Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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II. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 5A.383/2007
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5A_383/2007

Arrêt du 9 novembre 2007
IIe Cour de droit civil

MM. et Mme les Juges Raselli, Président, Hohl et Zappelli, Juge suppléant.
Greffière: Mme Mairot.

dame X.________,,
recourante, représentée par Me Bruno Charrière, avocat,

contre

X.________,
intimé, représenté par Me Grégoire Bovet, avocat,

mesures provisionnelles (art. 137 CC),

recours contre l'arrêt du Tribunal civil de la Gruyère du 26 mars 2007.

Faits:

A.
X. ________, né en 1941, et dame X.________, née en 1943, se sont mariés en
1964. Ils ont eu deux enfants, actuellement majeurs.

Le 31 juillet 2006, le mari a ouvert action en divorce. Par ordonnance de
mesures provisionnelles du 14 décembre 2006, le Président du Tribunal civil
de la Gruyère a condamné celui-ci à verser à son épouse une contribution
d'entretien mensuelle de 100 fr.

B.
Le 26 mars 2007, le Tribunal civil de la Gruyère a rejeté le recours de
l'épouse, qui réclamait que le montant de ladite contribution d'entretien
soit fixé à 740 fr. par mois.

C.
Contre cet arrêt, l'épouse interjette un recours en matière civile et un
recours constitutionnel au Tribunal fédéral. Elle conclut en substance,
principalement, à ce que la contribution d'entretien soit fixée à 465 fr. par
mois, subsidiairement à ce que la cause soit renvoyée au Tribunal civil, plus
subsidiairement au Président du Tribunal civil. A l'appui du recours en
matière civile, elle se plaint d'application arbitraire des art. 163, 137 et
173 CC; dans son recours constitutionnel, elle fait valoir, en bref, les
mêmes griefs, soulevant la violation de l'art. 9 Cst. dans l'application des
dispositions du droit fédéral précitées.

L'intimé propose l'irrecevabilité, subsidiairement le rejet du recours.

Les deux parties sollicitent le bénéfice de l'assistance judiciaire.
Considérant en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 133 I 206 consid. 2 p. 210; 132 III 747 consid. 4 p.
748).

1.1 Le recours est dirigé contre une décision rendue en matière civile (art.
72 al. 1 LTF) par l'autorité cantonale de dernière instance (art. 75 al. 1
LTF) et qui met fin à la procédure de mesures provisionnelles (art. 90 LTF).
Comme seule est en cause la contribution à l'entretien de l'épouse, on se
trouve en présence d'une contestation de nature pécuniaire. Eu égard à la
durée incertaine des mesures provisoires, la valeur litigieuse nécessaire,
soit 30'000 fr., est atteinte (art. 51 al. 4 et art. 74 al. 1 let. b LTF). Le
recours en matière civile se révèle par conséquent recevable.

1.2 S'agissant, en l'occurrence, d'une décision en matière de mesures
provisionnelles, le recours ne peut être formé que pour violation des droits
constitutionnels (art. 98 LTF). Lorsque le recourant se plaint de violation
de l'interdiction de l'arbitraire prévue à l'art. 9 Cst., le Tribunal fédéral
examine si la décision attaquée applique le droit civil matériel de manière
insoutenable ou repose sur des constatations de fait établies de façon
manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraires (ATF 133 III 393 consid. 7.1
p. 398; 133 II 249 consid. 1.2.2 p. 252).

2.
Le Tribunal civil a confirmé la contribution d'entretien de 100 fr. par mois
allouée par le premier juge. La recourante conclut à ce que celle-ci soit
fixée à 465 fr. par mois. Elle ne remet en cause que la prise en compte de la
charge fiscale dans la détermination du minimum vital de chacun des époux, ce
qui a eu pour effet de réduire le montant de sa contribution d'entretien.

2.1 En droit, l'arrêt attaqué se fonde, d'une part, sur la jurisprudence
selon laquelle "un éventuel manque à gagner doit être prélevé uniquement sur
les prétentions à l'entretien du crédirentier, car il faut laisser à l'époux
débirentier à tout le moins son minimum vital" (ATF 123 III 1 consid. 3b/bb
p. 4/5 et les références; cf. toutefois arrêt 5C.77/2006 du 14 décembre 2006,
consid. 4 non publié aux ATF 133 III 57) et, d'autre part, sur celle qui
prévoit que lorsque les moyens financiers sont réduits, les impôts ne doivent
pas être pris en considération (ATF 127 III 68 consid. 2b p. 70 et l'arrêt
mentionné). Selon l'autorité cantonale, les époux ne se trouvent pas dans une
situation financière délicate, dès lors qu'ils peuvent assumer seuls leurs
charges mensuelles respectives avant paiement des impôts; par ailleurs, la
jurisprudence concernant la prise en considération de ceux-ci a été modifiée,
le Tribunal fédéral ayant jugé, dans l'arrêt paru aux ATF 128 III 257 consid.
4a p. 258 ss, qu'il fallait en tenir compte pour calculer les contributions
d'entretien.

2.2 La recourante soutient avec raison que l'arrêt paru aux ATF 128 III 257,
rendu à propos de l'art. 153 aCC, n'est pas applicable lorsqu'il s'agit de
fixer une pension fondée sur l'art. 125 CC (ou, comme ici, sur l'art. 137 al.
2 CC) et que, selon la jurisprudence relative à cette disposition, les impôts
ne doivent être pris en considération que dans des situations favorables.

En effet, pour déterminer le montant de la contribution d'entretien du
conjoint, respectivement des enfants, il convient, lorsque les capacités
financières du débiteur sont modestes, de prendre comme point de départ son
minimum vital au sens du droit des poursuites (ci-après: minimum vital LP;
cf. à propos de la contribution du conjoint: ATF 127 III 289 consid. 2a/bb p.
292; concernant la contribution des enfants: ATF 127 III 68 consid. 2c p. 70
s.; 126 III 353 consid. 1a/aa p. 356). Or, celui-ci ne comprend pas les
impôts (ATF 126 III 89 consid. 3b p. 93 et les arrêts cités; arrêt
7B.221/2003 du 17 novembre 2003, consid. 3.1; Lignes directrices pour le
calcul du minimum d'existence en matière de poursuite selon l'article 93 LP
établies par la Conférence des préposés aux poursuites et faillites de Suisse
du 24 novembre 2000, BlSchk 2001, p. 19 ss, ch. III p. 21). Si les moyens
financiers du débiteur sont suffisants, son minimum vital LP pourra être
augmenté de certains montants, dont les impôts; mais s'ils sont insuffisants,
il faut partir de son minimum vital LP, sans prendre en considération la
charge fiscale (ATF 127 III 289, 68; 126 III 353 précités). Car lorsque les
moyens financiers des parties ne suffisent pas à couvrir les frais
supplémentaires engendrés par l'existence parallèle de deux ménages, chaque
époux a le droit de participer de manière identique au train de vie antérieur
(ATF 119 II 314 consid. 4b/aa p. 318). Ces principes s'appliquent aussi en
mesures provisionnelles (arrêts 5P.269/2004 du 3 novembre 2004, consid. 3.5;
5P.121/2002 du 12 juin 2002, consid. 3.2, résumé in FamPra.ch 2002 p. 832).

2.3 Il convient donc d'examiner si les impôts doivent être pris en compte
dans le cas particulier. Le Tribunal civil a considéré sur ce point que les
époux ne se trouvaient pas dans une situation financière délicate dès lors
qu'ils pouvaient assumer leurs charges mensuelles avant impôts. La recourante
soutient que cette appréciation est arbitraire car, sur le vu des revenus et
des charges des époux en 2006 - à savoir: 3'543 fr.75 de ressources et 3'447
fr. de frais, impôts de 947 fr. compris, pour le mari, respectivement 2'719
fr.50 et 3'207 fr.10, impôts de 600 fr. inclus, pour elle-même -, il est
clair que les conjoints se trouvent dans une situation financière précaire, à
la limite de l'indigence.

Certes, si l'on se fonde sur les chiffres indiqués par la recourante - et
retenus par le premier juge -, les revenus totaux des époux, qui s'élèvent à
6'263 fr.25 (3'543 fr.75 + 2'719 fr.50) ne suffisent pas à couvrir leurs
charges, impôts compris, d'un montant de 6'654 fr.10 (3'447 fr. + 3'207
fr.10). Ce calcul est toutefois erroné. Pour déterminer si les impôts doivent
ou non être pris en considération, il convient de prendre comme point de
départ le minimum vital LP. Ce n'est que si les moyens financiers des époux
sont insuffisants pour couvrir leurs minimums vitaux LP que la charge fiscale
doit être omise; dans le cas contraire, d'autres montants, en particulier les
impôts, pourront y être ajoutés. En l'espèce, il paraît, sur le vu des
chiffres figurant dans l'ordonnance de première instance - mais ne résultant
pas tous de l'arrêt attaqué -, que les revenus de 6'263 fr.25 suffisent en
tous cas à couvrir les minimums vitaux LP des conjoints. Le calcul effectué
par le Tribunal civil apparaît cependant arbitraire dès lors qu'il ne se base
pas strictement sur le minimum vital LP, mais sur des charges supérieures -
qui ont pour effet de fausser la détermination de la contribution d'entretien
due à l'épouse -, et ne respecte pas le principe consacré par la
jurisprudence selon lequel, lorsque leurs capacités financières sont
modestes, les époux doivent bénéficier d'un train de vie équivalent. En
effet, dans le minimum vital LP, ne doivent être inclus ni l'assurance
responsabilité civile privée, ni les coûts de leasing d'un poste de
télévision. Quant aux frais de véhicule, ils ne peuvent être pris en
considération que si celui-ci est indispensable au débiteur personnellement
(cf. le cas d'un invalide: ATF 108 III 60 consid. 3 p. 63 ss) ou nécessaire à
l'exercice de sa profession, l'utilisation des transports publics ne pouvant
être raisonnablement exigée de l'intéressé (ATF 110 III 17 consid. 2b p.
18/19).

Le Tribunal fédéral n'étant pas en mesure de calculer précisément les
minimums vitaux LP des époux - ce qui est particulièrement important lorsque
les ressources sont modestes - sur la base des faits constatés dans l'arrêt
attaqué, la cause sera renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision
dans le sens des considérants.

3.
En conclusion, le recours doit être partiellement admis, l'arrêt attaqué
annulé et la cause renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision
dans le sens des considérants. Vu l'issue incertaine de la procédure, il se
justifie de mettre les frais judiciaires par moitié à la charge de chacune
des parties (art. 66 al. 1 LTF) et de compenser les dépens (art. 68 al. 1 et
2 LTF). Compte tenu des circonstances, les requêtes d'assistance judiciaire
peuvent toutefois être admises (art. 64 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est partiellement admis, la décision rendue le 26 mars 2007 par le
Tribunal civil de la Gruyère est annulée et l'affaire est renvoyée à
l'autorité cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

2.
La demande d'assistance judiciaire de la recourante et celle de l'intimé sont
admises.

3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'500 fr., sont mis par moitié à la charge
des parties, mais ils sont supportés provisoirement par la Caisse du Tribunal
fédéral.

4.
Me Bruno Charrière est désigné comme avocat d'office de la recourante et une
indemnité de 1'500 fr. lui est allouée à titre d'honoraires, supportée par la
Caisse du Tribunal fédéral.

5.
Me Grégoire Bovet est désigné comme avocat d'office de l'intimé et une
indemnité de 1'500 fr. lui est allouée à titre d'honoraires, supportée par la
Caisse du Tribunal fédéral.

6.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal civil de la
Gruyère.

Lausanne, le 9 novembre 2007

Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: La Greffière:

Raselli Mairot