier de reprendre une activité
professionnelle ou d'en augmenter le taux (ATF 128 III 65 consid. 4a p.
67/68), il n'en demeure pas moins que, tant que dure le mariage, c'est l'art.
163 al. 1 CC qui constitue la cause de l'obligation d'entretien. Si l'épouse
déploie déjà sa pleine capacité de gain, il n'est donc pas arbitraire
d'appliquer la méthode du minimum vital avec répartition de l'excédent par
moitié, pour autant qu'elle n'ait pas pour effet de faire bénéficier
l'intéressée d'un niveau de vie supérieur à celui mené par le couple durant
la vie commune (arrêts 5P.253/2006 du 8 janvier 2007, consid. 3.2; 5P.52/2005
du 10 mai 2005, consid. 3.2).
4.2 En l'occurrence, alors même que l'épouse n'exerce pas d'activité
lucrative, la Cour de justice a estimé qu'elle avait une pleine capacité de
gain et lui a imputé un revenu hypothétique de 3'500 fr. par mois. L'autorité
cantonale a donc bien tenu compte de la jurisprudence qui  impose au juge des
mesures protectrices d'examiner la question de la (re)prise d'une activité
lucrative par le conjoint créancier, conformément aux exigences de l'art. 125
CC. Elle a ensuite déterminé la situation financière des parties, incluant en
particulier, dans les charges mensuelles du mari, l'entretien de sa fille par
2'500 fr., ainsi que ses impôts courants, de 12'230 fr., et arriérés, de
7'000 fr. Après avoir arrêté le disponible des conjoints à 14'247 fr. (14'377
fr. [solde du mari] - 130 fr. [déficit de l'épouse]), elle l'a réparti entre
eux à raison d'environ 59% (8'377 fr.) pour le recourant et de 41% (5'870
fr.) pour l'intimée, étant précisé que les juges précédents n'ont pas inclus
les impôts dans les charges de celle-ci. Ce faisant, ils ne sont pas tombés
dans l'arbitraire. Comme il a été admis dans les arrêts non publiés précités,
il n'est en effet pas inconstitutionnel - soit arbitraire au sens de l'art. 9
Cst. - de répartir le disponible entre les époux - même par moitié - de
manière à permettre à chacun d'eux de maintenir le même train de vie que
durant la vie commune. Compte tenu du fait que le standing des parties était
élevé (50'000 fr. par mois en moyenne en 2004) et que le recourant ne
soutient pas que la contribution mensuelle de 6'000 fr., ajouté à son revenu
hypothétique de 3'500 fr. par mois (soit au total 9'500 fr.), permettrait à
l'épouse de bénéficier d'un niveau de vie supérieur à celui mené avant la
séparation, on ne saurait considérer que la solution adoptée par la Cour de
justice enfreint l'art. 9 Cst. Hormis celles relatives à la durée de la vie
commune et à l'âge des parties, les objections soulevées par le recourant - à
supposer qu'elles soient pertinentes - ne reposent pas sur des faits
constatés dans l'arrêt attaqué et ne peuvent dès lors être prises en
considération. Au reste, il n'est pas insoutenable de ne pas tenir compte de
la durée du mariage au stade des mesures protectrices, la base légale de
l'obligation d'entretien étant l'art. 163 al. 1 CC (et non l'art. 125 al. 2
ch. 2 CC).

5.
En conclusion, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est
recevable, aux frais de son auteur (art. 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu
d'allouer de dépens à l'intimée, qui n'a pas été invitée à répondre (art. 68
al. 1 et 2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'500 fr., sont mis à la charge du
recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre civile de la Cour
de justice du canton de Genève.

Lausanne, 14 novembre 2007

Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: La Greffière:

Raselli Mairot