Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 5A.37/2007
Zurück zum Index II. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 2007
Retour à l'indice II. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 2007


5A_37/2007 /ajp

Arrêt du 31 mai 2007
IIe Cour de droit civil

MM. et Mme les Juges Raselli, Président,
Hohl et Zappelli, Juge suppléant.
Greffier: M. Braconi.

Dame X.________,
recourante, représentée par Me Cyrille Piguet, avocat,

contre

X.________,
intimé, représenté par Me Jacques Micheli, avocat,

Mesures provisoires selon l'art. 137 CC,

recours en matière civile contre l'arrêt de la Chambre
des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud
du 17 janvier 2007.

Faits :

A.
X. ________, né en 1959, et dame X.________, née en 1956, se sont mariés à
Lausanne en 1987. Deux enfants sont issus de cette union, à savoir
Y.________, née le 31 août 1988, et Z.________, né le 13 avril 1991.

Une procédure de mesures protectrices de l'union conjugale a opposé les époux
entre juillet 2000 et décembre 2001. Le 8 avril 2002, le mari a demandé le
divorce par requête unilatérale.

Plusieurs décisions sur mesures provisoires ont été rendues. Statuant le 19
octobre 2005 sur la requête déposée par le mari à l'audience de jugement du
18 janvier 2005, le Président du Tribunal d'arrondissement de Lausanne l'a
astreint à contribuer à l'entretien de ses enfants par le versement d'une
pension de 2'500 fr. par mois, allocations familiales en sus, dès le 1er
février 2005.

B.
Contre cette ordonnance, l'épouse a interjeté parallèlement un recours de
droit public au Tribunal fédéral et un recours en nullité au Tribunal
cantonal du canton de Vaud.

Par arrêt du 20 janvier 2006, la Chambre des recours de ce tribunal a rejeté
le recours en nullité et maintenu l'ordonnance attaquée.

Agissant derechef par la voie du recours de droit public pour arbitraire et
violation du droit d'être entendue, l'épouse a déféré cette décision au
Tribunal fédéral. Le 29 mai suivant, la Cour de céans a partiellement admis
le recours dans la mesure où il était recevable et annulé l'arrêt attaqué
(arrêt 5P.71/2006).

C.
Statuant à nouveau le 17 janvier 2007, la Chambre des recours a rejeté le
recours de l'épouse, dans la mesure de sa recevabilité, et maintenu
l'ordonnance attaquée.

D.
Dame X.________ forme un recours en matière civile et un recours
constitutionnel subsidiaire contre cet arrêt. Elle conclut principalement à
sa réforme en ce sens que l'ordonnance rendue le 19 octobre 2005 par le
Tribunal d'arrondissement de Lausanne est annulée et la cause renvoyée à
cette juridiction, ou à la Chambre des recours du Tribunal cantonal, pour
nouvelle décision. Elle reprend ces conclusions, à titre subsidiaire, à
l'appui de son recours constitutionnel.

L'intimé n'a pas été invité à répondre.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
La décision attaquée ayant été prise après l'entrée en vigueur, le
1er janvier 2007 (RO 2006 1205, 1242), de la loi fédérale du 17 juin 2005 sur
le Tribunal fédéral (LTF; RS 173.110), le présent recours est régi par le
nouveau droit (art. 132 al. 1 LTF).

2.
Le Tribunal fédéral examine d'office la recevabilité des recours qui lui sont
soumis (ATF 132 III 291 consid. 1 p. 292, 747 consid. 4 p. 748 et la
jurisprudence citée).

2.1 La décision de mesures provisoires selon l'art. 137 al. 2 CC constitue
une décision en matière civile au sens de l'art. 72 al. 1 LTF. Bien que
provisoire et sans effet sur le fond, elle est finale au regard de l'art. 90
LTF, dès lors que son objet est différent de celui de la procédure au fond et
qu'elle met un terme à l'instance sous l'angle procédural (arrêt 5A_9/2007 du
20 avril 2007, consid. 1.2.2-1-2.4; cf. aussi: ATF 130 I 347 consid. 3.2 p.
350). En outre, le recours est dirigé à l'encontre d'une décision prise par
une autorité cantonale de dernière instance (art. 75 al. 1 LTF) dans une
cause de nature pécuniaire dont la valeur litigieuse atteint 30'000 fr. (art.
51 al. 1 let. a et al. 4, 74 al. 1 let. b LTF). Enfin, il a été déposé à
temps (art. 100 al. 1 LTF).

2.2 La décision attaquée en l'espèce ayant été rendue en matière de mesures
provisionnelles, le recours ne peut être formé que pour violation des droits
constitutionnels (art. 98 LTF). Le Tribunal fédéral n'examine un tel grief
que s'il a été invoqué et motivé (art. 106 al. 2 LTF). Comme sous l'empire de
l'art. 90 al. 1 let. b OJ, dont les exigences demeurent valables pour les
moyens soumis au principe d'allégation (Message du Conseil fédéral, in: FF
2001 p. 4142), le recourant ne peut dès lors se borner à critiquer la
décision entreprise comme il le ferait en instance d'appel, où l'autorité
supérieure jouit d'une libre cognition (ATF 125 I 492 consid. 1b p. 495 et
les arrêts cités); les critiques de nature appellatoire sont irrecevables
(ATF 130 I 258 consid. 1.3 p. 261/262).

Quant à l'appréciation des preuves et à la constatation des faits, le
Tribunal fédéral se montre réservé, vu le large pouvoir qu'il reconnaît en la
matière aux autorités cantonales (ATF 120 Ia 31 consid. 4b p. 40; 104 Ia 381
consid. 9 p. 399 et les arrêts cités). Il n'intervient, du chef de l'art. 9
Cst., que si le juge n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un
moyen de preuve, a omis sans raisons objectives de tenir compte de preuves
pertinentes ou a opéré, sur la base des éléments recueillis, des déductions
insoutenables; encore faut-il que la décision attaquée en soit viciée dans
son résultat (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9; 127 I 38 consid. 2a p. 41).

3.
La recourante reproche à la juridiction précédente d'avoir enfreint son droit
d'être entendue en ce qui concerne ses arguments qui tendaient à établir que
l'intimé devrait se voir imputer un revenu plus élevé que celui retenu par le
premier juge; elle soutient que la cour cantonale n'a pas remédié au défaut
de motivation qui avait conduit à l'admission de son recours de droit public
(cf. supra, let. B).

3.1 Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. implique, en
particulier, l'obligation pour le juge de motiver au moins sommairement sa
décision, afin que le justiciable puisse en saisir la portée et recourir à
bon escient; il n'est cependant pas tenu de discuter tous les moyens soulevés
par les plaideurs, mais peut au contraire se limiter à ceux qui apparaissent
pertinents (ATF 130 II 530 consid. 4.3 p. 540; 129 I 232 consid. 3.2 p. 236;
126 I 97 consid. 2b p. 102/103 et les arrêts cités). Il s'agit d'une garantie
de procédure de nature formelle (ATF 104 Ia 201 consid. 5g p. 214), dont la
violation entraîne l'annulation de la décision attaquée quelles que soient
les chances de succès du recours sur le fond (ATF 127 V 431 consid. 3d/aa p.
437; 122 II 464 consid. 4a p. 469), en sorte que ce moyen doit être examiné
en premier lieu (ATF 124 I 49 consid. 1 p. 50) et avec une pleine cognition
(ATF 121 I 54 consid. 2a p. 57).

3.2 Dans son premier arrêt du 20 janvier 2006, annulé par le Tribunal fédéral
le 29 mai suivant, la cour cantonale avait rejeté les arguments présentés par
la recourante parce que les indices qu'elle avançait ne constituaient pas des
preuves des revenus qu'elle prétendait pouvoir imputer à son mari, que le
montant des revenus admis par le premier juge était corroboré par les pièces
produites par l'intéressé et que, par conséquent, l'appréciation de la
juridiction inférieure n'apparaissait pas insoutenable. Le Tribunal fédéral
avait reproché à l'autorité cantonale le caractère excessivement sommaire de
cette argumentation, dont il ne ressortait pas en quoi les éléments fournis
par l'épouse n'étaient pas pertinents. La décision cantonale ayant été
annulée pour ce seul motif, le Tribunal fédéral n'a pas pris position sur le
moyen déduit de l'arbitraire dans l'appréciation des preuves, que la
recourante avait aussi soulevé dans ce contexte (arrêt 5P.71/2006, consid.
2.2).
3.3 Dans l'arrêt présentement querellé, l'autorité cantonale a repris et
examiné de façon détaillée, pour les approuver, les motifs ayant amené le
Président du Tribunal d'arrondissement à fixer les contributions en faveur
des enfants à 2'500 fr. par mois, et non à un montant supérieur comme le
voudrait la recourante. La cour cantonale a considéré que le pronostic du
premier juge était fondé sur l'ensemble des circonstances du cas particulier
et l'expérience générale de la vie, et qu'il l'emportait sur les indices
invoqués par la recourante à l'appui de sa thèse.

Il est vrai que l'autorité cantonale ne s'est pas prononcée sur chacun de ces
indices, mais on ne saurait, pour autant, lui adresser le reproche qui avait
justifié l'annulation de son premier arrêt; les juges cantonaux ont écarté
les indices en discussion en raison de la présence d'autres éléments concrets
qui confortaient la solution retenue par le magistrat de première instance et
qu'ils ont dûment exposés. Le point de savoir si c'est à juste titre que ces
indices n'ont pas été pris en considération ressortit au grief d'arbitraire
(cf. infra, consid. 4). Le grief de violation du droit d'être entendu doit
ainsi être rejeté.

4.
La recourante se plaint d'arbitraire dans la détermination du revenu de
l'intimé. En bref, elle expose qu'il ressort des pièces qu'elle a produites
et qui auraient été écartées sans motif que celui-ci serait en mesure
d'obtenir un revenu mensuel de 20'000 fr.; en retenant un montant de 7'400
fr. ou de 10'000 fr., le premier juge et, à sa suite, la Chambre des recours
sont tombés dans l'arbitraire.

4.1 La recourante affirme qu'il serait arbitraire de ne pas tenir compte de
deux circonstances, qui permettraient d'imputer à l'intimé un revenu plus
important que celui qu'il dit réaliser: d'une part, le fait que depuis 2000,
année où ont été prises les premières mesures protectrices de l'union
conjugale, les gains de l'intimé n'ont cessé de baisser - de près de 70% -,
alors que, d'autre part, il ressort des statistiques que le revenu mensuel
moyen d'un dermatologue est proche de 18'000 fr., à savoir bien plus que les
7'400 fr. retenus par les juridictions cantonales. Au regard de ces éléments,
c'est un revenu de l'ordre de 20'000 fr. par mois qui aurait dû être retenu.

4.2 Selon la jurisprudence, le débiteur d'aliments peut se voir imputer un
revenu hypothétique supérieur à celui qu'il obtient effectivement de son
travail, pour autant qu'une augmentation correspondante de revenu soit
effectivement possible et qu'elle puisse raisonnablement être exigée de lui;
peu importe, en principe, la raison pour laquelle il a renoncé au revenu
supérieur pris en compte. Les critères permettant de déterminer le montant du
revenu hypothétique sont, en particulier, la qualification professionnelle,
l'âge, l'état de santé ainsi que la situation du marché du travail (ATF 128
III 4 consid. 4a p. 5 et les citations).

4.3 Dans son ordonnance du 19 octobre 2005, le premier juge a admis que le
revenu du mari s'élevait à 7'400 fr. par mois, mais qu'il "devrait atteindre
à plus ou moins long terme Fr. 10'000.- par mois". Il a procédé à une
estimation du revenu réel futur de l'intéressé, cette supposition étant basée
sur des éléments concrets.

A cet égard, les modifications successives des revenus de l'intimé ne
revêtent pas de signification particulière quant au revenu hypothétique qu'on
peut lui imputer. Ces changements s'expliquent par l'évolution de sa
situation, que les autorités cantonales décrivent comme étant dans une "phase
de transition ou de réorganisation professionnelle". Ayant eu, avant 2002, un
statut d'employé, il a choisi de s'installer dès cette date en qualité de
médecin indépendant; il a alors, dès 2002, cumulé trois activités lucratives,
qui lui ont rapporté environ 7'400 fr. nets par mois; il a trouvé de nouveaux
locaux à partir de septembre 2005, dans lesquels il a investi une somme
comprise entre 375'000 et 400'000 fr.; en première instance, il a évalué ses
revenus nets à 60'000 fr. par an pendant 5 ans - compte tenu du remboursement
des prêts contractés en vue de ses investissements -, puis à environ 100'000
fr. par an. Le Président du Tribunal d'arrondissement a, par ailleurs,
considéré que sa décision de s'installer comme médecin indépendant
représentait une une étape normale dans sa carrière professionnelle et ne se
heurtait pas à son obligation d'entretenir sa famille.

Certes, il est plausible qu'un médecin indépendant spécialisé dans la
dermatologie soit en mesure - au regard des statistiques produites par la
recourante - de réaliser un revenu supérieur à celui qu'ont retenu les
autorités cantonales. Toutefois, ces données statistiques sont abstraites; il
n'est pas arbitraire d'admettre qu'elles ne peuvent l'emporter sur les
éléments concrets dégagés par l'instruction de la cause, en particulier sur
les circonstances susmentionnées relatives à la période actuelle et à celle
qui suivra à court terme. On ne saurait davantage affirmer que l'intimé se
serait volontairement abstenu de gagner davantage.
La recourante discerne encore un indice d'arbitraire dans le fait que la
décision du premier juge, maintenue par la cour cantonale, aboutit au
résultat que le revenu pris en compte de l'intimé (7'400 fr.) est inférieur
au revenu hypothétique imputé à elle-même (7'800 fr.), alors qu'elle a cessé
toute activité professionnelle depuis 1989 et n'a pas passé son diplôme FMH.
Ce grief apparaît mal fondé; si le revenu de l'intimé en 2005 était de 7'400
fr. par mois, c'est un revenu (effectif), réalisable à court terme, de 10'000
fr. qui a été retenu à la charge de l'intéressé.

4.4 Vu ce qui précède, l'arrêt attaqué ne peut être qualifié d'arbitraire, ni
dans l'appréciation des preuves, ni dans son résultat, la fixation d'une
contribution alimentaire de 2'500 fr. en faveur des enfants ne prêtant pas le
flanc à la critique sous l'angle de l'art. 9 Cst.

5.
En conclusion, le présent recours doit être rejeté dans la mesure de sa
recevabilité, aux frais de la recourante (art. 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas
lieu d'allouer de dépens à l'intimé, qui n'a pas été invité à répondre.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de la recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la
Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 31 mai 2007

Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

Le Président:  Le Greffier: